Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Grenoble, à titre principal, de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et des prélèvements sociaux auxquels il a été assujetti au titre des années 2014 et 2015 et, à titre subsidiaire, de prononcer la réduction de ces impositions à hauteur du montant résultant de la prise en compte des sommes de 28 222 euros pour 2014 et 35 528 euros pour 2015, en tant que revenus distribués, pour l'application du coefficient de 1,25.
Par un jugement n° 1900422 du 4 mars 2022, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête et des mémoires, enregistrés le 25 avril 2022, le 25 août 2022, le 10 février 2023 et le 16 novembre 2023, M. A..., représenté par Me León-Aguirre, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de prononcer la décharge de ces impositions et des pénalités correspondantes ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
M. A... soutient que :
- la requalification des salaires qu'il a déclarés, en tant que revenus de capitaux mobiliers, inclus dans le montant des distributions imposables sur le fondement de l'article 111 c) du code général des impôts, n'est pas motivée, en méconnaissance de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention de sauvegarde des droits de l'homme et libertés fondamentales de sorte qu'il a été privé d'un débat contradictoire ;
- à titre subsidiaire, la proposition de rectification méconnait l'article L. 57 du livre des procédures fiscales, pour les mêmes motifs ;
- l'application de la majoration de 25 % prévue au 2° de l'article 158-7 du code général des impôts relève d'une sanction ;
- les salaires déclarés, qui ont été imposés initialement, ne ressortissent pas de la majoration de 25 % prévu à l'article 158-7 du code général des impôts sauf à méconnaitre le principe de nécessité des délits et des peines, consacré par l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme de 1789 et le principe d'égalité devant les charges publiques, issu de l'article 13 du même texte ;
- l'application de cette majoration est disproportionnée et méconnaît l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention de sauvegarde des droits de l'homme et libertés fondamentales ;
- l'imposition des salaires déclarés comme revenus distribués méconnaît l'article 111 c) du code général des impôts, en l'absence de caractère occulte ;
- la base de calcul du montant des contributions sociales sur les revenus du patrimoine pour un travailleur indépendant est erronée en tant qu'elle excède 1 068 euros au titre de 2014 et 792 euros au titre de l'année 2015.
Par des mémoires, enregistrés le 10 janvier 2023, le 20 octobre 2023 et le 13 décembre 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- à titre principal, les moyens ne sont pas fondés ;
- à titre subsidiaire, l'imposition des revenus distribués doit être maintenue sur le fondement du 1° du 1 de l'article 109 du code général des impôts.
Par ordonnance du 13 décembre 2023, la clôture d'instruction a été reportée au 8 janvier 2024.
Vu :
- les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et son premier protocole additionnel ;
- la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Laval, premier conseiller,
- les conclusions de Mme Lesieux, rapporteure publique,
- et les observations de Me León-Aguirre, représentant M. A... ;
Considérant ce qui suit :
1. La SARL DG Immobilier, qui exploitait une agence immobilière à Pont-de-Beauvoisin (Isère) et dont M. A... détenait la moitié des parts, et l'EURL DJ, ayant son siège social à la même adresse, qui avait pour activité la commercialisation et la construction de biens immobiliers jusqu'au 28 août 2018, date à laquelle elle a été placée en liquidation judiciaire, et dont l'intéressé était l'associé unique et le gérant, ont fait l'objet, l'une et l'autre, de vérifications de comptabilité portant, respectivement, sur les périodes du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2015 et du 1er juillet 2014 au 31 décembre 2015. A l'issue de ces contrôles, l'administration a notamment réintégré dans les revenus imposables de M. A... des années 2014 et 2015, sur le fondement de l'article 111 c) du code général des impôts, les prélèvements nets opérés par chèques et par virements sur le compte courant détenu par l'intéressé dans la SARL DG Immobilier. En conséquence de ces rehaussements et de l'annulation de l'imposition des salaires de 40 000 euros déclarés par l'intéressé en 2014 et 2015, M. A... a été assujetti, au titre des années 2014 et 2015, à des compléments d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux assortis de pénalités. Il relève appel du jugement du 4 mars 2022 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande de décharge ou subsidiairement de réduction des impositions établies au titre des années 2014 et 2015 à raison de la réintégration des distributions occultes dans ses revenus imposables.
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
2. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. ". Aux termes de l'article R. 57-1 du même livre : " La proposition de rectification prévue par l'article L. 57 fait connaître au contribuable la nature et les motifs de la rectification envisagée. L'administration invite, en même temps, le contribuable à faire parvenir son acceptation ou ses observations dans un délai de trente jours à compter de la réception de la proposition, prorogé, le cas échéant, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de cet article. ". Il résulte de ces dispositions que, pour être régulière, une proposition de rectification doit comporter la désignation de l'impôt concerné, de l'année d'imposition et de la base d'imposition et énoncer les motifs sur lesquels l'administration entend se fonder pour justifier les redressements envisagés, de façon à permettre au contribuable de formuler ses observations de façon entièrement utile. En revanche, sa régularité ne dépend pas du bien-fondé de ces motifs.
3. Il résulte de l'instruction que, par proposition de rectification du 26 novembre 2016, l'administration a réintégré, à concurrence de 68 222 euros en 2014 et 75 528 euros en 2015, dans les revenus imposables de M. A... des années 2014 et 2015, les prélèvements nets opérés par chèques et par virements sur le compte courant détenu par l'intéressé dans la SARL DG Immobilier, au motif qu'avait été porté au crédit de ce compte le produit de factures fictives émises par l'EURL DJ exclues des charges déductibles des résultats de la SARL DG Immobilier pour des montants de 75 000 euros en 2014 et de 68 600 euros en 2015, sur le fondement de l'article 111 c) du code général des impôts. L'administration a, parallèlement, annulé l'imposition des salaires de 40 000 euros déclarés par M. A... au titre de chacune des années 2014 et 2015. La proposition de rectification adressée à M. A... mentionne la nature des impôts concernés, la catégorie d'imposition retenue, les années d'imposition, le montant des bases imposables résultant des distributions occultes appréhendées par ce dernier sur son compte courant d'associé sans contrepartie. Si elle expose les motifs ayant conduit l'administration à constater l'existence de distributions irrégulières provenant de la SARL DG Immobilier, laquelle a indument pris en charge des dépenses qui ne lui incombaient pas, la proposition de rectification indique, pour justifier l'annulation des salaires déclarés par l'intéressé que les salaires sont " présumés être en rapport avec les distributions en provenance de la SARL DG Immobilier ". En se bornant à faire état d'une telle présomption sans indiquer les motifs pour lesquels elle était conduite à considérer que les prélèvements opérés par M. A... sur son compte courant d'associé en 2014 et 2015, à hauteur de 40 000 euros pour chacune de ces années, ne pouvaient avoir la nature de traitements et salaires, ainsi que le contribuable l'avait déclaré, la proposition de rectification ne permet pas de savoir si des salaires ont été versés à M. A... par la SARL DG Immobilier en sus des distributions occultes ou si les sommes déclarées comme des salaires par M. A... étaient, en réalité, des distributions occultes. L'administration fiscale ne peut, dès lors, être regardée comme ayant fourni à M. A... les motifs de fait et de droit lui permettant d'engager utilement sur ce point une discussion contradictoire avec le service. Si l'administration fait valoir qu'elle a entendu accorder une faveur au contribuable en procédant, par ailleurs, à l'annulation de l'imposition des revenus déclarés dans la catégorie des traitements et salaires, la remise en cause des déclarations du contribuable constitue un redressement qui doit être motivé en tant que tel. Dans ces conditions, et alors, en outre, que l'administration, d'une part, n'a pas remis en cause, la nature de traitements et salaires, des sommes prélevées selon les même modalités en 2013 et, d'autre part, a indiqué, dans ses écritures de première instance, que c'est par erreur que les salaires déclarés ont été considérés comme inclus dans le montant des distributions occultes, la proposition de rectification adressée à M. A... ne peut être regardée comme respectant l'exigence de motivation, requise par l'article L. 57 du livre des procédures fiscales, pour ce qui concerne la totalité des rectifications notifiées sur le fondement de l'article 111 c) du code général des impôts qui sont indissociables de l'annulation des salaires déclarés. Il suit, de là, que les impositions procédant de la réintégration des distributions occultes dans les revenus imposables de M. A... ont été établies suivant une procédure irrégulière.
4. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner ni les autres moyens invoqués ni la demande de substitution de base légale du ministre présentée à titre subsidiaire, que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.
Sur les frais liés au litige :
5. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par M. A... dans l'instance, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1900422 du tribunal administratif de Grenoble du 4 mars 2022 est annulé.
Article 2 : M. A... est déchargé des compléments d'impôt sur le revenu et des prélèvements sociaux auxquels il a été assujetti au titre des années 2014 et 2015 et des pénalités correspondantes.
Article 3 : L'Etat versera à M. A... une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Délibéré après l'audience du 8 février 2024, à laquelle siégeaient :
M. Pruvost, président de chambre,
Mme Courbon, présidente-assesseure,
M. Laval, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 29 février 2024.
Le rapporteur,
J.-S. Laval
Le président,
D. Pruvost
La greffière,
N. Lecouey
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
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N° 22LY01230