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07/11/2023 | FRANCE | N°21LY04304

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 1ère chambre, 07 novembre 2023, 21LY04304


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La SCI Les Plagnes a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 30 octobre 2018 par lequel le maire de la commune de La Chapelle d'Abondance a refusé de lui accorder un permis de construire pour la construction d'un garage et la décision implicite de rejet de son recours gracieux du 24 décembre 2018.

Par un jugement n° 1902246 du 9 novembre 2021, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 2

3 décembre 2021, la SCI Les Plagnes, représentée par Me Merotto, demande à la cour :

1°) ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La SCI Les Plagnes a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 30 octobre 2018 par lequel le maire de la commune de La Chapelle d'Abondance a refusé de lui accorder un permis de construire pour la construction d'un garage et la décision implicite de rejet de son recours gracieux du 24 décembre 2018.

Par un jugement n° 1902246 du 9 novembre 2021, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 23 décembre 2021, la SCI Les Plagnes, représentée par Me Merotto, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 9 novembre 2021 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 30 octobre 2018 par lequel le maire de la commune de La Chapelle d'Abondance a refusé de lui accorder un permis de construire pour la construction d'un garage et la décision implicite de rejet de son recours gracieux du 24 décembre 2018 ;

3°) d'enjoindre au maire de la commune de La Chapelle d'Abondance de prendre une nouvelle décision sur sa demande de permis de construire, dans un délai de deux mois à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de la commune de La Chapelle d'Abondance le versement de la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

5°) de rejeter l'ensemble des demandes de la commune de La Chapelle d'Abondance et du préfet de la Haute-Savoie.

La SCI requérante soutient que :

- la requête déposée en première instance est recevable ;

- c'est à tort que le tribunal a estimé que le refus de permis en litige n'était pas entaché d'erreur d'appréciation au regard de l'article L. 122-5 du code de l'urbanisme ; en effet, le projet se situe dans une zone urbanisée ;

- le jugement doit être confirmé en ce qu'il a considéré que la méconnaissance du plan de prévention des risques naturels (PPRN) ne pouvait constituer un motif valable de refus de permis de construire ; au surplus, la construction projetée se situe en dehors de la zone à risques délimitée par le PPRN et l'ensemble du secteur est largement construit ; à supposer même qu'une partie du projet soit située en partie dans la zone délimitée par le PPR, ce qui est par ailleurs fermement contesté, la méconnaissance dudit règlement ne pouvait constituer un motif de refus valable compte tenu de la nature du projet et du fait que l'autorité compétente pouvait édicter des prescriptions relatives à la conception et à la sécurisation du projet.

Par un mémoire enregistré le 22 mai 2023, la commune de La Chapelle d'Abondance, représenté par la SCP Chaton-Grillon-Brocard-Gire, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de la SCI Les Plagnes le versement de la somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le moyen tiré de l'illégalité du motif de refus fondé sur l'article L. 122-5 du code de l'urbanisme n'est pas fondé ;

- c'est à tort que la société requérante soutient que le motif de refus fondé sur le plan de prévention des risques naturels n'était pas fondé, et que le tribunal administratif a retenu la même position, mais elle s'en rapporte à la sagesse de la cour sur ce moyen.

Par ordonnance du 1er septembre 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 2 octobre 2023.

Par un courrier du 27 septembre 2023, les parties ont été informées, conformément aux dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que la cour était susceptible de relever d'office le moyen d'ordre public tiré de la situation de compétence liée du maire de la Chapelle d'Abondance pour refuser le permis de construire sollicité par la SCI Les Plagnes compte tenu de l'avis conforme défavorable du préfet de la Haute-Savoie rendu le 28 septembre 2018 sur le fondement de l'article L. 422-5 du code de l'urbanisme.

Par un mémoire enregistré le 28 septembre 2023, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires conclut au rejet de la requête.

Il soutient que le principe d'urbanisation en continuité posé par l'article L. 122-5 du code de l'urbanisme fait obstacle à la délivrance du permis de construire sollicité.

La SCI Les Plagnes a produit un mémoire en réponse au courrier du 27 septembre 2023, enregistré le 2 octobre 2023 et communiqué à la commune de la Chapelle d'Abondance et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

Elle soutient que l'avis défavorable rendu le 28 septembre 2018 par le préfet de la Haute-Savoie est, par voie d'exception, illégal dès lors que le projet ne méconnaît ni le plan de prévention des risques naturels, ni les dispositions de l'article L. 122-5 du code de l'urbanisme.

Par ordonnance du 2 octobre 2023, l'instruction a été rouverte.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Mauclair, première conseillère

- les conclusions de Mme Conesa-Terrade, rapporteur public,

- les observations de Me Frigière substituant Me Merotto, représentant la SCI Les Plagnes, et de Me Grillon, représentant la commune de la Chapelle d'Abondance.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 30 octobre 2018, le maire de la commune de La Chapelle d'Abondance, reprenant l'avis défavorable du préfet émis sur le fondement de l'article L. 422-5 du code de l'urbanisme, a refusé de délivrer à la SCI Les Plagnes un permis de construire portant sur la réalisation d'un garage destiné à des engins de terrassement sur un terrain situé au lieu-dit Les Plagnes et cadastré ..., aux motifs que le plan de prévention des risques naturels (PPRN) était méconnu ainsi que l'article L. 122-5 du code de l'urbanisme. Par un jugement du 9 novembre 2021, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté la demande de la SCI Les Plagnes tendant à l'annulation de cet arrêté du 30 octobre 2018 et de la décision implicite de rejet de son recours gracieux du 24 décembre 2018, en relevant que, si le motif tiré de la méconnaissance du règlement du PPRN n'était pas fondé, le maire aurait pris la même décision de refus s'il ne s'était fondé que sur le motif tiré du non-respect de l'article L. 122-5 du code de l'urbanisme. La SCI Les Plagnes relève appel de ce jugement.

2. D'une part, aux termes de l'article L. 422-5 du code de l'urbanisme : " Lorsque le maire ou le président de l'établissement public de coopération intercommunale est compétent, il recueille l'avis conforme du préfet si le projet est situé : / a) Sur une partie du territoire communal non couverte par une carte communale, un plan local d'urbanisme ou un document d'urbanisme en tenant lieu (...) ".

3. Si, lorsque la délivrance d'une autorisation administrative est subordonnée à l'accord préalable d'une autre autorité, le refus d'un tel accord, qui s'impose à l'autorité compétente pour statuer sur la demande d'autorisation, ne constitue pas une décision susceptible de recours, des moyens tirés de sa régularité et de son bien-fondé peuvent, quel que soit le sens de la décision prise par l'autorité compétente pour statuer sur la demande d'autorisation, être invoqués devant le juge saisi de cette décision.

4. En l'espèce, l'instruction de la demande de permis de construire était soumise à l'exigence de l'avis conforme du préfet, la commune de la Chapelle d'Abondance, dont le plan d'occupation des sols de la commune est devenu caduc à compter du 27 mars 2017, n'étant pas couverte par un document d'urbanisme à la date du refus de permis de construire en litige. Le préfet de Haute-Savoie a émis le 28 septembre 2018 un avis conforme défavorable, dont la légalité est contestée par la SCI les Plagnes par voie d'exception, dans son mémoire du 2 octobre 2023.

5. D'autre part, aux termes de l'article L. 122-5 du code de l'urbanisme, applicable aux communes situées en zone de montagne : " L'urbanisation est réalisée en continuité avec les bourgs, villages, hameaux, groupes de constructions traditionnelles ou d'habitations existants, sous réserve de l'adaptation, du changement de destination, de la réfection ou de l'extension limitée des constructions existantes, ainsi que de la construction d'annexes, de taille limitée, à ces constructions, et de la réalisation d'installations ou d'équipements publics incompatibles avec le voisinage des zones habitées ".

6. Il résulte de ces dispositions que l'urbanisation en zone de montagne, sans être autorisée en zone d'urbanisation diffuse, peut être réalisée non seulement en continuité avec les bourgs, villages et hameaux existants, mais également en continuité avec les " groupes de constructions traditionnelles ou d'habitations existants " et qu'est ainsi possible l'édification de constructions nouvelles en continuité d'un groupe de constructions traditionnelles ou d'un groupe d'habitations qui, ne s'inscrivant pas dans les traditions locales, ne pourrait être regardé comme un hameau. L'existence d'un tel groupe suppose plusieurs constructions qui, eu égard notamment à leurs caractéristiques, à leur implantation les unes par rapport aux autres et à l'existence de voies et de réseaux, peuvent être perçues comme appartenant à un même ensemble. Pour déterminer si un projet de construction réalise une urbanisation en continuité par rapport à un tel groupe, il convient de rechercher si, par les modalités de son implantation, notamment en termes de distance par rapport aux constructions existantes, ce projet sera perçu comme s'insérant dans l'ensemble existant.

7. Il ressort des pièces du dossier que le projet en litige consiste en la construction d'un garage pour engins de terrassement sur un terrain situé au lieu-dit " les Plagnes ", à l'entrée ouest de la commune de la Chapelle d'Abondance et à plus d'un kilomètre du centre de cette commune. Ce terrain se situe dans un secteur ne comprenant qu'un faible nombre de constructions traditionnelles ou d'habitation, espacées les unes des autres et implantées essentiellement de manière linéaire et sans structuration particulière d'urbanisation. Elles ne peuvent, eu égard à leurs caractéristiques et à leur implantation les unes par rapport aux autres, alors même qu'elles seraient desservies par des voies et réseaux, être perçues comme appartenant à un même ensemble, étant au demeurant relevé que les voies qui entourent le terrain d'assiette du projet au sud et à l'est constituent une rupture d'urbanisation. Par suite, le terrain d'assiette du projet de la SCI Les Plagnes ne peut être considéré comme se trouvant en continuité d'un bourg, village, hameau ou groupe de constructions traditionnelles ou d'habitations existants, au sens des dispositions de l'article L. 122-5 du code de l'urbanisme. Le moyen tiré de l'illégalité, par voie d'exception, de l'avis conforme défavorable du préfet fondé sur ce motif, sur lequel le refus de permis de construire se fonde, ne peut, dès lors, qu'être écarté.

8. Le maire de la commune de la Chapelle d'Abondance était dès lors tenu de refuser le permis de construire sollicité par la SCI Les Plagnes.

9. Il résulte de ce qui précède que la SCI Les Plagnes n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a, pour ce motif, rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 30 octobre 2018. Par suite, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte ne peuvent qu'être rejetées.

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la somme que la SCI Les Plagnes demande au titre des frais qu'elle a exposés soit mise à la charge de la commune de la Chapelle d'Abondance, qui n'est pas partie perdante. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la SCI Les Plagnes la somme de 1 500 euros à verser à la commune de la Chapelle d'Abondance au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la SCI Les Plagnes est rejetée.

Article 2 : La SCI Les Plagnes versera une somme de 1 500 euros à la commune de La Chapelle d'Abondance au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SCI Les Plagnes, à la commune de La Chapelle d'Abondance et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Savoie.

Délibéré après l'audience du 17 octobre 2023 à laquelle siégeaient :

Mme Monique Mehl-Shouder, présidente,

Mme Camille Vinet, présidente-assesseure,

Mme Anne-Gaëlle Mauclair, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 novembre 2023.

La rapporteure,

A.-G. Mauclair La présidente,

M. A...

La greffière,

F. Prouteau

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui les concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

N° 21LY04304 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21LY04304
Date de la décision : 07/11/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-03-025-03 Urbanisme et aménagement du territoire. - Permis de construire. - Nature de la décision. - Refus du permis.


Composition du Tribunal
Président : Mme MEHL-SCHOUDER
Rapporteur ?: Mme Anne-Gaëlle MAUCLAIR
Rapporteur public ?: Mme CONESA-TERRADE
Avocat(s) : MEROTTO

Origine de la décision
Date de l'import : 19/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2023-11-07;21ly04304 ?
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