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07/03/2024 | FRANCE | N°23LY01977

France | France, Cour administrative d'appel de LYON, 5ème chambre, 07 mars 2024, 23LY01977


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure



Mme C... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler les décisions du 28 mars 2023 par lesquelles le préfet de la Haute-Savoie a prononcé à son encontre une obligation de quitter le territoire français sans délai, assortie d'une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an.

Par un jugement n° 2302027 du 9 mai 2023, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Proc

édure devant la cour



Par une requête enregistrée le 9 juin 2023, Mme A..., représentée pa...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme C... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler les décisions du 28 mars 2023 par lesquelles le préfet de la Haute-Savoie a prononcé à son encontre une obligation de quitter le territoire français sans délai, assortie d'une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an.

Par un jugement n° 2302027 du 9 mai 2023, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 9 juin 2023, Mme A..., représentée par Me Serror, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 9 mai 2023 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble ;

2°) d'annuler les décisions susmentionnées ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat, une somme de 3 000 euros, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les décisions en litige sont insuffisamment motivées ;

- au regard de l'intensité de sa vie privée et familiale en France, ces décisions ont été prises en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

La présidente de la formation de jugement ayant dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Le rapport de Mme Dèche, présidente, ayant été entendu au cours de l'audience publique ;

Considérant ce qui suit :

1. Mme A..., née le 21 janvier 1998, de nationalité chinoise, déclare être entrée en France au cours de l'année 2017. A la suite d'une interpellation et d'un placement en retenue administrative de l'intéressée pour vérification de son droit au séjour et à la circulation, le préfet de la Haute-Savoie, par décisions du 28 mars 2023, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée d'un an. Mme A... relève appel du jugement du 9 mai 2023 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions.

Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :

2. Il ressort des termes de la décision en litige que le préfet de la Haute-Savoie a fondé l'obligation de quitter le territoire français sur les dispositions du 1° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il ressort des pièces du dossier que Mme A... est entrée irrégulièrement en France et n'était pas titulaire d'un titre de séjour en cours de validité. La requérante entre ainsi dans le cas visé au 1° du I de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 613-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La décision portant obligation de quitter le territoire français est motivée (...) ". Il ressort de la décision en litige qu'elle vise les dispositions du 1° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que le procès-verbal de l'audition de Mme A... et la grille de vulnérabilité établis le 28 mars 2023 par la direction interdépartementale de la police aux frontières d'Annemasse, qu'elle mentionne que l'intéressée ne peut justifier être entrée en France en 2017, qu'elle n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour, qu'elle est sans charge de famille en France et qu'elle n'établit pas être dénuée d'attache familiale dans son pays d'origine où elle a vécu jusqu'à l'âge de 19 ans. L'obligation de quitter le territoire français comporte ainsi les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Par suite, Mme A... n'est pas fondée à soutenir que la décision en litige serait entachée d'insuffisance de motivation.

4. En second lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance / (...) ".

5. Mme A... fait valoir qu'elle est présente en France depuis plus de six ans, qu'elle bénéficie d'un contrat à durée indéterminée en qualité de serveuse, qu'elle vit en concubinage avec un compatriote titulaire d'une carte de résident et qu'un de ses oncles réside en France. Toutefois, la seule attestation rédigée par la personne qu'elle présente comme son fiancé et dont il ressort que ce dernier réside à Brest ne permet pas d'établir la réalité, la stabilité et l'ancienneté de leur communauté de vie et de leur relation. Par ailleurs, il ressort des pièces du dossier que la requérante n'est pas dépourvue de toute attache familiale en Chine, où résident ses parents et où elle a vécu jusqu'à l'âge de 19 ans. Dans ces conditions, la décision en litige ne peut être regardée comme portant au droit de Mme A... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte manifestement disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

Sur la légalité de la décision de refus de délai de départ volontaire :

6. En premier lieu, aux termes de l'article L. 612-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers du droit d'asile : " L'étranger faisant l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de cette décision ". Aux termes de l'article L. 612-2 de ce code : " Par dérogation à l'article L. 612-1, l'autorité administrative peut refuser d'accorder un délai de départ volontaire dans les cas suivants : (...) 3° Il existe un risque que l'étranger se soustraie à la décision portant obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet ".

7. Il ressort de la décision de refus de délai de départ volontaire que le risque que Mme A... se soustraie à la mesure d'éloignement prise à son encontre a été considéré comme établi, sur le fondement de l'article L. 612-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, compte tenu d'une part, de ce qu'elle ne pouvait justifier être entrée régulièrement sur le territoire français et n'avait pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour, d'autre part, de ce qu'elle avait explicitement déclaré son intention de ne pas se conformer à son obligation de quitter le territoire national, et enfin, de ce qu'elle ne présentait pas de garanties de représentation suffisantes. La décision en litige comporte ainsi, les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Par suite, le moyen tiré d'une insuffisance de motivation ne peut qu'être écarté.

8. En second lieu, le moyen tiré de ce que la décision de refus de délai de départ volontaire méconnaitrait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté pour les motifs retenus au point 5 du présent arrêt.

Sur la légalité de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :

9. En premier lieu, aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. / Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français. ".

10. Il ressort des termes de la décision contestée que pour la prendre le préfet, après avoir constaté la situation irrégulière en France de l'intéressée, la durée de son séjour dans ce pays, ses liens personnels sur place et ceux qu'elle conservait dans son pays d'origine, après avoir rappelé la nécessité d'évaluer l'existence éventuelle de circonstances humanitaires et indiqué la teneur de l'intégration sociale et professionnelle en France de l'intéressée et après avoir estimé que la décision litigieuse ne portait pas au droit de la requérante au respect de sa vie privée et familiale, une atteinte disproportionnée, a estimé que Mme A... pouvait faire l'objet d'une décision d'interdiction de retour sur le territoire français, et que la durée de cette interdiction devait être fixée à un an. La motivation de la décision en litige atteste donc que pour l'édicter, le préfet a tenu compte de l'ensemble des critères prévus par la loi. Par suite, le préfet a suffisamment motivé sa décision portant interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an.

11. En second lieu, le moyen tiré de ce que la décision portant interdiction de retour sur le territoire français méconnaitrait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté pour les motifs retenus au point 5 du présent arrêt.

12. Il résulte de ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie du présent arrêt en sera adressée au préfet de la Haute-Savoie.

Délibéré après l'audience du 15 février 2024 à laquelle siégeaient :

Mme Dèche, présidente,

Mme Burnichon, première conseillère,

Mme Rémy-Néris, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 mars 2024.

La présidente-rapporteure,

P. Dèche

L'assesseure la plus ancienne,

C. Burnichon,

La greffière,

A-C. Ponnelle

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

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N° 23LY01977

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 23LY01977
Date de la décision : 07/03/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. - Séjour des étrangers. - Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : Mme DECHE
Rapporteur ?: Mme Pascale DECHE
Rapporteur public ?: Mme LE FRAPPER
Avocat(s) : RENAISSANCES - CABINET D'AVOCAT

Origine de la décision
Date de l'import : 31/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-03-07;23ly01977 ?
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