Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
Mme A... B... épouse C... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 7 juin 2022 par lequel le préfet de l'Isère a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement.
Par un jugement n° 2205751 du 30 décembre 2022, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête, enregistrée le 26 janvier 2023, Mme A... B... épouse C..., représentée par Me Seghier, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler cet arrêté ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Isère, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour, dans un délai de trente jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard, ou à titre subsidiaire, de réexaminer sa demande de titre de séjour, dans un délai de trente jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte définitive de 150 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat, à verser à son conseil, une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Elle soutient que :
En ce qui concerne la décision portant refus de séjour :
- le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision attaquée méconnaît l'article 6-5) de l'accord franco-algérien ;
- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- elle est illégale, par voie d'exception, du fait de l'illégalité de la décision portant refus de séjour ;
- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
- elle est illégale, par voie d'exception, du fait de l'illégalité des décisions portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours.
Le préfet de l'Isère, qui a reçu communication de la requête, n'a pas présenté d'observations.
Par une décision du 22 février 2023, le bureau d'aide juridictionnelle a rejeté la demande d'aide juridictionnelle formulée par Mme C....
Par une ordonnance du 20 novembre 2023, le président de la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté le recours formé par Mme C... contre cette décision.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Le rapport de M. Porée, premier conseiller, ayant été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme C..., ressortissante algérienne née le 17 janvier 1990, a épousé le 3 octobre 2017 un ressortissant français. Elle est entrée régulièrement sur le territoire français le 17 juillet 2018 sous couvert d'un passeport revêtu d'un visa court séjour mention " famille de français ". Mme C... a été munie d'un certificat de résidence algérien en tant que conjointe de français valable du 19 octobre 2018 au 18 octobre 2019. Par un arrêté du 7 octobre 2020 dont la légalité a été confirmée par un arrêt de la cour administrative d'appel de Lyon du 26 juillet 2022, le préfet de l'Isère a refusé de lui délivrer un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours. Mme C... a eu un fils né le 25 octobre 2020 avec un compatriote, titulaire d'un certificat de résidence algérien valable du 8 mars 2016 au 7 mars 2026 et a épousé le père de son fils le 29 juin 2021. Mme C... a demandé le 12 janvier 2022 auprès de la préfecture de l'Isère la délivrance d'un certificat de résidence algérien sur le fondement de l'article 6-5) de l'accord franco-algérien. Par un arrêté du 7 juin 2022, le préfet de l'Isère a refusé de faire droit à sa demande, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. La requérante relève appel du jugement du 30 décembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande en annulation de cet arrêté.
Sur la légalité du refus de délivrance d'un titre de séjour :
2. Aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié : " Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 5) au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus (...) ". Aux termes de l'article 4 de cet accord : " Les membres de la famille qui s'établissent en France sont mis en possession d'un certificat de résidence de même durée de validité que celui de la personne qu'ils rejoignent. Sans préjudice des dispositions de l'article 9, l'admission sur le territoire français en vue de l'établissement des membres de famille d'un ressortissant algérien titulaire d'un certificat de résidence d'une durée de validité d'au moins un an, présent en France depuis au moins un an sauf cas de force majeure, et l'octroi du certificat de résidence sont subordonnés à la délivrance de l'autorisation de regroupement familial par l'autorité française compétente. Le regroupement familial ne peut être refusé que pour l'un des motifs suivants : 1. Le demandeur ne justifie pas de ressources stables et suffisantes pour subvenir aux besoins de sa famille. Sont prises en compte toutes les ressources du demandeur et de son conjoint indépendamment des prestations familiales. L'insuffisance des ressources ne peut motiver un refus si celles-ci sont égales ou supérieures au salaire minimum interprofessionnel de croissance ; (...) ". Aux termes du premier alinéa du titre II du protocole annexé à cet accord : " Les membres de la famille s'entendent du conjoint d'un ressortissant algérien (...) ".
3. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
4. Aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. ".
5. D'une part, l'époux de Mme C... est titulaire, à la date de la décision contestée, d'un certificat de résidence algérien d'une durée de validité de dix ans, et ainsi l'intéressée entre dans les catégories ouvrant droit au regroupement familial au sens des stipulations précitées de l'article 6-5) de l'accord franco-algérien, alors même que son époux ne remplirait pas la condition de ressources pour qu'il puisse bénéficier effectivement de cette procédure.
6. D'autre part, s'il ressort des pièces du dossier que l'époux de la requérante est père d'une enfant de nationalité française, qui était mineure et habitait avec son père à la date de la décision attaquée, Mme C... ne démontre pas qu'une relation stable avec son mari a débuté dès 2019 comme elle le soutient. Au demeurant en admettant que leur relation ait commencé en 2020, elle était encore récente à la date de la décision en litige. Si Mme C... fait valoir que les ressources financières de son époux sont insuffisantes pour qu'elle puisse bénéficier du regroupement familial, elle ne le démontre pas alors que le préfet n'est pas en situation de compétence liée pour refuser une autorisation de regroupement familial au seul motif de l'insuffisance des ressources et la séparation de la famille serait temporaire le temps de la procédure de regroupement familial. Mme C... ne démontre pas davantage que son époux ne pourrait pas se rendre en Algérie, dès lors qu'il ressort de l'avis d'impôt sur le revenu établi en 2022 que celui-ci dispose de ressources et que sa fille peut l'accompagner de manière temporaire sur des périodes de vacances scolaires sans rupture excessive des liens avec la mère de celle-ci, dont il n'est pas démontré par ailleurs qu'elle s'occuperait de sa fille. Mme C... séjourne sur le territoire français que depuis quatre ans et elle n'allègue, ni n'établit une insertion particulière dans la société française. Elle ne peut être dépourvue de tous liens personnels en Algérie où elle a vécu vingt-huit années et dispose d'attaches familiales en Algérie où vivent ses parents, ses trois sœurs et son frère. Dans ces conditions, compte tenu de l'ensemble de ces circonstances, et notamment de la durée de séjour en France et du caractère récent de la relation avec M. C..., en refusant de faire droit à la demande de titre de séjour de Mme C..., le préfet n'a pas porté au droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels cette décision a été prise. Dès lors, il n'a méconnu ni l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni l'article 6-5) de l'accord franco-algérien. Pour les mêmes motifs, la décision attaquée n'a pas davantage méconnu l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :
7. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à exciper de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour à l'appui de ses conclusions dirigées contre l'obligation de quitter le territoire français.
8. En second lieu, pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 6, les moyens tirés de la violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, et de l'erreur manifeste d'appréciation, doivent être écartés.
Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :
9. Compte tenu de ce qui a été dit ci-dessus, Mme C... n'est pas fondée à se prévaloir contre la décision fixant le pays de destination, de l'illégalité des décisions de refus de titre de séjour et l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours.
10. Il résulte de ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte et celles présentées au titre des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative, doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... épouse C... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet de l'Isère.
Délibéré après l'audience du 25 janvier 2024, à laquelle siégeaient :
M. Pruvost, président de chambre,
Mme Courbon, présidente-assesseure,
M. Porée, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 15 février 2024.
Le rapporteur,
A. Porée
Le président,
D. Pruvost
La greffière,
N. Lecouey
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
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N° 23LY00345