La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

06/02/2024 | FRANCE | N°23LY02536

France | France, Cour administrative d'appel, 1ère chambre, 06 février 2024, 23LY02536


Vu les procédures suivantes :

Procédure contentieuse antérieure



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 5 juin 2023 par lequel la préfète de l'Ain lui a fait obligation de quitter le territoire français, a refusé de lui accorder un délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination et lui a fait interdiction de circuler sur le territoire français pour une durée de dix-huit mois.



Par un jugement n° 2304772 du 18 juillet 2023, la magistrate désignée par le président du tribunal adm

inistratif a annulé ces décisions.



Procédures devant la cour



I/ Par une requête en...

Vu les procédures suivantes :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 5 juin 2023 par lequel la préfète de l'Ain lui a fait obligation de quitter le territoire français, a refusé de lui accorder un délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination et lui a fait interdiction de circuler sur le territoire français pour une durée de dix-huit mois.

Par un jugement n° 2304772 du 18 juillet 2023, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif a annulé ces décisions.

Procédures devant la cour

I/ Par une requête enregistrée le 28 juillet 2023, sous le n° 23LY02536, la préfète de l'Ain, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 18 juillet 2023 ;

2°) de rejeter la demande de première instance de M. B....

Elle soutient que :

- c'est à tort que, pour annuler son arrêté du 5 juin 2023, la magistrate désignée du tribunal administratif de Lyon s'est fondée sur ce que M. B... ne peut être regardé comme constituant une menace actuelle et réelle pour un intérêt fondamental de la société française au regard de l'article L. 251-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- les autres moyens soulevés par M. B... en première instance ne sont pas fondés.

La requête a été communiquée à M. B... qui n'a pas présenté d'observations.

Par une ordonnance du 7 novembre 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 22 novembre 2023.

II/ Par une requête enregistrée le 28 juillet 2023, sous le n° 23LY02538, la préfète de l'Ain demande à la cour, en application des dispositions de l'article R. 811-15 du code de justice administrative, de prononcer le sursis à exécution du jugement du 18 juillet 2023.

Elle soutient que :

- c'est à tort que, pour annuler son arrêté du 5 juin 2023, la magistrate désignée du tribunal administratif de Lyon s'est fondée sur ce que M. B... ne peut être regardé comme constituant une menace actuelle et réelle pour un intérêt fondamental de la société française au regard de l'article L. 251-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- les autres moyens soulevés par M. B... en première instance ne sont pas fondés.

La requête a été communiquée à M. B... qui n'a pas présenté d'observations.

Par une ordonnance du 7 novembre 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 22 novembre 2023.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Après avoir entendu au cours de l'audience publique, le rapport de Mme Mauclair, première conseillère.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 5 juin 2023, la préfète de l'Ain a fait obligation à M. B..., né le 7 septembre 1985 à Schelma (Allemagne) et de nationalité allemande, de quitter le territoire français sans délai et lui a interdit de circuler sur le territoire français pendant dix-huit mois. Par un jugement du 18 juillet 2023, dont la préfète de l'Ain relève appel et demande le sursis à exécution par les deux requêtes visées plus haut, la magistrate désignée du tribunal administratif de Lyon a annulé cet arrêté. Ces requêtes sont dirigées contre un même jugement. Il y a lieu de les joindre pour qu'elles fassent l'objet d'un seul arrêt.

Sur la requête n° 23LY02536 :

En ce qui concerne le motif d'annulation retenu par la première juge :

2. Aux termes de l'article L. 251-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative compétente peut, par décision motivée, obliger les étrangers dont la situation est régie par le présent livre, à quitter le territoire français lorsqu'elle constate les situations suivantes : / (...) 2° Leur comportement personnel constitue, du point de vue de l'ordre public ou de la sécurité publique, une menace réelle, actuelle et suffisamment grave à l'encontre d'un intérêt fondamental de la société. (...) / L'autorité administrative compétente tient compte de l'ensemble des circonstances relatives à leur situation, notamment la durée du séjour des intéressés en France, leur âge, leur état de santé, leur situation familiale et économique, leur intégration sociale et culturelle en France, et l'intensité des liens avec leur pays d'origine ".

3. Il résulte de ces dispositions que si les citoyens européens bénéficient d'avantages conférés par le droit de l'Union, en l'espèce, la liberté de circuler librement et de séjourner sur le territoire des Etats membres, le législateur peut, notamment pour la protection de l'ordre public, organiser un régime moins favorable que le droit commun pour ces déplacements, notamment lorsque leur comportement personnel constitue, du point de vue de l'ordre public ou de la sécurité publique, une menace réelle, actuelle et suffisamment grave à l'encontre d'un intérêt fondamental de la société. Il appartient à l'autorité administrative d'un Etat membre qui envisage de prendre une mesure d'éloignement à l'encontre d'un ressortissant d'un autre Etat membre de ne pas se fonder sur la seule existence d'une infraction à la loi, mais d'examiner, d'après l'ensemble des circonstances de l'affaire, si la présence de l'intéressé sur le territoire français est de nature à constituer une menace réelle, actuelle et suffisamment grave pour un intérêt fondamental de la société française. L'ensemble de ces conditions doivent être appréciées en fonction de la situation individuelle de la personne, notamment de la durée de son séjour en France, de sa situation familiale et économique et de son intégration.

4. Il ressort des pièces du dossier que M. B... a été condamné le 15 octobre 2021 par le tribunal judiciaire de Thonon-les-Bains à une peine d'emprisonnement de cinq mois, assortie d'un sursis probatoire de deux ans, pour avoir exercé volontairement, les 20 et 27 mars 2021, des violences n'ayant entraîné aucune incapacité totale de travail sur son ex-compagne. Si ces faits ne sont pas contestés, ils revêtent un caractère isolé et leur réitération ne ressort d'aucun élément, pas plus que le risque de récidive sur lequel la préfète de l'Ain s'est fondée afin de considérer que le comportement de l'intéressé constitue une menace réelle, actuelle et suffisamment grave à l'encontre d'un intérêt fondamental de la société au sens des dispositions du 2° de l'article L. 251-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Au surplus, la révocation du sursis dont a bénéficié M. B... ne résulte pas d'un comportement violent de l'intéressé tel celui ayant justifié sa condamnation. En l'espèce, la circonstance qu'il ait adressé à son ex-compagne des messages malveillants en février 2023, faits commis dans un temps relativement court et pour lesquels il n'est pas établi qu'il aurait été pénalement poursuivi, ne permet pas plus de caractériser une telle menace actuelle. Il ressort au contraire des pièces du dossier que M. B... a maintenu les liens avec son ex-compagne avec laquelle il a eu un enfant né en 2021, dont il justifie participer à l'entretien et à l'éducation. Il ne ressort pas davantage du jugement en assistance éducative du 21 avril 2023 qu'il représente un danger à l'égard de son enfant. Par ailleurs, M. B... justifie, bien que récemment, avoir participé, auprès d'une association suisse, à des consultations relatives à la prévention des comportements violents. Par suite, la préfète de l'Ain n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate du tribunal administratif de Lyon a annulé son arrêté du 5 juin 2023 en tant que l'obligation de quitter le territoire français qu'il comporte méconnaît les dispositions de l'article L. 251-1, 2° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que les décisions refusant l'octroi d'un délai de départ volontaire, fixant le pays de destination et prononçant à l'encontre de M. B... une interdiction de circulation sur le territoire français d'une durée de dix-huit mois. Dès lors, il y a lieu de rejeter les conclusions de la préfète de l'Ain tendant à l'annulation du jugement attaqué.

Sur la requête n° 23LY02538 :

5. Le présent arrêt statuant sur l'appel de la préfète de l'Ain dirigé contre le jugement

n° 2304772 de la magistrate désignée du tribunal administratif de Lyon, les conclusions de la requête n° 23LY02538 tendant à ce qu'il soit sursis à son exécution ont perdu leur objet et il n'y a donc plus lieu d'y statuer.

DÉCIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions à fin de sursis à exécution présentées par la préfète de l'Ain dans la requête n° 23LY02538.

Article 2 : La requête n° 23LY02536 de la préfète de l'Ain est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie sera adressée à la préfète de l'Ain.

Délibéré après l'audience du 16 janvier 2024 à laquelle siégeaient :

Mme Monique Mehl-Schouder, présidente de chambre,

Mme Anne-Gaëlle Mauclair, première conseillère,

Mme Claire Burnichon, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 février 2024.

La rapporteure,

A.-G. MauclairLa présidente,

M. C...

La greffière,

F. Prouteau

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

N°s 23LY02536, 23LY02538 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 23LY02536
Date de la décision : 06/02/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. - Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : Mme MEHL-SCHOUDER
Rapporteur ?: Mme Anne-Gaëlle MAUCLAIR
Rapporteur public ?: Mme CONESA-TERRADE
Avocat(s) : SELARL BS2A - BESCOU & SABATIER

Origine de la décision
Date de l'import : 03/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-02-06;23ly02536 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award