La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

09/11/2023 | FRANCE | N°21LY02902

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre, 09 novembre 2023, 21LY02902


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La société PMS Becus Métrologie a demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'exercice 2011 et des pénalités correspondantes.

Par un jugement no 1804392 du 2 juillet 2021, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés les 30 août 2021 et 8 août 2022, l

a SAS PMS Becus Métrologie, représentée par Me Colin, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La société PMS Becus Métrologie a demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'exercice 2011 et des pénalités correspondantes.

Par un jugement no 1804392 du 2 juillet 2021, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés les 30 août 2021 et 8 août 2022, la SAS PMS Becus Métrologie, représentée par Me Colin, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer la décharge de cette imposition et des pénalités correspondantes ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient qu'elle n'a pas commis d'acte anormal de gestion dès lors que les abandons de créance, qui étaient encore exigibles, sont justifiés par son intérêt propre, apprécié à date de la cession des droits à remboursement, à soutenir les sociétés Georges Précision et Opule 74 qui assuraient la distribution des produits qu'elle commercialisait et qu'elle a absorbées en 2014.

Par un mémoire, enregistré le 18 mai 2022, le ministre de de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens invoqués ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 1er mars 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 20 mars 2023.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Laval, premier conseiller,

- et les conclusions de Mme Lesieux, rapporteure publique ;

Considérant ce qui suit :

1. La société PMS Becus Métrologie, qui avait pour activité l'achat, la vente et la construction d'appareils de précision et de métrologie, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2011 au 31 décembre 2013 à l'issue de laquelle l'administration a refusé d'admettre en déduction de son résultat imposable de l'exercice clos en 2011 une charge exceptionnelle de 305 000 euros correspondant à l'acquisition auprès de la société Axel Assets Management (A2M), société de droit luxembourgeois, le 29 décembre 2011, de " droits à remboursement " que cette société détenait sur les sociétés Georges Précision et Opule 74, ses filiales détenues à 100 % depuis 2009, au motif que l'opération était constitutive d'un acte anormal de gestion. En conséquence de cette rectification de son résultat imposable, la société PMS Becus Métrologie a été assujettie, selon la procédure contradictoire, à un complément d'impôt sur les sociétés au titre de l'exercice clos en 2011 auquel l'administration a appliqué la majoration pour manquement délibéré de 40 % prévue au a de l'article 1729 du code général des impôts. La société PMS Becus Métrologie relève appel du jugement du 2 juillet 2021 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande de décharge de cette imposition et des pénalités correspondantes.

Sur le bien-fondé de l'imposition :

2. Il résulte des articles 38 et 39 du code général des impôts, dont les dispositions sont applicables à l'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209 du même code, que le bénéfice imposable à l'impôt sur les sociétés est celui qui provient des opérations de toute nature faites par l'entreprise, à l'exception de celles qui, en raison de leur objet ou de leurs modalités, sont étrangères à une gestion commerciale normale. Constitue un acte anormal de gestion l'acte par lequel une entreprise décide de s'appauvrir à des fins étrangères à son intérêt. Il appartient, en règle générale, à l'administration, qui n'a pas à se prononcer sur l'opportunité des choix de gestion opérés par une entreprise, d'établir les faits sur lesquels elle se fonde pour invoquer ce caractère anormal.

3. Par actes conclus le 31 décembre 2005 et le 31 décembre 2006, la société A2M, qui détenait sur les sociétés Georges Précision et Opule 74 des créances de comptes courants d'associé créditeurs, a consenti à ces deux sociétés, qui étaient alors ses filiales, des abandons de créance de compte courant de, respectivement, 90 000 et 115 000 euros en ce qui concerne la société Georges Précision et de 100 000 euros en ce qui concerne la société Opule 74. En vertu des conventions conclus entre la société A2M et ces deux sociétés, les abandons de créances de compte courant étaient assortis, dans chaque cas, d'une clause de retour à meilleure fortune stipulant qu'à une date donnée, fixée dans chaque convention, l'obligation du créancier de remettre la dette était résolue si les sociétés débitrices remplissaient les conditions prévues à la convention. S'agissant de la société Georges Précision, le retour à meilleure fortune consistait à porter ses capitaux propres à un montant supérieur à une fois et demi le montant de son capital social, soit 225 000 euros, au cours des six exercices sociaux suivants. S'agissant de la société Opule 74, le retour à meilleure fortune consistait à porter ses capitaux propres à un montant supérieur à son capital social, soit 10 000 euros, au cours des six exercices sociaux suivants. Selon les conventions, la période de retour à meilleure fortune s'achevait le 31 décembre 2011 pour la créance de compte courant de 90 000 euros de la société Georges Précisions, abandonnée le 31 décembre 2005, le 31 décembre 2012 pour l'autre créance de compte courant de 115 000 euros de cette société abandonnée le 31 décembre 2006 et le 31 décembre 2012 pour la créance de compte courant de 115 000 euros de la société Opule 74, abandonnée le 31 décembre 2006.

4. Il résulte de l'instruction et notamment des éléments fournis par le ministre dont l'exactitude n'est pas contestée par la société PMS Becus Métrologie que les capitaux propres de la société Georges Précision s'élevaient à - 10 244 euros, le 31 décembre 2010, date de clôture de l'exercice 2010, à - 9 802 euros, le 31 décembre 2011, date de clôture de l'exercice 2011 et à - 5 335 euros, le 31 décembre 2012, date de clôture de l'exercice 2012. Si les capitaux propres de la société Opule 74, d'un montant de 10 671 euros au 31 décembre 2012, ont atteint le seuil de déclenchement de la clause de retour à meilleure fortune à la clôture de l'exercice 2012, ils étaient de seulement - 690 euros, le 31 décembre 2010, date de clôture de l'exercice 2010, et de 5 963 euros, le 31 décembre 2011, date de clôture de l'exercice 2011. Ainsi, à la date du 29 décembre 2011 à laquelle la société PMS Becus Métrologie a acquis les " droits à remboursement " détenus par la société A2M sur ces deux sociétés, la perspective de retour à meilleure fortune, telle que stipulée par chacune des conventions conclues par cette dernière, et donc de conversion des droits à remboursement en créances exigibles, devait être regardée comme nulle ou quasi nulle compte tenu de la proximité de la déchéance des clauses de retour à meilleure fortune. Contrairement à ce que soutient la société requérante, elle ne pouvait se prévaloir d'aucun droit à remboursement au-delà de l'échéance fixée par les conventions d'abandon de compte courant conclues par la société A2M dès lors que les clauses de retour à meilleure fortune étaient des clauses résolutoires et que les abandons de compte courant étaient inscrits en comptabilité depuis 2005 et 2006. Si la société requérante invoque les relations commerciales avec ses filiales et l'existence de catalogues communs de vente de produits, elle ne justifie pas que ces opérations ont eu pour objet de préserver les sociétés Opule 74 et Georges Précision, en assainissant leur situation, alors qu'il est constant que les créances abandonnées les 31 décembre 2005 et 31 décembre 2006 n'apparaissaient plus au bilan depuis 2005 et 2006. Dans ces conditions, l'administration établit, qu'en l'absence de toute contrepartie, le prix de 305 000 euros égal à la valeur nominale des créances acquitté par la société PMS Becus Métrologie, pour acquérir ces " droits à remboursement " excède significativement la valeur vénale de ces droits.

5. Il résulte également de l'instruction et notamment des mentions de la proposition de rectification du 16 décembre 2014 que la société A2M avait pour administrateur le père du président de la société PMS Becus Métrologie et que cette dernière a été, au moins jusqu'en 2009 ainsi qu'il en résulte des écritures de l'appelante, détenue à 100 % par la société A2M. Dans ces conditions, compte tenu des relations d'intérêt entre la cessionnaire et la cédante, le caractère intentionnel de l'opération est présumé et l'appauvrissement doit être regardé comme délibéré.

6. Ainsi, l'administration doit être regardée comme apportant la preuve, qui lui incombe, qu'en procédant à l'acquisition de " droits à remboursement " dans les conditions décrites ci-dessus, la société PMS Becus Métrologie a commis un acte anormal de gestion justifiant la réintégration de charge comptabilisée à ce titre dans son résultat imposable de l'exercice clos en 2011.

Sur la majoration :

7. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : (...) a. 40 % en cas de manquement délibéré (...) ".

8. En relevant que la société PMS Becus Métrologie a racheté des créances abandonnées pour leur valeur nominale alors qu'elle ne pouvait ignorer que le remboursement des créances détenues par la société A2M sur les sociétés Georges Précision et Opule 74, dont elle détenait la totalité du capital, étaient illusoires et en faisant état des relations personnelles entre les dirigeants des deux sociétés, l'administration établit l'intention délibérée d'éluder l'impôt justifiant l'application de la majoration pour manquement délibéré prévue par les dispositions précitées.

9. Il résulte de ce qui précède que la société PMS Becus Métrologie n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par la jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la SAS PMS Becus Métrologie est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS Becus Métroplogie et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré après l'audience du 28 septembre 2023 à laquelle siégeaient :

M. Pruvost, président de chambre,

Mme Courbon, présidente-assesseure,

M. Laval premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 9 novembre 2023.

Le rapporteur,

J.-S. LavalLe président,

D. Pruvost

La greffière,

N. Lecouey

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique et en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 21LY02902


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21LY02902
Date de la décision : 09/11/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Fiscal

Analyses

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Règles générales - Impôt sur les bénéfices des sociétés et autres personnes morales - Détermination du bénéfice imposable.

Contributions et taxes - Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées - Taxe sur la valeur ajoutée.


Composition du Tribunal
Président : M. PRUVOST
Rapporteur ?: M. Jean-Simon LAVAL
Rapporteur public ?: Mme LESIEUX
Avocat(s) : CABINET GL CONSEILS et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 19/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2023-11-09;21ly02902 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award