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07/03/2024 | FRANCE | N°23LY02422

France | France, Cour administrative d'appel de LYON, 5ème chambre, 07 mars 2024, 23LY02422


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure



M. C... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les décisions du 1er juillet 2022, par lesquelles le préfet du Rhône a refusé de l'admettre au séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de six mois.

Par un jugement n°2208829 du 28 avril 2023, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa de

mande.

Procédure devant la cour



Par une requête enregistrée le 21 juillet 2023, M. C...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. C... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les décisions du 1er juillet 2022, par lesquelles le préfet du Rhône a refusé de l'admettre au séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de six mois.

Par un jugement n°2208829 du 28 avril 2023, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 21 juillet 2023, M. C..., représenté par Me Lantheaume, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 28 avril 2023 du tribunal administratif de Lyon ;

2°) d'annuler les décisions susmentionnées du 1er juillet 2022 ;

3°) d'enjoindre à la préfète de lui délivrer une carte de séjour temporaire " vie privée et familiale " ou " salarié " dans le délai de trente jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir, subsidiairement de lui enjoindre de réexaminer sa situation dans le même délai ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat, une somme de 2 000 euros, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le tribunal a omis de statuer sur le moyen tiré du défaut d'examen complet de la décision du préfet concernant sa demande d'admission exceptionnelle au séjour en qualité de " salarié " ; par ailleurs, ce jugement est insuffisamment motivé ;

- le refus de titre de séjour est insuffisamment motivé ;

- cette décision est entachée d'un défaut d'examen réel et sérieux de sa situation personnelle ;

- elle est entachée d'erreurs de fait, le préfet ne pouvant estimer qu'il était entré irrégulièrement en France, ni qu'il ne disposait pas d'un logement propre, ni qu'il ne justifiait de son insertion dans la société française ;

- compte tenu de la durée de sa présence en France et de son insertion, le refus de titre de séjour méconnait les articles L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la demande d'admission exceptionnelle au séjour présentée par M. B... a été rejetée par une décision insuffisamment motivée ;

- il remplit les critères de la circulaire du 28 novembre 2012 ;

- le refus d'admission exceptionnelle au séjour est entaché d'erreur manifeste d'appréciation ;

- l'obligation de quitter le territoire français est illégale du fait de l'illégalité du refus de titre de séjour ;

- la décision fixant un délai de départ volontaire est illégale du fait de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ;

- la décision fixant le pays de renvoi est illégale du fait de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ;

- la décision lui faisant interdiction de retour sur le territoire français est illégale du fait de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ;

- ces décisions ne sont justifiées ni dans leur principe, ni dans leur durée.

La demande d'admission au bénéfice de l'aide juridictionnelle présentée par M. B... a été rejetée par décision du 21 juin 2023.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative ;

La présidente de la formation de jugement ayant dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Dèche, présidente assesseure ;

- les observations de Me Chinouf, représentant M. B... ;

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant albanais, né le 8 septembre 1993, est entré en France, le 10 décembre 2012, accompagné de ses parents et de sa soeur. Sa demande d'asile a été rejetée par l'office français de protection des réfugiés et apatrides, le 16 août 2013 et ce rejet a été confirmé par la Cour nationale du droit d'asile, par décision en date du 26 février 2014. Le 30 novembre 2018, il a fait l'objet d'un refus de titre de séjour assorti d'une obligation de quitter le territoire français. Le 6 septembre 2019, il a sollicité son admission exceptionnelle au séjour. Par décisions du 1er juillet 2022, le préfet du Rhône a refusé de l'admettre au séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de six mois. M. B... relève appel du jugement du 28 avril 2023 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Contrairement à ce que soutient le requérant, il ressort du jugement attaqué et particulièrement de son point 8 qui rappelle qu'il appartient à l'autorité administrative, sous le contrôle du juge, d'examiner, notamment, la qualification, l'expérience et les diplômes de l'étranger ainsi que les caractéristiques de l'emploi auquel il postule, ainsi que de son point 9 qui applique ces principes à la situation de M. B..., que les premiers juges n'ont pas omis de statuer sur le moyen tiré de ce que le préfet se serait abstenu de procéder à un examen particulier et complet de la demande relative au titre " salarié " présentée par M. B... sur le fondement des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et de séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, le moyen doit être écarté.

Sur la légalité du refus de titre de séjour :

3. En premier lieu, le requérant reprend en appel ses moyens de première instance tirés de l'insuffisance de motivation de la décision en litige, ainsi que du défaut d'examen réel et sérieux de sa situation personnelle. Il ne développe toutefois au soutien de ces moyens aucun argument de droit ou de fait pertinent de nature à remettre en cause l'analyse et la motivation retenues par le tribunal administratif. Dans ces conditions, il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus par les premiers juges.

4. En deuxième lieu, le requérant soutient que la décision en litige serait entachée de trois erreurs de fait, en ce que le préfet a mentionné qu'il serait entré irrégulièrement sur le territoire français, qu'il ne disposerait pas de logement propre et qu'il ne justifierait pas de moyens d'existence. Il ressort effectivement des pièces du dossier que le requérant justifie notamment qu'il dispose d'un logement propre ainsi que de moyens d'existence. Ainsi, il est fondé à soutenir que le préfet a entaché sa décision d'erreurs matérielles sur ces deux points.

5. Toutefois, il ressort de l'ensemble des pièces du dossier que le préfet aurait pris la même décision s'il avait tenu compte d'une entrée régulière de l'intéressé en France, de ce qu'il justifie d'un logement propre depuis février 2021 et de ce qu'il travaille depuis plus d'un an. Par suite, le moyen doit être écarté.

6. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L . 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée./ Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. (...) ".

7. M. B... se prévaut de sa présence en France depuis plus de neuf ans, ainsi que de celle de ses parents, de son frère et de sa sœur qui bénéficie d'une carte de séjour pluriannuelle valable jusqu'en 2024. Il ajoute qu'il bénéficie d'un contrat à durée déterminée à temps complet, en qualité de façadier, qui a été reconduit en contrat à durée indéterminée. Il ressort toutefois des pièces du dossier que la durée de sa présence en France s'explique par son maintien irrégulier, en dépit du rejet de sa demande de titre de séjour et après une précédente mesure d'éloignement qu'il n'a pas exécutée et que ses parents et son frère se trouvent également en situation irrégulière sur le territoire français. Par ailleurs, le requérant ne fait état d'aucun obstacle qui s'opposerait à ce que sa vie familiale se reconstitue en Albanie. Dans ces conditions, la décision de refus de séjour en litige ne peut être regardée comme portant au droit au respect de la vie privée et familiale de l'intéressé une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels elle a été prise. Les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doivent, par suite, être écartés.

8. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale " sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1 / (...) ".

9. En présence d'une demande de régularisation présentée sur le fondement de ces dispositions par un étranger, il appartient à l'autorité administrative de vérifier, dans un premier temps, si l'admission exceptionnelle au séjour par la délivrance d'une carte portant la mention " vie privée et familiale " répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard de motifs exceptionnels, et à défaut, dans un second temps, s'il est fait état de motifs exceptionnels de nature à permettre la délivrance, dans ce cadre, d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ". Dans cette dernière hypothèse, un demandeur qui justifierait d'une promesse d'embauche ou d'un contrat ne saurait être regardé, par principe, comme attestant, par là même, des " motifs exceptionnels " exigés par la loi. Il appartient, en effet, à l'autorité administrative, sous le contrôle du juge, d'examiner, notamment, si la qualification, l'expérience et les diplômes de l'étranger ainsi que les caractéristiques de l'emploi auquel il postule, de même que tout élément de sa situation personnelle dont l'étranger ferait état à l'appui de sa demande, tel que par exemple, l'ancienneté de son séjour en France, peuvent constituer, en l'espèce, des motifs exceptionnels d'admission au séjour.

10. Le requérant reprend en appel son moyen de première instance tiré de ce que le préfet du Rhône aurait entaché d'une erreur manifeste l'appréciation à laquelle il s'est livré pour refuser de l'admettre au séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il ne développe toutefois au soutien de ce moyen aucun argument de droit ou de fait pertinent de nature à remettre en cause l'analyse et la motivation retenues par le tribunal administratif. Dans ces conditions, il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus par les premiers juges.

11. En dernier lieu, les énonciations de la circulaire du ministre de l'intérieur du 28 novembre 2012 relative aux conditions d'examen des demandes d'admission au séjour déposées par des ressortissants étrangers en situation irrégulière dans le cadre des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne constituent pas des lignes directrices dont les intéressés peuvent utilement se prévaloir devant le juge, notamment au regard de l'article L. 312-3 du code des relations entre le public et l'administration. Dès lors, le requérant ne peut utilement soutenir que la décision en litige aurait méconnu les dispositions de cette circulaire du 28 novembre 2012.

Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :

12. Il résulte de ce qui précède que le requérant n'est pas fondé à soutenir que la mesure d'éloignement prise à son encontre doit être annulée par voie de conséquence de l'illégalité du refus de titre qui lui a été opposé.

Sur la légalité de la décision accordant un délai de départ volontaire de trente jours :

13. Il résulte de ce qui précède que le requérant n'est pas fondé à soutenir que la décision lui accordant un délai de départ volontaire de trente jours doit être annulée par voie de conséquence de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire prise à son encontre.

Sur la légalité de la décision fixant le pays de renvoi :

14. Il résulte de ce qui précède que le requérant n'est pas fondé à soutenir que la décision fixant le pays de renvoi doit être annulée par voie de conséquence de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire prise à son encontre.

Sur la légalité de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de six mois :

15. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que le requérant n'est pas fondé à soutenir que la décision lui faisant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de six mois doit être annulée par voie de conséquence de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire prise à son encontre.

16. En second lieu, il résulte de ce qui a été exposé au point 6 du présent arrêt que rien ne fait obstacle à ce que le requérant puisse reconstituer, dans son pays d'origine, sa cellule familiale. Par suite, la décision en litige ne méconnaît ni les dispositions des articles L. 612-6 et L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et n'est pas entachée d'une erreur d'appréciation.

17. Il résulte de ce qui précède, que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DECIDE

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie du présent arrêt en sera adressée à la préfète du Rhône.

Délibéré après l'audience du 15 février 2024 à laquelle siégeaient :

Mme Dèche, présidente,

Mme Burnichon, première conseillère,

Mme Rémy-Néris, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 mars 2024.

La présidente-rapporteure,

P. Dèche

L'assesseure la plus ancienne,

C. Burnichon,

La greffière,

A-C. Ponnelle

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 23LY02422

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 23LY02422
Date de la décision : 07/03/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. - Séjour des étrangers. - Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : Mme DECHE
Rapporteur ?: Mme Pascale DECHE
Rapporteur public ?: Mme LE FRAPPER
Avocat(s) : LANTHEAUME

Origine de la décision
Date de l'import : 31/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-03-07;23ly02422 ?
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