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29/02/2024 | FRANCE | N°22LY01146

France | France, Cour administrative d'appel, 6ème chambre, 29 février 2024, 22LY01146


Vu la procédure suivante :





Procédure contentieuse antérieure :



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler les délibérations par lesquelles le jury a décidé de lui faire subir les épreuves du second groupe avant de l'ajourner aux épreuves du baccalauréat général spécialité " économique et sociale " de la session 2020, et d'enjoindre à la rectrice de l'académie de Dijon de lui délivrer ce diplôme, subsidiairement de réexaminer sa situation, dans un délai d'un mois.



Par un juge

ment n° 2003195 du 24 février 2022, le tribunal administratif de Dijon a annulé les délibérations attaquées et ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler les délibérations par lesquelles le jury a décidé de lui faire subir les épreuves du second groupe avant de l'ajourner aux épreuves du baccalauréat général spécialité " économique et sociale " de la session 2020, et d'enjoindre à la rectrice de l'académie de Dijon de lui délivrer ce diplôme, subsidiairement de réexaminer sa situation, dans un délai d'un mois.

Par un jugement n° 2003195 du 24 février 2022, le tribunal administratif de Dijon a annulé les délibérations attaquées et enjoint à la rectrice de l'académie de Dijon de prendre les mesures utiles afin de corriger le vice de forme entachant la légalité de ces délibérations, dans un délai d'un mois.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 15 avril 2022, M. A... B..., représenté par la société MVA avocats, agissant par Me Mendel, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2003195 du 24 février 2022 du tribunal administratif de Dijon ;

2°) d'annuler les délibérations par lesquelles le jury a décidé de lui faire subir les épreuves du second groupe et de l'ajourner aux épreuves du baccalauréat général spécialité " économique et sociale " de la session 2020, ensemble ses relevés de notes ;

3°) d'enjoindre au rectorat de lui délivrer le baccalauréat général spécialité " économique et sociale ", dans le délai d'un mois suivant la notification de l'arrêt à venir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

M. B... soutient que :

- devaient être reportées, sur son relevé de notes à l'examen 2020 du baccalauréat, les notes obtenues aux épreuves anticipées de français et de sciences évaluées par contrôle continu durant l'année scolaire 2017/2018, soit, pour le français, 7,20 sur 20, note devant être arrondie à 8 sur 20, et, pour les sciences, 15,33 sur 20, note devant être arrondie à 16 sur 20, ces reports conduisant à la délivrance du diplôme, sans qu'il dût subir à nouveau ces épreuves anticipées en septembre 2020 ;

- lui ont été attribuées par erreur une note de 0 sur 20 à un devoir comptant pour l'épreuve d'économie approfondie, une note de 5 sur 20 à un devoir comptant pour l'épreuve de sciences économiques et sociales et a été prise en compte une note de 16 sur 20, au lieu de 20 sur 20, attribuée au devoir de mathématiques n° 1 ; ces erreurs l'ont privé de la possibilité d'obtenir le baccalauréat à l'issue des épreuves du premier groupe.

Par un mémoire en défense, enregistré le 24 avril 2023, le recteur de l'académie de Dijon (recteur de la région académique Bourgogne-Franche-Comté) conclut à l'irrecevabilité des conclusions à fin d'injonction et au rejet du surplus des conclusions de la requête.

Le recteur fait valoir que :

- le requérant, qui avait renoncé à conserver le bénéfice de ses notes obtenues en 2018 aux épreuves de anticipées de français (écrit) et de sciences, et auquel, en outre, aucune note correspondante de contrôle continu n'avait été attribuée durant l'année scolaire 2019/2020, devait subir ces épreuves à la session d'examen du baccalauréat de septembre 2020 ;

- le requérant, qui, lui-même, a commis de nombreuses erreurs lors du dépôt de ses devoirs sur l'espace numérique du centre national d'enseignement à distance, n'est pas fondé à soutenir que la notation des épreuves d'économie approfondie, de sciences économiques et sociales et de mathématiques serait erronée ;

- il n'appartient pas à l'autorité académique, placée en situation de compétence liée à l'égard du jury de l'examen, de décider de délivrer le diplôme du baccalauréat.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'éducation ;

- le décret n° 2020-641 du 27 mai 2020 relatif aux modalités de délivrance du baccalauréat général et technologique pour la session 2020 ;

- l'arrêté du 15 septembre 1993 relatif aux épreuves anticipées du baccalauréat général et du baccalauréat technologique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique du 12 février 2024 :

- le rapport de M. Gros, premier conseiller,

- et les conclusions de Mme Cottier, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... B... a été scolarisé au centre national d'enseignement à distance (CNED), en classe de terminale du baccalauréat général série " économique et sociale ". Il a été ajourné à la session 2019 de cet examen, dès les épreuves du premier groupe. Il a redoublé la classe de terminale et, au vu de la moyenne générale de 9,61 sur 20 obtenue à ces épreuves lors de la session 2020, a été autorisé à se présenter aux épreuves de rattrapage du second groupe, sans parvenir à améliorer son résultat, ce qui a conduit le jury à prononcer son ajournement. Il a contesté devant le tribunal administratif de Dijon la délibération du jury l'ajournant ainsi que celle l'affectant au second groupe d'épreuves et demandé qu'il soit enjoint au rectorat de lui délivrer le baccalauréat général postulé ou à défaut de réexaminer sa situation. Il relève appel du jugement du 24 février 2022 par lequel le tribunal administratif de Dijon a annulé ces délibérations, au motif qu'elles ne comportaient que la seule signature du président du jury, sans aucune mention de ses nom et prénom, et a enjoint à la rectrice de corriger ce vice de forme.

Sur l'étendue du litige :

2. M. B... doit être regardé comme contestant le jugement du tribunal en tant qu'il ne fait pas droit à ses demandes d'injonction tendant à la délivrance du baccalauréat général série " économique et sociale ", à défaut au réexamen de sa situation, c'est-à-dire l'article 2 du dispositif de ce jugement.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

3. En premier lieu, aux termes de l'article 1er du décret n° 2020-641 du 27 mai 2020 : " Le diplôme du baccalauréat général et celui du baccalauréat technologique sont délivrés, au titre de la session 2020, conformément aux dispositions des chapitres IV et VI du titre III du livre III du code de l'éducation, sous réserve des dispositions du présent décret ". Selon l'article 2 du même décret, " les notes attribuées au titre des épreuves du premier groupe sont, à l'exception des notes obtenues aux épreuves anticipées, fixées en tenant compte des notes de terminale inscrites dans le livret scolaire ou le dossier de contrôle continu pour l'année scolaire 2019-2020 ".

4. Aux termes de l'article 1er de l'arrêté du 15 septembre 1993 susvisé : " La liste des épreuves anticipées du baccalauréat général et du baccalauréat technologique est fixée comme suit : Baccalauréat général et technologique : (...) français dans les séries économique et sociale (...) / Baccalauréat général : sciences en séries économique et sociale (...), travaux personnels encadrés en séries économique et sociale (...). L'article 4 du même arrêté dispose que " Les candidats au baccalauréat qui présentent à nouveau l'examen dans la même série ou dans une autre série peuvent demander à conserver pour la session qui suit immédiatement leur succès ou leur échec les notes obtenues aux épreuves anticipées définies à l'article premier du présent arrêté ".

5. Aux termes de l'article D. 334-20 du code de l'éducation : " La délivrance du baccalauréat général résulte de la délibération du jury qui est souverain. ". Il n'appartient pas au juge de contrôler les appréciations portées par un jury sur la valeur des prestations d'un candidat à un examen, mais uniquement de vérifier qu'elles n'ont pas été émises à la suite d'une procédure entachée d'irrégularités et qu'elles ne sont pas fondées sur des faits matériellement inexacts, ou qu'elles n'ont pas été attribuées sur le fondement de considérations étrangères à la seule valeur de ces prestations.

6. En juillet 2018, à l'issue de sa scolarité en classe de première, M. B... a obtenu la note de 4 sur 20 à l'épreuve écrite de français, 6 sur 20 à l'épreuve orale de français, 2 sur 20 à l'épreuve de sciences et 15 sur 20 à l'épreuve de travaux personnels encadrés. Se représentant, à la session 2020, à l'examen du baccalauréat général série " économique et sociale ", il a choisi de conserver les notes obtenues à l'épreuve orale de français et à celle de travaux personnels encadrés. Il devait donc subir de nouveau l'épreuve écrite de français et l'épreuve de sciences, où il a obtenu, en 2020, les notes respectives de 6 sur 20 et 5 sur 20, ce qui, conjugué aux notes obtenues aux autres épreuves de cette session, ne lui pas permis d'obtenir le diplôme. Les notes de 7,20 sur 20 et de 15,33 sur 20 figurant sur le livret scolaire de M. B..., en regard, respectivement, de la discipline français et de la discipline sciences, qui plus est au titre de l'année scolaire 2017/2018, ne pouvaient pas, en application des dispositions visées ci-dessus de l'article 2 du décret du 27 mai 2020, être prises en compte pour la délivrance, en 2020, du baccalauréat.

7. En second lieu, d'abord, il ressort du bulletin annuel établi par le CNED pour l'année scolaire 2019/2020 que M. B..., qui devait remettre trois devoirs dans cette matière, a obtenu à l'épreuve d'économie approfondie, la note de 9 sur 20, qui est la moyenne, arrondie au chiffre entier supérieur, des évaluations de ses trois devoirs, soit 12 sur 20, 14 sur 20 et 0 sur 20. Le requérant conteste cette note de 0 sur 20 qui lui aurait été attribuée pour le seul motif " devoir déjà rendu ", alors que, selon lui, ce devoir, qu'il aurait envoyé une seconde fois, après un premier envoi " annulé ", devait être évalué. Toutefois, il demeure que ce devoir a bien été évalué, M. B... n'apportant pas d'éléments de nature à démontrer le caractère erroné de cette note, alors qu'en novembre 2019 et à trois reprises en janvier 2020 il avait déposé trois devoirs incomplets. Ensuite, M. B..., qui a remis les sept devoirs exigés en sciences économiques et sociales, a obtenu la note de 10 sur 20, qui est la moyenne, arrondie au chiffre entier supérieur, des évaluations de cinq devoirs, deux n'ayant pas fait l'objet d'une notation. Si la note de 5 sur 20 a été attribuée à l'un d'entre eux, alors qu'il se serait agi d'un devoir de l'année précédente, envoyé par erreur selon le requérant, rien n'obligeait le correcteur, quand bien même il l'aurait décelé, à ne pas attribuer de note à un tel devoir et à en informer M. B..., lequel avait déposé trois " mauvais devoirs " en décembre 2019, janvier et février 2020, et trois devoirs de l'année précédente en février 2020. Enfin, M. B..., qui n'a remis que 5 des 9 devoirs exigés en mathématiques, a obtenu, à trois d'entre eux, deux n'ayant pas fait l'objet d'une notation, les notes de 16 sur 20, 0 sur 20 et encore 0 sur 20, ce qui lui a procuré une note calculée à l'épreuve de 5,33 sur 20, arrondie à 6 sur 20. S'il soutient que sa première note devait être de 20 sur 20, au lieu de 16 sur 20, et produit, en appel, son devoir corrigé, le CNED fait valoir dans ses observations de première instance que le correcteur qui figure sur cette pièce n'était pas affecté à la classe de terminale économique et sociale en 2019/2020 et que le devoir remis, portant la note de 16 sur 20, a été retourné le 30 décembre 2019 à M. B..., qui en fait d'ailleurs mention dans un courriel du 19 avril 2020. L'erreur matérielle ici invoquée par le requérant doit en conséquence être écartée. Au surplus, cette note de 20 sur 20 aurait-elle été attribuée, elle ne permettait pas de combler l'écart de 14 points manquant pour la délivrance du diplôme.

8. Il résulte de tout ce qui précède que les notes figurant sur les délibérations du jury de la session 2020 de l'examen du baccalauréat général série " économique et sociale ", qui, après l'avoir autorisé à s'y présenter, ajournent M. B... à l'issue des épreuves du second groupe de l'examen, et les mêmes notes figurant sur ses relevés pour chacun de ces deux groupes d'épreuves, ne sont pas erronées. Par suite, M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon, après avoir annulé les délibérations litigieuses pour un motif de forme, n'a pas fait droit à ses demandes à fin d'injonction de délivrance de son diplôme, présentées sur le fondement de l'article L. 911-1 du code de justice administrative. Par voie de conséquence, ces mêmes conclusions présentées en appel doivent, en tout état de cause, être rejetées, ainsi que celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

9. En revanche, l'annulation pour excès de pouvoir des délibérations attaquées prononcée par le tribunal ne pouvait pas conduire les premiers juges à enjoindre au rectorat de l'académie de Dijon de corriger le vice de forme relevé, constitué par l'absence de mention des nom et prénom du signataire de ces délibérations, dont la compétence ne pouvait ainsi pas être vérifiée. Seule pouvait être prononcée l'injonction, demandée, à titre subsidiaire, de réexamen de la situation du requérant par le rectorat. Il y a lieu d'enjoindre au recteur de l'académie de Dijon d'y procéder, en saisissant le jury du baccalauréat général série " économique et sociale ", dans un délai de quatre mois à compter de la notification du présent arrêt, afin qu'il délibère à nouveau sur les résultats obtenus par M. B... aux épreuves de la session 2020 de l'examen de ce diplôme.

DECIDE :

Article 1er : L'article 2 du jugement n° 2003195 du tribunal administratif de Dijon du 24 février 2022 est annulé.

Article 2 : Il est enjoint au recteur de l'académie de Dijon de saisir le jury du baccalauréat général série " économique et sociale ", dans un délai de quatre mois à compter de la notification du présent arrêt, afin qu'il délibère à nouveau sur les résultats obtenus par M. B... aux épreuves de la session 2020 de l'examen de ce diplôme.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et à la ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse. Copie en sera adressée au recteur de l'académie de Dijon.

Délibéré après l'audience du 12 février 2024, à laquelle siégeaient :

M. Pourny, président de chambre,

M. Stillmunkes, président assesseur,

M. Gros, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 29 février 2024.

Le rapporteur,

B. Gros

Le président,

F. Pourny

La greffière,

F. Abdillah

La République mande et ordonne à la ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse, en ce qui la concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 22LY01146


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 22LY01146
Date de la décision : 29/02/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

30-01-04-04-02 Enseignement et recherche. - Questions générales. - Examens et concours. - Règles de procédure contentieuse spéciales. - Pouvoirs du juge.


Composition du Tribunal
Président : M. POURNY
Rapporteur ?: M. Bernard GROS
Rapporteur public ?: Mme COTTIER
Avocat(s) : MVA MENDEL - VOGUE ET ASSOCIÉS

Origine de la décision
Date de l'import : 10/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-02-29;22ly01146 ?
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