Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler les décisions du 21 juin 2022 par lesquelles le préfet de l'Isère lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français, a fixé à trente jours le délai de départ volontaire et a fixé le pays de renvoi.
Par un jugement n° 2205161 du 13 décembre 2022, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 10 janvier 2023, M. A... B..., représenté par Me Guillaume, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2205161 du 13 décembre 2022 du tribunal administratif de Grenoble ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir les décisions du 21 juin 2022 par lesquelles le préfet de l'Isère lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français, a fixé à trente jours le délai de départ volontaire et a fixé le pays de renvoi ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Isère de lui délivrer un titre de séjour, ou de réexaminer sa situation, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros, à verser à son conseil en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
M. B... soutient que :
- le refus de séjour est entaché de vice de procédure, faute que le préfet l'ait mis en demeure de compléter son dossier en produisant un document sur les conditions de son entrée en application des articles L. 114-5 et L. 114-6 du code des relations entre le public et l'administration ; il a été édicté sans examen de sa situation, notamment professionnelle ; il méconnait l'article 6, 2° de l'accord franco-algérien sans que puisse lui être opposée l'absence de déclaration d'entrée qui est difficile matériellement à réaliser ; il méconnait l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; il est entaché d'erreur manifeste d'appréciation dans l'exercice du pouvoir de régularisation et d'erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- l'obligation de quitter le territoire français a été édictée sans examen de sa situation ; elle est illégale en conséquence de l'illégalité du refus de séjour sur laquelle elle se fonde ; elle méconnait l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision fixant le délai de départ volontaire est illégale en conséquence de l'illégalité du refus de séjour et de l'obligation de quitter le territoire français ;
- la décision fixant le pays de renvoi est illégale en conséquence de l'illégalité du refus de séjour et de l'obligation de quitter le territoire français.
Le préfet de l'Isère, régulièrement mis en cause, n'a pas produit.
Par décision du 8 mars 2023, M. B... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle au taux de 55 %.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, modifiée, conclue à Rome le 4 novembre 1950 ;
- le traité sur l'Union européenne et le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;
- la convention d'application de l'accord de Schengen du 14 juin 1985, conclue le 19 juin 1990 ;
- le règlement (UE) 2016/399 du Parlement européen et du Conseil du 9 mars 2016 concernant un code de l'Union relatif au régime de franchissement des frontières par les personnes (code frontières Schengen) ;
- l'accord entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République algérienne démocratique et populaire, relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles, complété par un protocole, deux échanges de lettres et une annexe, modifié, signé à Alger le 27 décembre 1968 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 et le décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Stillmunkes, président assesseur.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant algérien né le 2 février 1990, a demandé au tribunal administratif de Grenoble l'annulation des décisions du 21 juin 2022 par lesquelles le préfet de l'Isère lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français, a fixé à trente jours le délai de départ volontaire et a fixé le pays de renvoi. Par le jugement attaqué du 13 décembre 2022, le tribunal a rejeté sa demande.
Sur la légalité du refus de titre de séjour :
2. Aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien susvisé : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention "vie privée et familiale" est délivré de plein droit : / (...) / 2. Au ressortissant algérien, marié avec un ressortissant de nationalité française, à condition que son entrée sur le territoire français ait été régulière, que le conjoint ait conservé la nationalité française et, lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, qu'il ait été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français (...) ". Il est constant que M. B... a demandé la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de ces stipulations.
3. En premier lieu, les dispositions de l'article L. 114-5 du code des relations entre le public et l'administration définissent une procédure de régularisation des demandes adressées à l'administration qui sont incomplètes. L'article L. 114-6 du même code définit pour sa part une procédure de régularisation des demandes adressées à l'administration affectées par un vice de forme ou de procédure. En l'espèce, en relevant que l'entrée de M. B... sur le territoire français n'a pas été régulière et qu'il ne remplit dès lors pas les conditions prévues par l'article 6, 2° précité de l'accord franco-algérien, le préfet n'a pas fondé le refus de séjour qu'il a en conséquence opposé sur une incomplétude, un vice de forme ou un vice de procédure du dossier de demande, mais sur le non-respect d'une condition de fond du droit au séjour. Le moyen tiré de la méconnaissance des articles L. 114-5 et L. 114-6 du code des relations entre le public et l'administration est en conséquence inopérant. Au surplus et en tout état de cause, dès lors que le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile contient des dispositions spéciales qui régissent le traitement par l'administration des demandes de titres de séjour, en particulier les demandes incomplètes, la procédure prévue par les dispositions des articles L. 114-5 et L. 114-6 du code des relations entre le public et l'administration n'est pas applicable en la matière.
4. En deuxième lieu, il ressort des termes mêmes de la décision contestée qu'elle a été prise après examen de la situation de M. B.... Eu égard à l'objet de la demande de délivrance d'un titre de séjour sur laquelle il se prononçait, c'est-à-dire un titre en qualité de conjoint d'une ressortissante française, le préfet a pu, sans irrégularité, concentrer son examen sur la situation maritale sans détailler l'activité professionnelle de M. B..., qui n'était pas déterminante au regard de l'objet de la demande et que ce dernier n'avait d'ailleurs pas invoquée.
5. En troisième lieu, ainsi que l'a exactement relevé le préfet, le passeport de M. B... fait apparaitre qu'il est entré en Espagne le 22 juin 2019 sous couvert d'un visa de court séjour mais ne fait apparaitre aucune entrée régulière en France consécutive. Si M. B... a produit en première instance une attestation sommaire d'une personne indiquant s'être rendue en Espagne le 22 juin 2019 pour aller le chercher, cette attestation, à la supposer suffisamment probante, ne contient en tout état de cause aucune indication sur la date et les conditions de son entrée en France. Le certificat médical du 28 juin 2019, produit tardivement en première instance, est dénué de valeur probante sur la date et les conditions de son entrée qui échappent à la compétence et aux vérifications de son auteur. Au surplus, le tribunal a relevé que M. B... ne justifie pas de la déclaration d'entrée prévue par l'article 22 de la convention d'application de l'accord de Schengen susvisée à laquelle renvoie l'article L. 531-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors applicable, devenu l'article L. 621-3, qui définit les conditions de circulation et le régime des remises dans le cadre de l'espace Schengen et est applicable aux ressortissants algériens. C'est dès lors sans erreur de droit ni de fait que le préfet a relevé que l'entrée de M. B... sur le territoire français n'est pas régulière et qu'il ne remplit dès lors pas les conditions posées par les stipulations de l'article 6, 2° de l'accord franco-algérien. Par ailleurs, alors que le mariage invoqué ne date que du 6 janvier 2022, soit moins de six mois à la date de la décision contestée, sans élément probant sur une vie commune antérieure, le préfet n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation dans l'exercice de son pouvoir de régularisation.
6. En quatrième lieu, il ressort des pièces du dossier que M. B... est né le 6 février 1990 en Algérie et qu'il est de nationalité algérienne. Il a fait l'objet le 23 novembre 2017 d'une précédente décision d'éloignement, qui a été exécutée le 27 décembre 2017. Si, ainsi qu'il a été dit, il établit être entré en Espagne le 22 juin 2019, les conditions et la date de son entrée en France ne sont pas établies. Il ne produit aucun élément sur une présence continue sur le territoire français avant la fin de l'année 2021. Il a épousé une ressortissante française le 6 janvier 2022, le mariage datant ainsi de moins de six mois à la date de la décision attaquée. Enfin, s'il se prévaut d'une activité en France, il ne produit que des contrats d'intérim à partir de mars 2022, soit depuis environ trois mois à la date de la décision attaquée. Enfin, il a indiqué dans sa fiche de demande de séjour que l'ensemble de sa famille est resté en Algérie, où lui-même a vécu l'essentiel de son existence. Eu égard à la durée et aux conditions du séjour en France de M. B... ainsi qu'au caractère particulièrement récent du mariage invoqué, le préfet n'a pas, en lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, porté une atteinte excessive à son droit au respect de sa vie privée et familiale au regard des buts que cette décision poursuit. Le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit, en conséquence, être écarté. Pour les mêmes motifs, le préfet n'a pas entaché sa décision d'erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de M. B....
Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :
7. En premier lieu, il résulte de ce qui vient d'être dit sur la légalité de la décision portant refus de séjour que M. B... n'est pas fondé à exciper de son illégalité.
8. En deuxième lieu, il résulte des termes mêmes de la décision attaquée qu'elle procède de l'examen effectif de la situation de M. B....
9. En troisième lieu, en l'absence de tout autre argument, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté pour les motifs qui ont été exposés au point 6 du présent arrêt.
Sur la légalité de la fixation du délai de départ volontaire :
10. Il résulte de ce qui a été dit sur la légalité des décisions portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français que M. B... n'est pas fondé à exciper de leur illégalité.
Sur la légalité de la fixation du pays de renvoi :
11. Il résulte de ce qui a été dit sur la légalité des décisions portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français que M. B... n'est pas fondé à exciper de leur illégalité.
12. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée au préfet de l'Isère.
Délibéré après l'audience du 15 janvier 2024, à laquelle siégeaient :
M. Pourny, président de chambre,
M. Stillmunkes, président assesseur,
M. Gros, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 31 janvier 2024.
Le rapporteur,
H. Stillmunkes
Le président,
F. Pourny
La greffière,
F. Abdillah
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
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N° 23LY00090