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07/03/2024 | FRANCE | N°22LY02945

France | France, Cour administrative d'appel de LYON, 5ème chambre, 07 mars 2024, 22LY02945


Vu la procédure suivante :

Par une requête et deux mémoires, enregistrés les 7 octobre 2022, 16 novembre 2023 et 20 décembre 2023 (non communiqué), la SAS Distribution Casino France, représentée par Me Bolleau, demande à la cour :

1°) d'annuler, en tant qu'il vaut autorisation d'exploitation commerciale, l'arrêté du 9 août 2022 par lequel le maire de Vichy a délivré à la société Lidl un permis de construire en vue de la démolition d'un magasin existant d'une surface de vente de 713 m² et de la construction d'un nouveau magasin d'une surface de v

ente de 1 405 m² ;

2°) de mettre à la charge de la commune de Vichy la...

Vu la procédure suivante :

Par une requête et deux mémoires, enregistrés les 7 octobre 2022, 16 novembre 2023 et 20 décembre 2023 (non communiqué), la SAS Distribution Casino France, représentée par Me Bolleau, demande à la cour :

1°) d'annuler, en tant qu'il vaut autorisation d'exploitation commerciale, l'arrêté du 9 août 2022 par lequel le maire de Vichy a délivré à la société Lidl un permis de construire en vue de la démolition d'un magasin existant d'une surface de vente de 713 m² et de la construction d'un nouveau magasin d'une surface de vente de 1 405 m² ;

2°) de mettre à la charge de la commune de Vichy la somme de 3 000 euros à lui verser au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle dispose d'un intérêt à agir et sa requête est recevable ;

- l'arrêté est entaché d'un vice d'incompétence ;

- l'avis de la Commission nationale d'aménagement commercial (CNAC) est entaché d'irrégularités ; il n'est pas justifié du respect des prescriptions de l'article R. 732-35 du code de commerce ;

- le dossier de demande d'autorisation d'exploitation commerciale est incomplet et comporte plusieurs insuffisances ;

- le projet est incompatible avec les orientations du Scot Vichy Val d'Allier ;

- le projet méconnaît les articles L. 750-1 et L. 752-6 du code de commerce dès lors qu'il aura un impact négatif en terme d'aménagement du territoire et qu'il présente des efforts insuffisants en terme de développement durable.

Par deux mémoires, enregistrés les 11 janvier 2023 et 11 décembre 2023, la commune de Vichy, représentée par Me Martins Da Silva, conclut à l'irrecevabilité, au rejet de la requête et demande à la cour de mettre à la charge de la requérante la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que la requérante ne justifie pas d'un intérêt pour agir, qu'elle était en situation de compétence liée pour accorder le permis litigieux et que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Par deux mémoires, enregistrés les 13 mars 2023 et 12 décembre 2023, la SNC Lidl, représentée par Me Bozzi, conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre à la charge de la requérante la somme de 4 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Par un courrier du 26 janvier 2024, les parties ont été informées de ce que la cour était susceptible, après avoir constaté l'illégalité du permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale au vu du moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte (affichage irrégulier et imprécision du contenu de la délégation de signature du 20 mai 2022) de mettre en œuvre la procédure prévue à l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme et les a invitées à présenter leurs observations.

Par un courrier du 26 janvier 2024, la cour a informé les parties, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que la décision à intervenir était susceptible d'être fondée sur un moyen soulevé d'office, tiré de l'imprécision du contenu de l'arrêté du 20 mai 2022 du maire de Vichy portant délégation de signature à Mme B... A..., première adjointe au maire, qui ne vise pas précisément les autorisations d'urbanisme.

Par un mémoire, enregistré le 29 janvier 2024, la Commission nationale d'aménagement commercial conclut au rejet de la requête.

Elle fait valoir qu'elle justifie de la régularité de l'avis rendu le 16 juin 2022.

Par un courrier enregistré le 31 janvier 2024, la commune de Vichy a répondu aux courriers qui lui ont été adressés le 26 janvier 2024.

Par un courrier enregistré le 1er février 2024, la SNC Lidl a répondu aux courriers qui lui ont été adressés le 26 janvier 2024 et précise qu'elle entend solliciter le prononcé d'un sursis à statuer en application de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme afin de régulariser les vices éventuellement constatés.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de commerce ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Rémy-Néris, première conseillère,

- les conclusions de Mme Le Frapper, rapporteure publique,

- et les observations de Me Ducros pour la SAS Distribution Casino France, de Me Martins Da Silva pour la commune de Vichy et de Me Juliac-de-Grelle pour la SNC Lidl ;

Considérant ce qui suit :

1. Le 21 décembre 2021, la société Lidl a déposé auprès de la mairie de Vichy une demande de permis de construire valant démolition et autorisation d'exploitation commerciale portant sur la démolition totale d'un magasin existant d'une surface de vente de 713 m² et la construction d'un bâtiment destiné à accueillir un magasin à dominance alimentaire de l'enseigne " Lidl " d'une surface de vente de 1 415 m² sur le territoire de la commune. La commission départementale d'aménagement commercial (CDAC) de l'Allier a rendu un avis favorable au projet le 15 février 2022. Saisie d'un recours contre cet avis favorable de la CDAC de l'Allier, la Commission nationale d'aménagement commercial (CNAC) a rejeté ce recours et émis, le 16 juin 2022, un avis favorable au projet. Par un arrêté du 9 août 2022, le maire de Vichy a délivré à la SNC Lidl un permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale pour le projet considéré. La société Distribution Casino France, qui exploite une supérette à l'enseigne " Casino Shop " sur la commune de Vichy et une supérette sur la commune de Cusset, situées au sein de la zone de chalandise du projet, demande l'annulation de cet arrêté en tant qu'il tient lieu d'autorisation d'exploitation commerciale.

Sur l'intérêt pour agir de la SAS Distribution Casino France :

2. Aux termes de l'article L. 752-17 du code de commerce : " I.- Conformément à l'article L. 425-4 du code de l'urbanisme, le demandeur, le représentant de l'Etat dans le département, tout membre de la commission départementale d'aménagement commercial, tout professionnel dont l'activité, exercée dans les limites de la zone de chalandise définie pour chaque projet, est susceptible d'être affectée par le projet ou toute association les représentant peuvent, dans le délai d'un mois, introduire un recours devant la Commission nationale d'aménagement commercial contre l'avis de la commission départementale d'aménagement commercial. (...) ".

3. Il ressort des pièces du dossier que la société requérante exploite deux supérettes en particulier un magasin à l'enseigne " Casino shop " sis 130 rue Jean Jaurès à Vichy se situant à 550 m et à 2 minutes de trajet en voiture du projet en litige et un magasin à l'enseigne " Casino " sis 2 rue de la République à Cusset situé à 1,9 km et à 7 minutes de trajet en voiture du projet en litige. Leurs activités, situées dans la zone de chalandise de ce projet et à dominante alimentaire, sont susceptibles d'être affectées par ce projet litigieux autorisant l'extension de la surface de vente du magasin Lidl existant sur le territoire de la commune de Vichy. Dans ces conditions, la société requérante justifie d'un intérêt à agir suffisant pour demander l'annulation du permis de construire délivré le 9 août 2022 en tant qu'il tient lieu d'autorisation d'exploitation commerciale. La fin de non-recevoir présentée à ce titre par la commune de Vichy doit dès lors être écartée.

Sur la légalité de l'arrêté édicté le 9 août 2022 :

En ce qui concerne le moyen tiré du vice d'incompétence :

4. Aux termes de l'article L. 2131-1 du code général des collectivités territoriales : " Les actes pris par les autorités communales sont exécutoires de plein droit dès qu'il a été procédé à leur publication ou affichage ou à leur notification aux intéressés ainsi qu'à leur transmission au représentant de l'Etat dans le département ou à son délégué dans l'arrondissement. (...) Le maire certifie, sous sa responsabilité, le caractère exécutoire de ces actes. ". En vertu de l'article R. 2122-7 du même code, d'une part, la publication des arrêtés du maire est constatée par une déclaration certifiée de celui-ci, d'autre part, il est tenu dans chaque commune un registre où sont inscrits les dates d'édiction, de publication et de notification de ces arrêtés. La mention " publié " apposée, sous la responsabilité du maire, sur un acte communal fait foi jusqu'à preuve du contraire.

5. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que Mme B... A..., première adjointe au maire de Vichy, signataire de l'arrêté attaqué, a reçu délégation du maire, par arrêté du 20 mai 2022, pour signer " toutes les pièces administratives courantes n'emportant pas, pour la commune d'engagements financiers nouveaux " dans plusieurs domaines de compétences notamment l'urbanisme et le commerce. Il ressort de la copie de cet arrêté de délégation, produite par la commune de Vichy, que cet acte a été transmis au représentant de l'Etat le 24 mai 2022. Toutefois, si l'arrêté fait mention dans son article 3 de ce que " le présent arrêté sera inscrit au recueil des arrêtés de la commune et au recueil des actes administratifs de la commune et publié ", cette mention ne saurait faire foi dès lors que la commune ne produit pas la preuve de la publication de cet arrêté et fait valoir de façon contradictoire en défense que l'arrêté en cause n'a fait l'objet que d'un affichage. A ce titre, aucune pièce produite au dossier ne démontre que cet arrêté aurait fait l'objet d'un affichage ainsi que l'affirme la commune. En outre, le maire de Vichy n'a pas non plus certifié, sous sa responsabilité, le caractère exécutoire de l'acte en cause. En l'absence de publication ou d'affichage, Mme A... ne disposait pas d'une délégation de signature régulière à l'effet de signer l'arrêté du 9 août 2022 portant délivrance à la SNC Lidl d'un permis de construire tenant lieu d'autorisation d'exploitation commerciale. En outre, l'arrêté portant délégation, en se bornant à viser " toutes les pièces administratives courantes n'emportant pas, pour la commune d'engagements financiers nouveaux ", est insuffisamment précis quant à l'étendue de la délégation consentie à Mme A... par le maire de la commune et ne permet pas de considérer que la délégataire avait compétence pour signer les autorisations d'urbanisme et les autorisations d'exploitation commerciale. Pour ces deux motifs, cet arrêté est, par suite, entaché d'illégalité.

En ce qui concerne le moyen tiré de l'irrégularité de l'avis de la Commission nationale d'aménagement commercial :

6. Aux termes de l'article R. 752-35 du code de commerce : " La commission nationale se réunit sur convocation de son président. Cinq jours au moins avant la réunion, chacun des membres reçoit, par tout moyen, l'ordre du jour ainsi que, pour chaque dossier : / 1° L'avis ou la décision de la commission départementale ; / 2° Le procès-verbal de la réunion de la commission départementale ; / 3° Le rapport des services instructeurs départementaux ; / 4° Le ou les recours à l'encontre de l'avis ou de la décision ; / 5° Le rapport du service instructeur de la commission nationale. "

7. Il ressort des pièces du dossier que, le 31 mai 2022, le secrétaire de la Commission nationale d'aménagement commercial a adressé de façon simultanée aux membres de cette commission une convocation pour la réunion du 16 juin 2022, à laquelle était joint l'ordre du jour et où il était mentionné que tous les documents visés à l'article R. 752-35 du code de commerce sont disponibles, au moins cinq jours avant la tenue de la séance, sur la plateforme de téléchargement. La Commission nationale d'aménagement commercial produit également une attestation de la société Dematis, qui exploite le site " e-convocations.com ", attestant du fait que les convocations ont bien été adressées à leurs destinataires le 31 mai 2022. Elle produit également un document justifiant du partage des fichiers annoncés dans les convocations avec les membres de la CNAC qui est une capture d'écran de la plateforme dédiée Sofie faisant apparaître le partage de ces fichiers intitulés " CNAC 533 et 534 du 16 juin 2022 " le 9 juin 2022 ainsi qu'une attestation du 24 novembre 2023 de la secrétaire de la CNAC attestant de l'envoi et la mise à disposition des convocations aux membres de la CNAC et des documents exigés en vue de la séance du 16 juin 2022, le 9 juin 2022, soit plus de cinq jours avant la date de la séance. Contrairement à ce que prétend la requérante, l'ensemble de ces documents permettent de justifier que les membres de la CNAC ont été régulièrement convoqués à la séance du 16 juin 2022 au moins cinq jours avant celle-ci et qu'ils ont reçu l'ensemble des éléments de dossiers pour la séance en cause conformément aux dispositions précitées. Il est constant qu'aucun membre de la CNAC ne s'est plaint de ne pas avoir été destinataire de la convocation et/ou des documents nécessaires à l'examen des dossiers. Si, dans un dernier mémoire qui n'a pas été communiqué, la société requérante indique à bon droit qu'une membre suppléante de la CNAC n'a pas été convoquée, en tout état de cause, une telle irrégularité n'a pas eu d'influence sur le sens de l'avis rendu dès lors qu'il est constant que le quorum fixé par l'article R. 752-37 du code de commerce pour la tenue de la séance de la CNAC a été respecté. Par suite, la société Distribution Casino France n'est pas fondée à soutenir que les dispositions de l'article R. 732-35 du code de commerce ont été méconnues.

En ce qui concerne la composition du dossier de demande d'autorisation d'exploitation commerciale :

8. Aux termes de l'article L. 752-3 du code de commerce : " I. - Sont regardés comme faisant partie d'un même ensemble commercial, qu'ils soient ou non situés dans des bâtiments distincts et qu'une même personne en soit ou non le propriétaire ou l'exploitant, les magasins qui sont réunis sur un même site et qui : 1° Soit ont été conçus dans le cadre d'une même opération d'aménagement foncier, que celle-ci soit réalisée en une ou en plusieurs tranches ; 2° Soit bénéficient d'aménagements conçus pour permettre à une même clientèle l'accès des divers établissements ; 3° Soit font l'objet d'une gestion commune de certains éléments de leur exploitation, notamment par la création de services collectifs ou l'utilisation habituelle de pratiques et de publicités commerciales communes ; 4° Soit sont réunis par une structure juridique commune, contrôlée directement ou indirectement par au moins un associé, exerçant sur elle une influence au sens de l'article L. 233-16 ou ayant un dirigeant de droit ou de fait commun. (...) ".

9. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que le projet du pétitionnaire est situé à proximité d'un magasin Distrigros, d'un magasin Ucal nature et jardin, d'un centre de contrôle technique et d'une station de lavage, que l'accès à ces établissements se fait de manière commune par la rue des Bartins et qu'un espace de circulation des clients existe entre ceux-ci. Les établissements en cause doivent donc être regardés comme implantés sur le même site. Toutefois, contrairement à ce que soutient la requérante, si ces établissements bénéficient d'un accès commun à la voie publique, ils bénéficient chacun de leur propre parc de stationnement. En outre, l'espace de circulation interne au site n'a pas été conçu comme un aménagement commun au sens des dispositions précitées. Enfin, il est constant que ces établissements ne font pas l'objet d'une gestion commune de certains éléments de leur exploitation, qu'ils ne sont pas réunis par une structure juridique commune et que le projet n'a pas été conçu dans le cadre d'une même opération d'aménagement foncier avec les autres établissements. Par conséquent, le magasin projeté par la SNC Lidl n'appartient pas à un ensemble commercial au sens de l'article L. 752-3 du code du commerce et le moyen tiré de ce que le pétitionnaire aurait entendu fausser l'appréciation de la CNAC s'agissant du pouvoir d'attraction exercée par les enseignes déjà présentes sur le site, et qui au demeurant ne vise pas la même clientèle que le pétitionnaire, doit être écarté.

10. Aux termes de l'article R. 752-6 du code de commerce, dans sa rédaction applicable au litige : " I. La demande est accompagnée d'un dossier comportant les éléments mentionnés ci-après ainsi que, en annexe, l'analyse d'impact définie au III de l'article L. 752-6. (...) 3° Effets du projet en matière d'aménagement du territoire. (...) Le dossier comprend une présentation des effets du projet sur l'aménagement du territoire, incluant les éléments suivants : (...) b) Evaluation des flux journaliers de circulation des véhicules générés par le projet sur les principaux axes de desserte du site, ainsi que des capacités résiduelles d'accueil des infrastructures de transport existantes ; (...) f) En cas d'aménagements envisagés de la desserte du projet : tous documents garantissant leur financement et leur réalisation effective à la date d'ouverture de l'équipement commercial pour les aménagements pris en charge au moins pour partie par les collectivités territoriales, la mention des principales caractéristiques de ces aménagements, une estimation des coûts indirects liés aux transports supportés par les collectivités comprenant la desserte en transports en commun, ainsi qu'une présentation des avantages, économiques et autres, que ces aménagements procureront aux collectivités ; 4° Effets du projet en matière de développement durable. (...) c) Le cas échéant, dans les limites fixées aux articles L. 229-25 et R. 229-47 du code de l'environnement, description des émissions directes et indirectes de gaz à effet de serre que le projet est susceptible de générer et les mesures envisagées pour les limiter ; (...). " Les commissions d'aménagement commercial ne peuvent pas légalement délivrer l'autorisation demandée sur la base d'un dossier qui, par ses insuffisances, ne leur permettraient pas d'apprécier l'impact du projet au regard des objectifs et des critères d'évaluation mentionnés à l'article L. 752-6 du code de commerce.

11. Il ressort des pièces du dossier que le pétitionnaire a fait réaliser une étude de trafic par le cabinet Lee Sormea laquelle mentionne en page 52 que le flux de véhicules particuliers supplémentaire induit par le projet sera de 45 véhicules le vendredi à l'heure de pointe soit entre 16h et 17h et 45 véhicules également le samedi à l'heure de pointe soit entre 10h45 et 11h45. L'étude des capacités d'accueil des infrastructures de transport existantes indique pour ces mêmes horaires que les réserves de capacité sont satisfaisantes ou acceptables sur les voies d'accès au site à l'entrée/sortie du projet et sur le carrefour à feux Bartins / Beauséjour. Le projet prévoit d'ailleurs deux voies de sortie pour réduire le temps d'attente. La société requérante n'apporte pas d'élément permettant de considérer que ces flux de circulation et l'appréciation des capacités d'accueil des infrastructures de transport existantes n'auraient pas été correctement évalués.

12. La fourniture de documents garantissant le financement et la réalisation effective, à la date d'ouverture de l'équipement commercial, d'aménagements envisagés pour la desserte du projet, n'est, aux termes mêmes du f) du 3° du I de l'article R. 752-6 du code de commerce, requise que pour les aménagements pris en charge au moins pour partie par les collectivités territoriales, ce qui n'est pas le cas du projet litigieux. Si ce dernier comporte la création de deux voies au niveau de la sortie du magasin Lidl et la suppression du terre-plein central à droite de la sortie, il ressort des pièces du dossier et de la mention figurant à l'article 5 du permis en litige que ces aménagements seront entièrement réalisés et pris en charge par la SNC Lidl. Par suite, cette dernière n'avait pas à fournir de documents garantissant leur financement et leur réalisation effective. En outre, la prescription formulée dans l'article 5 du permis de construire litigieux, qui se borne à reprendre les termes de l'avis rendu le 17 janvier 2022 par le service commun voiries et réseaux entre Vichy Communauté et la commune de Vichy, n'emporte pas autorisation pour le pétitionnaire d'effectuer des travaux sur le domaine public routier relevant de la Communauté d'agglomération Vichy Communauté.

13. Si la requérante fait valoir que le pétitionnaire n'a transmis aucune évaluation portant sur les émissions de gaz à effet de serre induites par la démolition / construction envisagée et sur le devenir des déchets liés à l'opération de démolition et à l'activité du bâti, les dispositions de l'article R. 752-6 du code de commerce ne prescrivent pas la réalisation d'une telle évaluation ni n'imposent au pétitionnaire de présenter les mesures de traitement des déchets ou de limitation des émissions de gaz à effet de serre en phase de chantier.

14. Il résulte de ce qui a été dit aux points 10 à 13 que la Commission nationale d'aménagement commercial, qui a disposé de l'ensemble des informations nécessaires à l'analyse du dossier, a pu statuer en toute connaissance de cause sur la demande qui lui était soumise. Par suite, le moyen tiré du caractère incomplet du dossier de demande ne peut qu'être écarté.

En ce qui concerne l'incompatibilité du projet en litige avec le Schéma de cohérence territoriale Vichy Val d'Allier :

15. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 752-6 du code de commerce, dans sa rédaction applicable au litige : " I.- L'autorisation d'exploitation commerciale mentionnée à l'article L. 752-1 est compatible avec le document d'orientation et d'objectifs des schémas de cohérence territoriale (...) ". Il appartient aux commissions d'aménagement commercial, non de vérifier la conformité des projets d'exploitation commerciale qui leur sont soumis aux énonciations des schémas de cohérence territoriale (SCoT), mais d'apprécier la compatibilité de ces projets avec les orientations générales et les objectifs qu'ils définissent pris dans leur ensemble.

16. Le Document d'orientations et d'Objectifs du SCOT Vichy Val d'Allier prévoit que " seuls les commerces de moins de 1 000 m² de surface de vente peuvent s'implanter en dehors des localisations préférentielles et des ZACOM. Cette orientation concerne les créations et extensions de commerces de détail (y compris les ensembles commerciaux), ainsi que la réouverture au public d'un magasin dont les locaux ont cessé d'être exploités durant 3 ans. Afin de permettre le bon fonctionnement des activités existantes, les commerces implantés hors ZACOM et hors centralités urbaines principales, dont la surface de vente est supérieure à 1.000 m² ou est susceptible de franchir ce seuil, peuvent bénéficier d'une extension comprise : / - dans un seuil (plafond) de 20 % pour les commerces ayant une surface de vente inférieure à 5 000 m² au moment de l'approbation du DAC (...). " Toutefois, le projet en cause, qui se situe au sein d'une localisation préférentielle identifiée par le SCOT pour répondre aux achats du quotidien et pour les achats occasionnels légers et à 200 m d'une ZACOM, et qui se limite à une extension de surface de vente d'un magasin existant après démolition / reconstruction, ne saurait être incompatible avec cette orientation au seul motif qu'il ne se situe pas au sein d'une ZACOM ou d'une centralité urbaine principale. Le moyen tiré de l'incompatibilité du projet avec le document d'orientation et d'objectif du Scot Vichy Val d'Allier doit, dès lors, être écarté.

En ce qui concerne la méconnaissance des articles L. 750-1 et L. 752-6 du code de commerce :

17. Aux termes de l'article L. 752-6 du code de commerce : " I.- L'autorisation d'exploitation commerciale mentionnée à l'article L. 752-1 est compatible avec le document d'orientation et d'objectifs des schémas de cohérence territoriale ou, le cas échéant, avec les orientations d'aménagement et de programmation des plans locaux d'urbanisme intercommunaux comportant les dispositions prévues au dernier alinéa de l'article L. 123-1-4 du code de l'urbanisme. La commission départementale d'aménagement commercial prend en considération : 1° En matière d'aménagement du territoire : a) La localisation du projet et son intégration urbaine ; b) La consommation économe de l'espace, notamment en termes de stationnement ; c) L'effet sur l'animation de la vie urbaine, rurale et dans les zones de montagne et du littoral ; d) L'effet du projet sur les flux de transports et son accessibilité par les transports collectifs et les modes de déplacement les plus économes en émission de dioxyde de carbone ; 2° En matière de développement durable : a) La qualité environnementale du projet, notamment du point de vue de la performance énergétique, du recours le plus large qui soit aux énergies renouvelables et à l'emploi de matériaux ou procédés éco-responsables, de la gestion des eaux pluviales, de l'imperméabilisation des sols et de la préservation de l'environnement ; b) L'insertion paysagère et architecturale du projet, notamment par l'utilisation de matériaux caractéristiques des filières de production locales ; c) Les nuisances de toute nature que le projet est susceptible de générer au détriment de son environnement proche. Les a et b du présent 2° s'appliquent également aux bâtiments existants s'agissant des projets mentionnés au 2° de l'article L. 752-1 ; 3° En matière de protection des consommateurs : a) L'accessibilité, en termes, notamment, de proximité de l'offre par rapport aux lieux de vie ; b) La contribution du projet à la revitalisation du tissu commercial, notamment par la modernisation des équipements commerciaux existants et la préservation des centres urbains ; c) La variété de l'offre proposée par le projet, notamment par le développement de concepts novateurs et la valorisation de filières de production locales ; d) Les risques naturels, miniers et autres auxquels peut être exposé le site d'implantation du projet, ainsi que les mesures propres à assurer la sécurité des consommateurs.(...) ".

18. Il résulte de ces dispositions que l'autorisation d'aménagement commercial ne peut être refusée que si, eu égard à ses effets, le projet contesté compromet la réalisation des objectifs énoncés par la loi. Il appartient aux commissions d'aménagement commercial, lorsqu'elles statuent sur les dossiers de demande d'autorisation, d'apprécier la compatibilité du projet à ces objectifs, au vu des critères d'évaluation mentionnés à l'article L. 752-6 du code de commerce.

S'agissant de l'aménagement du territoire :

19. Il ressort des pièces du dossier que le projet en litige s'implantera sur un terrain sis 20 rue des Bartins à Vichy à environ 1,8 km et à 6 minutes de trajet en voiture du centre-ville. La SAS Distribution Casino France soutient que le projet impactera le tissu commercial des centres-villes de la zone de chalandise (Creuzier-le-vieux, Cusset, Vichy) qui connaissent un important taux de vacance commerciale, que la zone de chalandise a connu une baisse démographique de 2,68% sur les dix dernières années et que la densité commerciale alimentaire de la zone, dont les magasins sont essentiellement situés en périphérie, est supérieure aux densités départementales et nationales. Toutefois, le critère tiré de la densité d'équipement commercial de la zone de chalandise concernée ne figure plus, depuis l'entrée en vigueur de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 au nombre des critères d'évaluation mentionnés à l'article L. 752-6 du code de commerce. En outre, s'il ressort en effet de l'analyse d'impact produite par le pétitionnaire que le taux de vacance commerciale du centre-ville de Vichy est de 14,15%, celui de Cusset est de 16,90% et celui de Creuzier-le-Vieux est de 20%, taux qui ne peuvent être regardés comme faibles, il a été rappelé que le projet consiste en une extension d'un magasin existant après démolition / reconstruction, et l'analyse produite souligne que l'impact de ce projet sur l'offre commerciale existant dans le centre-ville de la commune de Vichy sera relativement modéré, notamment sur les supérettes et supermarchés avec des hypothèses de 1,26% à 2,24%, de même que pour ceux des communes de Creuzier-le-Vieux et Cusset avec un impact respectivement inférieur à 1% et de 1,12% à 1,99%. S'agissant des flux de circulation supplémentaire engendrés par le projet et la capacité suffisante des voies de desserte pour accueillir ces flux, il a été rappelé que les capacités d'accueil des infrastructures de transport existantes sont jugées suffisantes et que le projet prévoit la création de deux voies dédiées en sortie du site, une en tourne à gauche et l'autre en tourne à droite. Les livraisons seront quant à elles réalisées en dehors des horaires d'ouverture du magasin. Il résulte de ce qui précède que la requérante n'établit pas, par les griefs qu'elle invoque, que la Commission nationale d'aménagement commercial aurait commis une erreur d'appréciation en estimant que le projet ne porterait pas atteinte aux objectifs fixés par le législateur en matière d'aménagement du territoire.

S'agissant du développement durable :

20. S'agissant de l'imperméabilisation des sols sur le terrain d'assiette du projet, la société requérante reconnaît dans ses écritures que le tènement d'assiette du projet sera imperméabilisé à hauteur de 67% contre 74% actuellement. Le projet prévoit également la création d'un parc de stationnement comprenant 82 places de stationnement en pavés drainants sur les 86 places prévues. La surface des espaces verts de pleine terre passera de 1 008 m² à 1 147 m² et 35 arbres de haute tige seront plantés. Si la SAS Distribution Casino France soutient que l'opération projetée génèrera d'importantes émissions de gaz à effet de serre et de nombreux déchets et présentera un impact environnemental supérieur à celui résultant de la réhabilitation du magasin Lidl existant, ces allégations, qui ne sont étayées d'aucun commencement de justification, portent sur la phase de chantier du projet et non le projet en lui-même. En outre, le projet prévoit de dépasser les exigences énergétiques imposées par la RT 2012 avec une surperformance de 39,5% sur la consommation d'énergie primaire et de 13% sur les besoins bioclimatiques. Le bâtiment sera entièrement équipé de Leds et une surface de 273 m² d'ombrières photovoltaïques sera implantée sur le parc de stationnement et 688 m² de panneaux photovoltaïques seront implantés en toiture. Le projet prévoit également des mesures pour limiter les pollutions associées à l'activité en réduisant les déchets et en les valorisant. Par suite, le projet litigieux ne peut être regardé comme méconnaissant les objectifs fixés par le législateur en matière de développement durable.

21. Par les griefs qu'elle invoque, la société requérante ne démontre pas que la Commission nationale d'aménagement commercial aurait porté une appréciation erronée sur la conformité du projet aux différents critères visés par les dispositions précitées du code de commerce.

Sur l'application de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme :

22. Aux termes de l'article L. 600-13 du code de l'urbanisme : " Les dispositions du présent livre sont applicables aux recours pour excès de pouvoir formés contre les permis de construire qui tiennent lieu d'autorisation au titre d'une autre législation, sauf disposition contraire de cette dernière ".

23. Aux termes de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme : " Sans préjudice de la mise en œuvre de l'article L. 600-5, le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre un permis de construire (...) estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu'un vice entraînant l'illégalité de cet acte est susceptible d'être régularisé, sursoit à statuer, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, jusqu'à l'expiration du délai qu'il fixe pour cette régularisation, même après l'achèvement des travaux. Si une mesure de régularisation est notifiée dans ce délai au juge, celui-ci statue après avoir invité les parties à présenter leurs observations (...) ".

24. L'illégalité relevée résultant de l'incompétence du signataire de l'arrêté du 9 août 2022 est susceptible d'être régularisée. Dans ces conditions, il y a lieu de surseoir à statuer, en application de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme, pendant un délai de quatre mois pour permettre le cas échéant la régularisation du vice par un permis de construire modificatif.

DECIDE :

Article 1er : Il est sursis à statuer sur la requête de la société Distribution Casino France, jusqu'à l'expiration d'un délai de quatre mois, afin de permettre la régularisation du vice tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté du 9 août 2022 pris par le maire de la commune de Vichy.

Article 2 : Tous droits et moyens des parties sur lesquels il n'est pas expressément statué par le présent arrêt sont réservés jusqu'en fin d'instance.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS Distribution Casino France, à la SNC Lidl, à la commune de Vichy et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée à la présidente de la Commission nationale d'aménagement commercial.

Délibéré après l'audience du 15 février 2024 à laquelle siégeaient :

Mme Dèche, présidente,

Mme Burnichon, première conseillère,

Mme Rémy-Néris, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 7 mars 2024.

La rapporteure,

V. Rémy-NérisLa présidente,

P. Dèche

La greffière,

A-C. Ponnelle

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, en ce qui les concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 22LY02945

ar


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 22LY02945
Date de la décision : 07/03/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

14-02-01-05 Commerce, industrie, intervention économique de la puissance publique. - Réglementation des activités économiques. - Activités soumises à réglementation. - Aménagement commercial.


Composition du Tribunal
Président : Mme DECHE
Rapporteur ?: Mme Vanessa REMY-NERIS
Rapporteur public ?: Mme LE FRAPPER
Avocat(s) : LEONEM AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 31/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-03-07;22ly02945 ?
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