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07/03/2024 | FRANCE | N°22LY02015

France | France, Cour administrative d'appel de LYON, 5ème chambre, 07 mars 2024, 22LY02015


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure



La SAS Colorey a demandé au tribunal administratif de Lyon la restitution des créances de crédit d'impôt recherche à hauteur de 19 597 euros, 28 525 euros et 25 354 euros au titre respectivement des années 2015, 2016 et 2017 et des intérêts moratoires correspondants.



Par un jugement n° 2008362 du 3 mai 2022, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour



Par une requête et un mémoire, enregistrés

les 30 juin 2022 et 28 mai 2023, la SAS Colorey, représentée par Me Bocherel, demande à la cour :

1°) après a...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La SAS Colorey a demandé au tribunal administratif de Lyon la restitution des créances de crédit d'impôt recherche à hauteur de 19 597 euros, 28 525 euros et 25 354 euros au titre respectivement des années 2015, 2016 et 2017 et des intérêts moratoires correspondants.

Par un jugement n° 2008362 du 3 mai 2022, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 30 juin 2022 et 28 mai 2023, la SAS Colorey, représentée par Me Bocherel, demande à la cour :

1°) après avoir joint les instances pendantes de la SAS Colorey et l'EURL CC Développement et ordonné une médiation judiciaire, d'annuler ce jugement et lui accorder la restitution sollicitée assortie des intérêts moratoires ;

2°) de mettre à la charge de l'État la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les rémunérations de M. A... versées au titre de l'encadrement de son activité de recherche et développement sont éligibles au titre de son crédit impôt recherche ; les conventions de " management fees " conclues en 2005 et 2017 entre les sociétés CC Développement et la SAS Colorey doivent s'analyser comme des conventions de mise à disposition de l'intéressé pour cette activité au sein de la SAS Colorey ;

- l'administration a formellement admis, lors de la vérification de comptabilité de l'EURL CC Développement, que lesdites rémunérations étaient éligibles au crédit impôt recherche de sa filiale, la SAS Colorey, et elle est fondée à se prévaloir de cette prise de position formelle sur le fondement de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales.

Par deux mémoires en défense, enregistrés les 27 janvier et 4 août 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que :

- il refuse la proposition de médiation de la société ;

- et les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Une ordonnance du 16 août 2023 a fixé la clôture de l'instruction au 29 septembre 2023.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Rémy-Néris, première conseillère,

- les conclusions de Mme Le Frapper, rapporteure publique,

- et les observations de Me Decaudin, substituant Me Bocherel, pour la SAS Colerey ;

Considérant ce qui suit :

1. La SAS Colorey, qui exerce une activité de vente et de production de colorants et pigments pour l'industrie, est détenue à 96,80 % par l'EURL CC Développement, qui assure également les fonctions de présidence de la société Colorey et dont le gérant est M. A.... Au titre des années 2015, 2016 et 2017, elle a obtenu le remboursement de crédit d'impôt recherche à hauteur des sommes de 33 882 euros, 23 293 euros et 76 312 euros au titre des années 2015, 2016 et 2017. Elle a fait l'objet d'une procédure de vérification de comptabilité au titre de la période du 1er janvier 2015 au 31 décembre 2017 à l'issue de laquelle le crédit impôt recherche obtenu au titre de l'année 2017 a été réduit à la somme de 38 035 euros. Elle a sollicité le 9 octobre 2019 un remboursement complémentaire à hauteur de 19 597 euros, 28 525 euros et 25 354 euros au titre respectivement des années 2015, 2016 et 2017, demande qui a été rejetée. La SAS Colorey relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à la restitution de créances de crédit d'impôt recherche à hauteur de 19 597 euros, 28 525 euros et 25 354 euros au titre respectivement des années 2015, 2016 et 2017.

Sur la demande de jonction :

2. Le juge n'est jamais tenu de joindre un appel à un autre et, saisi de conclusions en ce sens, il n'a pas à motiver son refus. En l'espèce, il n'y a pas lieu de joindre la présente instance avec celle, enregistrée sous le numéro 22LY02017 concernant l'EURL CC Développement.

Sur la demande de restitution :

3. D'une part, aux termes de l'article 244 quater B du code général des impôts : " II. Les dépenses de recherche ouvrant droit au crédit d'impôt sont : (...) b) Les dépenses de personnel afférentes aux chercheurs et techniciens de recherche directement et exclusivement affectés à ces opérations. (...)". Aux termes de l'article 49 septies G de l'annexe III au code général des impôts : " Le personnel de recherche comprend : 1. Les chercheurs qui sont les scientifiques ou les ingénieurs travaillant à la conception ou à la création de connaissances, de produits, de procédés, de méthodes ou de systèmes nouveaux. Sont assimilés aux ingénieurs les salariés qui, sans posséder un diplôme, ont acquis cette qualification au sein de leur entreprise. 2. Les techniciens, qui sont les personnels travaillant en étroite collaboration avec les chercheurs, pour assurer le soutien technique indispensable aux travaux de recherche et de développement expérimental. (...) Dans le cas des entreprises qui ne disposent pas d'un département de recherche, les rémunérations prises en compte pour le calcul du crédit d'impôt sont exclusivement les rémunérations versées aux chercheurs et techniciens à l'occasion d'opérations de recherche ". Aux termes de l'article 49 septies I de l'annexe III au code général des impôts : " Pour la détermination des dépenses de recherche visées aux a, b, f et au 2° du h du II de l'article 244 quater B du code général des impôts, il y a lieu de retenir : (...) b. Au titre des dépenses de personnel, les rémunérations et leurs accessoires ainsi que les charges sociales, dans la mesure où celles-ci correspondent à des cotisations sociales obligatoires ".

4. Il résulte de ces dispositions, d'une part, que les rémunérations des dirigeants non salariés de sociétés soumises à l'impôt sur les sociétés qui participent effectivement et personnellement aux projets de recherche éligibles au crédit d'impôt recherche peuvent être comprises dans la base de calcul de ce crédit d'impôt, à condition qu'elles constituent des charges déductibles du résultat imposable de l'entreprise, et d'autre part, que le bénéfice des dispositions du II de l'article 244 quater B du code général des impôts s'étendent aux rémunérations et aux charges sociales prises en charge par l'entreprise au titre de la mise à sa disposition par un tiers de personnes afin d'y effectuer, dans ses locaux et avec ses moyens, des opérations de recherche.

5. Sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve au contribuable, il appartient au juge de l'impôt, au vu de l'instruction et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si des dépenses sont éligibles au dispositif du crédit d'impôt prévu par les dispositions précitées du code général des impôts.

6. La SAS Colorey a sollicité auprès de l'administration fiscale au titre des années 2015, 2016 et 2017, le bénéfice d'un crédit d'impôt recherche complémentaire pour des dépenses de personnel d'un montant respectif de 19 597 euros, 28 525 euros et 25 354 euros. Elle soutient que ces rémunérations sont celles versées à M. A..., gérant de l'EURL CC Développement, mis à disposition par cette dernière au titre de l'encadrement des travaux de recherche menés au sein de la SAS Colorey et qui ont fait l'objet d'une refacturation de l'EURL CC Développement à la requérante.

7. Il résulte de l'instruction que, sur les trois années vérifiées, M. A... a perçu des rémunérations de gérance de l'EURL CC Développement dont la seule activité est la facturation des prestations de direction à la SAS Colorey. Si la société requérante fait valoir qu'il avait également été mis à disposition de la SAS Colorey par l'EURL CC Développement pour une activité de " participation et encadrement des travaux de recherche " au sein de la société requérante, mission qui a représenté environ 20% de son temps, les conventions conclues entre les deux sociétés produites au dossier ne permettent pas de justifier de cette mise à disposition. Ainsi que l'a relevé le tribunal, la convention de " management feees " conclue le 1er avril 2005 prévoit que la SAS Colorey rémunère, sous forme d'honoraires, l'EURL CC Développement pour une activité de conseil en management et stratégies économique et financière. La convention de prestations de services signée le 1er janvier 2017 entre les sociétés, qui est produite pour la première fois en appel, prévoit que la société CC Développement apporte à la SAS Colorey son assistance dans les différents domaines notamment commercial, technique, communication et publicité, informatique et financier. Si le point 4.1.2 sur le volet " technique " fait état d'une mission d'" assistance et recommandations relatives au développement de nouvelles gammes de produits et services et notamment la recherche appliquée liée au brevet Coloreyfix ", cette mention ne saurait constituer une mise à disposition de M. A... s'agissant de l'activité litigieuse d'autant que cette convention, comme la précédente, ne mentionne aucunement la rémunération perçue par l'intéressé et les charges sociales afférentes. Il s'ensuit que M. A..., qui n'a perçu sur la période vérifiée aucune rémunération directe de la SAS Colorey, ne peut être regardé comme ayant été mis à disposition de cette société par l'EURL CC Développement pour la mission susmentionnée et en vertu des conventions susvisées. Au surplus, il ne résulte pas de l'instruction que l'activité de M. A..., au sein de la SAS Colorey, qui a consisté à encadrer le service de recherche et développement, a également concerné l'activité de recherche en tant que telle. Il est constant que ce dernier n'a pas de diplôme d'ingénieur, ni de diplôme scientifique et la requérante n'apporte aucun élément de nature à démontrer la réalité de l'activité de recherche menée par M. A... au sein de la SAS Colorey. Par suite, c'est à bon droit que l'administration a refusé la prise en compte de la quote-part de rémunérations de M. A... sollicitée par la SAS Colorey dans l'assiette de son crédit d'impôt.

8. D'autre part, il ne résulte ni de la proposition de rectification du 3 août 2018 adressée à l'EURL CC Développement, ni de la réponse aux observations du contribuable du 16 octobre 2018, ni de celle de l'interlocuteur départemental du 2 novembre 2020 ni d'aucun autre document produit au dossier que l'administration aurait formellement pris position sur l'éligibilité au crédit impôt recherche des dépenses liées aux rémunérations de M. A... en litige quand bien même l'administration a pu mentionner le projet de développement de fixateur de couleur au sein de la SAS Colorey et la participation à ce dernier de M. A..., sans toutefois préciser l'activité et le rôle de ce dernier. Dans ces conditions, la requérante n'est pas fondée à se prévaloir d'une prise de position formelle sur le fondement de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales quant à l'éligibilité des rémunérations en litige.

9. Il résulte de ce qui précède que la SAS Colorey n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin de médiation :

10. Aux termes de l'article L. 213-7 du code de justice administrative : " Lorsqu'un tribunal administratif ou une cour administrative d'appel est saisi d'un litige, le président de la formation de jugement peut, après avoir obtenu l'accord des parties, ordonner une médiation pour tenter de parvenir à un accord entre celles-ci ".

11. Le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique a explicitement en défense rejeté la proposition de médiation formulée par la SAS Colorey en vertu de l'article L. 213-7 du code de justice administrative. Le ministre s'opposant à la demande de médiation, les conclusions présentées par la requérante, tendant à ce que la cour ordonne une médiation pour tenter de parvenir à un accord entre les deux parties, ne peuvent, en tout état de cause, qu'être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'État qui n'a pas, dans la présente instance, la qualité de partie perdante, verse à la SAS Colorey la somme qu'elle réclame au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la SAS Colorey est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS Colorey et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré après l'audience du 15 février 2024 à laquelle siégeaient :

Mme Dèche, présidente,

Mme Burnichon, première conseillère,

Mme Rémy-Néris, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 7 mars 2024.

La rapporteure,

V. Rémy-NérisLa présidente,

P. Dèche

La greffière,

A-C. Ponnelle

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 22LY02015

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 22LY02015
Date de la décision : 07/03/2024
Type de recours : Fiscal

Analyses

19-04-02-01-08-01-01 Contributions et taxes. - Impôts sur les revenus et bénéfices. - Revenus et bénéfices imposables - règles particulières. - Bénéfices industriels et commerciaux. - Calcul de l'impôt.


Composition du Tribunal
Président : Mme DECHE
Rapporteur ?: Mme Vanessa REMY-NERIS
Rapporteur public ?: Mme LE FRAPPER
Avocat(s) : TAX SUITS YOU

Origine de la décision
Date de l'import : 31/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-03-07;22ly02015 ?
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