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26/03/2024 | FRANCE | N°22LY00871

France | France, Cour administrative d'appel de LYON, 1ère chambre, 26 mars 2024, 22LY00871


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure



M. E... B..., M. A... B..., Mme D... B... et Mme C... B... ont demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du maire de Cluses du 31 janvier 2019 portant mise en concordance du cahier des charges du lotissement Revuz avec le règlement de la zone UB du plan local d'urbanisme.



Par jugement n°1902149 du 18 janvier 2022, le tribunal administratif de Grenoble a admis les interventions des sociétés La Genèse et Château-Thierry et a annulé l'arrêt

du 31 janvier 2019.

Procédure devant la cour



Par une requête enregistrée le 16 mars ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. E... B..., M. A... B..., Mme D... B... et Mme C... B... ont demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du maire de Cluses du 31 janvier 2019 portant mise en concordance du cahier des charges du lotissement Revuz avec le règlement de la zone UB du plan local d'urbanisme.

Par jugement n°1902149 du 18 janvier 2022, le tribunal administratif de Grenoble a admis les interventions des sociétés La Genèse et Château-Thierry et a annulé l'arrêté du 31 janvier 2019.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 16 mars 2022, la commune de Cluses, représentée par la Selarl Philippe Petit et Associés, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 18 janvier 2022 du tribunal administratif de Grenoble ;

2°) de rejeter la requête de Mmes et MM. B... ;

3°) de mettre à la charge des consorts B... le versement de la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à leur charge les dépens de première instance et d'appel.

Elle soutient que :

- s'agissant d'une illégalité externe, le moyen, soulevé, par voie d'exception, tiré de l'illégalité de la délibération du 18 décembre 2018 en raison de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 2131-11 du code général des collectivités territoriales, soulevé pour la première fois dans un mémoire du 7 novembre 2020, ne pouvait plus être invoqué contre l'arrêté du 31 janvier 2019 à l'expiration du délai d'action contre cette délibération soit au 27 février 2019 ;

- subsidiairement, en application de l'article L. 442-11 du code de l'urbanisme, pour lequel la réunion des conditions de mise en œuvre n'est pas contestée, le maire dispose d'un pouvoir discrétionnaire en matière de modification des documents d'un lotissement ; à supposer même que la délibération du 18 décembre 2018 du conseil municipal soit entachée d'illégalité, cette circonstance serait sans influence sur la légalité de l'arrêté en litige du 31 janvier 2019 en ce qu'elle n'était pas susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise par le maire et qu'elle n'a pas privé les intéressés d'une garantie ;

- le rapporteur au sein du conseil municipal du projet de mise en concordance en litige ne saurait être regardé comme intéressé à l'affaire au sens de l'article L. 2131-11 du code général des collectivités territoriales et son vote n'a pas eu d'incidence sur le résultat du vote, la délibération ayant été adoptée à l'unanimité.

Par un mémoire en défense enregistré le 23 décembre 2022, et un mémoire complémentaire enregistré le 8 septembre 2023, M. E... B..., M. A... B..., Mme D... B... et Mme C... B..., représentés par Me Pelé, puis par la SCP Zurfluh-Lebatteux-Sizaire et associés, concluent au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de la commune de Cluses le versement de la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- les moyens invoqués ne sont pas fondés ;

- ils reprennent leurs moyens de première instance.

Par une ordonnance du 6 octobre 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 6 novembre 2023.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Burnichon, première conseillère,

- les conclusions de Mme Conesa-Terrade, rapporteure publique,

- les observations de Me Petit pour la commune de Cluses, de Me Drouet pour les consorts B... et de Me Garaud pour les sociétés La Genèse et Château-Thierry.

Considérant ce qui suit :

1. Le lotissement " Revuz ", d'une superficie d'environ 41 200 m², situé au lieu-dit " Margencel " à Cluses, a été autorisé par un arrêté du préfet de la Haute-Savoie du 29 septembre 1954 comprenant, en annexe, un cahier des charges établi le 10 février 1954. Le plan local d'urbanisme (PLU) de la commune a été approuvé le 30 janvier 2018. Me Ciavollela, notaire au sein d'un office notarial à Cluses, a demandé à la commune, par courrier du 20 février 2018, la mise en concordance du cahier des charges du lotissement avec le PLU. Par une délibération du 22 mai 2018, le conseil municipal de Cluses a approuvé le lancement de cette mise en concordance et a autorisé le maire à procéder à toutes les formalités inhérentes à cette opération. Par un arrêté du 7 septembre 2018, le maire a décidé l'ouverture d'une enquête publique à cette fin, par la suppression des articles 9 à 14 de ce cahier des charges, relatifs à l'urbanisme. A l'issue de cette enquête, qui s'est déroulée du 27 septembre au 27 octobre 2018, le commissaire-enquêteur a émis un avis favorable. Par une délibération du 18 décembre 2018, le conseil municipal de Cluses a approuvé cette mise en concordance. Par un arrêté du 31 janvier 2019 le maire de la commune de Cluses a approuvé cette mise en concordance par la suppression des articles 9 à 14 du cahier des charges du lotissement et a autorisé le maire à procéder à toutes les formalités inhérentes à cette opération. La commune de Cluses relève appel du jugement du 18 janvier 2022 par lequel le tribunal administratif de Grenoble, sur la demande de Mmes et MM. B..., a annulé l'arrêté du maire de Cluses du 31 janvier 2019 portant mise en concordance du cahier des charges du lotissement Revuz avec le règlement de la zone UB du plan local d'urbanisme.

Sur le bien-fondé du jugement :

2. D'une part, aux termes de l'article L. 442-11 du code de l'urbanisme : " Lorsque l'approbation d'un plan local d'urbanisme ou d'un document d'urbanisme en tenant lieu intervient postérieurement au permis d'aménager un lotissement ou à la décision de non-opposition à une déclaration préalable, l'autorité compétente peut, après enquête publique réalisée conformément au chapitre III du titre II du livre Ier du code de l'environnement et délibération du conseil municipal, modifier tout ou partie des documents du lotissement, et notamment le règlement et le cahier des charges, qu'il soit approuvé ou non approuvé, pour mettre en concordance ces documents avec le plan local d'urbanisme ou le document d'urbanisme en tenant lieu, au regard notamment de la densité maximale de construction résultant de l'application de l'ensemble des règles du document d'urbanisme. ".

3. Ces dispositions donnent à l'autorité administrative la faculté de modifier tout ou partie des documents d'un lotissement sans être saisie d'une demande présentée par les propriétaires, afin de mettre les documents du lotissement en concordance avec le plan local d'urbanisme approuvé, après une délibération du conseil municipal et enquête publique.

4. Il ressort des pièces du dossier que le rapporteur de la délibération du 18 décembre 2018 approuvant cette mise en concordance est un conseiller communal, adjoint au maire, qui est le père d'une des notaires, collaboratrice puis associée de l'office notarial " Office de la Libération ". Toutefois, d'une part, cette mise en concordance a été sollicitée par un autre membre de cet office notarial, et si cet office, par l'intermédiaire d'un de ses six associés, distinct de la fille du conseiller municipal en cause, a également vendu des terrains dans le lotissement les 13 juin 2017 et 6 avril 2018, cette vente, qui mentionnait au demeurant l'existence de ce lotissement, ne comportait pas de conditions suspensives ou résolutoires particulières relatives à cette modification du cahier des charges du lotissement, voire à l'obtention de permis de construire, qui y seront délivrés les 17 octobre 2016 et 25 octobre 2017 et dont il est constant qu'ils sont devenus définitifs. D'autre part, il est par ailleurs constant que cette modification du cahier des charges du lotissement permet de régulariser l'exécution de ces permis de construire délivrés sur les terrains ainsi cédés, en autorisant désormais une hauteur supérieure, mettant ainsi finà toute procédure civile pour méconnaissance du cahier des charges ou encore, le cas échéant, à un éventuel engagement de la responsabilité notariale devant le juge civil. Il ne ressort cependant pas des pièces du dossier que la fille du conseiller rapporteur du projet ou ce dernier auraient un lien quelconque avec le bénéfice de ces autorisations de construire ou leur exécution, ni que la modification du cahier des charges ne répondrait pas un intérêt général, celui d'étendre dans ce lotissement les règles d'urbanisme de la zone UB du plan local d'urbanisme approuvé le 30 janvier 2018. Dans ces conditions, et alors au surplus que la délibération a été votée à l'unanimité et qu'elle ne constitue qu'un élément de la procédure, la décision relevant du pouvoir propre du maire, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 2131-11 du code général des collectivités territoriales doit être écarté. C'est dès lors à tort que, pour annuler l'arrêté en litige, le tribunal s'est fondé sur le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions.

5. Il appartient dès lors à la cour, saisie de l'entier litige par l'effet dévolutif de l'appel, de statuer sur les autres moyens invoqués par l'association, tant en première instance qu'en appel.

6. En premier lieu, aux termes de l'article L. 2121-13 du code général des collectivités territoriales : " Tout membre du conseil municipal a le droit, dans le cadre de sa fonction, d'être informé des affaires de la commune qui font l'objet d'une délibération. ". En application de ces dispositions, le maire est tenu de communiquer aux membres du conseil municipal les documents nécessaires pour qu'ils puissent se prononcer utilement sur les affaires de la commune soumises à leur délibération.

7. Il ressort des pièces du dossier que les membres du conseil municipal ont été rendus destinataires, le 11 décembre 2018, d'une note de synthèse, qui comprenait en outre un projet de délibération approuvant la mise en concordance du cahier des charges du lotissement Revuz précité, ainsi qu'un rappel des faits et du cadre juridique applicable à ce cahier des charges, l'enquête publique et l'avis favorable du commissaire enquêteur. L'information des membres du conseil municipal a, par suite, été suffisante pour leur permettre d'exercer leurs attributions et a ainsi satisfait aux exigences des dispositions précitées.

8. En deuxième lieu, au regard de l'intérêt général s'attachant à l'uniformisation des règles d'urbanisme sur l'ensemble du territoire de la commune, en l'espèce, le règlement de la zone UB sur l'ensemble du lotissement Revuz, l'arrêté de mise en concordance du cahier des charges du lotissement n'est pas entaché d'erreur manifeste d'appréciation.

9. En dernier lieu et pour les motifs retenus au point 4, le détournement de procédure allégué n'est pas démontré.

10. Il résulte de tout ce qui précède que la commune de Cluses est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a annulé l'arrêté du 31 janvier 2019.

Sur les frais liés au litige :

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il en soit fait application à l'encontre de la commune de Cluses, qui n'est pas partie perdante. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions que la commune de Cluses présente au titre de ces mêmes dispositions.

12. En l'absence de dépens, les conclusions de la commune de Cluses tendant à l'application de l'article R. 761-1 du code de justice administrative, doivent être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1902149 du 18 janvier 2022 du tribunal administratif de Grenoble est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. E... B..., M. A... B..., Mme D... B... et Mme C... B... devant le tribunal administratif de Grenoble est rejetée.

Article 3 : Les conclusions de la commune de Cluses tendant à l'application des dispositions des articles L. 761-1 et R. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Les conclusions de M. E... B..., M. A... B..., Mme D... B... et Mme C... B... tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... B..., représentant unique désigné, pour l'ensemble des intimés, et à la commune de Cluses.

Copie en sera adressée à la société La Genèse et à la société Château-Thierry.

Délibéré après l'audience du 5 mars 2024 à laquelle siégeaient :

Mme Monique Mehl-Schouder, présidente de chambre,

Mme Anne-Gaëlle Mauclair, première conseillère,

Mme Claire Burnichon, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 26 mars 2024.

La rapporteure,

C. BurnichonLa présidente,

M. F...

La greffière,

F. Prouteau

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui les concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

N° 22LY00871 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 22LY00871
Date de la décision : 26/03/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Urbanisme et aménagement du territoire - Plans d'aménagement et d'urbanisme - Plans d`occupation des sols (POS) et plans locaux d’urbanisme (PLU).

Urbanisme et aménagement du territoire - Procédures d'intervention foncière - Lotissements - Cahier des charges.


Composition du Tribunal
Président : Mme MEHL-SCHOUDER
Rapporteur ?: Mme Claire BURNICHON
Rapporteur public ?: Mme CONESA-TERRADE
Avocat(s) : PELE

Origine de la décision
Date de l'import : 07/04/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-03-26;22ly00871 ?
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