Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 17 mars 2023 par lequel le préfet de la Loire a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an.
Par un jugement n° 2303303 du 26 septembre 2023, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête, enregistrée le 24 octobre 2023, M. B..., représenté par Me Pelissier Bouazza, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Loire du 17 mars 2023 ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Loire de lui délivrer un certificat de résidence algérien portant la mention " salarié ", dans un délai de sept jours à compter de la notification du jugement à venir sous astreinte de 90 euros par jours de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
M. B... soutient que :
- le refus de titre de séjour est insuffisamment motivé ;
- il est entaché d'un défaut d'examen ;
- il est entaché d'erreur manifeste d'appréciation, dès lors qu'il a produit les documents demandés, aucun délai ne lui étant opposable ;
- il méconnaît les stipulations de l'article 7 b de l'accord franco-algérien et la circulaire du 28 octobre 2012 ;
- l'obligation de quitter le territoire français est infondée ;
- elle méconnait l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'interdiction de retour sur le territoire français est entachée d'une erreur d'appréciation de sa situation personnelle.
La requête a été communiquée au préfet de la Loire qui n'a pas produit d'observations.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code du travail ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Le rapport de M. Laval, premier conseiller, ayant été entendu au cours de l'audience publique ;
Considérant ce qui suit :
1. M. A... B..., ressortissant algérien, né le 2 novembre 1985, est entré régulièrement, en France en septembre 2019. A la suite de son mariage avec une ressortissante française, le 3 juillet 2021, il s'est vu délivrer un certificat de résidence d'un an, portant la mention " vie privée et familiale ", valable du 16 décembre 2021 au 15 décembre 2022 avec autorisation de travail. Le 4 janvier 2023, M. B... a sollicité la délivrance d'un certificat de résidence portant la mention " salarié ". Le 11 janvier 2023, la préfecture de la Loire lui a demandé de compléter son dossier. Par un arrêté du 17 mars 2023, le préfet de la Loire a refusé de faire droit à sa demande, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an. M. B... relève appel du jugement du 26 septembre 2023 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur les conclusions aux fins d'annulation :
En ce qui concerne le refus de séjour :
2. M. B... reprend en appel le moyen, qu'il avait invoqué en première instance, tiré de l'insuffisance de motivation du refus de titre de séjour. Il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus par le tribunal administratif de Lyon, au point 3 de son jugement.
3. Aux termes du b) de l'article 7 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié : " Les ressortissants algériens désireux d'exercer une activité professionnelle salariée reçoivent, après le contrôle médical d'usage et sur présentation d'un contrat de travail visé par les services du ministre chargé de l'emploi, un certificat de résidence valable un an pour toutes les " professions et toutes les régions, renouvelable et portant la mention " salarié " ; cette mention constitue l'autorisation de travail exigée par la législation française ". Aux termes de l'article R. 5221-15 du code du travail : " La demande d'autorisation de travail mentionnée au I de l'article R. 5221-1 est adressée au moyen d'un téléservice au préfet du département dans lequel l'établissement employeur a son siège ou le particulier employeur sa résidence. ". Aux termes de l'article R. 5221-17 du même code : " La décision relative à la demande d'autorisation de travail mentionnée au I de l'article R. 5221-1 est prise par le préfet. Elle est notifiée à l'employeur ou au mandataire qui a présenté la demande, ainsi qu'à l'étranger. ".
4. Il est constant que M. B... ne disposait pas d'une autorisation de travail demandée par son employeur en application de l'article R. 5221-15 du code du travail, démarche qui n'a été accomplie, au moyen du téléservice prévu par cet article, que le 5 avril 2023, soit postérieurement à la décision attaquée.
5. M. B... fait valoir qu'il a fourni les pièces demandées postérieurement à la décision et soutient qu'il réunit les conditions fixées par l'article 7 b de l'accord franco-algérien et de la circulaire du 28 novembre 2012 dès lors qu'il a travaillé régulièrement en France, en dernier lieu, sous couvert d'un contrat à durée indéterminé du 1er décembre 2022.
6. D'une part, le préfet de la Loire ne lui pas opposé que sa demande était incomplète. Si aucun délai n'a été fixé dans la demande de la préfecture lui réclamant l'autorisation de travail et les fiches de paye, cette circonstance n'est pas en soi de nature à établir le défaut d'examen ni l'erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences du refus sur sa situation personnelle allégués.
7. D'autre part, dès lors qu'un étranger ne détient aucun droit à l'exercice par le préfet de son pouvoir de régularisation, il ne peut utilement se prévaloir, sur le fondement des articles L. 312-3 et D. 312-11 du code des relations entre le public et l'administration, des orientations générales contenues dans la circulaire du ministre de l'intérieur du 28 novembre 2012 relative aux conditions d'examen des demandes d'admission au séjour déposées par des ressortissants étrangers en situation irrégulière dans le cadre des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, pour l'exercice de ce pouvoir. Le moyen tiré de l'application de cette circulaire est inopérant.
8. Dans ces conditions, le refus de certificat de résidence ne méconnaît pas l'article 7 b de l'accord franco-algérien.
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
9. M. B... reprend en appel le moyen, qu'il avait invoqué en première instance tiré d'un défaut d'examen de sa situation personnelle. Il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus par le tribunal administratif de Lyon, au point 9 de son jugement.
10. Aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : / (...) 3° L'étranger s'est vu refuser la délivrance d'un titre de séjour, le renouvellement du titre de séjour, du document provisoire délivré à l'occasion d'une demande de titre de séjour ou de l'autorisation provisoire de séjour qui lui avait été délivré ou s'est vu retirer un de ces documents ; (...) ".
11. M. B..., qui s'est vu refuser la délivrance d'un titre de séjour, entrait dans le cas visé au 3° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, où l'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français. Par suite, le requérant n'est pas fondé soutenir que la décision attaquée serait " infondée en droit et en fait ".
12. M. B... reprend en appel le moyen, qu'il avait invoqué en première instance, tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus par le tribunal administratif de Lyon, au point 11 de son jugement.
En ce qui concerne l'interdiction de retour sur le territoire français :
13. Aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. (...) ". Aux termes de l'article L. 612-7 de ce code : " Lorsque l'étranger s'est maintenu irrégulièrement sur le territoire au-delà du délai de départ volontaire, l'autorité administrative édicte une interdiction de retour. (...) ". Aux termes de l'article L. 612-8 du même code : " Lorsque l'étranger n'est pas dans une situation mentionnée aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative peut assortir la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. ". L'article L. 612-10 du même code dispose que : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. / Il en est de même pour l'édiction et la durée de l'interdiction de retour mentionnée à l'article L. 612-8 (...) ".
14. Il ressort des pièces du dossier que M. B... est entré régulièrement sur le territoire français, n'a jamais fait l'objet de décisions d'éloignement et y résidait en situation régulière, jusqu'à l'intervention de l'arrêté contesté. Il a travaillé sur le territoire français, sous couvert du certificat de résidence qu'il avait obtenu en tant que conjoint de français et est titulaire d'un contrat à durée indéterminée depuis le 1er décembre 2022, pour lequel son employeur a d'ailleurs déposé, régulièrement, le 5 avril 2023, une demande d'autorisation de travail, en cours d'examen. Dans ces conditions, il est fondé à soutenir qu'en prononçant une interdiction de retour sur le territoire français, le préfet de la Loire a entaché sa décision d'une erreur d'appréciation.
15. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens soulevés à l'encontre de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français que M. B... est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande d'annulation de l'interdiction de retour sur le territoire français. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte doivent être rejetées.
Sur les conclusions relatives aux frais liés au litige :
16. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à M. B....
DECIDE :
Article 1er : L'interdiction de retour sur le territoire français du 17 mars 2023 est annulée.
Article 2 : Le jugement n° 2303303 du tribunal administratif de Lyon est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : L'État versera à M. B... une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête n° 23LY03317 est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée au préfet de la Loire et au procureur de la République près le tribunal judiciaire de Saint-Etienne en application de l'article R. 751-11 du code de justice administrative.
Délibéré après l'audience du 22 février 2024, à laquelle siégeaient :
M. Pruvost, président de chambre,
Mme Courbon, présidente-assesseure,
M. Laval, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 21 mars 2024.
Le rapporteur,
J-S. Laval
Le président,
D. Pruvost
La greffière,
N. Lecouey
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
2
N° 23LY03317