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26/03/2024 | FRANCE | N°22LY01816

France | France, Cour administrative d'appel de LYON, 1ère chambre, 26 mars 2024, 22LY01816


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 31 octobre 2019 par lequel le maire de la commune de Grignon a refusé de lui délivrer un permis de construire, ensemble la décision implicite rejetant son recours gracieux.

Par un jugement n° 2001745 du 19 avril 2022, le tribunal administratif de Grenoble a fait droit à sa demande.



Procédure devant la cour



Par une requête et un mémoire, e

nregistrés les 16 juin 2022 et 3 octobre 2023, la commune de Grignon, représentée par la CLDAA, demande à la cour :...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 31 octobre 2019 par lequel le maire de la commune de Grignon a refusé de lui délivrer un permis de construire, ensemble la décision implicite rejetant son recours gracieux.

Par un jugement n° 2001745 du 19 avril 2022, le tribunal administratif de Grenoble a fait droit à sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 16 juin 2022 et 3 octobre 2023, la commune de Grignon, représentée par la CLDAA, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 19 avril 2022 du tribunal administratif de Grenoble ;

2°) de rejeter la requête présentée par M. B... ;

3°) de mettre à la charge de M. B... une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- aucun permis de construire tacite n'a pu intervenir dès lors qu'elle a sollicité le 1er août 2019 une demande de pièces complémentaires et que les pièces déposées le 12 août 2019 ne permettaient pas d'avoir un dossier complet ; que le dossier n'a été complété que le 17 septembre 2019, en réponse à la nouvelle demande de pièces faite le 11 septembre 2019 ; dans ces conditions, le refus de permis de construire est intervenu dans le délai de trois mois à compter de cette dernière date ; c'est donc à tort que le tribunal a considéré que cet arrêté de refus retire un permis tacite qui serait né le 12 août 2019 ;

- les motifs de refus opposés à la demande de permis de construire sont fondés ; s'agissant de l'article L. 111-11 du code de l'urbanisme, la desserte en électricité du bâtiment agricole ne peut être regardée comme suffisante pour la desserte d'un bâtiment d'habitation, et les travaux de desserte en électricité du secteur, classé en zone 2AU, ne sont pas programmés ; l'article 2 AU1 du règlement du plan local d'urbanisme interdit toute occupation ou utilisation du sol, alors que le projet prévoit un changement de destination ainsi que plusieurs travaux et aménagements réalisés antérieurement sans autorisation, étant relevé que la demande de permis aurait dès lors dû également porter sur ces derniers pour les régulariser ; que le motif fondé sur l'article N1 de ce même règlement est également fondé, le portail et des enrochements ayant été exécutés sans autorisation d'urbanisme et la demande ne portait pas sur leur régularisation ;

- au titre de la substitution de motifs, elle entend également soutenir que les dispositions de l'article L. 111-11 du code de l'urbanisme sont également méconnues du fait de l'absence de desserte par un réseau d'assainissement, étant relevé que l'assainissement individuel, qui aurait déjà été réalisé, n'a pas été autorisé, et que la demande de permis aurait dès lors dû également porter sur ce point.

Par un mémoire enregistré le 13 septembre 2022, M. B..., représenté par la Selarl CDMF-Avocats Affaires Publiques, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la commune de Grignon au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens invoqués ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 28 septembre 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 13 octobre 2023.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Burnichon, première conseillère,

- les conclusions de Mme Conesa-Terrade, rapporteure publique,

- et les observations de Me Fiat, représentant M. B....

Une note en délibéré enregistrée le 7 mars 2024 a été présentée pour M. B....

Considérant ce qui suit :

1. Le 8 juillet 2019, M. B... a déposé une demande de permis de construire pour la transformation en habitation accompagnée d'aménagements extérieurs d'un bâtiment agricole situé Route de Monthion, au lieu-dit Nevaux le haut, sur des parcelles cadastrées C nos ... et ... situées à Grignon. Cette demande a été rejetée par un arrêté du maire de Grignon du 31 octobre 2019. La commune de Grignon relève appel du jugement du 19 avril 2022 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a annulé cet arrêté du 31 octobre 2019 de refus de permis de construire, ensemble la décision implicite rejetant le recours gracieux formé par M. B....

2. En premier lieu, d'une part, aux termes de l'article L. 424-2 du code de l'urbanisme : " Le permis est tacitement accordé si aucune décision n'est notifiée au demandeur à l'issue du délai d'instruction ". Aux termes de l'article R.423-23 du même code : " Le délai d'instruction de droit commun est de : /(...)/b) Deux mois pour les demandes de permis de démolir et pour les demandes de permis de construire portant sur une maison individuelle, au sens du titre III du livre II du code de la construction et de l'habitation, ou ses annexes ; /(...) ".

3. D'autre part, aux termes de l'article R. 423-19 du même code : " Le délai d'instruction court à compter de la réception en mairie d'un dossier complet ". Par ailleurs, aux termes de l'article R. 423-38 : " Lorsque le dossier ne comprend pas les pièces exigées en application du présent livre, l'autorité compétente, dans le délai d'un mois à compter de la réception ou du dépôt du dossier à la mairie, adresse au demandeur ou à l'auteur de la déclaration une lettre recommandée avec demande d'avis de réception ou, dans le cas prévu par l'article R. 423-48, un échange électronique, indiquant, de façon exhaustive, les pièces manquantes ". En outre, aux termes de l'article R. 423-39 dudit code : " L'envoi prévu à l'article R. 423-38 précise : / a) Que les pièces manquantes doivent être adressées à la mairie dans le délai de trois mois à compter de sa réception ; / b) Qu'à défaut de production de l'ensemble des pièces manquantes dans ce délai, la demande fera l'objet d'une décision tacite de rejet en cas de demande de permis ou d'une décision tacite d'opposition en cas de déclaration ; / c) Que le délai d'instruction commencera à courir à compter de la réception des pièces manquantes par la mairie ". Enfin, aux termes de l'article R. 423-41 du code précité : " Une demande de production de pièce manquante notifiée après la fin du délai d'un mois prévu à l'article R. 423-38 (...) n'a pas pour effet de modifier les délais d'instruction définis aux articles R. 423-23 à R. 423-37-1 (...) ".

4. Il résulte de ces dispositions qu'un permis tacite naît à l'expiration du délai fixé pour l'instruction de la demande, qui est de deux mois pour une maison individuelle. Ce délai est interrompu par une demande de pièces manquantes adressée au pétitionnaire, à condition qu'elle intervienne dans le délai d'un mois et qu'elle porte sur l'une des pièces limitativement énumérées par le code de l'urbanisme. La circonstance que les pièces produites en réponse à cette demande seraient insuffisantes, imprécises ou comporteraient des inexactitudes n'a pas d'incidence sur le caractère complet du dossier de permis de construire si elles n'ont pas été de nature à fausser l'appréciation que doit porter l'autorité administrative sur la conformité du projet à la réglementation applicable.

5. Il ressort des pièces du dossier que, par un premier courrier du 1er août 2019 réceptionné le 3 août 2019, le service en charge de l'instruction de la demande a informé M. B... que son dossier de demande de permis de construire était incomplet et lui a demandé de fournir des pièces manquantes, à savoir un plan de masse des constructions à édifier ou à modifier faisant apparaître les réseaux publics, un plan de coupe de la construction avant modification et un plan de coupe faisant apparaître les mouvements de terrain générés par les enrochements, une notice décrivant l'ensemble des travaux réalisés ainsi que l'ensemble des matériaux utilisés et leur couleur (en particulier pour les aménagements extérieurs : portail...), un plan des façades de la construction avant travaux et un plan des façades après travaux faisant apparaître la totalité des modifications (climatisation). Il lui a été également demandé de déclarer sur le formulaire Cerfa l'ensemble des travaux n'ayant pas fait l'objet d'une autorisation d'urbanisme (nouvel accès, portail, enrochements, bloc climatisation extérieur...), d'indiquer la surface créée et la surface changeant sa destination sur la ligne 1.1 de la déclaration nécessaire au calcul des impositions, de ne pas remplir la première ligne du tableau 1.2.1 et de compléter la colonne E du tableau 4.4. En réponse à cette demande M. B... a produit des pièces, qui ont été réceptionnées le 12 août 2019 par les services de la mairie de Grignon. Toutefois, par un second courrier du 11 septembre 2019, il a été indiqué à M. B... que son dossier demeurait incomplet en ce que la colonne E du tableau 4.4 du formulaire Cerfa n'avait pas été complétée sur la bonne ligne.

6. La demande de permis de construire portait sur la transformation d'un bâtiment à usage agricole en habitation et le tableau 4.4. du formulaire Cerfa de cette demande relatif aux destinations et surfaces des constructions comportait les surfaces existantes et créés, y compris par changement de destination, ainsi que la surface totale du bâtiment après travaux. Si le service en charge de l'instruction de la demande de permis, par un courrier du 11 septembre 2019 d'ailleurs intervenu postérieurement au délai d'un mois prescrit par les dispositions précitées, a réitéré sa demande portant sur la nécessité de compléter, à la bonne ligne, la colonne E, qui porte sur la surface de l'exploitation agricole supprimée par changement de destination, il ne ressort pas des pièces du dossier, eu égard notamment à la nature du projet et aux autres indications portées dans ce tableau, que ces inexactitudes n'auraient pas permis aux services instructeurs d'apprécier la consistance du projet et sa conformité à la réglementation applicable dès la réception, le 12 août 2019, des pièces sollicitées par la demande initiale de compléter le dossier. Dans ces conditions, le dossier doit être regardé comme complet le 12 août 2019, date de réception de ces pièces, et le délai d'instruction a par suite couru à compter de cette date, sans qu'y fasse obstacle cette seconde demande de pièces complémentaires indiquant à nouveau qu'un des éléments initialement demandés était erroné. Il en résulte qu'un permis tacite est né le 12 octobre 2019 et que l'arrêté du 31 octobre 2019 doit être regardé comme retirant cette autorisation. La commune de Grignon ne conteste pas que ce retrait est intervenu sans mettre en œuvre la procédure contradictoire prévue par les dispositions de l'article L. 122-1 du code des relations entre le public et l'administration.

7. La commune de Grignon n'est dès lors pas fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont estimé que l'arrêté du 31 octobre 2019, qui retire le permis tacite né le 12 octobre 2019, est illégal en l'absence de mise en œuvre de la procédure contradictoire prévue par les dispositions de l'article L. 122-1 du code des relations entre le public et l'administration.

8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. B..., qui n'est pas, dans la présente instance, partie perdante, la somme que la commune de Grignon demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions de M. B... tendant à la mise en œuvre de ces mêmes dispositions.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la commune de Grignon est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par M. B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Grignon et à M. A... B....

Délibéré après l'audience du 5 mars 2024, à laquelle siégeaient :

Mme Monique Mehl-Schouder, présidente,

Mme Anne-Gaëlle Mauclair, première conseillère,

Mme Claire Burnichon, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 26 mars 2024.

La rapporteure,

C. Burnichon

La présidente,

M. C...La greffière,

F. Prouteau

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui les concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

N° 22LY01816


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 22LY01816
Date de la décision : 26/03/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-03 Urbanisme et aménagement du territoire. - Permis de construire.


Composition du Tribunal
Président : Mme MEHL-SCHOUDER
Rapporteur ?: Mme Claire BURNICHON
Rapporteur public ?: Mme CONESA-TERRADE
Avocat(s) : CDMF-AVOCATS AFFAIRES PUBLIQUES

Origine de la décision
Date de l'import : 07/04/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-03-26;22ly01816 ?
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