Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
Mme D... B..., Mme A... B... et M. C... B... ont demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 11 juin 2020 par lequel le maire de Saint-Étienne-des-Oullières (69460) ne s'est pas opposé à la déclaration préalable déposée par la société Orange UPR Sud Est en vue de l'implantation d'une antenne-relais de téléphonie mobile.
Par un jugement n° 2004434 du 3 février 2022, le tribunal administratif de Lyon a rejeté leur demande.
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 30 mars 2022, Mme D... B..., Mme A... B... et M. C... B..., représentés par Me Cottet-Emard, demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 3 février 2022 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 11 juin 2020 par lequel le maire de Saint-Étienne-des-Oullières (69460) ne s'est pas opposé à la déclaration préalable déposée par la société Orange UPR Sud Est en vue de l'implantation d'une antenne-relais de téléphonie mobile ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Saint-Etienne-des-Oullières et de la SA Orange le versement, chacun, de la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- la requête d'appel est recevable au regard des conditions de délai et des exigences de l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme et ils justifient d'un intérêt pour agir au sens de l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme ;
- la décision contestée méconnaît l'article L. 111-11 du code de l'urbanisme, l'extension du réseau électrique de 115 mètres faisant obstacle à sa prise en charge par la pétitionnaire au regard de l'article L. 332-15 du code de l'urbanisme ; la décision n'indique pas dans quel délai et par qui les travaux seront financés et exécutés ;
- la participation prévue par la SA Orange au coût des travaux d'extension du réseau électrique correspond à une participation d'urbanisme illégale, sanctionnée par l'action en répétition ouverte par les dispositions de l'article L. 332-30 du code de l'urbanisme ;
- à supposer que la SA Orange entende se prévaloir du régime relatif à la participation pour réalisation d'équipements publics exceptionnels prévue par les dispositions de l'article L. 332-8 du code de l'urbanisme, la commune n'a pas fixé, dans l'arrêté en litige, le montant de cette participation.
Par des mémoires enregistrés les 10 octobre 2022 et 6 septembre 2023, la SA Orange, représentée par Me Gentilhomme, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge des requérants le versement de la somme de 5 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
La société soutient que :
- la requête est irrecevable en l'absence d'intérêt pour agir des requérants au sens de l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme ;
- les moyens soulevés par les requérants ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 5 septembre 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 20 octobre 2023.
Une mise en demeure de produire a été adressée à la commune de Saint-Etienne-des-Oullières le 11 décembre 2023.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Mauclair, première conseillère ;
- les conclusions de Mme Conesa-Terrade, rapporteure publique,
- les observations de Me Cottet-Emard, pour M. et Mmes B... et E..., représentant la SA Orange.
La SA Orange et M. et Mmes B... ont présenté des notes en délibérée qui ont été enregistrées le 17 janvier 2024.
Considérant ce qui suit :
1. La société Orange UPR SE Zone Lyon a déposé, le 13 mars 2020, un dossier de déclaration préalable en vue de l'édification d'une antenne-relais de téléphonie mobile sur la parcelle cadastrée ... située route de Petit Néty sur le territoire de la commune de Saint-Étienne-des-Oullières. Par un arrêté du 11 juin 2020, le maire de la commune ne s'y est pas opposé. M. et Mmes B... relèvent appel du jugement du 3 février 2022 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté leur demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la fin de non-recevoir opposée par la SA Orange :
2. Il résulte des dispositions de l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme qu'il appartient, en particulier, à tout requérant qui saisit le juge administratif d'un recours pour excès de pouvoir tendant à l'annulation d'une décision de non-opposition à déclaration préalable, de préciser l'atteinte qu'il invoque pour justifier d'un intérêt lui donnant qualité pour agir, en faisant état de tous éléments suffisamment précis et étayés de nature à établir que cette atteinte est susceptible d'affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance de son bien. Il appartient au défendeur, s'il entend contester l'intérêt à agir du requérant, d'apporter tous éléments de nature à établir que les atteintes alléguées sont dépourvues de réalité. Le juge de l'excès de pouvoir apprécie la recevabilité de la requête au vu des éléments ainsi versés au dossier par les parties, en écartant le cas échéant les allégations qu'il jugerait insuffisamment étayées mais sans pour autant exiger de l'auteur du recours qu'il apporte la preuve du caractère certain des atteintes qu'il invoque au soutien de la recevabilité de celui-ci. Eu égard à sa situation particulière, le voisin immédiat justifie, en principe, d'un intérêt à agir lorsqu'il fait état devant le juge, qui statue au vu de l'ensemble des pièces du dossier, d'éléments relatifs à la nature, à l'importance ou à la localisation du projet de construction.
3. Il ressort des pièces du dossier que le projet en litige consiste à implanter un pylône monotubulaire permettant la fixation de trois antennes-relais de téléphonie mobile d'une hauteur totale de 12 mètres. L'implantation projetée est prévue dans un secteur classé en zone A du plan local d'urbanisme et dans un cadre naturel préservé resté dans une large mesure à l'état agricole et viticole et ne supportant que quelques constructions, sur un emplacement en surplomb et à 140 mètres environ de la maison d'habitation dont les requérants sont respectivement propriétaire et usufruitier, et au surplus localisé à l'entrée de leur chemin d'accès privatif et à côté de parcelles viticoles leur appartenant. Les photographies produites établissent que cet ouvrage sera, en dépit de la mise en place d'une haie végétalisée, particulièrement visible de leur propriété, en l'absence de tout arbre ou autre construction. Les requérants, qui font ainsi état d'éléments précis et étayés relatifs à la nature, à l'importance et à la localisation du projet de construction qui sont de nature à affecter par elles-mêmes les conditions de jouissance de leur bien, justifient par suite d'un intérêt à agir. Dès lors, et sans qu'il y ait lieu d'apprécier les autres troubles invoqués liés à une exposition aux champs électromagnétiques ou de prendre en considération le fait que seule Mme B... résiderait dans cette maison, il y a lieu d'écarter la fin de non-recevoir tirée du défaut d'intérêt à agir soulevée par la SA Orange.
Sur la légalité de l'arrêté du 11 juin 2020 :
4. Aux termes de l'article L. 111-11 du code de l'urbanisme : " Lorsque, compte tenu de la destination de la construction ou de l'aménagement projeté, des travaux portant sur les réseaux publics de distribution d'eau, d'assainissement ou de distribution d'électricité sont nécessaires pour assurer la desserte du projet, le permis de construire ou d'aménager ne peut être accordé si l'autorité compétente n'est pas en mesure d'indiquer dans quel délai et par quelle collectivité publique ou par quel concessionnaire de service public ces travaux doivent être exécutés. / Lorsqu'un projet fait l'objet d'une déclaration préalable, l'autorité compétente doit s'opposer à sa réalisation lorsque les conditions mentionnées au premier alinéa ne sont pas réunies. (...) ". Les dispositions précitées de l'article L. 111-11 du code de l'urbanisme poursuivent notamment le but d'intérêt général d'éviter à la collectivité publique ou au concessionnaire d'être contraints, par le seul effet d'une initiative privée, de réaliser des travaux d'extension ou de renforcement des réseaux publics, sans prise en compte des perspectives d'urbanisation et de développement de la collectivité, et de garantir leur cohérence et leur bon fonctionnement. Une autorisation d'urbanisme doit être refusée lorsque, d'une part, des travaux d'extension ou de renforcement de la capacité des réseaux publics de distribution d'eau, d'assainissement ou d'électricité sont nécessaires à la desserte de la construction projetée et que, d'autre part, l'autorité compétente n'est pas en mesure d'indiquer dans quel délai et par quelle collectivité publique ou par quel concessionnaire de service public ces travaux doivent être exécutés, après avoir, le cas échéant, accompli les diligences appropriées pour recueillir les informations nécessaires à son appréciation.
5. En premier lieu, l'article L. 332-15 du code de l'urbanisme dispose : " L'autorité qui délivre l'autorisation de construire, d'aménager, ou de lotir exige, en tant que de besoin, du bénéficiaire de celle-ci la réalisation et le financement de tous travaux nécessaires à la viabilité et à l'équipement de la construction, du terrain aménagé ou du lotissement, notamment en ce qui concerne (...) l'alimentation en (...) électricité (...). / Les obligations imposées par l'alinéa ci-dessus s'étendent au branchement des équipements propres à l'opération sur les équipements publics qui existent au droit du terrain sur lequel ils sont implantés et notamment aux opérations réalisées à cet effet en empruntant des voies privées ou en usant de servitudes. (...) / L'autorisation peut également, avec l'accord du demandeur et dans les conditions définies par l'autorité organisatrice du service public de l'eau ou de l'électricité, prévoir un raccordement aux réseaux d'eau ou d'électricité empruntant, en tout ou partie, des voies ou emprises publiques, sous réserve que ce raccordement n'excède pas cent mètres et que les réseaux correspondants, dimensionnés pour correspondre exclusivement aux besoins du projet, ne soient pas destinés à desservir d'autres constructions existantes ou futures. (...) ". Il résulte de ces dispositions que, pour l'alimentation en électricité, relèvent des équipements propres à l'opération ceux qui sont nécessaires à la viabilité et à l'équipement de la construction ou du terrain jusqu'au branchement sur le réseau public d'électricité qui existe au droit du terrain, en empruntant, le cas échéant, des voies privées ou en usant de servitudes, ou, dans les conditions définies au troisième alinéa de l'article L. 332-15, en empruntant, en tout ou partie, des voies ou emprises publiques, sous réserve dans ce dernier cas que le raccordement n'excède pas cent mètres. En revanche, pour l'application de ces dispositions, les autres équipements de raccordement aux réseaux publics d'électricité, notamment les ouvrages d'extension ou de branchement en basse tension, et, le cas échéant, le renforcement des réseaux existants, ont le caractère d'équipements publics.
6. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier, et notamment du plan intitulé " plan adductions " joint au dossier de déclaration préalable déposé par la SA Orange, que le projet prévoit, afin d'assurer la desserte de la station relais de téléphonie mobile par le réseau public de distribution d'électricité, une longueur de réseau sous la voie publique de 115 mètres, qui doit ainsi être regardée comme une extension et non un simple raccordement de réseau, étant relevé que la SA Orange ne justifie pas, ni d'ailleurs n'allègue, que lesdits travaux constitueraient un simple branchement.
7. D'une part, la commune ne soutient ni ne justifie avoir l'intention de financer l'extension du réseau électrique, notamment pour répondre à d'éventuels besoins appréciés au regard de ses perspectives d'urbanisation et de développement, ni même avoir consulté le gestionnaire du réseau électrique ou l'autorité compétente en matière de réseau de distribution d'électricité et que ce dernier se serait prononcé sur la capacité suffisante du réseau public d'électricité existant, la faisabilité technique ou les modalités de réalisation de l'extension, ou encore leur montant.
8. D'autre part, les frais des travaux d'extension du réseau électrique, sur une distance supérieure à 100 mètres, ne peuvent, ainsi qu'il a été dit et en application du 4e alinéa de l'article L. 332-15 du code de l'urbanisme, être regardés comme un raccordement au réseau public relevant d'équipements propres, seuls susceptibles d'être pris en charge par la pétitionnaire au titre de ces dispositions. Si la SA Orange a indiqué, dans le dossier de déclaration préalable, prendre en charge les frais de ces travaux, cette circonstance est sans incidence sur la légalité de l'arrêté litigieux en ce qu'il n'a pas prescrit une participation sur le fondement de ces dispositions ni cette mise à la charge du bénéficiaire.
9. En second lieu, aux termes de l'article L. 332-8 du code de l'urbanisme : " Une participation spécifique peut être exigée des bénéficiaires des autorisations de construire qui ont pour objet la réalisation de toute installation à caractère industriel, notamment relative aux communications électroniques, agricole, commercial ou artisanal qui, par sa nature, sa situation ou son importance, nécessite la réalisation d'équipements publics exceptionnels./ Lorsque la réalisation des équipements publics exceptionnels n'est pas de la compétence de l'autorité qui délivre le permis de construire, celle-ci détermine le montant de la contribution correspondante, après accord de la collectivité publique à laquelle incombent ces équipements ou de son concessionnaire. / (...) ". Selon l'article L. 332-6-1 du même code : " Les contributions aux dépenses d'équipements publics prévus au 2° de l'article L. 332-6 sont les suivantes : (...) 2° c) La participation spécifique pour la réalisation d'équipements publics exceptionnels prévue à l'article L. 332-8. ".
10. La société pétitionnaire a précisé dans sa déclaration préalable du 24 février 2020 et dans le descriptif sommaire de l'opération que, " en cas d'extension du réseau ENEDIS nécessaire au présent projet, le coût du raccordement sera pris en charge par le demandeur ". Une telle indication ne peut être regardée comme suffisamment précise sur la volonté de la société pétitionnaire de prendre en charge, sur le fondement de cet article L. 332-8, les coûts de l'extension du réseau électrique nécessaire à l'alimentation de son site. En tout état de cause, il ne ressort ni de l'arrêté attaqué, qui ne comporte pas de participation financière, ni des autres pièces du dossier, qu'une telle contribution à la réalisation d'équipements publics exceptionnels (PEPE) aurait été prescrite par l'autorité compétente et qu'elle aurait ainsi entendu mettre à la charge de la société bénéficiaire, comme l'y autorisaient les dispositions précitées, les coûts d'extension du réseau électrique. Par ailleurs, l'absence de fixation d'une participation aux équipements publics exceptionnels implique par voie de conséquence que la commune prenne à sa charge le coût de cette extension, alors pourtant qu'aucun élément ne laisse supposer qu'elle aurait eu une telle intention au regard de ses besoins propres ni même, ainsi qu'il a été dit au point 7, qu'elle aurait consulté le gestionnaire du réseau électrique, ni même encore qu'elle était en mesure d'indiquer dans quel délai et par quelle collectivité ou concessionnaire de service public ces travaux d'extension devaient être exécutés.
11. Il résulte de ce qui précède que l'arrêté du 11 juin 2020 par lequel le maire de la commune ne s'est pas opposé à la déclaration préalable déposée par la SA Orange en vue de l'implantation d'une antenne-relais de téléphonie mobile est, pour les motifs exposés aux points 7, 8 et 10, illégale.
12. M. et Mmes B... sont dès lors fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté leur demande.
Sur les frais du litige :
13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de M. et Mmes B..., qui ne sont pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que la SA Orange demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il y a lieu en revanche de mettre à la charge de la commune de Saint-Etienne-des-Oullières et de la SA Orange chacune une somme de 2 000 euros à verser aux requérants au titre de ces mêmes dispositions.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Lyon du 3 février 2022 et l'arrêté du 11 juin 2020 sont annulés.
Article 2 : La commune de Saint-Etienne-des-Oullières et la SA Orange verseront chacune la somme de 2 000 euros à M. et Mmes B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Les conclusions de la SA Orange tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... B..., représentant unique des requérants, à la SA Orange et à la commune de Saint-Etienne-les-Oullières.
Délibéré après l'audience du 16 janvier 2024 à laquelle siégeaient :
Mme Marie-Christine Mehl-Schouder, présidente de chambre,
Mme Anne-Gaëlle Mauclair, première conseillère,
Mme Claire Burnichon, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 février 2024.
La rapporteure,
A.-G. Mauclair La présidente,
M. F...
La greffière,
F. Prouteau
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui les concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
N° 22LY01034 2