Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... ... et la SCI ... ont demandé au tribunal administratif de Lyon de condamner Saint-Etienne Métropole à déplacer les canalisations de distribution et d'assainissement d'eau passant sous leur propriété, le cas échéant après désignation d'un expert chargé de déterminer le positionnement des canalisations en cause et les travaux nécessaires à leurs déplacements, et de condamner Saint-Etienne Métropole à leur verser la somme de 18 876,72 euros en réparation des sommes versées à la SARL ... en raison des travaux sollicités afin d'intervenir sur les canalisations en cause.
Par un jugement n° 2008178 du 18 mars 2022, le tribunal administratif de Lyon a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 16 mai 2022 et un mémoire enregistré le 23 janvier 2023, M. A... B... et la SCI ..., représentés par Me Dos Santos, demandent à la cour, dans le dernier état de leurs écritures :
1°) d'annuler le jugement n° 2008178 du 18 mars 2022 du tribunal administratif de Lyon ;
2°) de condamner Saint-Etienne Métropole à déplacer les canalisations de distribution d'eau et d'assainissement passant sous leur propriété ;
3°) le cas échéant, de désigner un expert chargé de déterminer le positionnement des canalisations en cause et les travaux nécessaires à leurs déplacements ;
4°) de condamner Saint-Etienne Métropole à verser à M. B... la somme de 18 876,72 euros en réparation des sommes exposées pour le déplacement des canalisations empêchant la réalisation des constructions autorisées par un permis de construire délivré le 9 avril 2018 ;
5°) de mettre à la charge de Saint-Etienne Métropole le versement d'une somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- une canalisation publique d'alimentation en eau potable et une canalisation publique d'évacuation des eaux usées sont irrégulièrement implantées dans le tréfond de la propriété de la SCI ..., l'acte de propriété ne mentionnant aucune servitude de droit public ;
- la présence de ces ouvrages engage la responsabilité de Saint-Etienne Métropole à raison de leur implantation irrégulière ainsi que sur le fondement de la responsabilité sans faute du maitre de l'ouvrage ;
- les préjudices résultant des frais exposés pour le déplacement des canalisations empêchant la réalisation des constructions autorisées par le permis de construire délivré le 9 avril 2018 ouvrent, par conséquent, droit à réparation.
Par des mémoires en défense enregistrés les 22 novembre 2022 et 10 juillet 2023, Saint-Etienne Métropole, représentée par la société CJA Public Chavent - Mouseghian - Cravois, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge solidaire de M. B... et de la SCI ... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la requête se bornant à reprendre l'argumentation développée en première instance est irrecevable ;
- la canalisation d'alimentation en eau potable de la parcelle ... n° 39 est un ouvrage privatif et non un ouvrage public ;
- aucun réseau public d'évacuation des eaux usées n'a été identifié sur la parcelle ... n° 38 ;
- la canalisation d'évacuation des eaux usées qui traverserait la parcelle ... n° 38 ne peut qu'être un ouvrage privé ;
- les conclusions indemnitaires présentées par M. B... sont irrecevables faute de qualité lui donnant intérêt pour agir et la SCI ... ne justifie d'aucun préjudice ;
- aucune faute ne serait être retenue à l'encontre de Saint-Etienne Métropole ;
- en tout état de cause, la faute commise par M. B... est de nature à l'exonérer de toute responsabilité ;
M. B... ne justifie pas de la réalité de son préjudice financier faute d'établir que les sommes dont il demande le remboursement aurait été exposées en vue du dévoiement des réseaux litigieux.
Par ordonnance du 4 septembre 2023, la clôture immédiate de l'instruction a été prononcée en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Vergnaud, première conseillère,
- les conclusions de Mme Cottier, rapporteure publique,
- et les observations de Me Guerin, représentant Saint-Etienne Métropole.
Considérant ce qui suit :
1. M. B... est le gérant de la société civile immobilière (SCI) ... qui est propriétaire, depuis le 14 février 2018, de deux parcelles cadastrées section ... n° 38 et ... n° 43, au lieudit le ... sur le territoire de la commune de ... (42). Le 9 avril 2018, M. B... s'est vu délivré un permis de construire pour l'édification d'une maison individuelle comportant deux logements sur la parcelle ... n° 38 et par un arrêté du 19 mai 2018, le maire de ... a autorisé le transfert de ce permis de construire au profit de la SCI .... Au cours des travaux de construction, dont la réalisation a été confiée à la SARL ..., une canalisation d'alimentation en eau potable a été endommagée et une canalisation d'évacuation d'eaux usées a été découverte. La présence de ces canalisations, n'appartenant pas au propriétaire de la parcelle, faisant obstacle à la réalisation des travaux de construction en cours, la SARL ... a procédé à la réparation de la canalisation endommagée et au dévoiement des deux canalisations. Par des courriers des 3 et 5 décembre 2018, Saint-Etienne Métropole a refusé de procéder au règlement des factures correspondant à ces travaux qui lui avaient été adressées par la SARL ..., pour un montant total de 18 868,72 euros. Par un acte du 11 juin 2019, Saint-Etienne Métropole a conclu un marché avec ladite société concernant les travaux de réparation et de dévoiement de la canalisation d'eau potable puis a procédé au règlement de la facture correspondante, d'un montant de 8 720,16 euros. Par deux courriers du 23 juillet 2020, M. B... et la SCI ... ont sollicité de Saint-Etienne Métropole, d'une part, le remboursement de la somme de 18 868,72 euros réglée par M. B... à la SARL ... et, d'autre part, de procéder à toutes mesures nécessaires pour l'institution d'une servitude relative au passage des deux canalisations sur sa propriété. Ces demandes ont été implicitement rejetées. Par le jugement attaqué du 18 mars 2022, dont M. B... et la SCI ... interjettent appel, le tribunal administratif de Lyon a rejeté leur demande tendant, d'une part, à la condamnation de Saint-Etienne Métropole à déplacer les canalisations en cause hors de la propriété de la société ..., le cas échéant après expertise et, d'autre part, à la condamnation de Saint-Etienne Métropole à verser à M. B... la somme de 18 876,72 euros en réparation du préjudice subi.
Sur l'implantation irrégulière d'ouvrages publics :
2. Lorsqu'il est saisi d'une demande tendant à ce que soit ordonnée la démolition ou le déplacement d'un ouvrage public, dont il est allégué qu'il est irrégulièrement implanté, par un requérant qui estime subir un préjudice du fait de l'implantation de cet ouvrage et qui en a demandé sans succès la démolition à l'administration, il appartient au juge administratif, juge de plein contentieux, de déterminer, en fonction de la situation de droit et de fait existant à la date à laquelle il statue, si l'ouvrage est irrégulièrement implanté, puis, si tel est le cas, de rechercher, d'abord, si eu égard notamment à la nature de l'irrégularité, une régularisation appropriée est possible, puis, dans la négative, de prendre en considération, d'une part les inconvénients que la présence de l'ouvrage entraîne pour les divers intérêts publics ou privés en présence, notamment, le cas échéant, pour le propriétaire du terrain d'assiette de l'ouvrage, d'autre part, les conséquences de la démolition pour l'intérêt général, et d'apprécier, en rapprochant ces éléments, si la démolition n'entraîne pas une atteinte excessive à l'intérêt général.
En ce qui concerne la canalisation d'eau potable de la parcelle ... n° 39 :
3. Si les ouvrages d'adduction en eau potable constituent des ouvrages publics, quand bien même ils sont implantés dans un immeuble privé, ils n'ont cette qualité que jusqu'au branchement qui amène l'eau aux immeubles des particuliers, c'est-à-dire jusqu'au compteur.
4. En l'espèce, Saint-Etienne Métropole fait valoir, sans être sérieusement contredite, que, depuis octobre 2019, le compteur d'eau de la parcelle ... n° 39 se situe sur la parcelle ..., en limite de la voie publique. Il résulte du plan du réseau d'alimentation en eau potable de la ville de ... que la canalisation d'alimentation en eau potable qui alimente la parcelle ... n° 39 traverse la parcelle ... n° 43. S'il résulte par ailleurs du rapport du cabinet de géomètres Géolis, produit par les requérants, qu'elle passait également sur une partie de la parcelle ... n° 38 en limite de la parcelle ... n° 43, il est constant que cette partie de la canalisation a été déplacée. En tout état de cause, la portion de canalisation d'alimentation en eau potable de la parcelle ... n° 39 située sur les parcelles appartenant à la SCI ... se trouve, depuis octobre 2019, en aval du compteur située en limite de la voie publique sur la parcelle ... n° 42 et constitue, dès lors, un ouvrage privé. Par suite, il n'est pas établi qu'un ouvrage public d'adduction d'eau potable est implanté sur les parcelles appartenant à la SCI ... à la date du présent arrêt.
En ce qui concerne la canalisation d'évacuation des eaux usées de la parcelle ... n° 39 :
5. Aux termes de l'article L. 1331-2 du code de la santé publique : " Lors de la construction d'un nouveau réseau public de collecte ou de l'incorporation d'un réseau public de collecte pluvial à un réseau disposé pour recevoir les eaux usées d'origine domestique, la commune peut exécuter d'office les parties des branchements situées sous la voie publique, jusque et y compris le regard le plus proche des limites du domaine public. Pour les immeubles édifiés postérieurement à la mise en service du réseau public de collecte, la commune peut se charger, à la demande des propriétaires, de l'exécution de la partie des branchements mentionnés à l'alinéa précédent. Ces parties de branchements sont incorporées au réseau public, propriété de la commune qui en assure désormais l'entretien et en contrôle la conformité. (...) " et aux termes de l'article L. 1331-4 du même code : " Les ouvrages nécessaires pour amener les eaux usées à la partie publique du branchement sont à la charge exclusive des propriétaires et doivent être réalisés dans les conditions fixées à l'article L. 1331-1. Ils doivent être maintenus en bon état de fonctionnement par les propriétaires. "
6. Il résulte de la combinaison de ces dispositions que le raccordement d'une propriété privée au réseau d'évacuation des eaux usées jusqu'au branchement sur le réseau public d'assainissement est un ouvrage privé.
7. Il résulte des documents produits en défense par Saint-Etienne Métropole, notamment du plan local d'urbanisme et du plan d'assainissement de la ville de ..., qu'aucun réseau public d'évacuation d'eau usée n'est situé sous les parcelles dont les requérants sont propriétaires et que le réseau public de collecte se situe rue ..., en contrebas des parcelles ... n° 39 et ... n° 38. Cette situation est confirmée par le rapport du cabinet de géomètres Géolis produit par les requérants. S'il résulte de ce dernier rapport que la canalisation permettant l'évacuation des eaux usées de la parcelle ... n° 39 et son raccordement au réseau de collecte unitaire situé rue ..., traverse la parcelle ... n° 38 appartenant à la SCI C 29-..., cette canalisation, jusqu'à son branchement au réseau collectif, est un ouvrage privé en application des dispositions des articles précités du code de la santé publique. Par suite aucun ouvrage public d'assainissement n'est implanté sur les parcelles appartenant à la SCI ....
8. Au regard de ce qui précède, aucun ouvrage public n'étant irrégulièrement implanté sur les parcelles de la SCI 29 C-Chabanne, les conclusions des requérants tendant à ce qu'il soit enjoint à Saint-Etienne Métropole de déplacer les ouvrages publics situés sur les parcelles ... n° 38 et n° 43 doivent être rejetées, sans qu'il soit besoin de diligenter une expertise.
Sur les conclusions indemnitaires :
9. Le maître de l'ouvrage est responsable, même en l'absence de faute, des dommages que les ouvrages publics dont il a la garde peuvent causer aux tiers tant en raison de leur existence que de leur fonctionnement. Il ne peut dégager sa responsabilité que s'il établit que ces dommages résultent de la faute de la victime ou d'un cas de force majeure. Ces tiers sont tenus de démontrer le caractère grave et spécial du préjudice qu'ils subissent lorsque le dommage est inhérent à l'existence même de l'ouvrage public ou à son fonctionnement.
10. En premier lieu, il résulte de ce qui a été dit au point 7 du présent arrêt qu'aucun ouvrage public d'assainissement relevant de la compétence de Saint-Etienne Métropole n'est implanté sur les parcelles appartenant à la SCI 29 C-Chabanne. Par suite les requérants ne peuvent se prévaloir d'aucun préjudice qui résulterait des frais qui auraient été engagés pour le déplacement d'un tel ouvrage présent dans l'emprise des travaux de construction effectués sur la parcelle ... n° 38.
11. Au surplus, il résulte de l'avis réglementaire assainissement-eau potable-voirie, joint au permis de construire délivré le 9 avril 2018 à M. B... puis transféré à la SCI 29 C-... pour autoriser les travaux de construction sur la parcelle ... n° 38, que les canalisations existantes se retrouvant sous l'emprise des constructions futures seront déviées à la charge du pétitionnaire.
12. En second lieu, il résulte de l'instruction que, le 11 juin 2019, Saint-Etienne Métropole a conclu un marché avec la SARL ... pour prendre en charge le déplacement de la canalisation d'eau potable alimentant la parcelle ... n° 39 susceptible de gêner les travaux en cours sur la parcelle ... n° 38 puis a procédé au paiement de ces travaux, pour un montant de 8 720,16 euros, le 5 juillet 2019, considérant qu'à cette date la canalisation en cause constituait un ouvrage relevant de sa compétence. Si M. B... fait valoir qu'il avait déjà procédé au règlement de cette prestation en procédant au paiement d'une facture du 28 novembre 2018 d'un montant de 13 198,32 euros émise à son nom par la société ..., le relevé de compte bancaire produit à l'appui de la requête, qui mentionne deux virements effectués respectivement les 23 et 30 janvier 2019 au bénéfice de la SARL ... pour des montants de 7 045,05 euros et de 11 983 euros, ne sont pas de nature à l'établir dès lors que les libellés de ces virements ne se réfèrent ni à cette facture ni aux travaux correspondants mais se bornent à indiquer, pour le premier un avenant n° 6 et pour le second un avenant n° 10 Piscine. Dans ces circonstances, les requérants n'établissent pas la réalité du préjudice invoqué. En tout état de cause, si M. B... considère avoir réglé à tort la somme de 13 198,32 euros à la SARL ..., il lui appartient, le cas échéant, de faire valoir cette créance auprès du liquidateur de cette société.
13. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la recevabilité de la requête ou des conclusions de M. B..., que les requérants ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté leur demande.
Sur les frais d'instance :
14. La société requérante étant partie perdante dans la présente instance, ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu en revanche, de faire droit aux conclusions présentées sur le même fondement par Saint-Etienne Métropole en mettant à la charge solidaire de M. B... et de la SCI 29 C-Chabanne une somme de 1 500 euros.
DECIDE :
Article 1er : La requête présentée par M. B... et la SCI 29 C-Chabanne est rejetée.
Article 2 : M. B... et la SCI 29 C-Chabanne verseront à Saint-Etienne Métropole une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., à la SCI 29 C-Chabanne et à Saint-Etienne Métropole.
Délibéré après l'audience du 12 février 2024, à laquelle siégeaient :
M. Pourny, président de chambre,
M. Stillmunkes, président assesseur,
Mme Vergnaud, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 29 février 2024.
La rapporteure,
E. Vergnaud
Le président,
F. Pourny
La greffière,
F. Abdillah
La République mande et ordonne au préfet de la Loire, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
2
N° 22LY01509