Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler la décision du 20 mai 2022 par laquelle la préfète de l'Aube a prononcé son expulsion du territoire français.
Par un jugement n° 2202191 du 9 mars 2023, le tribunal administratif de Dijon, auquel la demande a été transmise par ordonnance du 8 août 2022 a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 6 mai 2023 et le 24 septembre 2023, M. A..., représenté par Me Le Junter, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement n° 2202191 du 9 mars 2023 ;
2°) d'annuler la décision du 20 mai 2022 par laquelle la préfète de l'Aube a prononcé son expulsion ;
3°) d'enjoindre à la préfète de l'Aube de lui délivrer un titre de séjour ou, à défaut, une autorisation provisoire de séjour sous un délai de quinze jours suivant la notification de la décision à intervenir, et ce sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
M. A... soutient que :
- la convocation devant la commission d'expulsion méconnaît l'article L. 632-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision d'expulsion est insuffisamment motivée ;
- elle est entachée d'erreur de droit dès lors qu'elle se fonde uniquement sur son passé pénal ;
- elle est entachée d'erreur d'appréciation, dès lors qu'il ne représente pas une menace à l'ordre public ;
- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
Par un mémoire en défense, enregistré le 18 septembre 2023, la préfète de l'Aube conclut au rejet de la requête.
Elle soutient que les moyens ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 25 septembre 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 10 octobre 2023.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 17 janvier 2024.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Laval, premier conseiller,
- les conclusions de Mme Lesieux, rapporteure publique,
- et les observations de Me Le Junter, représentant M. A... :
Considérant ce qui suit :
1. M. B... A..., né le 5 décembre 1974, ressortissant kosovar, est entré en France, le 10 novembre 2013, à trente-neuf ans, selon ses déclarations. Il a fait l'objet d'un refus d'admission au séjour du préfet de l'Yonne, le 22 novembre 2013, alors qu'il était sous le coup d'une interdiction de séjour, valable du 29 juin 2011 au 28 juin 2021, prononcée par les autorités autrichiennes, en raison de sa condamnation pour des faits de cambriolage. Il a fait l'objet d'un refus de titre de séjour, assorti d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, du 27 novembre 2014, du préfet de l'Yonne, confirmée par le tribunal administratif de Dijon, le 27 mars 2015. Il s'est maintenu sur le territoire à la suite du refus d'asile, opposé par la Cour nationale du droit d'asile, le 16 décembre 2014. Il a fait l'objet d'une nouvelle obligation de quitter le territoire français, assortie d'une interdiction de retour sur le territoire français de deux ans, le 8 août 2017, par la préfète de l'Aube, après son interpellation et placement en garde à vue pour vol et a refusé d'embarquer. Le préfet de l'Aube a refusé, sur avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, le titre de séjour en tant qu'étranger malade, demandé par l'intéressé, refus qui a été confirmé par le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne, le 13 novembre 2018. A la suite d'une nouvelle interpellation et placement en garde à vue pour détention d'armes et de stupéfiants, M. A... a fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français, assortie d'une interdiction de retour sur le territoire français de trois ans, le 14 mai 2020,qu'il n'a pas exécutée. Il a été incarcéré, le 3 août 2021, à la maison d'arrêt de Troyes, pour des faits de vol en réunion. Saisie par le préfet de l'Aube, la commission d'expulsion du département de l'Aube, a émis un avis favorable à cette mesure, le 28 avril 2022. M. A... a fait l'objet d'un arrêté d'expulsion, le 22 mai 2022. Il a été libéré de prison, le 13 juin 2022, mais a refusé de se soumettre à un test PCR, en vue de l'embarquement, prévu le même jour. Il a saisi, le 21 juillet 2022, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'une demande d'annulation de la décision d'expulsion qui a été transmise, par ordonnance du 8 août 2022 du président de la juridiction, au tribunal administratif de Dijon, compte tenu de son lieu de résidence déclaré. Par un jugement du 9 mars 2023, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté d'expulsion. M A... relève appel de ce jugement.
Sur les conclusions aux fins d'annulation :
2. M. A... reprend en appel les moyens qu'il avait invoqués en première instance tirés du vice de procédure entachant la réunion de la commission d'expulsion ainsi que de l'insuffisance de motivation du procès-verbal de cette réunion et de l'arrêté d'expulsion. Il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus par le tribunal administratif de Dijon aux points 4 à 8 de son jugement.
3. Aux termes de l'article L. 631-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut décider d'expulser un étranger lorsque sa présence en France constitue une menace grave pour l'ordre public, sous réserve des conditions propres aux étrangers mentionnés aux articles L. 631-2 et L. 631 3. "
4. L'autorité compétente pour prononcer une telle mesure de police administrative, qui a pour objet de prévenir les atteintes à l'ordre public qui pourraient résulter du maintien d'un étranger sur le territoire français, doit caractériser l'existence d'une menace grave, au vu du comportement de l'intéressé et des risques objectifs que celui-ci fait peser sur l'ordre public. Les infractions pénales commises par un étranger ne sauraient, à elles seules, justifier légalement une mesure d'expulsion et ne dispensent pas l'autorité compétente d'examiner, d'après l'ensemble des circonstances de l'affaire, si la présence de l'intéressé sur le territoire français est de nature à constituer une menace grave pour l'ordre public. Lorsque l'administration se fonde sur l'existence d'une telle menace pour prononcer l'expulsion d'un étranger, il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi d'un moyen en ce sens, de rechercher si les faits qu'elle invoque, à cet égard, sont de nature à justifier légalement sa décision. Il ne ressort pas des pièces du dossier, notamment de l'arrêté du 20 mai 2022, que la préfète de l'Aube se serait bornée à se référer aux condamnations pénales de M. A..., le moyen tiré de l'erreur de droit, doit par suite, être écarté.
5. Il ressort des pièces du dossier, qu'ainsi que l'ont relevé les premiers juges, et notamment de la fiche pénale produite en défense, que M. A..., a été condamné à cinq reprises par le tribunal correctionnel de Troyes par des jugements des 23 mars 2017 à sept mois d'emprisonnement avec sursis, 10 décembre 2019, à quatre mois d'emprisonnement, le 14 juin 2021 à quatre mois d'emprisonnement avec révocation du sursis et 3 janvier 2022, à cinq mois d'emprisonnement. Ces faits correspondent à la réitération, sur des délais brefs et récents de vols en réunion, de vols par effraction dans un local d'habitation, d'introduction dans le domicile d'autrui à l'aide de manœuvres, menaces, voies de fait et contraintes et de rébellion, alors, au demeurant, que M. A... avait été interdit de séjour en Autriche, pour une durée de dix ans, pour des faits de cambriolage. Si M. A... fait valoir son comportement en prison et son assiduité aux formations dispensées, ses réductions de peine, ainsi que la durée de sa présence en France, il n'établit aucun ancrage personnel ou professionnel sur le territoire. Ainsi que l'a relevé la commission d'expulsion, il n'établit aucun projet offrant des gages de réinsertion en France. Il s'est, par ailleurs, systématiquement soustrait aux mesures d'éloignement prises à son encontre en se maintenant dans l'illégalité. Par suite, eu égard à la récidive du comportement délictueux de l'intéressé, la préfète de l'Aube qui s'est également fondée sur son absence de volonté d'intégration et sur le comportement global de l'intéressé, n'a pas entaché son arrêté d'une erreur d'appréciation en considérant que sa présence constituait une menace grave à l'ordre public.
6. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1°) Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2°) Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui " Aux termes du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".
7. M. A..., pour contester la mesure d'expulsion en litige, se fonde sur ce qu'il aurait quitté le Kosovo, il y a trente ans, sur la présence en France d'un frère et d'une sœur et fait valoir les relations qu'il envisage de renouer avec une compagne, installée dans le Sud de la France. Cependant, à supposer qu'il soit présent en France depuis 2013, les attestations produites au dossier ne suffisent pas à démontrer, ni l'intensité des relations l'unissant à sa compagne ni à sa fratrie, alors qu'il ne présente aucun projet de vie ou professionnel de nature à permettre son insertion. Dans ces conditions, M. A..., dont le comportement constitue une menace grave à l'ordre public, n'est pas fondé à soutenir que la préfète de l'Aube aurait porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte excédant ce qui était nécessaire à la défense de l'ordre public et méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
8. M. A... ne peut utilement soutenir que la mesure d'expulsion du territoire français en litige porte atteinte à l'intérêt supérieur de son fils mineur, dont il contribue à l'entretien, pour contester son expulsion du territoire français dès lors que la nationalité française de son fils n'est pas établie et qu'il vit en Roumanie avec sa mère.
9. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et celles présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée à la préfète de l'Aube.
Délibéré après l'audience du 11 janvier 2024, à laquelle siégeaient :
M. Pruvost, président de chambre,
Mme Courbon, présidente-assesseure,
M. Laval, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 8 février 2024.
Le rapporteur
J-S. Laval
Le président,
D. Pruvost
La greffière,
N. Lecouey
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
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N° 23LY01585