Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Par une demande enregistrée sous le n° 1904291 la société AM Trust Underwriters DAC a demandé au tribunal administratif de Lyon l'annulation du titre exécutoire n° 339 du 13 mars 2019 d'un montant de 6 365,64 euros, émis à son encontre par l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), et la décharge de l'obligation de payer la somme en cause ou, subsidiairement, d'ordonner une nouvelle expertise.
Par une demande, enregistrée au tribunal administratif de Lyon sous le n° 1905077, la société AM Trust Underwriters DAC a demandé l'annulation du titre exécutoire n° 1038 du 6 août 2018 d'un montant de 24 385 euros, émis à son encontre par l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), et la décharge de l'obligation de payer la somme en cause ou, subsidiairement, d'ordonner une nouvelle expertise.
Par un mémoire en intervention enregistré le 11 mars 2020, le centre hospitalier de Villefranche-sur-Saône a conclu aux mêmes fins que la société requérante, dans les deux instances.
Dans ces instances, l'ONIAM a demandé, à titre reconventionnel, de condamner la société AM Trust Underwriters DAC à lui verser une somme de 24 385 euros avec intérêts au taux légal à compter du 19 août 2019 et la somme de 6 365,64 euros avec intérêts au taux légal à compter du 1er avril 2019 et capitalisation des intérêts, de la condamner à lui verser la somme de 4 612,60 euros au titre de la pénalité prévue à l'article L. 1142-15 du code de la santé publique et à lui rembourser les frais d'expertise, d'appeler la caisse primaire d'assurance maladie du Rhône en déclaration de jugement commun.
Par un jugement n° 1904291-1905077 du 23 février 2021, le tribunal administratif de Lyon a rejeté l'ensemble de ces demandes.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 23 avril 2021 et des mémoires enregistrés les 19 octobre et 21 novembre 2022, la société AM Trust Underwriters DAC et le centre hospitalier de Villefranche-sur-Saône, représentés par la SELARL Chauplannaz et associés, agissant par Me Chauplannaz, demandent à la cour, dans le dernier état de leurs écritures :
1°) d'annuler le jugement n° 1904291-1905077 du 23 février 2021 du tribunal administratif de Lyon ;
2°) d'annuler les titres exécutoires n° 1038 du 6 août 2018 et n° 339 du 13 mars 2019 respectivement d'un montant de 24 385 euros et de 6 365,64 euros ;
3°) de décharger la société AM Trust Underwriters DAC, assureur du centre hospitalier de Villefranche-sur-Saône de l'obligation de payer les sommes en cause ;
4°) à titre subsidiaire, d'ordonner une nouvelle expertise contradictoire ;
5°) de rejeter les demandes de l'ONIAM ;
6°) de mettre à la charge de l'ONIAM la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- les titres exécutoires contestés sont entachés d'erreur de droit, dès lors que la créance n'est ni certaine, ni liquide, ni exigible ;
- ils doivent être annulés dès lors que le centre hospitalier de Villefranche-sur-Saône n'est pas responsable de la survenue du dommage subi par Mme F... ;
- le rapport résultant de l'expertise diligentée par la commission de conciliation et d'indemnisation devra être écarté dès lors que l'expertise est entachée d'irrégularités et d'une violation du contradictoire ;
- aucune faute n'est imputable au centre hospitalier de Villefranche-sur-Saône dans la prise en charge de Mme F... ;
- les titres exécutoires contestés sont insuffisamment motivés ; ils ne précisent pas les bases de la liquidation ni le fondement légal des créances ;
- ils n'ont été adressés ni au centre hospitalier de Villefranche-sur-Saône, ni à son assureur, en outre, ils sont établis à l'encontre d'une personne morale qui n'existe pas ;
- l'ONIAM devra justifier de la signature des bordereaux de titre de recettes par la personne dont le nom est mentionné sur les titres exécutoires, à défaut ils seront regardés comme irréguliers et annulés pour ce motif ;
- les conclusions reconventionnelles de l'ONIAM devront être rejetées ;
- les conclusions tendant à mise en cause et à la déclaration d'arrêt commun à la caisse primaire d'assurance maladie du Rhône sont irrecevables.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 16 juin et 15 novembre 2022, l'ONIAM, représenté par la SELARL Birot-Ravaut et associés, agissant par Me Birot, conclut, par la voie de l'appel incident :
1°) au rejet des demandes présentées par la société AM Trust Underwriters DAC ou, à titre subsidiaire de condamner cette société à lui verser la somme de 30 750,64 euros en remboursement des indemnisations versées à Madame F... ;
2°) à la réformation du jugement du tribunal administratif de Lyon du 23 février 2021 en ce qu'il a rejeté ses demandes reconventionnelles ;
3°) de condamner la société AM Trust Underwriters DAC à lui verser une somme de 4 612,60 euros au titre de la pénalité prévue à l'article L. 1142-15 du code de la santé publique et à lui rembourser la somme de 1 220,67 euros au titre des frais d'expertise ;
4°) de condamner la société AM Trust Underwriters DAC à lui verser les intérêts au taux légal à compter du 16 août 2018 sur la somme de 24 385 euros et les intérêts au taux légal à compter du 1er avril 2019 sur la somme de 6 365,64 euros avec capitalisation de ces intérêts ;
5°) de mettre à la charge de la société AM Trust Underwriters DAC la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
6°) d'appeler la caisse primaire d'assurance maladie du Rhône en déclaration de jugement commun.
Il soutient que :
- ses créances sont établies et aucune erreur de droit n'affecte les titres exécutoires en litige ;
- l'existence de fautes imputables au centre hospitalier est établie et l'expertise n'est pas entachée d'irrégularité ;
- il ressort du rapport d'expertise qu'une maladresse fautive a été commise lors de l'intervention du 27 avril 2016 et que la colectomie subtotale pratiquée par le chirurgien n'était pas indiquée au regard du contexte chirurgical ;
- la reprise chirurgicale du 13 mai 2016 est en lien avec les complications survenue lors de la première intervention ; cette reprise chirurgicale est tardive ;
- les titres exécutoires sont suffisamment motivés en fait et en droit ; les bases de liquidation ont été suffisamment précisées dès lors que les protocoles transactionnels conclus par l'ONIAM avec Mme F... ainsi que l'avis de la commission de conciliation et d'indemnisation étaient visés et joints aux titres notifiés ;
- les titres litigieux ont été notifiés au représentant de la société AM Trust Underwriters DAC en France et cette dernière en a bien été destinataire ;
- les ordres de recouvrement sont signés ;
- les conclusions présentées à titre reconventionnel sont recevables et parfaitement justifiées ;
- il y a lieu d'appeler à la cause l'organisme social de la victime, au titre d'une bonne administration de la justice.
Par un courrier du 20 décembre 2023, les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt est susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office tiré de l'irrecevabilité des conclusions de l'ONIAM tendant à la condamnation de la société AM Trust Underwriters DAC à lui verser la somme de 30 750,64 euros, assortie des intérêts et de la capitalisation des intérêts, en remboursement des indemnisations versées à Madame F..., dès lors que l'ONIAM a choisi de recourir au titre exécutoire pour recouvrer la créance litigieuse.
Par courrier du 20 décembre 2023, les parties ont été invitées, sur le fondement de l'article R. 613-1-1 du code de justice administrative, à produire le titre exécutoire n° 733 d'un montant de 1 220,67 euros émis le 26 mars 2021 par l'ONIAM à l'encontre de la société AM Trust Underwriters DAC visé par le jugement du tribunal administratif de Lyon n° 2108780-2200549 du 9 mai 2023, en précisant l'objet de la créance correspondante.
Par un mémoire enregistré le 22 décembre 2023, l'ONIAM, représenté par la SELARL Birot-Ravaut et associés, a présenté des observations sur le moyen d'ordre public.
Par des mémoires enregistrés le 27 décembre 2023, la société AM Trust Underwriters DAC et le centre hospitalier de Villefranche-sur-Saône, représentés par la SELARL Chauplannaz et associés, ont présenté des observations sur le moyen d'ordre public et informé la cour de ce que la société Bothnia International Insurance Company Limited venait aux droits de la société AM Trust Underwriters DAC en application d'un contrat de transfert de portefeuille en date du 4 juillet 2023.
Par une ordonnance du 10 janvier 2023 la clôture de l'instruction a été fixée au 10 février 2023 à 16h30. Par une ordonnance du 29 décembre 2023, la réouverture de l'instruction a été décidé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de la santé publique ;
- le code de la sécurité sociale ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Vergnaud, première conseillère,
- les conclusions de Mme Cottier, rapporteure publique,
- et les observations de Me Chereau, représentant la société Bothnia International Insurance Company Limited et le centre hospitalier de Villefranche-sur-Saône et celles de Me Renard, représentant l'ONIAM.
Une note en délibéré, présentée pour l'ONIAM a été enregistrée le 19 janvier 2024.
Considérant ce qui suit :
1. Le 27 avril 2016, Mme F..., née le 28 novembre 1955, a subi une colectomie segmentaire pour diverticulose sigmoïdienne au centre hospitalier de Villefranche-sur-Saône qui, à la suite de complications, a conduit le chirurgien à pratiquer une colectomie subtotale. Postérieurement à cette intervention, Mme F... a présenté plusieurs perforations de l'intestin grêle, une fistule entéro-colique et un choc septique qui ont nécessité une seconde intervention au centre hospitalier de Villefranche-sur-Saône le 13 mai 2016 pour pratiquer une entérolyse complète avec résection du colon restant et d'un segment de l'intestin grêle. Le 21 novembre 2016, une nouvelle résection de l'intestin grêle a été effectuée au sein de l'hôpital de la Croix Rousse en raison d'une fistule entéro-cutanée, puis le drainage d'une collection pré-sacrée ainsi qu'une biopsie osseuse au niveau du sacrum ont été réalisés au sein du même établissement le 24 février 2017. Mme F... a été hospitalisée de façon continue dans différents services hospitaliers jusqu'au 26 juin 2017 puis a été hospitalisée à domicile. Saisie par Mme F... en mai 2017, la commission de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (CCI) a, par un avis du 16 novembre 2017 éclairé notamment par une expertise du 12 juillet 2017, estimé que l'intégralité des séquelles présentées par Mme F... étaient imputables aux manquements du centre hospitalier de Villefranche-sur-Saône. La commission a en conséquence indiqué qu'il appartenait à l'assureur du centre hospitalier de présenter une offre d'indemnisation à la patiente au titre de ses préjudices provisoires, son état de santé n'étant pas consolidé. Par un courrier du 6 avril 2018, le conseil de Mme F... a demandé à l'ONIAM de se substituer à l'assureur du centre hospitalier, ce dernier lui ayant fait part, le 4 avril 2018, de son refus de présenter une offre d'indemnisation. L'ONIAM s'est substitué à l'assureur du centre hospitalier, en application de l'article L. 1142-15 du code de la santé publique, et a versé à Mme F... une somme de 24 385 euros, en exécution d'un protocole transactionnel conclu le 1er août 2018, puis une somme de 6 365,64 euros, en exécution d'un protocole transactionnel conclu le 9 février 2019. Subrogé dans les droits de la patiente, l'ONIAM a émis successivement les 6 août 2018 et 13 mars 2019 des titres exécutoires de même montant à l'encontre de la société AM Trust, assureur du centre hospitalier de Villefranche-sur-Saône.
2. Par le jugement attaqué du 23 février 2021 le tribunal administratif de Lyon a rejeté les demandes de la société AM Trust Underwriters DAC tendant à l'annulation des titres exécutoires des 6 août 2018 et 13 mars 2019 et à la décharge de l'obligation de payer, ainsi que les demandes reconventionnelles de l'ONIAM. La société AM Trust Underwriters DAC et le centre hospitalier de Villefranche-sur-Saône ont interjeté appel de ce jugement. Par un mémoire du 27 décembre 2023 la cour a été informée de ce que la société Bothnia International Insurance Company Limited venait aux droits de la société AM Trust Underwriters DAC en application d'un contrat de transfert de portefeuille en date du 4 juillet 2023.
Sur le bien-fondé des titres exécutoires en litige :
3. Aux termes du I de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute. Les établissements, services et organismes susmentionnés sont responsables des dommages résultant d'infections nosocomiales, sauf s'ils rapportent la preuve d'une cause étrangère ". Aux termes du premier alinéa de l'article L. 1142-14 du même code : " Lorsque la commission régionale de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales estime qu'un dommage relevant du premier alinéa de l'article L. 1142-8 engage la responsabilité d'un professionnel de santé, d'un établissement de santé, d'un service de santé ou d'un organisme mentionné à l'article L. 1142-1 ou d'un producteur d'un produit de santé mentionné à l'article L. 1142-2, l'assureur qui garantit la responsabilité civile ou administrative de la personne considérée comme responsable par la commission adresse à la victime ou à ses ayants droit, dans un délai de quatre mois suivant la réception de l'avis, une offre d'indemnisation visant à la réparation intégrale des préjudices subis dans la limite des plafonds de garantie des contrats d'assurance " et aux termes de l'article L. 1142-15 de ce code : " En cas de silence ou de refus explicite de la part de l'assureur de faire une offre, ou lorsque le responsable des dommages n'est pas assuré ou la couverture d'assurance prévue à l'article L. 1142-2 est épuisée ou expirée, l'office institué à l'article L. 1142-22 est substitué à l'assureur. / (...) / L'acceptation de l'offre de l'office vaut transaction au sens de l'article 2044 du code civil. La transaction est portée à la connaissance du responsable et, le cas échéant, de son assureur ou du fonds institué à l'article L. 426-1 du code des assurances. / L'office est subrogé, à concurrence des sommes versées, dans les droits de la victime contre la personne responsable du dommage ou, le cas échéant, son assureur ou le fonds institué à l'article L. 426-1 du même code. Il peut en outre obtenir remboursement des frais d'expertise. / En cas de silence ou de refus explicite de la part de l'assureur de faire une offre, ou lorsque le responsable des dommages n'est pas assuré, le juge, saisi dans le cadre de la subrogation, condamne, le cas échéant, l'assureur ou le responsable à verser à l'office une somme au plus égale à 15 % de l'indemnité qu'il alloue. / Lorsque l'office transige avec la victime, ou ses ayants droit, en application du présent article, cette transaction est opposable à l'assureur ou, le cas échéant, au fonds institué au même article L. 426-1 du code des assurances ou au responsable des dommages sauf le droit pour ceux-ci de contester devant le juge le principe de la responsabilité ou le montant des sommes réclamées. Quelle que soit la décision du juge, le montant des indemnités allouées à la victime lui reste acquis ".
En ce qui concerne la responsabilité du centre hospitalier :
S'agissant de la régularité de l'expertise :
4. Le respect du caractère contradictoire de la procédure d'expertise implique que les parties soient mises à même de discuter, devant l'expert, des éléments de nature à exercer une influence sur la réponse aux questions posées par la juridiction saisie du litige. Lorsqu'une expertise est entachée d'une méconnaissance de ce principe ou lorsqu'elle a été ordonnée dans le cadre d'un litige distinct, ses éléments peuvent néanmoins, s'ils sont soumis au débat contradictoire en cours d'instance, être régulièrement pris en compte par le juge, soit lorsqu'ils ont le caractère d'éléments de pur fait non contestés par les parties, soit à titre d'éléments d'information dès lors qu'ils sont corroborés par d'autres éléments du dossier.
5. A supposer même que l'expertise menée par le docteur A... dans le cadre de la procédure mise en œuvre par la commission de conciliation et d'indemnisation ait méconnu le caractère contradictoire à l'encontre du centre hospitalier de Villefranche-sur-Saône ou de son assureur, au demeurant présents lors des opérations d'expertise et qui ont pu produire des dires auxquels l'expert a répondu et qui ont été annexés au rapport, cette expertise, qui a été soumise au contradictoire dans le cadre de la première instance, peut en tout état de cause être prise en considération s'agissant des éléments de pur fait non contestés par les parties et à titre d'éléments d'information dans l'hypothèse où ils sont corroborés par d'autres éléments du dossier.
S'agissant des fautes imputables au centre hospitalier :
6. Il résulte de l'instruction, que Mme F... a subi, le 27 avril 2016, une colectomie segmentaire pour diverticulose sigmoïdienne au centre hospitalier de Villefranche-sur Saône, qu'au cours de l'intervention, sont survenues une perforation du rectum et une lésion d'une veine pré-sacrée qui ont conduit le praticien à pratiquer, au cours de cette même intervention, une colectomie subtotale. L'ensemble des éléments soumis au contradictoire au cours de l'instance, notamment le rapport d'expertise du 12 juillet 2017, corroboré par l'avis de la CCI et les notes techniques du docteur B... en date des 23 avril 2020 et 15 novembre 2022, produites par l'ONIAM, ainsi que le compte rendu opératoire de l'intervention du 27 avril 2016, qui indique " l'accès au rectum s'avère facile avec un seul agrafage du haut rectum ", ne permet pas de retenir que, lors de l'introduction de la pince électrique, des difficultés techniques, liées à l'obésité modérée de Mme F..., à l'éventuelle présence de dilations veineuses anormales ou à des adhérences entre la concavité sacrée et le rectum ou une fragilité du haut rectum, seraient susceptibles d'expliquer les lésions survenues. Dans ces conditions, les éléments produits par les requérants ne sont pas de nature à remettre en cause le fait que la perforation du rectum et la lésion veineuse résultent d'un maniement mal contrôlé de la pince électrique lors de sa remontée. Par ailleurs, il résulte des éléments mis en avant dans le rapport d'expertise du docteur A..., corroborés par les notes du docteur B... et non sérieusement remis en cause par les autres pièces produites à l'instance, notamment la note technique du docteur G..., que le choix de pratiquer une colectomie subtotale dans les suites de cette première complication, suite à la constatation d'un colon transverse mal vascularisé, n'était pas justifié au regard de l'état précaire de la patiente, victime d'un collapsus non expliqué et une hémorragie importante, qui imposait d'abandonner cette approche pour, soit pratiquer une stomie provisoire, soit envisager une reprise chirurgicale dans les 48 heures, dans l'attente d'une stabilisation l'état de la patiente. Enfin, il n'est pas contesté que le suivi post opératoire n'a pas été effectué par le chirurgien, mais par un assistant en médecine, ce qui compte tenu de la gravité de l'état de la patiente, n'est pas conforme aux bonnes pratiques.
7. Il résulte également de l'ensemble des éléments soumis au contradictoire que les complications post opératoires dont a été victime Mme F..., notamment les fistules digestives, perforations de l'intestin grêle et du caecum, nécessitant trois opérations de reprise les 13 mai 2016, 21 novembre et 17 février 2017, et son hospitalisation continue dans différents services hospitaliers jusqu'au 26 juin 2017 puis à domicile, sont consécutives aux manquements commis lors de l'intervention du 27 avril 2016.
8. Par suite, et sans qu'il soit besoin d'ordonner une nouvelle expertise, les éléments contradictoires produits dans le cadre de l'instance permettent d'établir que les manquements commis lors de l'intervention du 27 avril 2016 puis dans le suivi post opératoire de Mme F... sont de nature à engager la responsabilité du centre hospitalier de Villefranche-sur-Saône.
En ce qui concerne les conclusions aux fins de décharge :
9. Il est constant que l'assureur du centre hospitalier a refusé d'indemniser Mme F.... Il résulte par ailleurs des pièces produites par l'ONIAM que Mme F... a été indemnisée des préjudices résultant de son déficit fonctionnel temporaire total pour la période du 11 mai 2016 au 3 juillet 2017 à hauteur de 6 285 euros et de son préjudice de souffrance, évaluées à 5,5 sur une échelle de 7, à hauteur de 18 100 euros, en exécution du protocole transactionnel signé le 1er août 2018, puis de ses pertes de revenus pour la période du 11 mai 2016 au 3 juillet 2017 à hauteur de 6 365,64 euros en exécution du protocole transactionnel signé le 9 février 2019. L'ONIAM est dès lors légalement subrogé dans les droits de la patiente à concurrence des sommes ainsi versées, dont les montants ne sont pas formellement contestés, en application des dispositions de l'article L. 1142-15 du code de la santé publique, sans que la circonstance selon laquelle la responsabilité de l'établissement public de santé n'ait pas été reconnue par une juridiction à la date d'émission des titres ne soit de nature à remettre en cause le caractère liquide, exigible et certain de la créance.
10. Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions tendant à la décharge de l'obligation de payer les sommes de 24 385 euros et 6 365,64 euros doivent être rejetées.
Sur la régularité du titre exécutoire en litige :
11. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration : " (...) / Toute décision prise par l'une des autorités mentionnées à l'article 1er comporte, outre la signature de son auteur, la mention, en caractères lisibles, du prénom, du nom et de la qualité de celui-ci ".
12. Il résulte de ces dispositions, d'une part, que les titres exécutoires émis par l'ONIAM, établissement public administratif de l'Etat, doivent être signés et comporter les prénom, nom et qualité de leur auteur et, d'autre part, qu'il appartient à l'autorité administrative de justifier, en cas de contestation, que l'état revêtu de la formule exécutoire comporte la signature de l'émetteur. Lorsque le bordereau est signé non par l'ordonnateur lui-même mais par une personne ayant reçu de lui une délégation de compétence ou de signature, ce sont, dès lors, les nom, prénom et qualité de cette personne qui doivent être mentionnés sur le titre de recettes individuel ou l'extrait du titre de recettes collectif, de même que sur l'ampliation adressée au redevable.
13. En l'espèce, les titres exécutoires n° 1 038 du 6 août 2018 et n° 339 du 13 mars 2019 adressé à la société AM Trust mentionnent le nom de M. D..., directeur de l'ONIAM et ne sont pas signés. Par ailleurs, les bordereaux de titre de recettes produit par l'ONIAM comportent les nom, prénom et qualité ainsi que la signature de M. C... E..., directeur des ressources, qui doit être ainsi regardé comme étant l'auteur des actes au sens des dispositions précitées. Dès lors, les titres en cause ne mentionnaient pas l'identité réelle de leur auteur, en méconnaissance des dispositions précitées. Il ressort par ailleurs de l'instruction que cette inexactitude a privé le destinataire des actes de la garantie prévue par les dispositions précitées, qui porte sur l'identification précise de l'auteur d'un acte, notamment pour les besoins de la vérification des règles de compétence. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens relatifs à la régularité formelle des titres contestés, que la société Bothnia International Insurance Company Limited venant aux droits de la société AM Trust Underwriters DAC est fondée à en demander l'annulation, sans que cette annulation n'implique l'extinction de la créance.
Sur les conclusions présentées par l'ONIAM :
En ce qui concerne les conclusions indemnitaires :
14. Lorsqu'il cherche à recouvrer les sommes versées aux victimes en application de la transaction conclue avec ces dernières, l'ONIAM peut soit émettre un titre exécutoire à l'encontre de la personne responsable du dommage, de son assureur ou du fonds institué à l'article L. 426-1 du code des assurances, soit saisir la juridiction compétente d'une requête à cette fin. Toutefois, l'office n'est pas recevable à saisir le juge d'une requête tendant à la condamnation du débiteur au remboursement de l'indemnité versée à la victime lorsqu'il a, préalablement à cette saisine, émis un titre exécutoire en vue de recouvrer la somme en litige. Réciproquement, il ne peut légalement émettre un titre exécutoire en vue du recouvrement forcé de sa créance s'il a déjà saisi le juge ou s'il le saisit concomitamment à l'émission du titre.
15. En l'espèce, dès lors que l'ONIAM a choisi d'émettre des titres exécutoires pour recouvrer la créance en lien avec la prise en charge de Mme F... par le centre hospitalier de Villefranche-sur-Saône, il n'est pas recevable à demander au juge, au cours d'un litige portant sur ces titres exécutoires par voie de conclusions reconventionnelles postérieurement à leur émission, et quand bien même ces derniers seraient annulés, la condamnation de la société AM Trust Underwriters DAC, assureur du centre hospitalier, à lui verser les indemnités correspondantes avec intérêts et capitalisation des intérêts.
16. Il résulte de ce qui précède que les conclusions de l'ONIAM tendant à la condamnation de la société AM Trust Underwriters DAC doivent être rejetées comme étant irrecevables.
En ce qui concerne les pénalités :
17. Les dispositions précitées de l'article L. 1142-15 du code de la santé publique prévoient qu'en cas de refus explicite de la part de l'assureur de faire une offre, le juge, saisi dans le cadre de la subrogation, condamne, le cas échéant, l'assureur ou le responsable à verser à l'office une somme au plus égale à 15 % de l'indemnité qu'il alloue. La pénalité ne peut donc être déterminée par le juge qu'au vu d'un montant régulièrement mis à la charge de l'assureur et compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce. Si l'annulation d'un titre exécutoire pour un motif de régularité en la forme n'implique pas nécessairement l'extinction de la créance litigieuse au regard de la possibilité de régularisation par l'administration, la circonstance qu'un titre exécutoire émis par l'ONIAM pour le recouvrement des sommes versées aux victimes a été annulé ne permet pas, en l'absence de somme mise à la charge du débiteur, que la pénalité prévue par l'article L. 1142-15 du code de la santé publique puisse être infligée à l'assureur. Par suite, l'ONIAM n'est pas fondé à se plaindre de ce que le tribunal administratif de Lyon a rejeté ses conclusions tendant à la condamnation de la société AM Trust Underwriters DAC au paiement de la pénalité prévue par ces dispositions.
En ce qui concerne les frais d'expertise :
18. Aux termes du quatrième alinéa de l'article L. 1142-15 du code de la santé publique : " (...) l'office est subrogé, à concurrence des sommes versées, dans les droits de la victime contre la personne responsable du dommage ou, le cas échéant, son assureur. Il peut en outre obtenir remboursement des frais d'expertise. "
19. Dans le cadre du litige relatif à la contestation du titre exécutoire émis par l'ONIAM pour le recouvrement des sommes versées aux victimes, celui-ci peut solliciter, à titre reconventionnel, le remboursement des frais d'expertise exposés devant la CCI dès lors que la somme en litige n'a pas fait l'objet d'un état exécutoire. En l'espèce, il résulte de l'instruction que les frais d'expertise d'un montant de 1 220,67 euros ont été mis à la charge de la société AM Trust Underwriters DAC par un titre exécutoire n° 733 émis par l'ONIAM le 26 mars 2021 dont la légalité a été confirmée par un jugement du tribunal administratif de Lyon n° 2108780-2200549 du 9 mai 2023 devenu définitif. Par suite, les conclusions de l'ONIAM tendant à ce que la société AM Trust Underwriters DAC soit condamnée à lui rembourser la somme de 1 220,67 euros au titre des frais d'expertise ne peuvent qu'être rejetées.
Sur la mise en cause de la CPAM du Rhône :
20. Lorsqu'il a versé une indemnité à la victime en application de l'article L. 1142-15 du code de la santé publique, il appartient à l'ONIAM, s'il a connaissance du versement à cette victime de prestations mentionnées à l'article 29 de la loi du 5 juillet 1985 tendant à l'amélioration de la situation des victimes d'accidents de la 'circulation et à l'accélération des procédures d'indemnisation, d'informer les tiers payeurs concernés afin de leur permettre de faire valoir leurs droits auprès du tiers responsable, de son assureur ou du fonds institué à l'article L. 426-1 du code des assurances. Il incombe également à l'office d'informer les tiers payeurs, le cas échéant, de l'émission d'un titre exécutoire à l'encontre du débiteur de l'indemnité ainsi que des décisions de justice rendues sur le recours formé par le débiteur contre ce titre.
21. En revanche, il ne résulte ni de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale ni d'aucune autre disposition législative ou réglementaire que les tiers payeurs ayant servi des prestations à la victime en raison de l'accident devraient être appelés en la cause lorsque le débiteur saisit le juge administratif d'une opposition au titre exécutoire. Par suite les conclusions présentées par l'ONIAM tendant à ce que la Cour appelle en déclaration d'arrêt commun la CPAM du Rhône doivent être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
22. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'ONIAM, qui n'est pas partie perdante dans la présente instance, la somme demandée par la société Bothnia International Insurance Company Limited venant aux droits de la société AM Trust Underwriters DAC et le centre hospitalier de Villefranche-sur-Saône, au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Par ailleurs, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Bothnia International Insurance Company Limited et du centre hospitalier de Villefranche-sur-Saône la somme demandée par l'ONIAM sur le même fondement.
DECIDE :
Article 1er : Les titres exécutoires n° 1038 du 6 août 2018 et n° 339 du 13 mars 2019 sont annulés.
Article 2 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 3 : Le jugement n° 1904291-1905077 du 23 février 2021 du tribunal administratif de Lyon est réformé en tant qu'il est contraire au présent arrêt.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société Bothnia International Insurance Company Limited venant aux droits de la compagnie AM Trust International Underwriters DAC, au centre hospitalier de Villefranche sur Saône et à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales.
Délibéré après l'audience du 15 janvier 2024, à laquelle siégeaient :
M. Pourny, président de chambre,
M. Stillmunkes, président assesseur,
Mme Vergnaud, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 13 février 2024.
La rapporteure,
E. Vergnaud
Le président,
F. Pourny
La greffière,
F. Abdillah
La République mande et ordonne à la ministre du travail, de la santé et des solidarités, en ce qui la concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
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N° 21LY01306