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21/03/2024 | FRANCE | N°22LY01662

France | France, Cour administrative d'appel de LYON, 2ème chambre, 21 mars 2024, 22LY01662


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure



La SCI Des Vignes a demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la décharge, d'une part, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux, des majorations et intérêts de retard mis à la charge de ses associés au titre des années 2014 et 2015 et, d'autre part, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2016, de la cotisation supplémentaire d'impôt s

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La SCI Des Vignes a demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la décharge, d'une part, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux, des majorations et intérêts de retard mis à la charge de ses associés au titre des années 2014 et 2015 et, d'autre part, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2016, de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2016, des majorations et des intérêts de retard correspondants.

Par un jugement n° 1902187 du 29 mars 2022, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 31 mai 2022 et le 3 novembre 2023, la SCI Des Vignes, représenté par la SELAS RTA, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer la décharge de ces impositions et pénalités correspondantes ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La SCI Des Vignes soutient que :

- la reconstitution du chiffre d'affaire est irrégulière en tant qu'elle est exclusivement fondée sur le rejet de la comptabilité présentée au titre des années 2014 et 2015, ce qui n'est légalement pas possible s'agissant de revenus fonciers perçus par une société imposée selon le régime des sociétés de personne ;

- le jugement attaqué est irrégulier pour avoir omis de répondre à ce moyen ;

- la procédure d'imposition est irrégulière dès lors que l'administration a implicitement recouru à l'abus de droit ;

- les impositions assignées à la société, tant en ce qui concerne l'impôt sur les sociétés que la taxe sur la valeur ajoutée au titre de l'exercice 2016, ne sont pas justifiées dès lors que les flux financiers relèvent d'échanges entre comptes courants d'associés au sein d'un même groupe et ne relèvent pas de distributions aux associés.

Par des mémoires, enregistrés le 5 décembre 2022 et le 16 novembre 2023, le ministre de l'économie et des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Le ministre soutient que les moyens invoqués ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 3 novembre 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 24 novembre 2023.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Laval, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Lesieux, rapporteure publique,

- et les observations de Me Thouvenot, représentant La SCI Des Vignes ;

Considérant ce qui suit :

1. La SCI Des Vignes, dont M. B..., son gérant, et Mme A..., l'autre associée, détenaient chacun la moitié des parts et qui avait pour objet la location de locaux commerciaux et professionnels, donnait en location les locaux nus qu'elle possédait dans un immeuble qu'elle a fait construire à Douvaine (Haute-Savoie). La SCI Des Vignes, qui avait opté pour l'assujettissement des loyers à la taxe sur la valeur ajoutée et relevait du régime d'imposition de l'article 8 du code général des impôts pour l'imposition de ses résultats au titre des années 2014 et 2015, a opté pour son assujettissement à l'impôt sur les sociétés à compter du 1er janvier 2016. Elle a fait l'objet, en 2017, d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2016 à l'issue de laquelle la vérificatrice, constatant que les sommes créditées sur son compte bancaire en provenance des sociétés preneuses et les dépôts en espèces excédaient les recettes locatives brutes déclarées, a estimé que ces encaissements constituaient des recettes omises qu'elle a rapportées aux résultats déclarés par la société, sous déduction des sommes créditées sur les comptes courants détenus par les associés. En conséquence du contrôle de la SCI Des Vignes, l'administration a, au titre des années 2014 et 2015, assujetti M. A... et Mme B... à des compléments d'impôt sur le revenu dans la catégorie des revenus fonciers en leur qualité d'associés d'une société imposée suivant le régime des sociétés de personnes. Au titre de l'année 2016, elle a, d'une part, assigné à la SCI Des Vignes une cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés et, d'autre part, réintégré dans le revenu imposable à l'impôt sur le revenu de chacun des associés, les sommes créditées sur leurs comptes courants qu'elle a imposées entre leurs mains dans la catégorie des revenus des capitaux mobiliers sur le fondement du 1° de l'article 109-1 du code général des impôts et a soumis ces sommes aux prélèvements sociaux. Enfin, l'administration a réclamé à la SCI Des Vignes des compléments de taxe sur la valeur ajoutée assortis de pénalités au titre de la période vérifiée. La SCI Des Vignes relève appel du jugement du 29 mars 2022 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande de décharge de ces impositions et des pénalités correspondantes.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. La SCI Des Vignes, qui relevait du régime d'imposition des société de personnes pour l'imposition de ses résultats des années 2014 et 2015, n'a pas été personnellement assujettie à l'impôt au titre ses résultats de ces années, ceux-ci ayant été imposés au nom des associés, conformément à l'article 8 du code général des impôts, ainsi que l'a relevé à juste titre le tribunal administratif pour rejeter comme irrecevables les conclusions de première instance de la SCI Des Vignes tendant à la décharge des compléments d'impôt sur le revenu mis à la charge de M. A... et de M. B... au titre des années 2014 et 2015. Le moyen qu'elle a invoqué devant les premiers juges, tiré de ce que, dans la mesure où elle relevait du régime d'imposition des sociétés de personnes au titre des années 2014 et 2015, l'administration ne pouvait reconstituer son " chiffre d'affaires imputable aux revenus fonciers " en se fondant sur le " rejet de sa comptabilité " était ainsi inopérant. Le juge n'étant pas tenu de répondre à un moyen inopérant, le jugement attaqué n'est entaché d'aucune irrégularité.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

3. Aux termes de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales dans sa rédaction applicable au litige : " Afin d'en restituer le véritable caractère, l'administration est en droit d'écarter, comme ne lui étant pas opposables, les actes constitutifs d'un abus de droit, soit que ces actes ont un caractère fictif, soit que, recherchant le bénéfice d'une application littérale des textes ou de décisions à l'encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs, ils n'ont pu être inspirés par aucun autre motif que celui d'éluder ou d'atténuer les charges fiscales que l'intéressé, si ces actes n'avaient pas été passés ou réalisés, aurait normalement supportées eu égard à sa situation ou à ses activités réelles. En cas de désaccord sur les rectifications notifiées sur le fondement du présent article, le litige est soumis, à la demande du contribuable, à l'avis du comité de l'abus de droit fiscal. L'administration peut également soumettre le litige à l'avis du comité. (...) ".

4. Contrairement à ce que soutient la SCI Des Vignes, en majorant les produits d'exploitation de l'exercice clos en 2016 du montant des encaissements en provenance des sociétés preneuses constatés sur son compte bancaire qu'elle a regardés comme des recettes locatives omises, imposables à l'impôt sur les sociétés et taxables à la taxe sur la valeur ajoutée, l'administration n'a pas écarté comme ne lui étant pas opposables les baux conclus avec les sociétés preneuses et, en particulier, le montant des loyers fixé par ces contrats, mais s'est bornée à constater une situation de fait tenant à ce que les loyers effectivement perçus excédaient ceux prévus aux baux. Par suite, le moyen tiré de ce que l'administration s'est implicitement placée sur le terrain de l'abus de droit sans respecter les garanties applicables à cette procédure doit être écarté.

Sur le bien-fondé des impositions établies au titre de l'année 2016 :

En ce qui concerne la charge de la preuve :

5. Aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. / Sur demande du contribuable reçue par l'administration avant l'expiration du délai mentionné à l'article L. 11, ce délai est prorogé de trente jours (...) ". L'article L. 11 du même livre dispose : " A moins qu'un délai plus long ne soit prévu par le présent livre, le délai accordé aux contribuables pour répondre aux demandes de renseignements, de justifications ou d'éclaircissements et, d'une manière générale, à toute notification émanant d'un agent de l'administration des impôts est fixé à trente jours à compter de la réception de cette notification ". Selon l'article R. 57-1 de ce livre : " La proposition de rectification prévue par l'article L. 57 fait connaître au contribuable la nature et les motifs de la rectification envisagée. L'administration invite, en même temps, le contribuable à faire parvenir son acceptation ou ses observations dans un délai de trente jours à compter de la réception de la proposition, prorogé, le cas échéant, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de cet article ". Il résulte de ces dispositions qu'un contribuable dispose d'un délai franc de trente jours pour faire connaître ses observations sur la proposition de rectification et que la durée de ce délai peut être portée à soixante jours à sa demande.

6. Il résulte de l'instruction que la proposition de rectification du 21 décembre 2017 a été notifiée, à la SCI Des Vignes, le 27 décembre suivant et que l'administration a pris acte de sa demande de prorogation, formulée le 24 janvier 2018. La SCI Des Vignes disposait ainsi, pour présenter ses observations en réponse à la proposition de rectification, d'un délai franc unique, porté à soixante jours, expirant le 26 février 2018. En vertu de l'article L. 286 du livre des procédures fiscales, ses observations devaient être présentées au plus tard à la date prescrite, le cachet de la poste faisant foi, en cas d'envoi postal. La SCI Des Vignes a indiqué, elle-même, dans sa demande introductive d'instance au tribunal administratif n'avoir remis à La Poste la lettre recommandée contenant ses observations que le 28 février 2018, ce que confirme la date de dépôt du courrier reçu par l'administration le 2 mars 2018. Il en résulte, contrairement à ce que soutient la SCI Des Vignes, qui ne peut utilement évoquer l'état de santé d'un associé sans établir qu'il s'agissait d'un cas de force majeure, qu'elle n'a pas répondu dans le délai légal prorogé à la proposition de rectification qui lui a été notifiée. Elle supporte donc la charge de la preuve de l'exagération des bases d'imposition à l'impôt sur les sociétés de l'exercice clos en 2016 et des bases d'imposition à la taxe sur la valeur ajoutée de l'ensemble de la période vérifiée conformément à l'article R. 194-1 du livre des procédures fiscales selon lequel " Lorsque, ayant donné son accord à la rectification on s'étant abstenu de répondre dans le délai légal à la proposition de rectification, le contribuable présente cependant une réclamation faisant suite à une procédure contradictoire de rectification, il peut obtenir la décharge ou la réduction de l'imposition, en démontrant son caractère exagéré ".

En ce qui concerne le montant de l'impôt sur les sociétés :

7. En se bornant à soutenir que les sommes versées en sus des loyers facturés aux sociétés preneuses au titre de l'exercice 2016 ne constituent pas des loyers mais des flux financiers débiteurs/créditeurs entre les comptes courants détenus par les associés dans les sociétés locataires dans le cadre de relations intragroupe, sans produire aucun élément à l'appui de ses allégations, la SCI Des Vignes n'apporte pas la preuve, qui lui incombe, de l'exagération des impositions à l'impôt sur les sociétés et à la taxe sur la valeur ajoutée auxquelles elle a été soumise. Si elle fait valoir qu'une partie des sommes en litige a seulement transité par les comptes courants d'associés détenus par M. B... et Mme A... sans être comptabilisées au résultat, la circonstance que des encaissements provenant de sociétés locataires, dont M. B... et Mme A... sont également associés, auraient été mis à la disposition de ces derniers par le crédit de leurs compte-courant d'associés n'est pas de nature, à elle seule, à leur retirer leur caractère de produit imposable à l'impôt sur les sociétés, même si, par ailleurs, ces sommes ont été regardées comme des revenus distribués, imposables dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers entre les mains des associés sur le fondement du 1° du 1 de l'article 109 du code général des impôts.

8. Il résulte de ce qui précède que la SCI Des Vignes n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la SCI Des Vignes est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SCI Des Vignes et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré après l'audience du 22 février 2024, à laquelle siégeaient :

M. Pruvost, président de chambre,

Mme Courbon, présidente-assesseure,

M. Laval, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 21 mars 2024.

Le rapporteur,

J-S. Laval

Le président,

D. Pruvost

La greffière,

N. Lecouey

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 22LY01662


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 22LY01662
Date de la décision : 21/03/2024
Type de recours : Fiscal

Analyses

19-04-02-03-01 Contributions et taxes. - Impôts sur les revenus et bénéfices. - Revenus et bénéfices imposables - règles particulières. - Revenus des capitaux mobiliers et assimilables. - Revenus distribués.


Composition du Tribunal
Président : M. PRUVOST
Rapporteur ?: M. Jean-Simon LAVAL
Rapporteur public ?: Mme LESIEUX
Avocat(s) : RIERA-TRYSTRAM-AZEMA

Origine de la décision
Date de l'import : 31/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-03-21;22ly01662 ?
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