Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... B... épouse C... a demandé au tribunal administratif de Dijon de condamner le centre hospitalier de Nevers à lui verser la somme de 170 413,58 euros en réparation des préjudices consécutifs à une prise en charge hospitalière.
La caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de la Côte-d'Or a présenté des conclusions tendant à la condamnation du même centre hospitalier à lui verser la somme de 3 552,80 euros, outre l'indemnité forfaitaire de gestion.
Par un jugement n° 2001315 du 21 février 2022, le tribunal administratif de Dijon a condamné le centre hospitalier de Nevers à verser, d'une part, à Mme B... la somme de 29 270,35 euros, d'autre part, à la CPAM de la Côte-d'Or la somme de 2 486,96 euros au titre de ses débours, outre l'indemnité forfaitaire de gestion.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 21 avril 2022, Mme A... B... épouse C... représentée par la SCP Eric Blanchecotte et Caroline Boirin, demande à la cour :
1°) de réformer le jugement n° 2001315 du 21 février 2022 du tribunal administratif de Dijon en portant la somme que le centre hospitalier de Nevers a été condamné à lui verser à hauteur d'un montant de 173 411 euros ;
2°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Nevers une somme de 4 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Mme B... soutient que :
- le jugement n'est pas contesté en tant qu'il identifie la faute de nature à engager la responsabilité du centre hospitalier et en tant qu'il évalue la perte de chances en résultant ;
- c'est à tort que le tribunal n'a pas indemnisé ou a indemnisé insuffisamment les préjudices liés aux dépenses de santé avant consolidation restées à charge, à l'incidence professionnelle, au déficit fonctionnel temporaire puis permanent, aux souffrances endurées avant consolidation, au préjudice esthétique temporaire puis permanent, au préjudice d'agrément, au préjudice sexuel et à la perte de chance de concevoir un autre enfant.
Par un mémoire enregistré le 30 juin 2022, la CPAM de la Côte d'Or, représentée par la SELARL BdL Avocats, conclut :
1°) à la confirmation du jugement en tant que le centre hospitalier de Nevers a été condamné à lui verser la somme de 2 486,96 euros au titre de ses débours, outre l'indemnité forfaitaire de gestion ;
2°) à ce que les montants alloués au titre de ses débours soient assortis d'intérêts au taux légal à compter de sa première demande, ces intérêts étant eux-mêmes capitalisés ;
3°) à ce que la somme de 1 500 euros soit mise à la charge du centre hospitalier de Nevers sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
La CPAM de la Côte d'Or soutient que c'est à juste titre que le Tribunal a retenu la responsabilité du centre hospitalier pour faute et a évalué à 70 % la perte de chance en résultant.
Par un mémoire en défense enregistré le 8 novembre 2022, le centre hospitalier de Nevers, représenté par le cabinet Le Prado - Gilbert, conclut au rejet de la requête et des conclusions de la CPAM de la Côte d'Or.
Le centre hospitalier de Nevers soutient que :
- les majoration demandées en appel par Mme B... sont infondées ;
- les conclusions présentées par la caisse sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées dès lors qu'elle ne conteste pas les montants qui lui ont été alloués et qu'aucun appel incident n'a été formé à son encontre.
Par un mémoire enregistré le 14 novembre 2023, ensemble un mémoire complémentaire enregistré le 21 novembre 2023, le ministre de l'intérieur et des outre-mer conclut, dans le dernier état de ses écritures, à ce que le centre hospitalier de Nevers soit condamné à lui rembourser la somme de 65 905,15 euros au titre des traitements, indemnités et charges patronales versés sur la période du 12 août 2016 au 6 septembre 2017 inclus.
Le ministre de l'intérieur soutient, dans le dernier état de ses écritures, que :
- il est fondé à réclamer le remboursement des montants exposés au titre de la rémunération de Mme B... en raison des séquelles médicales subies ;
- il justifie du total des sommes versées, soit 36 380,82 euros au titre des traitements et indemnités, et 29 524,33 euros au titre des charges patronales.
Un mémoire complémentaire, présenté pour Mme B... et enregistré le 8 décembre 2023 à 14h58, n'a pas été communiqué.
Par ordonnance du 27 octobre 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 27 décembre 2022 à 16h30. Par ordonnance du 15 novembre 2023, la clôture d'instruction a été reportée au 15 décembre 2023 à 16h30. Par ordonnance du 22 novembre 2023, la clôture de l'instruction a été avancée au 8 décembre 2023 à 16h30.
Par courrier en date du 15 juin 2023, les parties ont été informées de ce que la cour était susceptible de se fonder sur le moyen, relevé d'office, tiré de l'irrégularité du jugement en l'absence de mise en cause de l'Etat employeur en application des dispositions de l'ordonnance n° 59-76 du 7 janvier 1959 et de l'article L. 825-6 du code général de la fonction publique.
Par courrier du 17 octobre 2023, la cour a demandé au ministre de bien vouloir produire dans les meilleurs délais les éléments qu'il a annoncés dans son courrier du 16 août 2023 de demande de délai supplémentaire, et pour lesquels un report d'audience lui a été spécialement accordé.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code civil ;
- le code général de la fonction publique, ensemble l'ordonnance n° 59-76 du 7 janvier 1959 et l'ordonnance n° 2021-1574 du 24 novembre 2021 ;
- le code de la santé publique ;
- le code de la sécurité sociale, ensemble l'arrêté du 18 décembre 2023 relatif aux montants minimal et maximal de l'indemnité forfaitaire de gestion prévue aux articles L. 376-1 et L. 454-1 du code de la sécurité sociale pour l'année 2024 ;
- la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience, à laquelle elles n'étaient ni présentes ni représentées.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Stillmunkes, président-assesseur,
- et les conclusions de Mme Cottier, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B... épouse C..., née le 26 janvier 1978, a accouché le 19 mai 2016 par césarienne. Dans les suites de cette intervention, elle a été victime d'une complication occlusive intestinale qui a nécessité une intervention de résection iléale le 21 mai 2016. Par le jugement attaqué du 21 février 2022, le tribunal administratif de Dijon a retenu un retard fautif de quatre heures dans la prise en charge en urgence de cette complication. Il a évalué la perte de chance en résultant à 70 %. Il a en conséquence condamné le centre hospitalier de Nevers à verser, d'une part, à Mme B... la somme de 29 270,35 euros, d'autre part, à la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de la Côte-d'Or la somme de 2 486,96 euros au titre de ses débours, outre l'indemnité forfaitaire de gestion.
Sur la régularité du jugement :
2. Aux termes de l'article 3 de l'ordonnance susvisée du 7 janvier 1959, devenu l'article L. 825-6 du code général de la fonction publique, l'agent public victime engageant une action contre le tiers responsable doit appeler en déclaration de jugement commun la personne publique intéressée et indiquer la qualité qui lui ouvre droit aux prestations de celle-ci à peine de nullité du jugement fixant l'indemnité. Lorsque la victime d'un accident est un agent de l'Etat, ces dispositions créent pour le juge administratif l'obligation de mettre en cause l'Etat en vue de l'exercice par celui-ci, de l'action subrogatoire qui lui est ouverte de plein droit par l'article 1er de la même ordonnance, contre le tiers responsable de l'accident. L'irrégularité du jugement pris en méconnaissance de cette obligation est d'ordre public.
3. Il résulte de l'instruction que Mme B... a la qualité de brigadière de police. Elle a ainsi le statut d'agent public de l'Etat. En statuant sur la requête sans mettre en cause l'Etat employeur, le tribunal a entaché son jugement d'irrégularité. Ce jugement doit, en conséquence, être annulé.
4. Il y a lieu en l'espèce pour la cour d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande de Mme B... et les conclusions de la CPAM de la Côte d'Or.
Sur le principe de la responsabilité :
5. Il résulte de l'instruction et notamment de l'expertise diligentée par le juge des référés du tribunal que la prise en charge de l'accouchement survenu le 19 mai 2016 et son suivi immédiat ne sont en eux-mêmes entachés d'aucune faute. La patiente a ultérieurement été victime, le 21 mai 2016, d'une hernie sous-ombilicale. Si l'expert estime qu'il s'agit là d'une complication connue et non fautive, elle constitue en revanche une situation d'urgence immédiate. Dans ces conditions, ainsi que le souligne l'expert, dont la requérante s'approprie l'analyse, et ainsi que l'admet d'ailleurs le centre hospitalier, le refus répété du radiologue de garde de réaliser un scanner en urgence pour confirmer le diagnostic, en dépit de demandes réitérées, ce scanner n'ayant été réalisé qu'en fin de journée sans justification sérieuse pour un tel retard, alors que la patiente souffrait d'un symptôme sub-occlusif avec épigastralgies, est constitutif d'une faute de nature à engager la responsabilité du centre hospitalier de Nevers, outre les suites disciplinaires que ce comportement a en l'espèce connu.
Sur la perte de chance :
6. Dans le cas où la faute commise lors de la prise en charge ou le traitement d'un patient dans un établissement public hospitalier a compromis ses chances d'obtenir une amélioration de son état de santé ou d'échapper à son aggravation, le préjudice résultant directement de la faute commise par l'établissement et qui doit être intégralement réparé n'est pas le dommage corporel constaté, mais la perte de chance d'éviter que ce dommage soit advenu. La réparation qui incombe à l'hôpital doit alors être évaluée à une fraction du dommage corporel déterminée en fonction de l'ampleur de la chance perdue.
7. Ainsi que le relève l'expert, le retard mis à réaliser un scanner qui aurait pu et dû être effectué en urgence a retardé de quatre heures la prise en charge chirurgicale de Mme B..., qui était subordonnée aux résultats de cet examen d'imagerie. L'expert indique qu'en l'absence d'un tel retard fautif, même si la prise en charge de l'occlusion aurait été difficile, il y aurait eu une chance d'éviter la résection intestinale. Il évalue, sans contestation, la chance ainsi perdue à hauteur de 70 %.
Sur les préjudices de Mme B... :
8. Il résulte de l'instruction et notamment de l'expertise diligentée par le juge des référés du tribunal que l'état de la patiente s'est consolidé dès le 13 mai 2017. Elle demeure atteinte de troubles digestifs et l'expert note par ailleurs un impact psychologique de la complication.
En ce qui concerne les préjudices temporaires :
9. En premier lieu, s'agissant des dépenses de santé, la CPAM de la Côte d'Or établit avoir pris en charge, avant consolidation, des frais hospitaliers, médicaux et pharmaceutiques en lien avec la complication, pour le montant total de 3 134,48 euros. Par ailleurs, l'expert a relevé que Mme B... a dû, en raison des séquelles attachées à la complication, suivre quatre séances d'ostéopathie liées aux suites de la complication, les 3, 22 et 30 novembre 2016 ainsi que le 14 mars 2017, pour un montant unitaire de soixante euros. Mme B... produit une feuille signée d'un ostéopathe, qui confirme ces dates et ces montants. Eu égard aux indications de l'expert et nonobstant l'absence d'indications circonstanciées dans cette attestation, Mme B... doit être regardée comme ayant exposé une somme totale de 240 euros. En l'absence de tout élément dont résulterait que cette dépense aurait été prise en charge, même partiellement, par un tiers-payeur, Mme B... est fondée à demander le remboursement de ce montant. Mme B... produit également un extrait de listing, d'origine non indiquée et non authentifié, qui se borne à citer sommairement des montants ainsi que les noms d'un gynécologue et d'un chirurgien esthétique, sans aucune signature ni la moindre précision. L'expert a relevé que la patiente a dû consulter un chirurgien esthétique, pour un montant de consultation de 100 euros, Pour le reste, la pièce produite n'est pas de nature à établir l'existence d'autres dépenses de santé liées aux suites de la complication et qui seraient restées à sa charge. Les dépenses de santé avant consolidation s'élèvent ainsi au montant total de 3 474,48 euros, dont une partie restée à la charge de Mme B... à hauteur de la somme de 340 euros.
10. En deuxième lieu, l'expert a relevé un déficit fonctionnel temporaire total du 21 mai 2016 au 27 mai 2016, puis un déficit fonctionnel temporaire partiel, de classe 3 (soit 50 %) du 28 au 31 mai 2016, de classe 2 (soit 25 %) du 1er juin au 31 août 2016 et, enfin, de classe 1 (soit 10 %) du 1er septembre 2016 à la consolidation survenue le 13 mai 2017. Il sera fait une juste appréciation du préjudice correspondant en l'évaluant à hauteur de la somme de 1 000 euros.
11. En troisième lieu, l'expert a évalué les souffrances endurées avant consolidation à hauteur de 4,5/7, soit un préjudice dépassant la moyenne et s'approchant d'un seuil assez important. Cette évaluation prend en compte à la fois l'intervention nécessaire, l'hospitalisation et l'impact psychologique. Il sera fait une juste appréciation du préjudice correspondant en l'évaluant à hauteur de la somme de 10 000 euros.
12. En quatrième lieu, la consolidation étant survenue le 13 mai 2017, les pertes de revenus invoquées par Mme B... du 7 juin au 7 septembre 2017 ne correspondent pas aux préjudices temporaires mais aux préjudices permanents, qui sont ceux subis après la consolidation. Les pertes de revenus de Mme C... seront ainsi examinées au point 17 du présent arrêt. Par ailleurs, l'Etat employeur de Mme B... est fondé à réclamer, y compris avant la consolidation, le remboursement, d'une part, des salaires maintenus durant les périodes d'interruption de l'activité liées à l'état de santé de Mme B..., d'autre part, dans le cadre de l'action directe, des cotisations patronales afférentes. Les sommes correspondantes seront, pour des raisons de clarté, exposées au point 18 du présent arrêt.
13. En cinquième lieu, lorsque le juge administratif indemnise dans le chef de la victime d'un dommage corporel la nécessité de recourir à l'aide d'une tierce personne, il détermine le montant de l'indemnité réparant ce préjudice en fonction des besoins de la victime et des dépenses nécessaires pour y pourvoir. Il doit à cette fin se fonder sur un taux horaire déterminé, au vu des pièces du dossier, par référence, soit au montant des salaires des personnes à employer augmentés des cotisations sociales dues par l'employeur, soit aux tarifs des organismes offrant de telles prestations, en permettant le recours à l'aide professionnelle d'une tierce personne d'un niveau de qualification adéquat et sans être lié par les débours effectifs dont la victime peut justifier. Il n'appartient notamment pas au juge, pour déterminer cette indemnisation, de tenir compte de la circonstance que l'aide a été ou pourrait être apportée par un membre de la famille ou un proche de la victime. En l'espèce, la requérante expose que son état de santé a fait obstacle à ce qu'elle puisse prendre en charge normalement son enfant durant une période d'un mois et qu'elle a dû recourir à l'aide de son conjoint et de sa mère pour la substituer. Eu égard au déficit fonctionnel temporaire de Mme B... durant cette période, il sera fait une juste appréciation du besoin correspondant d'assistance par une tierce personne en l'évaluant à 30 heures hebdomadaires en moyenne durant le mois en cause. Afin de tenir compte des congés payés et des jours fériés prévus par l'article L. 3133-1 du code du travail, il y a lieu de calculer l'indemnisation sur la base d'une année de 412 jours. Enfin, ce préjudice sera évalué en l'indemnisant sur la base d'un taux horaire moyen de rémunération, tenant compte des charges patronales et des majorations de rémunération pour travail du dimanche, fixé à 13,54 euros au regard du taux du salaire minimum interprofessionnel en 2016, ce qui correspond à un taux horaire de 15,28 euros pour une année de 365 jours. Par suite, eu égard au nombre d'heures en cause, le préjudice résultant de la nécessité, pour Mme B..., de recourir temporairement à l'aide d'une tierce personne doit être évalué à la somme de 1 992,31 euros.
14. En sixième lieu, l'expert a évalué le préjudice esthétique temporaire à 3,5/7. Il en sera fait une juste appréciation en évaluant ce préjudice à la somme de 2 500 euros.
En ce qui concerne les préjudices permanents :
15. En premier lieu, Mme B... était âgée de 39 ans au moment de la consolidation. L'expert évalue le déficit fonctionnel permanent dont elle demeure atteinte à hauteur de 10 %, en précisant que ce taux tient à la fois compte de l'incidence fonctionnelle digestive et de l'impact psychologique. Il sera fait une juste évaluation de ce préjudice en l'évaluant à la somme de 15 000 euros.
16. En deuxième lieu, si la requérante invoque un préjudice qui tiendrait à la perte de chance d'avoir un nouvel enfant, l'expert n'a identifié aucune atteinte des facultés reproductrices. La réalité de ce préjudice n'est par ailleurs établie par aucun élément. Si la requérante invoque l'impact psychologique de la complication, celui-ci a toutefois été pris en compte, d'une part dans le cadre des souffrances morales avant consolidation, d'autre part dans le cadre du déficit fonctionnel permanent.
17. En troisième lieu, la requérante expose que, compte tenu d'un mi-temps thérapeutique, ainsi que de la limitation de ses missions opérationnelles du fait de la complication, elle a perdu le bénéfice de primes et indemnités entre juin et septembre 2017. Elle précise que les sommes en cause auraient été retenues en juillet et août. Il résulte en effet des bulletins de paye qu'elle produit qu'elle a fait l'objet, en juillet 2017, d'une reprise de 419,23 euros au titre de l'indemnité de sujétion spéciale de la police et de 87,84 euros au titre de l'allocation de maîtrise. Ces montants ne correspondent toutefois qu'à une faible partie des montants qu'elle évoque. Il résulte en réalité de l'arrêté du 30 juin 2017 qui la place en mi-temps thérapeutique du 7 juin au 6 septembre 2017 inclus que les indemnités normalement attachées à sa rémunération ont été réduites de 50 %. Son bulletin de paye de mai 2017, correspondant à la période qui précède le mi-temps thérapeutique, fait apparaitre un montant mensuel d'indemnité de sujétion spéciale de la police de 505,41 euros, et un montant mensuel d'allocation de maîtrise de 219,58 euros. La réduction de moitié de ces deux items, dont il résulte de l'instruction qu'ils auraient eu vocation à lui être alloués intégralement en l'absence de la faute, a ainsi généré, sur la période de trois mois en cause, une perte de revenus non compensée de 1 087,49 euros. Le préjudice de perte de revenus ainsi établi se monte en conséquence à ce dernier montant, resté à la charge de Mme B.... Pour le reste, la requérante ne produit aucun élément de nature à établir l'existence d'une perte de revenus supérieure, ni même une explication sur le calcul des montants demandés.
18. L'Etat, employeur de Mme B..., fait par ailleurs valoir qu'il a maintenu ses rémunérations durant les périodes d'interruption d'activité résultant de la faute médicale, et il résulte de l'instruction que l'état de santé de Mme B... a ultérieurement justifié un placement en mi-temps thérapeutique, ainsi qu'il vient d'être exposé, générant ainsi une majoration de rémunération à la charge de l'employeur. Il résulte des chiffres, non contestés, produits par le ministre, qu'il a, sur la période du 12 août 2016 au 6 septembre 2017 inclus, maintenu pour ces motifs des traitements et indemnités pour un montant total de 36 380,82 euros, et qu'il a par ailleurs supporté, au titre de la même période, un coût afférent de 29 524,33 euros au titre des charges patronales. L'Etat est donc fondé à exercer, en application des articles L. 825-1 à L. 825-8 du code général de la fonction publique, d'une part, sur le fondement de ces articles auxquels renvoie l'article 1er de l'ordonnance susvisée du 7 janvier 1959, une action subrogatoire portant sur le coût des rémunérations maintenues et, d'autre part, sur le fondement de l'article 32 de la loi susvisée du 5 juillet 1985, une action directe portant sur la charge des cotisations patronales afférentes.
19. En quatrième lieu, la requérante soutient que la complication a affecté ses chances d'être promue au grade de brigadier-chef en 2017. Si elle a obtenu cette promotion en 2018, elle n'établit pas avoir disposé de chances sérieuses d'obtenir cette promotion dès 2017. Il résulte en revanche de la nature des séquelles subies que l'exercice de son activité professionnelle est rendu plus pénible. Il sera fait une juste appréciation du préjudice correspondant d'incidence professionnelle en lui allouant une somme de 10 000 euros.
20. En cinquième lieu, Mme B... fait valoir un préjudice d'agrément, en précisant qu'elle était très sportive et pratiquait en particulier le squash, le tennis, le jogging, le vélo et l'équitation. Toutefois, l'expert a relevé que ce préjudice devait être documenté et a noté que la requérante avait déjà repris plusieurs activités sportives. Son analyse de l'état de santé de Mme B... ne fait d'ailleurs pas apparaitre qu'elle ne serait plus en mesure de pratiquer le sport. En admettant que les séquelles qu'elle conserve puissent dans une certaine mesure limiter la possibilité pour elle de pratiquer plusieurs activités sportives soutenues, il sera fait une juste appréciation de ce préjudice en l'évaluant à hauteur de la somme de 1 500 euros.
21. En sixième lieu, la requérante invoque un préjudice sexuel. L'expert a relevé une limitation temporaire de l'activité, mais a noté que la situation s'est améliorée. Il sera fait dans ces conditions une juste appréciation de ce préjudice en l'évaluant à la somme de 1 500 euros.
22. En septième lieu, l'expert a relevé un préjudice esthétique permanent, qu'il a évalué à 2/7, du fait de la cicatrice laissée par l'intervention rendue nécessaire par la prise en charge chirurgicale de la complication aggravée. Il sera fait une juste appréciation de ce préjudice en l'évaluant à hauteur de la somme de 2 000 euros.
23. En huitième lieu, s'agissant des dépenses de santé postérieures à la consolidation, la CPAM de la Côte d'Or établit avoir pris en charge des frais hospitaliers, médicaux, d'appareillage et pharmaceutiques, à hauteur du montant total de 414,32 euros. La requérante expose par ailleurs avoir dû engager des dépenses pour une reprise de la cicatrice par un chirurgien esthétique, pour un montant qui serait resté à sa charge évalué au montant, dans le dernier état de ses écritures, de 3 600 euros. A cet égard, l'expert a relevé que la cicatrice était sensible, hypertrophique et de mauvaise qualité. Il a également noté une chirurgie esthétique de reprise en lien, en évoquant un montant d'environ 2 500 euros. Si la requérante produit plusieurs devis, seul le devis du 5 mars 2018 a été accepté, pour un montant de 2 592 euros, correspondant à l'ordre de grandeur relevé par l'expert. Ce devis mentionne l'absence de toute prise en charge par un tiers-payeur, la somme devant dès lors être regardée comme étant entièrement restée à la charge de Mme B.... Le montant finalement facturé le 19 avril 2018 est de 2 400 euros, la somme ayant été réglée entièrement par Mme B.... Par ailleurs, un devis de 1 000 euros du 13 octobre 2020, pour une reprise de cicatrice, n'a pas été signé par la patiente, mais le montant de 1 000 euros facturé le 9 décembre 2020 a été réglé par Mme B.... Elle a ainsi conservé à sa charge, en raison de ces interventions esthétiques, une somme totale de 3 400 euros. Le montant total des dépenses de santé postérieures à la consolidation s'élève ainsi à 3 814,32 euros, dont 3 400 euros restés à la charge de Mme B....
Sur les droits respectifs de Mme B..., de la CPAM de la Côte d'Or et de l'Etat employeur :
24. D'une part, la priorité accordée à la victime sur la caisse pour obtenir le versement à son profit des indemnités mises à la charge du tiers responsable, dans la limite de la part du dommage qui n'a pas été réparée par des prestations, s'applique, notamment, lorsque le tiers n'est déclaré responsable que d'une partie des conséquences dommageables de l'accident. Dans ce cas, l'indemnité mise à la charge du tiers, qui correspond à une partie des conséquences dommageables de l'accident, doit être allouée à la victime tant que le total des prestations dont elle a bénéficié et de la somme qui lui est accordée par le juge ne répare pas l'intégralité du préjudice qu'elle a subi. Quand cette réparation est effectuée, le solde de l'indemnité doit, le cas échéant, être alloué à la caisse. Toutefois, le respect de cette règle s'apprécie poste de préjudice par poste de préjudice.
25. D'autre part, dès lors que la faute commise a, ainsi qu'il a été exposé précédemment, uniquement fait perdre à Mme B... une chance d'éviter l'aggravation de son état, la réparation qui incombe au centre hospitalier de Nevers doit être évaluée à une fraction du dommage corporel déterminée en fonction de l'ampleur de la chance perdue, soit en l'espèce 70 %.
26. En premier lieu, la CPAM de la Côte d'Or a pris en charge une partie des dépenses de santé. Pour les dépenses de santé antérieures à la consolidation, le centre hospitalier de Nevers doit verser 70 % du montant total de 3 474,48 euros, soit 2 432,14 euros. Sur ce montant, 340 euros seront alloués à Mme B... au titre des frais restés à sa charge, le reste, soit 2 092,14 euros, étant alloué à la CPAM de la Côte d'Or. Pour les dépenses de santé postérieures à la consolidation, le centre hospitalier de Nevers doit verser 70 % du montant total de 3 814,32 euros, soit 2 670,02 euros. Ce montant est inférieur à celui des dépenses restées à la charge de Mme B.... Il doit dès lors être alloué intégralement à cette dernière.
27. En deuxième lieu, au titre des pertes de revenus, l'Etat a pris en charge le maintien de l'essentiel des rémunérations à hauteur de 36 380,82 euros, Mme B... ayant gardé à sa charge une perte de revenus de 1 087,49 euros. Le centre hospitalier, responsable, doit donc, compte tenu de la perte de chance de 70 %, verser une somme de 26 227,82 euros. 1 087,49 euros seront alloués à Mme B... et le reste, soit 25 140,33, à l'Etat.
28. En troisième lieu, au titre des cotisations patronales d'un montant total de 29 524,33 euros pour lesquelles l'Etat employeur exerce l'action directe, il peut en conséquence, compte tenu de la perte de chance, obtenir 70 % de cette somme, soit une somme de 20 667 euros.
29. En quatrième lieu, pour les autres postes de préjudices, il ne résulte pas de l'instruction qu'une partie en aurait été prise en charge par un tiers payeur. Les montants correspondants doivent, dès lors, être alloués à Mme B..., dans la limite de la perte de chance de 70 %. Le montant total des préjudices de Mme B..., au titre des postes autres que ceux qui viennent d'être évoqués dans les trois paragraphes qui précédent, étant de 45 492,31 euros, le centre hospitalier de Nevers est dès lors tenu de verser à ce titre à Mme B... la somme de 31 844,62 euros.
30. Il résulte de ce qui précède que les droits de Mme B..., de la CPAM de la Côte d'Or et de l'Etat employeur s'élèvent aux montants respectifs de 35 942,13 euros, 2 092,14 euros et 45 807,33 euros.
Sur les intérêts et la capitalisation :
31. La CPAM de la Côte d'Or peut demander que les sommes qui lui sont allouées au titre de ses débours soient assorties d'intérêts au taux légal à compter du 9 octobre 2020, date d'enregistrement du mémoire de première instance dans lequel elle en a demandé pour la première fois le paiement. La CPAM de la Côte d'Or a par ailleurs demandé la capitalisation de ces intérêts dans son mémoire enregistré le 30 juin 2022. A cette date, les intérêts étaient dus depuis au moins une année. Ils seront donc capitalisés au 30 juin 2022 et à chaque échéance annuelle à compter de cette date.
Sur l'indemnité forfaitaire de gestion :
32. Aux termes du neuvième alinéa de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale : " En contrepartie des frais qu'elle engage pour obtenir le remboursement mentionné au troisième alinéa ci-dessus, la caisse d'assurance maladie à laquelle est affilié l'assuré social victime de l'accident recouvre une indemnité forfaitaire à la charge du tiers responsable et au profit de l'organisme national d'assurance maladie. Le montant de cette indemnité est égal au tiers des sommes dont le remboursement a été obtenu, dans les limites d'un montant maximum de 910 euros et d'un montant minimum de 91 euros. A compter du 1er janvier 2007, les montants mentionnés au présent alinéa sont révisés chaque année, par arrêté des ministres chargés de la sécurité sociale et du budget, en fonction du taux de progression de l'indice des prix à la consommation hors tabac prévu dans le rapport économique, social et financier annexé au projet de loi de finances pour l'année considérée ". L'arrêté susvisé du 18 décembre 2023 a fixé à 118 euros et 1 191 euros les montants minimum et maximum de l'indemnité forfaitaire de gestion pour l'année 2024.
33. Il résulte de ce qui a été dit précédemment que la CPAM de la Côte d'Or peut prétendre à la somme de 2 092,14 euros au titre de ses débours. L'indemnité forfaitaire de gestion doit dès lors être fixée au tiers de ce montant, dans la limite des montants minimum et maximum fixés par l'arrêté du 18 décembre 2023, soit en l'espèce 697,38 euros.
34. Il résulte de tout ce qui précède que le centre hospitalier de Nevers est condamné à verser, d'une part, à Mme B... la somme totale de 35 942,13 euros, d'autre part, à la CPAM de la Côte d'Or, une somme de 2 092,14 euros au titre de ses débours, portant intérêts au taux légal à compter du 9 octobre 2020, avec capitalisation des intérêts au 30 juin 2022 et à chaque échéance annuelle à compter de cette date, ainsi qu'une somme de 697,38 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion et, enfin, à l'Etat une somme de 45 807,33 euros.
Sur les dépens :
35. Les frais d'expertise ont été liquidés et taxés à la somme totale de 2 100 euros par ordonnance du président du tribunal du 17 novembre 2018. Il y a lieu de mettre cette somme à la charge définitive du centre hospitalier de Nevers.
Sur les frais de l'instance :
36. Dans les circonstances de l'espèce, d'une part, il y a lieu de mettre à la charge du centre hospitalier de Nevers, qui est tenu aux dépens, la somme de 3 000 euros à verser à Mme B... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, d'autre part, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées par la CPAM de la Côte d'Or sur le même fondement.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 2001315 du 21 février 2022 du tribunal administratif de Dijon est annulé.
Article 2 : Le centre hospitalier de Nevers est condamné à verser à Mme B... la somme totale de 35 942,13 euros.
Article 3 : Le centre hospitalier de Nevers est condamné à verser à la caisse primaire d'assurance maladie de la Côte d'Or, d'une part, une somme de 2 092,14 euros au titre de ses débours, portant intérêts au taux légal à compter du 9 octobre 2020, avec capitalisation des intérêts au 30 juin 2022 et à chaque échéance annuelle à compter de cette date, d'autre part, une somme de 697,38 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion.
Article 4 : Le centre hospitalier de Nevers est condamné à verser à l'Etat une somme de 45 807,33 euros.
Article 5 : Les frais de l'expertise ordonnée par le juge des référés du tribunal administratif de Dijon sont mis à la charge définitive du centre hospitalier de Nevers.
Article 6 : Le centre hospitalier de Nevers versera la somme de 3 000 euros à Mme B... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 7 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 8 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... épouse C..., au centre hospitalier de Nevers, à la caisse primaire d'assurance maladie de la Côte d'Or et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Délibéré après l'audience du 18 décembre 2023, à laquelle siégeaient :
M. Pourny, président de chambre,
M. Stillmunkes, président assesseur,
M. Gros, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 11 janvier 2024.
Le rapporteur,
H. Stillmunkes
Le président,
F. Pourny
La greffière,
F. Abdillah
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
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N° 22LY01211