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07/11/2023 | FRANCE | N°23LY01902

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 1ère chambre, 07 novembre 2023, 23LY01902


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 19 février 2023 par lequel le préfet de l'Isère l'a obligé à quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination et lui a interdit de retourner sur le territoire français pour une durée de deux ans.

Par un jugement n° 2301291 du 23 février 2023, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

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ar une requête enregistrée le 1er juin 2023, M. B..., représenté par Me Paquet, demande à la cour :

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 19 février 2023 par lequel le préfet de l'Isère l'a obligé à quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination et lui a interdit de retourner sur le territoire français pour une durée de deux ans.

Par un jugement n° 2301291 du 23 février 2023, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 1er juin 2023, M. B..., représenté par Me Paquet, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 23 février 2023 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 19 février 2023 par lequel le préfet de l'Isère l'a obligé à quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination et lui a interdit de retourner sur le territoire français pour une durée de deux ans ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Isère de réexaminer sa situation dans un délai de deux mois à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, et de lui délivrer dans un délai de huit jours une autorisation provisoire de séjour durant la procédure de réexamen, sous astreinte de 50 euros par jour de retard, ou, à défaut, de lui délivrer une attestation de demandeur d'asile ainsi que le dossier de demande d'asile dans un délai de huit jours à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;

4°) d'enjoindre à la préfecture de procéder à l'effacement de son signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen, dans un délai de quinze jours à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 500 euros au titre des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

Sur les moyens communs aux décisions attaquées :

- les décisions attaquées méconnaissent les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elles sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation ;

Sur l'obligation de quitter le territoire français :

- elle méconnaît les dispositions des articles L. 521-1 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article 6 de la directive " procédure " ;

Sur le refus de délai de départ volontaire :

- il est entaché d'un défaut d'examen sérieux et complet de sa situation ;

- il est entaché d'erreur d'appréciation au regard de l'article L. 612-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- il méconnaît les stipulations de l'article 6§3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Sur la décision fixant le pays de destination :

- elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

Sur l'interdiction de retour :

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle est disproportionnée au regard de sa situation personnelle et familiale.

La requête a été communiquée au préfet de l'Isère, qui n'a pas présenté d'observations.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 3 mai 2023.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ;

- le traité sur l'Union européenne ;

- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Mauclair, première conseillère ;

- et les observations de M. A... B..., qui a souhaité s'exprimer.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., né le 16 mars 1995 à Erevan (Arménie) et de nationalité arménienne, est entré sur le territoire français le 20 novembre 2012. M. B... relève appel du jugement du 23 février 2023 par lequel le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 19 février 2023 du préfet de l'Isère qui lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination et lui a interdit de retourner sur le territoire français pour une durée de deux ans.

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :

2. M. B... réitère, en appel, sans l'assortir d'éléments nouveaux, son moyen selon lequel le préfet de l'Isère devait, en application des dispositions de l'article L. 521-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, enregistrer sa demande d'asile et qu'il aurait ainsi méconnu la directive n° 2013/32/UE du 26 juin 2013. Il y a lieu de l'écarter par adoption des motifs retenus par le premier juge.

3. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

4. M. B..., entré en France en 2012 à l'âge de dix-sept ans, avec sa famille, se prévaut d'une relation d'une durée de huit ans avec une compatriote, titulaire d'une carte de résident. Toutefois, s'il indique, dans sa requête d'appel, qu'ils vivent ensemble dans un appartement acheté conjointement au cours de l'année 2022, il ressort notamment du procès-verbal d'interpellation que M. B... a déclaré être célibataire et résider chez ses parents et il ne produit en outre aucune pièce de nature à attester de l'ancienneté de cette relation. Ainsi, le requérant n'établit pas l'existence d'une relation durable et stable. La circonstance qu'il a conclu, postérieurement à l'arrêté attaqué, un pacte civil de solidarité avec sa compagne présumée est sans incidence à cet égard. Par ailleurs, il est constant que M. B... s'est maintenu irrégulièrement sur le territoire français malgré de précédentes obligations de quitter le territoire français adoptées le 12 décembre 2013, le 27 mars 2019 et le 29 mars 2021. Ses parents et son frère résident également irrégulièrement sur le territoire français. Si le requérant produit des bulletins de salaire pour une activité ponctuelle rémunérée en chèques emploi-service entre novembre 2021 et décembre 2022, de tels éléments ne démontrent pas une insertion professionnelle particulière en France, alors qu'il est également défavorablement connu des services de police pour conduite d'un véhicule sans permis et circulation sans assurance en 2019, 2021 et 2023 ayant donné lieu à une condamnation pénale le 28 mars 2022, ainsi que pour des faits de faux et usage de faux. Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, alors même que M. B... produit de nombreuses attestations de soutien témoignant de son intégration ainsi que de celle de sa famille, l'obligation de quitter le territoire français prise à son encontre n'a pas porté au droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard du but poursuivi par cette décision. Pour les mêmes motifs, ce dernier n'est pas fondé à soutenir que le préfet aurait commis une erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences de la décision contestée sur sa situation personnelle.

Sur la décision de refus de délai de départ volontaire :

5. En premier lieu, aux termes de l'article L. 612-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger faisant l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de cette décision. (...) ". Aux termes de l'article L. 612-2 du même code : " Par dérogation à l'article L. 612-1, l'autorité administrative peut refuser d'accorder un délai de départ volontaire dans les cas suivants : 1° Le comportement de l'étranger constitue une menace pour l'ordre public ;(...) 3° Il existe un risque que l'étranger se soustraie à la décision portant obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet ". Aux termes de l'article L. 612-3 du même code : " Le risque mentionné au 3° de l'article L. 612-2 peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivant : 1° L'étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour ; (...) 4° L'étranger a explicitement déclaré son intention de ne pas se conformer à son obligation de quitter le territoire français ; 5° L'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement ;(...) 8° L'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut présenter des documents d'identité ou de voyage en cours de validité, qu'il a refusé de communiquer les renseignements permettant d'établir son identité ou sa situation au regard du droit de circulation et de séjour ou a communiqué des renseignements inexacts, qu'il a refusé de se soumettre aux opérations de relevé d'empreintes digitales ou de prise de photographie prévues au 3° de l'article L. 142-1, qu'il ne justifie pas d'une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale ou qu'il s'est précédemment soustrait aux obligations prévues aux articles L. 721-6 à L. 721-8, L. 731-1, L. 731-3, L. 733-1 à L. 733-4, L. 733-6, L. 743-13 à L. 743-15 et L. 751-5 ".

6. Il résulte des termes de la décision litigieuse, prise au visa des dispositions précitées des articles L. 612-2 1° et 3° et L. 612-3 1°, 4°, 5° et 8° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que celle-ci est notamment motivée par la circonstance que

M. B..., entré clandestinement en France, s'y maintient irrégulièrement en toute connaissance de cause en dépit des précédentes mesures d'éloignement dont il a fait l'objet sans avoir effectué de démarches en vue de régulariser sa situation administrative, qu'il a déclaré ne pas vouloir se conformer à une obligation de quitter le territoire français qui serait prise à son encontre et qu'il ne justifie pas de ressources stables, ni de l'hébergement allégué. Si

M. B... a été convoqué devant le procureur de la République près le tribunal judiciaire de Vienne le 8 juin 2023 en vue d'une comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité, cette convocation ne revêt pas pour lui un caractère contraignant, dès lors qu'il lui est loisible de se faire représenter à cette audience et de se prévaloir des dispositions de l'article 410 du code de procédure pénale pour faire valoir qu'il est dans l'impossibilité de comparaître pour une cause indépendante de sa volonté. Au demeurant, il résulte de cette convocation que, dans le cas où le requérant ne se présenterait pas, il serait poursuivi devant le tribunal correctionnel, devant lequel il a été cité à comparaître à la même date. Ainsi, la décision attaquée, qui n'est pas entachée d'une absence d'examen sérieux, ne méconnaît pas les dispositions précitées du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ni celles de l'article 6§3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

7. En second lieu, en l'absence d'autre élément, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation doivent être écartés pour les mêmes motifs que ceux mentionnés au point 4.

Sur la décision fixant le pays de destination :

8. M. B... réitère, en appel, sans l'assortir d'éléments nouveaux, son moyen selon lequel la décision fixant le pays de destination méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il y a lieu de l'écarter par adoption des motifs retenus par le premier juge.

9. En second lieu, en l'absence d'autre élément, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation doivent être écartés pour les mêmes motifs que ceux mentionnés au point 4.

Sur l'interdiction de retour sur le territoire français :

10. En premier lieu, M. B... réitère, en appel, sans l'assortir d'éléments nouveaux, ses moyens selon lesquels la décision portant interdiction de retour sur le territoire français méconnaît les dispositions de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et présente un caractère disproportionné. Il y a lieu de les écarter par adoption des motifs retenus par le premier juge.

11. En second lieu, en l'absence d'autre élément, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation doivent être écartés pour les mêmes motifs que ceux mentionnés au point 4.

12. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie sera adressée au préfet de l'Isère.

Délibéré après l'audience du 17 octobre 2023 à laquelle siégeaient :

Mme Monique Mehl-Schouder, présidente de chambre,

Mme Camille Vinet, présidente-assesseure,

Mme Anne-Gaëlle Mauclair, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 novembre 2023.

La rapporteure,

A.-G. MauclairLa présidente,

M. C...

La greffière,

F. Prouteau

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

N° 23LY01902 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 23LY01902
Date de la décision : 07/11/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme MEHL-SCHOUDER
Rapporteur ?: Mme Anne-Gaëlle MAUCLAIR
Rapporteur public ?: Mme CONESA-TERRADE
Avocat(s) : PAQUET

Origine de la décision
Date de l'import : 19/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2023-11-07;23ly01902 ?
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