Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. A... F... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les décisions du 29 septembre 2022 par lesquelles le préfet du Rhône l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination et, à titre subsidiaire, de suspendre, en application de l'article L. 743-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'exécution de cette mesure d'éloignement, jusqu'à la notification de la décision de la Cour nationale du droit d'asile.
Mme D... E... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les décisions du 29 septembre 2022 par lesquelles le préfet du Rhône l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination, et, à titre subsidiaire, de suspendre, en application de l'article L. 743-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'exécution de cette mesure d'éloignement, jusqu'à la notification de la décision de la Cour nationale du droit d'asile.
Par un jugement nos 2207682 et 2207683 du 30 décembre 2022, le magistrat désigné du tribunal administratif de Lyon a rejeté leurs demandes.
Procédure devant la cour
Par une requête, enregistrée le 16 mars 2023, Mme D... E... et M. A... F..., représentés par la SELARL Lozen Avocats, demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 30 décembre 2022 ;
2°) d'annuler les décisions du 29 septembre 2022 par lesquelles le préfet du Rhône les a obligés à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination ;
3°) d'enjoindre à la préfète du Rhône de leur délivrer une autorisation provisoire de séjour, jusqu'à ce que l'administration ait à nouveau examiné leur situation ;
4°) à titre subsidiaire, de suspendre, en application de l'article L. 743-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'exécution des décisions portant obligation de quitter le territoire français, jusqu'à la notification de la décision de la Cour nationale du droit d'asile ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à leur conseil de la somme de 1 500 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, à charge pour ce dernier de renoncer au bénéfice de l'aide juridictionnelle.
Ils soutiennent que :
- c'est à tort que le tribunal a rejeté leur demande tendant à la suspension de l'exécution des décisions portant obligation de quitter le territoire français dès lors qu'ils disposent d'éléments sérieux pour contester la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et qu'ils justifient de circonstances particulières ;
- les décisions en litige sont dépourvues d'un examen réel et complet de leur situation ;
- elles méconnaissent les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et sont entachées d'erreur manifeste d'appréciation ;
- les décisions fixant le pays de destination doivent être annulées par voie de conséquence de l'annulation des obligations de quitter le territoire français et elles méconnaissent les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
La requête a été communiquée à la préfète du Rhône qui n'a pas présenté d'observations.
Par une décision du 8 mars 2023, Mme D... E... et M. A... F... ont été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Après avoir entendu au cours de l'audience publique, le rapport de Mme Burnichon, première conseillère.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... F... et Mme D... E..., nés respectivement le 13 juillet 1979 et le 20 février 1983 à Armavir (Arménie), tous deux de nationalité arménienne, déclarent être entrés en France le 25 février 2022, accompagnés de leur fils majeur, C..., et de leur fille mineure, B.... Suite au rejet de leurs demandes d'asile le 18 août 2022 par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), le préfet du Rhône a prononcé à leur encontre, par décisions du 29 septembre 2022, une obligation de quitter le territoire français avec un délai de départ volontaire de trente jours et une décision fixant le pays de destination. Ils relèvent appel du jugement du 30 décembre 2022 par lequel le magistrat désigné du tribunal administratif de Lyon, après avoir joint leurs requêtes, a rejeté leur demande d'annulation de ces décisions ainsi que leurs demandes, présentées, à titre subsidiaire, en application de l'article L. 743-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, tendant à la suspension de l'exécution des mesures d'éloignement du 29 septembre 2022 jusqu'à la notification de la décision de la Cour nationale du droit d'asile (CNDA).
Sur les conclusions en annulation :
2. En premier lieu, les moyens tirés de ce que les décisions en litige sont dépourvues d'un examen réel et complet de leur situation et sont entachées d'une erreur de droit doivent être écartés par les motifs retenus par le magistrat désigné, qu'il y a lieu pour la cour d'adopter.
3. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Pour l'application de ces stipulations, l'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de sa vie privée et familiale en France doit apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine.
4. Il ressort des pièces du dossier que les requérants ne sont entrés en France qu'en février 2022, quelques mois avant l'intervention des décisions en litige, et ne disposent d'aucune attache privée, familiale ou même culturelle avec la France. En se bornant à soutenir qu'ils résident en France aux côtés de leurs deux enfants dans un contexte appréciable de sécurité, ils ne démontrent pas que les obligations de quitter le territoire français qui leur ont été opposées méconnaissent les stipulations précitées ni, en l'absence d'autre élément, qu'elles seraient entachées d'une erreur manifeste d'appréciation.
5. En troisième lieu, en l'absence d'illégalité des obligations de quitter le territoire français, M. F... et Mme E... ne sont pas fondés à exciper de l'illégalité de ces dernières décisions à l'encontre des décisions fixant le pays de destination.
6. En dernier lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants. ".
7. Si M. F... et Mme E... soutiennent être exposés à des persécutions de la part de l'ancien employeur du requérant, à l'encontre duquel ce dernier avait déposé plainte et qui l'a ensuite accusé de vol, ils ne produisent aucun élément probant ni récit circonstancié de nature à établir la réalité des risques auxquels ils seraient personnellement exposés en cas de retour dans leur pays d'origine.
Sur les conclusions subsidiaires à fin de suspension de la mesure d'éloignement :
8. Aux termes de l'article L. 752-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger auquel la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé ou qui ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application de l'article L. 743-2 et qui ne peut être autorisé à demeurer sur le territoire à un autre titre doit quitter le territoire français, sous peine de faire l'objet d'une mesure d'éloignement prévue au titre Ier du livre V et, le cas échéant, des pénalités prévues au chapitre Ier du titre II du livre VI. Dans le cas où le droit de se maintenir sur le territoire a pris fin en application des 4° bis ou 7° de l'article L. 743-2, l'étranger peut demander au président du tribunal administratif ou au magistrat désigné statuant sur le recours formé en application de l'article L. 512-1 contre l'obligation de quitter le territoire français de suspendre l'exécution de la mesure d'éloignement jusqu'à l'expiration du délai de recours devant la Cour nationale du droit d'asile ou, si celle-ci est saisie, soit jusqu'à la date de la lecture en audience publique de la décision de la cour, soit, s'il est statué par ordonnance, jusqu'à la date de la notification de celle-ci. Le président du tribunal administratif ou le magistrat désigné à cette fin fait droit à la demande de l'étranger lorsque celui-ci présente des éléments sérieux de nature à justifier, au titre de sa demande d'asile, son maintien sur le territoire durant l'examen de son recours par la cour. ".
9. Si M. F... et Mme E... font valoir qu'ils ont présenté un recours contre la décision de l'OFPRA devant la CNDA, il ressort du point 7 que les éléments invoqués ne sont pas de nature à permettre de croire à l'existence d'éléments sérieux de nature à justifier leur maintien sur le territoire jusqu'à l'examen de leur recours par la CNDA.
10. Il résulte de ce qui précède que M. F... et Mme E... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné du tribunal administratif de Lyon a rejeté leurs demandes. Par voie de conséquence, leurs conclusions aux fins d'injonction et celles présentées au titre des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent également être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. F... et Mme E... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... F... et Mme D... E... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie sera adressée à la préfète du Rhône.
Délibéré après l'audience du 17 octobre 2023 à laquelle siégeaient :
Mme Monique Mehl-Schouder, présidente de chambre,
Mme Camille Vinet, présidente assesseure,
Mme Claire Burnichon, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 novembre 2023.
La rapporteure,
C. BurnichonLa présidente,
M. G...
La greffière,
F. Prouteau
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière
N° 23LY00952 2
N°23LY00829 6