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10/11/2023 | FRANCE | N°22LY00494

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre, 10 novembre 2023, 22LY00494


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... ... et M. E... ..., agissant en leur nom propre et en tant que représentants légaux de leur fils mineur A... D..., ont demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand de condamner le centre hospitalier de Vichy à leur verser, en réparation des préjudices que leur ont causés les conditions de la naissance A... D... le 5 avril 2009, les sommes respectives de :

- 1 583 344,48 euros pour A... ..., outre une rente trimestrielle de 7 113,60 euros et une rente mensuelle de 812,25 euros, index

es annuellement sur le SMIC ;

- et 190 717,95 euros pour ses parents, Mme ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... ... et M. E... ..., agissant en leur nom propre et en tant que représentants légaux de leur fils mineur A... D..., ont demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand de condamner le centre hospitalier de Vichy à leur verser, en réparation des préjudices que leur ont causés les conditions de la naissance A... D... le 5 avril 2009, les sommes respectives de :

- 1 583 344,48 euros pour A... ..., outre une rente trimestrielle de 7 113,60 euros et une rente mensuelle de 812,25 euros, indexées annuellement sur le SMIC ;

- et 190 717,95 euros pour ses parents, Mme B... et M. D....

La caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de l'Allier et la CPAM du Puy-de-Dôme ont présenté des conclusions tendant à ce que le centre hospitalier de Vichy soit condamné à leur verser une somme de 1 553 806,28 euros au titre des débours de la CPAM de l'Allier, outre l'indemnité forfaitaire de gestion.

Par un jugement avant-dire n° 1600017 du 31 décembre 2018, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a décidé qu'il serait procédé à une expertise.

Par un jugement n° 1600017 du 14 décembre 2021, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a condamné le centre hospitalier de Vichy à verser :

- à M. A... D..., représenté par ses parents, la somme de 145 976,26 euros, portant intérêts au taux légal à compter du 6 janvier 2016, avec capitalisation au 6 janvier 2017 et à chaque échéance annuelle à compter de cette date, outre une rente semestrielle de 7 025,12 euros, revalorisée par application du coefficient de l'article L. 434-17 du code de la sécurité sociale, à servir jusqu'à réévaluation de l'état de consolidation de l'enfant et sous déduction de la prestation de compensation du handicap et de toute allocation ayant le même objet ;

- à Mme B... et M. D..., une somme de 57 771,92 euros, portant intérêts au taux légal à compter du 6 janvier 2016, avec capitalisation au 6 janvier 2017 et à chaque échéance annuelle à compter de cette date ;

- à la CPAM du Puy-de-Dôme et de l'Allier une somme de 776 903,14 euros, portant intérêts au 13 septembre 2016, avec capitalisation au 13 septembre 2017 et à chaque échéance annuelle à compter de cette date, outre une somme de 1 098 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 14 février 2022, Mme C... B... et M. E... D..., agissant en leur nom propre et en qualité de représentants légaux de leur fils mineur A... D..., représentés par le cabinet Preziosi - Ceccaldi - Albenois, demandent à la cour :

1°) de réformer le jugement n° 1600017 du 14 décembre 2021 du tribunal administratif de Clermont-Ferrand, en portant les sommes que le centre hospitalier de Vichy a été condamné à leur verser à hauteur de :

- 1 201 844,24 euros, outre intérêts et capitalisation à compter de la demande préalable, pour A... ..., outre une rente trimestrielle de 7 113,60 euros et une rente mensuelle de 820,80 euros, toutes deux indexées annuellement sur le SMIC et à servir jusqu'au jour du dépôt du prochain rapport d'étape ;

- 38 846,35 euros, outre intérêts et capitalisation à compter de la demande préalable, pour Mme B... et M. D..., parents de l'enfant ;

- 151 871,60 euros, outre intérêts et capitalisation à compter de la demande préalable, pour Mme B... ;

- et 95 000 euros, outre intérêts et capitalisation à compter de la demande préalable, pour M. E... D... ;

2°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Vichy une somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Les requérants soutiennent que :

- ainsi que le font apparaitre les expertises, le centre hospitalier a commis des fautes médicales ;

- le taux de perte de chance doit être évalué à 95 % et non à 50 % ;

- en l'absence de consolidation, ils ne demandent que la réparation des préjudices temporaires établis à la date de l'arrêt, en réservant la question d'un réexamen ultérieur de l'évolution de l'état de l'enfant ;

- ils ont dû engager des dépenses de petits consommables, d'aides techniques, d'adaptation du véhicule et d'assistance par une tierce personne ;

- l'enfant a subi un préjudice scolaire, un déficit fonctionnel temporaire, un préjudice esthétique temporaire et a enduré des souffrances ;

- ses parents ont engagé des frais d'assistance à expertise, de demande de dossiers médicaux, de reproduction de dossiers, de déplacements pour expertises et de transport ; ils ont également subi un préjudice d'affection et un préjudice d'accompagnement ;

- Mme B... a subi un préjudice de perte de gains professionnels.

Par un mémoire enregistré le 9 décembre 2022, la CPAM du Puy-de-Dôme et la CPAM de l'Allier, représentées par Me Nolot, concluent :

1°) à la réformation du jugement n° 1600017 du 14 décembre 2021 du tribunal administratif de Clermont-Ferrand en portant les sommes que le centre hospitalier de Vichy a été condamné à leur verser à hauteur de 1 705 084,06 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 13 septembre 2016 et capitalisation, pour les débours, outre 1 114 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion ;

2°) à ce que la somme de 1 600 euros soit mise à la charge du centre hospitalier de Vichy sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La CPAM du Puy-de-Dôme et la CPAM de l'Allier soutiennent que :

- c'est à bon droit que le tribunal a retenu que le centre hospitalier a commis des fautes de nature à engager sa responsabilité ;

- la perte de chance doit être évaluée à hauteur d'un taux de 95 % et non de 50 % ;

- des débours ont été exposés en raison de frais hospitaliers, de frais médicaux, de frais pharmaceutiques, de frais d'appareillage et de frais de transport.

Par un mémoire en défense enregistré le 27 décembre 2022, le centre hospitalier de Vichy, représenté par la SELARL Fabre et Associés, conclut :

1°) au rejet de la requête et des conclusions de la CPAM du Puy-de-Dôme et de la CPAM de l'Allier ;

2°) à titre incident, à la réformation du jugement n° 1600017 du 14 décembre 2021 du tribunal administratif de Clermont-Ferrand en réduisant à de plus justes proportions les sommes qu'il a été condamné à verser à A... ..., ainsi qu'à ses parents Mme B... et M. D....

Le centre hospitalier de Vichy soutient que :

- le jugement doit être confirmé en tant qu'il retient le principe de la responsabilité et un taux de perte de chance de 50 % ;

- il ne conteste pas le montant de frais divers exposés ;

- les frais d'adaptation du véhicule ne peuvent inclure le coût du véhicule lui-même, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal ;

- aucun préjudice scolaire n'est caractérisé ;

- aucun préjudice d'agrément temporaire ne peut être retenu ;

- il ne conteste pas les montants alloués pour le déficit fonctionnel temporaire, le préjudice esthétique temporaire et les souffrances endurées ;

- il ne conteste pas les frais divers exposés par les parents, à l'exception des frais de transport ; il ne conteste pas davantage les sommes allouées au titre de leur préjudice d'affection, ni celles allouées à M. D... au titre du préjudice d'accompagnement ;

- aucun préjudice de perte de revenu de Mme B... n'apparait en lien avec la faute ;

- l'évaluation par les requérants des autres préjudices est excessive ;

- il ne conteste pas les débours exposés par la caisse.

Par ordonnance du 27 octobre 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 27 décembre 2022 à 16h30. Par ordonnance du 4 janvier 2023, la clôture d'instruction a été reportée au 6 février 2023 à 16h30.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code civil ;

- le code de la santé publique ;

- le code de la sécurité sociale, ensemble l'arrêté du 15 décembre 2022 relatif aux montants minimal et maximal de l'indemnité forfaitaire de gestion prévue aux articles L. 376-1 et L. 454-1 du code de la sécurité sociale pour l'année 2023 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Stillmunkes, président-assesseur,

- les conclusions de Mme Cottier, rapporteure publique,

- les observations de Me Fort, représentant Mme B... et M. D...,

- et les observations de Me Tordjman, représentant le centre hospitalier de Vichy.

Considérant ce qui suit :

1. Le jeune A... D... est né le 5 avril 2009. Dans les suites de l'accouchement, intervenu au centre hospitalier de Vichy, il demeure atteint de séquelles imputables à une encéphalopathie anoxo-ischémique. Par le jugement attaqué du 14 décembre 2021, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a condamné le centre hospitalier de Vichy à indemniser l'enfant, ses parents Mme B... et M. D..., ainsi que leur caisse primaire d'assurance maladie. Mme B... et M. D..., agissant en leurs noms propres et au nom de leur enfant, ainsi que les caisses primaires d'assurance maladie de l'Allier et du Puy-de-Dôme, demandent la majoration des sommes qui leur ont été allouées. Le centre hospitalier de Vichy conclut pour sa part au rejet de ces conclusions, ainsi, à titre incident, qu'à la réduction des sommes qu'il a été condamné à verser.

Sur le principe et l'étendue de la responsabilité :

2. Aux termes de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " I. - Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute (...) ". Dans le cas où la faute commise lors de la prise en charge ou le traitement d'un patient dans un établissement public hospitalier a compromis ses chances d'obtenir une amélioration de son état de santé ou d'échapper à son aggravation, le préjudice résultant directement de la faute commise par l'établissement et qui doit être intégralement réparé n'est pas le dommage corporel constaté, mais la perte de chance d'éviter que ce dommage soit advenu. La réparation qui incombe à l'hôpital doit alors être évaluée à une fraction du dommage corporel déterminée en fonction de l'ampleur de la chance perdue.

3. Une première expertise a été diligentée par le juge des référés du tribunal et confiée au Dr H..., gynécologue-obstétricienne. Son rapport, daté du 2 juin 2016, précise que l'accouchement a été déclenché de façon anticipée en raison d'une hypertension gravidique. L'experte relève la prise en compte trop tardive d'un rythme cardiaque fœtal hautement pathologique durant la prise en charge de l'accouchement. Elle fait état de premières anomalies dès 7h30, puis d'un tracé qui serait devenu hautement pathologique, alors que la dilatation du col demeurait faible et n'aurait pas permis l'accouchement par les voies naturelles. Ce n'est que lorsque le tracé devient " catastrophique ", selon ses termes, à 13h40, que la décision de recourir à une césarienne est prise. L'intervention est réalisée à bref délai et l'enfant nait à 14h15, en état de mort apparente. L'existence d'un cordon latérocident est alors identifiée. La première expertise estime que l'indication de césarienne aurait dû être posée à 10h30 et que le retard à prendre cette décision est la cause des séquelles subies. Elle ne retient pas de perte de chance mais impute les préjudices intégralement à cette faute. Contrairement à ce qu'exposent les requérants, le taux de 95 % qu'elle évoque correspond au taux estimé d'incapacité, la question d'une éventuelle perte de chance n'étant pas évoquée. Devant le tribunal, le centre hospitalier de Vichy a toutefois produit deux contre-expertises médicales, faisant en particulier apparaitre que l'hypothèse d'une carence en oxygène antérieure à l'accouchement, en lien probable avec la complication qui a conduit à déclencher l'accouchement de façon anticipée, ne pouvait être exclue. Par jugement avant-dire droit du 31 décembre 2018, compte tenu de cette incertitude médicale, le tribunal a décidé d'une expertise complémentaire, afin en particulier d'obtenir une analyse plus approfondie de l'évolution du rythme cardiaque fœtal et de sa signification, de rechercher d'éventuelles autres causes qui ont pu contribuer à l'état de l'enfant, ainsi que d'éclairer la question d'une éventuelle perte de chance. Cette expertise complémentaire a été confiée au Dr F..., praticienne hospitalière responsable d'un service de gynécologie-obstétrique, et au Dr G..., pédiatre. Au terme d'une analyse complète et très circonstanciée, les deux expertes soulignent que ce n'est qu'à compter de 13h11 que les tracés font apparaitre un risque important d'acidose, avec une tachycardie modérée prolongée associée à des anomalies répétées du rythme cardiaque fœtal. Elles précisent qu'à partir de 12h30-13h, des anomalies du rythme cardiaque fœtal à risque important d'acidose étaient constatées, mais que persistait encore une bonne variabilité sur les ralentissements. Elles en déduisent que la décision de poursuivre le travail sans recourir à une césarienne était toujours justifiée, des mesures correctrices conformes aux préconisations du collège national des gynécologues obstétriciens ayant été réalisées. En revanche, les expertes soulignent qu'à partir environ de 13h, la variabilité n'est plus présente et l'on constate un rythme de base franchement accéléré associé à des ralentissements, alors que la cinétique de dilatation du col n'était pas franche, ce qui devait alors conduire à prescrire une césarienne en urgence. Les expertes précisent que cette analyse intègre les difficultés de mesure et de suivi du rythme cardiaque fœtal.

4. En premier lieu, il résulte de l'instruction et notamment des analyses complètes et précises de l'expertise diligentée avant-dire droit qui viennent d'être exposées, que l'évolution péjorative grave du rythme cardiaque fœtal, telle qu'elle apparaissait sur les enregistrements réalisés à partir de 13h11, aurait dû conduire à la décision de recourir en urgence à une césarienne. Cette décision n'a été prise qu'à 13h42. Ce retard est constitutif d'une faute de nature à engager la responsabilité du centre hospitalier de Vichy, qui ne conteste au demeurant pas ce retard ni son caractère fautif.

5. En second lieu, il résulte de l'instruction et notamment des analyses de l'expertise avant-dire droit précitée, que les symptômes observés à la naissance, et notamment des signes d'équivalent convulsif, ainsi que les conditions d'évolution de l'état de l'enfant, révèlent une souffrance cérébrale antérieure à l'accouchement. Cette souffrance cérébrale préexistante, qui n'est pas imputable à la prise en charge au centre hospitalier de Vichy mais procède très probablement de la complication qui a justifié le déclenchement anticipé de l'accouchement, était en toute hypothèse de nature à entrainer une certaine dégradation de l'état de l'enfant, même en l'absence de complication durant l'accouchement et, en l'espèce, à aggraver les conséquences de l'anoxo-ischémie intervenue durant l'accouchement. Les expertes soulignent toutefois que le retard à décider d'une césarienne a lui-même conduit à prolonger un épisode anoxo-ischémique survenu dans le cadre de l'accouchement et a contribué à l'importance des séquelles dont est atteint l'enfant. Certains des symptômes constatés font d'ailleurs apparaitre que les séquelles subies se rattachent également aux conditions de l'accouchement. Enfin, aucun facteur génétique n'a été identifié. Compte tenu du cumul de ces deux atteintes anoxiques dont a été victime l'enfant, avant et durant l'accouchement, les expertes indiquent que le retard à décider une césarienne doit être regardé comme ayant entrainé pour lui ce qu'elles indiquent être une perte de chance de 50 % d'éviter une aggravation de son état. Les séquelles subies ne doivent, ainsi, être rattachées à la faute commise dans la prise en charge de l'accouchement que dans la limite de 50 %. Il ne résulte pas de l'instruction que cette indication, fondée sur l'analyse précise de la situation de l'enfant, serait en l'espèce inexacte et il y a lieu de retenir ce taux.

Sur les préjudices de la victime directe :

6. Il résulte de l'instruction et notamment de l'expertise du 7 janvier 2021, que le jeune A... D... est atteint d'une paralysie cérébrale sévère secondaire aux épisodes d'anoxo-ischémie dont il a été victime. Les expertes évaluent, en l'état, le déficit fonctionnel correspondant à hauteur d'un taux de 95 %. Les expertes indiquent toutefois que son état n'est pas encore consolidé, et devra être réexaminé autour de l'âge de 18 ans, pour pouvoir évaluer les préjudices permanents. Elles soulignent en particulier qu'une aggravation est probable, sans pouvoir en préciser l'échéance ni l'ampleur. En l'absence de certitude sur l'évolution de l'état de l'enfant, il y a donc lieu, ainsi que le demandent d'ailleurs les requérants, d'évaluer les seuls préjudices temporaires à la date du présent arrêt, en réservant l'indemnisation des préjudices temporaires ultérieurs et des préjudices permanents, dont l'étendue n'est actuellement pas connue de façon certaine et qui ne pourront être appréciés exactement que dans le cadre du réexamen ultérieur évoqué par l'expertise.

En ce qui concerne les préjudices patrimoniaux temporaires de la victime directe, à la date du présent arrêt :

S'agissant des dépenses de santé.

7. La caisse primaire d'assurance maladie de l'Allier établit qu'elle a dû exposer, en raison de l'état de santé de l'enfant, des débours correspondant à des frais hospitaliers, à des frais médicaux, à des frais pharmaceutiques, à des frais d'appareillage et à des frais de transports liés aux soins, pour un montant total de 1 794 825,33 euros. Les parents de l'enfant indiquent pour leur part qu'aucune dépense de santé n'est restée à leur charge.

S'agissant des frais divers :

8. En premier lieu, l'état de l'enfant a nécessité l'engagement de frais de petits consommables. Les requérants établissent avoir exposé à ce titre un montant total, non contesté, de 1 585,52 euros. Compte tenu, toutefois, de montants perçus au titre des charges spécifiques de protection de la prestation de compensation du handicap, pour un montant total de 940 euros au titre des périodes en cause, le montant resté à charge est de 645,52 euros.

9. En deuxième lieu, l'état de l'enfant a nécessité l'engagement de frais d'aides techniques, sous la forme de barrières de protection pour le lit médicalisé, d'une cape ainsi qu'un système d'adaptation au fauteuil pour les déplacements extérieurs et d'un tapis de sol pour les exercices de motricité. Ces frais s'élèvent au montant total, non contesté, de 393,40 euros, entièrement resté à la charge de la victime directe.

10. En troisième lieu, les requérants exposent que l'état de l'enfant a nécessité une adaptation de leur véhicule. S'ils produisent des factures portant, d'une part, sur l'acquisition d'un véhicule susceptible d'être aménagé pour le transport d'une personne en fauteuil et, d'autre part, sur l'acquisition d'un tel aménagement, le préjudice en lien avec la faute n'est pas le coût total d'acquisition d'un véhicule, qui répond aux besoins normaux de transport de la famille, mais seulement le surcoût lié à son adaptation à l'état de l'enfant. Il ressort des deux factures produites que le coût de l'aménagement est de 7 912,50 euros. Compte tenu, toutefois, d'une somme non discutée de 5 000 euros perçue au titre d'une partie consacrée au transport de la prestation de compensation du handicap, le montant resté à charge est de 2 912,50 euros.

11. En quatrième lieu, il résulte de l'instruction et notamment du rapport de l'expertise décidée avant-dire droit par le tribunal, que l'état de l'enfant crée pour lui un besoin majeur d'assistance par une tierce personne. A cet égard, un complément à l'expertise, réalisé après examen de l'enfant et évaluation d'une journée-type, retient un besoin particulier d'assistance, lié à la faute, estimé entre 20 et 24 heures par jour. Il en sera fait en l'espèce une juste appréciation en l'évaluant à 22 heures par jour. Toutefois, ainsi que l'a estimé à juste titre le tribunal, la prise en charge permanente de l'enfant se confond, durant ses premières années, avec la charge normale inhérente à un très jeune enfant. De plus, ainsi que le relève l'expertise diligentée en référé, les parents ont initialement été aidés par une prise en charge en centre d'action médico-sociale précoce du 7 mai 2009 au 13 janvier 2012, pour le surcroit de soins généré par l'état de l'enfant. Le préjudice tenant à un besoin d'assistance par une tierce personne excédant l'assistance normale qu'implique pour les parents la prise en charge d'un enfant n'est, ainsi, caractérisé en l'espèce qu'à partir de la période où un enfant acquiert normalement une plus grande autonomie et devient susceptible d'être scolarisé. Le complément au rapport de l'expertise décidée avant-dire droit, ainsi que les constatations de l'experte désignée en référé, relèvent que l'enfant, à compter du 25 septembre 2012, date à laquelle il était susceptible d'être scolarisé, a été pris en charge à temps plein dans un institut médico-éducatif. Cette prise en charge dans un institut médico-éducatif avait débuté progressivement à compter de juin 2012. Il est précisé que, dans le cadre de cette prise en charge, sous forme d'un internat, les parents s'en occupent durant les week-ends et les vacances. Le préjudice tenant au besoin d'assistance par une tierce personne doit, dès lors, être évalué comme correspondant à une aide de 22 heures par jour, durant les week-ends et les vacances, depuis le mois de septembre 2012 jusqu'à la date du présent arrêt.

12. Lorsque le juge administratif indemnise la victime d'un dommage corporel du préjudice résultant pour elle de la nécessité de recourir à l'aide d'une tierce personne dans les actes de la vie quotidienne, il détermine d'abord l'étendue de ces besoins d'aide et les dépenses nécessaires pour y pourvoir. Il doit à cette fin se fonder sur un taux horaire déterminé, au vu des pièces du dossier, par référence, soit au montant des salaires des personnes à employer augmentés des cotisations sociales dues par l'employeur, soit aux tarifs des organismes offrant de telles prestations, en permettant le recours à l'aide professionnelle d'une tierce personne d'un niveau de qualification adéquat et sans être lié par les débours effectifs dont la victime peut justifier. Il n'appartient notamment pas au juge, pour déterminer cette indemnisation, de tenir compte de la circonstance que l'aide a été ou pourrait être apportée par un membre de la famille ou un proche de la victime. En l'espèce, afin de tenir compte des congés payés et des jours fériés prévus par les dispositions d'ordre public de l'article L. 3133-1 du code du travail, il y a lieu de calculer l'indemnisation du besoin d'assistance par une tierce personne, par référence au coût d'une aide salariée, sur la base d'une année de 412 jours. Eu égard à la nature de l'aide nécessaire, il sera fait en l'espèce une juste appréciation du préjudice subi en l'indemnisant, compte tenu des cotisations dues par l'employeur et des majorations de rémunération pour travail du dimanche, pour la période allant de septembre 2012 à la date du présent arrêt, sur la base d'un taux horaire moyen de 16 euros, ce qui équivaut à un taux horaire de 18,06 euros appliqué sur une année de 365 jours. On arrive ainsi à un montant journalier de 397,32 euros pour 22 heures d'assistance quotidienne.

13. La période allant de 2012 à la date du présent arrêt recouvre onze années. L'ensemble des week-ends correspond, compte tenu du nombre normal de semaines dans une année, à 104 jours par an, soit 1 144 jours sur l'ensemble de la période. Les vacances scolaires correspondent à seize semaines, soit, les week-ends ayant déjà été pris en compte précédemment, à 80 jours hors week-ends par an, soit 880 jours sur l'ensemble de la période. Le nombre total de jours durant lesquels un besoin d'assistance par une tierce personne a été susceptible d'être subi par le jeune A... D... s'élève donc à 2 024 jours. Il résulte toutefois de l'instruction, et notamment des indications de l'expert, qu'Hugo ... a été hospitalisé du dimanche 9 au mardi 11 février 2014, du mardi 21 au jeudi 30 avril 2015, du dimanche 23 au lundi 24 octobre 2016 et du jeudi 6 au lundi 10 avril 2017, soit quatorze jours relevant des week-ends ou des vacances scolaires durant lesquels le besoin d'assistance par une tierce personne a perdu son objet, compte tenu de la prise en charge du patient assurée dans un établissement d'hospitalisation. Le besoin effectif d'assistance par une tierce personne est, ainsi, de 2 010 jours sur la période allant jusqu'au présent arrêt.

14. Compte tenu des éléments qui viennent d'être exposés, le besoin d'assistance par une tierce personne subi par la victime directe doit être évalué, pour la partie échue à la date du présent arrêt, au montant total de 798 613,20 euros. Les requérants précisent toutefois avoir obtenu une somme totale de 35 576,31 euros au titre de la prestation de compensation du handicap. Le montant resté à la charge de la victime directe est donc, à la date du présent arrêt, de 763 036,89 euros.

S'agissant du préjudice scolaire :

15. Lorsque la victime se trouve privée de toute possibilité d'accéder dans des conditions usuelles à une scolarité, la seule circonstance qu'il soit impossible de déterminer le parcours scolaire qu'elle aurait suivi ne fait pas obstacle à ce que soit réparé le préjudice ayant résulté pour elle de l'impossibilité de bénéficier de l'apport d'une scolarisation. L'expertise du 7 janvier 2021, après avoir souligné l'extrême gravité de l'état de l'enfant, constate un préjudice scolaire qu'elle qualifie de certain, dès lors que les séquelles font obstacle à une scolarité normale de l'enfant, même aménagée. Il sera fait une juste appréciation du préjudice scolaire en résultant, à la date du présent arrêt, en l'évaluant à hauteur de la somme de 100 000 euros.

En ce qui concerne les préjudices extra-patrimoniaux temporaires de la victime directe, à la date du présent arrêt :

16. En premier lieu, l'expertise du 7 janvier 2021 retient un déficit fonctionnel temporaire évalué entre 80 %, pour quelques périodes limitées, et essentiellement à 100 % pour le reste, durant la période allant de la naissance au 18 septembre 2012, puis à 100 % depuis cette date, compte tenu de l'état ainsi que des contraintes fortes de prise en charge de l'enfant. Il en sera fait une juste appréciation en évaluant ce préjudice temporaire, eu égard notamment à sa sévérité et à sa durée, à hauteur de la somme totale de 90 000 euros à la date du présent arrêt.

17. En deuxième lieu, l'expertise précitée évoque un préjudice esthétique temporaire qui est qualifié de majeur. Eu égard notamment à sa gravité et à sa durée, il en sera fait une juste appréciation en l'évaluant à hauteur de la somme de 25 000 euros.

18. En troisième lieu, l'expertise précitée évalue les souffrances endurées à un niveau d'intensité d'au moins 5 / 7. Eu égard à ce seuil et à la durée des périodes en cause, il sera fait en l'espèce une juste appréciation de ce préjudice en l'évaluant à hauteur d'une somme de 25 000 euros à la date du présent arrêt.

En ce qui concerne les droits respectifs de la victime directe et de la caisse :

19. La priorité accordée à la victime sur la caisse pour obtenir le versement à son profit des indemnités mises à la charge du tiers responsable, dans la limite de la part du dommage qui n'a pas été réparée par des prestations, s'applique, notamment, lorsque le tiers n'est déclaré responsable que d'une partie des conséquences dommageables de l'accident. Dans ce cas, l'indemnité mise à la charge du tiers, qui correspond à une partie des conséquences dommageables de l'accident, doit être allouée à la victime tant que le total des prestations dont elle a bénéficié et de la somme qui lui est accordée par le juge ne répare pas l'intégralité du préjudice qu'elle a subi. Quand cette réparation est effectuée, le solde de l'indemnité doit, le cas échéant, être alloué à la caisse. Toutefois, le respect de cette règle s'apprécie poste de préjudice par poste de préjudice. Il appartient au juge, pour chacun des postes de préjudice, tout d'abord, d'évaluer le montant du préjudice total en tenant compte de l'ensemble des dommages qui s'y rattachent, de fixer ensuite la part demeurée à la charge de la victime, compte tenu des prestations dont elle a bénéficié et qui peuvent être regardées comme prenant en charge un préjudice, et enfin de déterminer le montant de l'indemnité mise à la charge du tiers responsable au titre du poste de préjudice, ce montant correspondant à celui du poste si la responsabilité du tiers est entière et à une partie seulement en cas de partage de responsabilité. Le juge accorde à la victime, dans le cadre de chaque poste de préjudice et dans la limite de l'indemnité mise à la charge du tiers, une somme correspondant à la part des dommages qui n'a pas été réparée par des prestations de sécurité sociale, le solde de l'indemnité mise à la charge du tiers étant, le cas échéant, accordé à la caisse. En l'espèce, la caisse primaire de l'assurance maladie a pris en charge les dépenses temporaires de santé, qui ne sont pas restées à la charge de la victime directe, et n'a pas pris en charge les autres postes précités. En revanche, les principes qui viennent d'être rappelées s'appliquent aux montants pris en charge par des tiers-payeurs, pour les différents postes de préjudice qui ont été examinés. Par ailleurs, en vertu des principes qui régissent l'indemnisation par une personne publique des victimes d'un dommage dont elle doit répondre, il y a lieu de déduire de l'indemnisation allouée à la victime d'un dommage corporel au titre des frais d'assistance par une tierce personne le montant des prestations dont elle bénéficie par ailleurs et qui ont pour objet la prise en charge de tels frais, telles que la prestation de compensation du handicap. Il en est ainsi alors même que les dispositions en vigueur n'ouvrent pas à l'organisme qui sert ces prestations un recours subrogatoire contre l'auteur du dommage. La déduction n'a toutefois pas lieu d'être lorsqu'une disposition particulière permet à l'organisme qui a versé la prestation d'en réclamer le remboursement au bénéficiaire s'il revient à meilleure fortune. Ces dernières règles ne trouvent à s'appliquer que dans la mesure requise pour éviter une double indemnisation de la victime. Par suite, lorsque la personne publique responsable n'est tenue de réparer qu'une fraction du dommage corporel, notamment parce que la faute qui lui est imputable n'a entraîné qu'une perte de chance d'éviter ce dommage, la déduction de la prestation de compensation du handicap ne se justifie, le cas échéant, que dans la mesure nécessaire pour éviter que le montant cumulé de l'indemnisation et des prestations excède le montant total des frais d'assistance par une tierce personne.

20. En premier lieu, concernant les droits de la victime directe, d'une part, eu égard au taux de perte de chance de 50 % exposé au point 5 du présent arrêt, A... ..., victime directe, a droit à 50 % des montants indiqués au titre des aides techniques, examinées au point 9 du présent arrêt et restées entièrement à sa charge, du préjudice scolaire examiné au point 15, du déficit fonctionnel temporaire examiné au point 16, du préjudice esthétique temporaire examiné au point 17 et des souffrances endurées examinées au point 18. Eu égard aux montants qui ont été indiqués précédemment, au titre de chacun de ces postes de préjudices, A... ... peut ainsi prétendre à la somme de 120 196,70 euros.

21. D'autre part, au titre des autres postes, c'est-à-dire les frais de petits consommables examinés au point 8 du présent arrêt, les frais d'adaptation du véhicule examinés au point 10 et le besoin d'assistance par une tierce personne examinés aux points 11 à 14, A... ... a droit en l'espèce, en application de l'ensemble des principes qui ont été exposés, au remboursement des montants restés à sa charge, dans la limite des sommes dues par le responsable soit 50 % du préjudice total pour chacun de ces postes, le principe excluant toute double indemnisation n'impliquant par ailleurs pas en l'espèce que la prestation de compensation du handicap, eu égard à son montant, soit déduite du préjudice indemnisable au titre du besoin d'assistance par une tierce personne. A... ... peut ainsi prétendre à la somme totale de 402 864,62 euros au titre de ces postes de préjudice.

22. Compte tenu des montants qui viennent d'être indiqués aux deux points qui précèdent, le centre hospitalier de Vichy doit verser à A... ... la somme totale de 523 061,32 euros au titre de ses préjudices temporaires à la date du présent arrêt. Cette somme sera assortie d'intérêts au taux légal à compter du 6 janvier 2016, date de la demande indemnitaire de première instance, en l'absence de preuve d'une date de réception antérieure de la demande préalable. La capitalisation des intérêts a été demandée à la même date, à laquelle un an d'intérêts n'était toutefois pas encore dû. La capitalisation des intérêts n'interviendra ainsi qu'au 6 janvier 2017, puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date.

23. En second lieu, concernant les droits de la caisse, ainsi qu'il a été exposé au point 7 du présent arrêt, la caisse primaire d'assurance maladie de l'Allier a pris entièrement en charge les dépenses de santé. Eu égard au taux de perte de chance précité, elle peut ainsi prétendre au remboursement de ses débours à hauteur de 897 412,67 euros. Cette somme sera assortie d'intérêts au taux légal à compter du 13 septembre 2016, date de présentation de ses conclusions indemnitaires. La capitalisation a été demandée à la même date, mais à compter du 13 septembre 2017, date à laquelle un an d'intérêts est dû. La capitalisation des intérêts interviendra ainsi au 13 septembre 2017 et à chaque échéance annuelle à compter de cette date.

24. Par ailleurs, les sommes allouées à la caisse étant majorées en cause d'appel, il y a lieu d'actualiser l'indemnité forfaitaire de gestion prévue par l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale. En application de l'arrêté susvisé du 15 décembre 2022, cette indemnité doit être allouée à la caisse à hauteur d'un montant de 1 162 euros.

Sur les préjudices des parents de la victime directe, victimes par ricochet :

25. En premier lieu, Mme B... et M. D..., parents A... D..., exposent qu'ils ont exposé des frais d'assistance médicale à expertise, pour un montant non contesté de 4 600 euros. Ils ont également exposé des frais pour obtenir le dossier médical auprès de deux établissements ayant pris en charge l'enfant, pour un montant non contesté de 149,85 euros. Enfin, dans le cadre de l'expertise, ils ont engagé des frais de reproduction pour produire des pièces, pour un montant non contesté de 349,55 euros. Ils indiquent par ailleurs avoir engagé des frais de déplacement pour se rendre aux expertises, pour un montant total qu'ils évaluent à 414,73 euros. Dans les circonstances de l'espèce, ce dernier montant doit être regardé comme correspondant aux frais exposés, dont le principe n'est pas contesté et dont l'évaluation est précisément exposée et n'est pas déraisonnable. Il résulte de l'instruction que l'ensemble de ces frais divers ont été en l'espèce utiles. Mme B... et M. D... peuvent en conséquence en demander le remboursement. Le montant total, qui s'élève à 5 514,13 euros, doit être alloué sans qu'il y ait lieu de procéder à un abattement au titre de la perte de chance, dès lors que ces frais se rattachent aux opérations d'expertise qui ont été intégralement nécessaires pour qu'ils puissent faire valoir leurs droits, et non à l'indemnisation d'un préjudice lié à l'état de l'enfant.

26. En deuxième lieu, Mme B... et M. D... exposent avoir engagé des frais de transport en lien avec les soins dont leur enfant a fait l'objet. Ils évaluent les distances parcourues à 50 257,09 km, pour un coût total qu'ils évaluent à 33 349,70 euros, correspondant à l'application du barème kilométrique fiscal ainsi qu'à l'évaluation de frais de péage. S'il est vrai que les pièces produites ne permettent pas d'établir de façon certaine ce chiffrage, le principe de ces frais résulte de l'instruction et n'est d'ailleurs pas contesté. Eu égard à l'ensemble des éléments produits, Mme B... et M. D... doivent en l'espèce être regardés comme ayant exposé des frais de transport liés aux soins pour un montant total de 25 000 euros, durant la période de plus de onze ans allant de la naissance de l'enfant à la date du présent arrêt.

27. En troisième lieu, eu égard à la gravité de l'état de l'enfant, Mme B... et M. D... doivent être regardés comme ayant chacun subi un préjudice d'affection, dont il sera fait une juste appréciation en leur allouant, à la date du présent arrêt, à chacun une somme de 40 000 euros.

28. En quatrième lieu, il résulte de l'instruction que la gravité de l'état de l'enfant a conduit ses parents à consacrer un temps important à sa prise en charge, dans des conditions affectant leur mode de vie au quotidien. Il sera fait une juste appréciation de ce préjudice d'accompagnement en allouant à chacun d'eux, à la date du présent arrêt, une somme de 30 000 euros.

29. En cinquième lieu, Mme B... demande la réparation d'un préjudice de perte de revenus professionnels. Elle explique qu'elle n'a pas repris son travail de télévendeuse dans les suites de la naissance, et n'a repris, à mi-temps, qu'en septembre 2011. Elle indique ensuite qu'elle a eu une nouvelle grossesse en 2012 et qu'elle a pris un congé parental après la naissance de son nouvel enfant. Si les suites de la seconde naissance n'apparaissent pas en lien avec l'état de santé du jeune A..., et si la reprise à mi-temps en 2011 est un choix courant qui n'apparait pas en lien direct avec cet état de santé, en revanche, l'absence pure et simple de reprise d'activité entre la fin du congé de maternité et septembre 2011, durant une période qui doit être évaluée à deux ans, doit, dans les circonstances de l'espèce, être regardée comme en lien avec cet état particulier. Mme B... établit, sans être contestée, un revenu annuel antérieur de 11 973 euros. Elle doit, dès lors, être regardée comme ayant subi un préjudice indemnisable de perte de revenus s'élevant à 23 946 euros. Toutefois, il résulte de l'instruction et notamment des avis d'imposition que, ainsi qu'elle l'admet, Mme B... a perçu entre 2009 et 2011 une somme totale de 9 392 euros. Le préjudice resté à charge s'élève ainsi à 14 554 euros.

30. En sixième lieu, eu égard au taux de perte de chance de 50 % exposé au point 5 du présent arrêt, les sommes qui viennent d'être indiquées ne sont dues par le centre hospitalier que dans la limite de 50 % de leur montant, à l'exception des sommes mentionnées au point 25, qui ne relèvent pas d'un tel abattement.

31. Il résulte de ce qui précède que le centre hospitalier de Vichy doit verser à Mme B... une somme totale de 42 277 euros. Il doit verser à M. D... une somme totale de 35 000 euros. Enfin, il doit verser à Mme B... et M. D... au titre des frais exposés conjointement par eux une somme totale de 18 014,13 euros. Ces sommes seront assorties d'intérêts au taux légal à compter du 6 janvier 2016, date de la demande indemnitaire de première instance, en l'absence de preuve d'une date de réception antérieure de la demande préalable. La capitalisation des intérêts a été demandée à la même date, à laquelle un an d'intérêts n'était toutefois pas encore dû. La capitalisation des intérêts n'interviendra ainsi qu'au 6 janvier 2017, puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date.

32. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que Mme B... et M. D..., agissant en leur nom propre et en qualité de représentant légaux de leur fils A... D..., ainsi que les caisses primaires d'assurance maladie de l'Allier et du Puy-de-Dôme, sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand n'a pas porté les sommes qui leur ont été allouées à hauteur des montants visés aux points 22, 23, 24 et 31 du présent arrêt.

Sur les dépens :

33. Dans les circonstances de l'espèce, en application de l'article R. 761-1 du code de justice administrative, il y a lieu de maintenir les dépens, correspondant aux frais et débours des deux expertises diligentées par le tribunal administratif de Clermont-Ferrand, à la charge du centre hospitalier de Vichy.

Sur les frais de l'instance :

34. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge du centre hospitalier de Vichy, partie tenue aux dépens, une somme de 1 500 euros à verser à Mme B... et M. D... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il y a également lieu de mettre à sa charge une somme de 1 500 euros à verser à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Allier sur le même fondement.

DECIDE :

Article 1er : Le centre hospitalier de Vichy est condamné à verser à Mme C... B... et M. E... D..., pris en qualité de représentants légaux de leur fils A... D..., la somme de 523 061,32 euros, assortie d'intérêts au taux légal à compter du 6 janvier 2016, ces intérêts étant capitalisés au 6 janvier 2017 et à chaque échéance annuelle à compter de cette date.

Article 2 : Le centre hospitalier de Vichy est condamné à verser à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Allier, au titre de ses débours, la somme de 897 412,67 euros, assortie d'intérêts au taux légal à compter du 13 septembre 2016, ces intérêts étant capitalisés au 13 septembre 2017 et à chaque échéance annuelle à compter de cette date. Le centre hospitalier de Vichy est également condamné à verser à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Allier la somme de 1 162 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion.

Article 3 : Le centre hospitalier de Vichy est condamné à verser à Mme C... B... la somme de 42 277 euros, assortie d'intérêts au taux légal à compter du 6 janvier 2016, ces intérêts étant capitalisés au 6 janvier 2017 et à chaque échéance annuelle à compter de cette date.

Article 4 : Le centre hospitalier de Vichy est condamné à verser à M. E... D... la somme de 35 000 euros, assortie d'intérêts au taux légal à compter du 6 janvier 2016, ces intérêts étant capitalisés au 6 janvier 2017 et à chaque échéance annuelle à compter de cette date.

Article 5 : Le centre hospitalier de Vichy est condamné à verser à Mme C... B... et M. E... D... au titre des frais exposés conjointement par eux, la somme de 18 014,13 euros, assortie d'intérêts au taux légal à compter du 6 janvier 2016, ces intérêts étant capitalisés au 6 janvier 2017 et à chaque échéance annuelle à compter de cette date.

Article 6 : L'article 2 du jugement n° 1600017 du tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 14 décembre 2021 est annulé.

Article 7 : Le surplus du jugement n° 1600017 du tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 14 décembre 2021 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 8 : Les dépens sont maintenus à la charge du centre hospitalier de Vichy.

Article 9 : La somme de 1 500 euros, à verser à Mme C... B... et M. E... D..., est mise à la charge du centre hospitalier de Vichy sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 10 : La somme de 1 500 euros, à verser à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Allier, est mise à la charge du centre hospitalier de Vichy sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 11 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 12 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... B..., à M. E... D..., à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Allier, à la caisse primaire d'assurance maladie du Puy-de-Dôme, au centre hospitalier Jacques Lacarin de Vichy, et à la compagnie d'assurance Axa santé.

Délibéré après l'audience du 16 octobre 2023, à laquelle siégeaient :

M. Pourny, président de chambre,

M. Stillmunkes, président assesseur,

M. Gros, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 novembre 2023.

Le rapporteur,

H. Stillmunkes

Le président,

F. Pourny

La greffière,

F. Abdillah

La République mande et ordonne au ministre de la santé et de la prévention, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 22LY00494


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 22LY00494
Date de la décision : 10/11/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-02-01 Responsabilité de la puissance publique. - Responsabilité en raison des différentes activités des services publics. - Service public de santé.


Composition du Tribunal
Président : M. POURNY
Rapporteur ?: M. Henri STILLMUNKES
Rapporteur public ?: Mme COTTIER
Avocat(s) : NOLOT

Origine de la décision
Date de l'import : 19/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2023-11-10;22ly00494 ?
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