Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
Mme B... C... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 9 août 2022 par lequel le préfet de l'Isère a refusé de lui délivrer un titre de séjour, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire dans un délai d'un mois et a fixé le pays de destination.
Par un jugement n° 2205727 du 6 décembre 2022, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 5 janvier 2023, Mme B... C..., représentée par Me Besson, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 6 décembre 2022 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de l'Isère du 9 août 2022 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 400 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Mme C... soutient que :
- elle dispose d'un droit au séjour en France en tant que parent d'une enfant ayant la citoyenneté de l'Union européenne et dès lors qu'elle justifie d'une promesse d'embauche et qu'elle n'a jamais bénéficié d'une quelconque aide sociale en France ;
- elle dispose également d'un droit au séjour en France en vertu de l'article L. 233-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en tant que parent d'un enfant qui suit une scolarité en France et est pris en charge par ses grands-parents ;
- l'arrêté litigieux méconnaît son droit à une vie privée et familiale protégé par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et méconnaît l'intérêt supérieur de sa fille dès lors que la famille de sa mère vit régulièrement sur le territoire français et que son père ne contribue pas à son éducation et son entretien.
La requête a été communiquée au préfet de l'Isère, qui n'a pas présenté d'observations.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;
- la directive 2004/38/CE du Parlement européen et du Conseil, du 29 avril 2004 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative ;
La présidente de la formation de jugement ayant dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme Vinet, présidente-assesseure ;
Considérant ce qui suit :
1. Mme C..., ressortissante cubaine née le 8 mars 1986 à Camaguey (Cuba), déclare être entrée en France le 16 août 2020. Le 7 avril 2021, elle a sollicité un titre de séjour. Par un arrêté du 9 août 2022, le préfet de l'Isère a refusé de faire droit à sa demande, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Mme C... relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 233-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Les citoyens de l'Union européenne ont le droit de séjourner en France pour une durée supérieure à trois mois s'ils satisfont à l'une des conditions suivantes : / 1° Ils exercent une activité professionnelle en France ; / 2° Ils disposent pour eux et pour leurs membres de famille de ressources suffisantes afin de ne pas devenir une charge pour le système d'assistance sociale, ainsi que d'une assurance maladie ; / 3° Ils sont inscrits dans un établissement fonctionnant conformément aux dispositions législatives et réglementaires en vigueur pour y suivre à titre principal des études ou, dans ce cadre, une formation professionnelle, et garantissent disposer d'une assurance maladie ainsi que de ressources suffisantes pour eux et pour leurs conjoints ou descendants directs à charge qui les accompagnent ou les rejoignent, afin de ne pas devenir une charge pour le système d'assistance sociale ; / 4° Ils sont membres de famille accompagnant ou rejoignant un citoyen de l'Union européenne qui satisfait aux conditions énoncées aux 1° ou 2° ; / 5° Ils sont le conjoint ou le descendant direct à charge accompagnant ou rejoignant un citoyen de l'Union européenne qui satisfait aux conditions énoncées au 3° ". Aux termes de l'article L. 233-2 du même code : " Les ressortissants de pays tiers, membres de famille d'un citoyen de l'Union européenne satisfaisant aux conditions énoncées aux 1° ou 2° de l'article L. 233-1, ont le droit de séjourner sur le territoire français pour une durée supérieure à trois mois.
Il en va de même pour les ressortissants de pays tiers, conjoints ou descendants directs à charge accompagnant ou rejoignant un citoyen de l'Union européenne satisfaisant aux conditions énoncées au 3° de l'article L. 233-1 ". L'article L. 233-3 de ce code prévoit que les ressortissants étrangers mentionnés à l'article L. 200-5 peuvent se voir reconnaître le droit de séjourner sur l'ensemble du territoire français pour une durée supérieure à trois mois dans les mêmes conditions qu'à l'article L. 233-2. Aux termes de l'article L. 233-5 du même code : " Sauf application des mesures transitoires prévues par le traité d'adhésion du pays dont ils sont ressortissants, les ressortissants de pays tiers mentionnés aux articles L. 200-4 ou L. 200-5 âgés de plus de dix-huit ans ou, lorsqu'ils souhaitent exercer une activité professionnelle, d'au moins seize ans, doivent être munis d'un titre de séjour. Ce titre, dont la durée de validité correspond à la durée de séjour envisagée du citoyen de l'Union européenne qu'il accompagne ou rejoint dans la limite de cinq années, porte la mention " Carte de séjour de membre de la famille d'un citoyen de l'Union " et donne à son titulaire le droit d'exercer une activité professionnelle ".
3. Ces dispositions ne confèrent aucun droit au séjour à un ressortissant d'un pays tiers dans la situation de Mme C..., qui n'est pas membre de famille d'un citoyen de l'Union européenne satisfaisant aux conditions énoncées aux 1°, 2° ou 3° de l'article L. 233-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, au sens de l'article L. 233-2 du même code. En particulier, la fille mineure de Mme C..., de nationalité espagnole, ne satisfait pas à la condition posée au 3° de l'article L. 233-1 du seul fait qu'elle est scolarisée en France.
4. A supposer que Mme C... doive être regardée comme se prévalant de l'article 10 du règlement (UE) n°492/2011, qui s'est substitué à l'article 12 du règlement CEE n° 1612/68 et selon lequel : " Les enfants d'un ressortissant d'un État membre qui est ou a été employé sur le territoire d'un autre État membre sont admis aux cours d'enseignement général, d'apprentissage et de formation professionnelle dans les mêmes conditions que les ressortissants de cet État, si ces enfants résident sur son territoire. ", il résulte de ces dispositions, telles qu'interprétées par la CJUE à la lumière de l'exigence du respect de la vie familiale prévu à l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, qu'un ressortissant de l'Union européenne ayant exercé une activité professionnelle sur le territoire d'un Etat membre ainsi que le membre de sa famille qui a la garde de l'enfant de ce travailleur migrant peut se prévaloir d'un droit au séjour sur le seul fondement de l'article 10 du règlement du 5 avril 2011, à la condition que cet enfant poursuive une scolarité dans cet Etat, sans que ce droit soit conditionné par l'existence de ressources suffisantes. Pour bénéficier de ce droit, il suffit que l'enfant qui poursuit des études dans l'État membre d'accueil se soit installé dans ce dernier alors que l'un de ses parents y exerçait des droits de séjour en tant que travailleur migrant, le droit d'accès de l'enfant à l'enseignement ne dépendant pas, en outre, du maintien de la qualité de travailleur migrant du parent concerné. En conséquence, refuser l'octroi d'une autorisation de séjour au parent qui garde effectivement l'enfant exerçant son droit de poursuivre sa scolarité dans l'Etat membre d'accueil est de nature à porter atteinte à son droit au respect de sa vie familiale.
5. Mme C..., en se bornant à faire valoir qu'elle dispose d'une promesse d'embauche, ne conteste pas sérieusement que sa fille ne peut être regardée comme poursuivant des études dans l'État membre d'accueil où elle s'est installée alors que sa mère y exerçait des droits de séjour en tant que travailleuse migrante.
6. En deuxième lieu, aux termes de l'article 20 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne : " 1. Il est institué une citoyenneté de l'Union. Est citoyen de l'Union toute personne ayant la nationalité d'un État membre. La citoyenneté de l'Union s'ajoute à la citoyenneté nationale et ne la remplace pas. 2. Les citoyens de l'Union jouissent des droits et sont soumis aux devoirs prévus par les traités. Ils ont, entre autres : a) le droit de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres ; (...) Ces droits s'exercent dans les conditions et limites définies par les traités et par les mesures adoptées en application de ceux-ci ". L'article 21 de ce traité dispose : " 1. Tout citoyen de l'Union a le droit de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres, sous réserve des limitations et conditions prévues par les traités et par les dispositions prises pour leur application ". Aux termes de l'article 7 de la directive 2004/38/CE du Parlement européen et du Conseil, du 29 avril 2004, relative au droit des citoyens de l'Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres, intitulé " Droit de séjour de plus de trois mois " : " 1. Tout citoyen de l'Union a le droit de séjourner sur le territoire d'un autre État membre pour une durée de plus de trois mois : [...] b) s'il dispose, pour lui et pour les membres de sa famille, de ressources suffisantes afin de ne pas devenir une charge pour le système d'assistance sociale de l'État membre d'accueil au cours de son séjour, et d'une assurance maladie complète dans l'État membre d'accueil [...] 2. Le droit de séjour prévu au paragraphe 1 s'étend aux membres de la famille n'ayant pas la nationalité d'un État membre lorsqu'ils accompagnent ou rejoignent dans l'État membre d'accueil le citoyen de l'Union, pour autant que ce dernier satisfasse aux conditions énoncées au paragraphe 1, points a), b) ou c) ". Ces dispositions, telles qu'interprétées par la Cour de justice de l'Union européenne, confèrent au ressortissant mineur d'un État membre, en sa qualité de citoyen de l'Union, ainsi que, par voie de conséquence, au ressortissant d'un État tiers, parent de ce mineur et qui en assume la charge, un droit de séjour dans l'État membre d'accueil à la double condition que cet enfant soit couvert par une assurance maladie appropriée et que le parent qui en assume la charge dispose de ressources suffisantes. L'État membre d'accueil, qui doit assurer aux citoyens de l'Union la jouissance effective des droits que leur confère ce statut, ne peut refuser à l'enfant mineur, citoyen de l'Union, et à son parent, le droit de séjourner sur son territoire que si l'une au moins de ces deux conditions, dont le respect permet d'éviter que les intéressés ne deviennent une charge déraisonnable pour ses finances publiques, n'est pas remplie.
7. La requérante, en se bornant à faire valoir qu'elle dispose d'une promesse d'embauche et à soutenir qu'elle n'a jamais sollicité d'aide sociale en France et que, faute de disposer d'un titre de séjour, elle ne pouvait travailler jusqu'à présent, ne conteste pas sérieusement qu'à la date de l'arrêté en litige, elle ne disposait pas, pour elle et pour sa fille mineure, de ressources suffisantes afin de ne pas devenir une charge pour le système d'assistance sociale et ne remplissait ainsi aucune des conditions pour se voir délivrer un titre de séjour en tant que parent, ressortissant d'un État tiers, en charge d'un enfant mineur citoyen de l'Union européenne. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 20 du traité sur le fonctionnement de l'Union Européenne et de l'article 7 de la directive 2004/38/CE du parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 relative aux droits des citoyens de l'Union et des membres de leur famille de circuler et de séjourner librement sur le territoire des Etats membres doit être écarté.
8. En dernier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2° il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit tout pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui dans une société démocratique est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la décence de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et des libertés d'autrui ". Aux termes du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".
9. Mme C... fait valoir que sa mère, de nationalité française, ainsi son beau-père et sa sœur, vivent en France. Toutefois, à la date de la décision, elle demeurait en France depuis deux ans seulement, étant relevé qu'elle y est entrée à l'âge de trente-quatre ans et que son père demeure toujours à Cuba. La circonstance que la fille de la requérante y est scolarisée n'est pas, à elle seule, de nature à justifier de leur nécessité de résider en France, alors que rien n'établit que sa scolarité ne puisse se poursuivre à Cuba, ou en Espagne où la requérante dispose d'un permis de résidence valable jusqu'au 26 février 2024. Dans ces conditions, l'arrêté attaqué ne porte pas une atteinte disproportionnée au droit de la requérante au respect de sa vie privée et familiale et ne méconnaît pas l'intérêt supérieur de l'enfant. Il n'a, dès lors, méconnu ni l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni le 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
10. Il résulte de ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... C... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet de l'Isère.
Délibéré après l'audience du 17 octobre 2023, à laquelle siégeaient :
Mme Monique Mehl-Schouder, présidente,
Mme Camille Vinet, présidente-assesseure,
Mme Claire Burnichon, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 novembre 2023.
La rapporteure,
C. Vinet
La présidente,
M. A...La greffière,
F. Prouteau
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
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N° 23LY00041