Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
Mme A... B... épouse C... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 17 octobre 2022 par lequel la préfète de la Drôme a refusé de lui délivrer un titre de séjour et a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours.
Par jugement n° 2207364 du 21 février 2023, le tribunal administratif a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 3 mars 2023, Mme A... B... épouse C..., représentée par Me Proust, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 21 février 2023 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 17 octobre 2022 par lequel la préfète de la Drôme a refusé de lui délivrer un titre de séjour et a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Drôme de lui délivrer un titre de séjour " vie privée et familiale " dans un délai de quinze jours à compter de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 300 euros par jour de retard, à défaut de réexaminer sa situation dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte et de lui délivrer durant cet examen une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le tribunal n'a pas répondu au moyen tiré de l'absence de motivation de l'arrêté en litige portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français ;
- le refus de séjour est insuffisamment motivé ; il méconnaît les dispositions de l'article L. 423-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'elle est entrée régulièrement sur le territoire français et que les autorités françaises étaient informées de sa présence en France ; elle présente des circonstances familiales particulières devant lui ouvrir droit à un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 423-2 du même code ; cette décision méconnaît son droit au respect de sa vie privée et familiale et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- l'obligation de quitter le territoire français est insuffisamment motivée ; cette décision sera annulée par voie d'exception d'illégalité du refus de séjour.
Par un mémoire enregistré le 25 septembre 2023, le préfet de la Drôme conclut au rejet de la requête en soutenant que les moyens invoqués ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention d'application de l'accord de Schengen, signée le 19 juin 1990 ;
- l'arrêté du 9 mars 1995 relatif à la déclaration d'entrée sur le territoire ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Après avoir entendu au cours de l'audience publique, le rapport de Mme Burnichon, première conseillère.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A... B..., née le 3 janvier 2002 à Sevaberd (Arménie) et de nationalité arménienne, est entrée en France en 2021 sous couvert d'un passeport revêtu d'un visa de court séjour délivré par les autorités espagnoles. Elle s'est mariée le 30 juillet 2022 avec un ressortissant français, M. C..., et a alors sollicité un titre de séjour, le 3 octobre 2022. Par un arrêté du 17 octobre 2022, la préfète de la Drôme a refusé de lui délivrer ce titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Par un jugement du 21 février 2023, le tribunal administratif a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation du refus de titre de séjour et de l'obligation de quitter le territoire dans un délai de trente jours. Mme B... relève appel de ce jugement.
Sur la régularité du jugement :
2. Les premiers juges ont, contrairement à ce que soutient la requérante, répondu au point 3 du jugement attaqué, au moyen tiré d'une motivation insuffisante du refus de titre de séjour et de l'obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours. Le jugement attaqué n'est, dès lors, pas entaché d'irrégularité.
Sur la légalité de l'arrêté du 17 octobre 2022 :
En ce qui concerne le refus de titre de séjour :
3. En premier lieu, le refus de séjour en litige comporte les motifs de droit et de fait qui en constituent le fondement et indique, notamment, que Mme B..., mariée le 30 juillet 2022 avec un ressortissant français, ne remplit pas les conditions de l'article L. 423-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en ce qu'elle ne justifie ni de la détention du visa de long séjour prévu à l'article L. 412-1 du même code ni d'avoir déclaré son entrée sur le territoire français en méconnaissance des dispositions combinées de l'article 22 de la convention d'application de l'accord de Schengen et de l'article R. 621-4 de ce code.
4. En deuxième lieu, d'une part, d'une part, aux termes de l'article L. 423-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger marié avec un ressortissant français, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an lorsque les conditions suivantes sont réunies : / 1° La communauté de vie n'a pas cessé depuis le mariage ; / 2° Le conjoint a conservé la nationalité française ; / 3° Lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, il a été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français. ". Aux termes de l'article L. 412-1 de ce code : " Sous réserve des engagements internationaux de la France et des exceptions prévues aux articles L. 412-2 et L. 412-3, la première délivrance d'une carte de séjour temporaire ou d'une carte de séjour pluriannuelle est subordonnée à la production par l'étranger du visa de long séjour mentionné aux 1° ou 2° de l'article L. 411-1 ". Enfin, aux termes de l'article L. 423-2 du même code : " L'étranger, entré régulièrement et marié en France avec un ressortissant français avec lequel il justifie d'une vie commune et effective de six mois en France, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. ".
5. D'autre part, aux termes de l'article 22 de la convention d'application de l'accord de Schengen : " I - Les étrangers entrés régulièrement sur le territoire d'une des Parties contractantes sont tenus de se déclarer, dans des conditions fixées par chaque Partie contractante, aux autorités de la Partie contractante sur le territoire de laquelle ils pénètrent (...). ". Aux termes de l'article 3 de l'arrêté du 9 mars 1995 relatif à la déclaration d'entrée sur le territoire : " La déclaration est souscrite auprès des services de police ou, à défaut, de douane ou des unités de gendarmerie nationale présents à la frontière. Elle peut aussi être sans délai souscrite auprès d'un commissariat de sécurité publique ou d'une brigade de gendarmerie nationale. ".
6. En vertu des dispositions citées ci-dessus, la délivrance d'une carte de séjour temporaire avec la mention " vie privée et familiale " au conjoint d'un ressortissant français est subordonnée à certaines conditions, notamment celle d'être en possession d'un visa de long séjour. Il ressort des mentions portées dans l'arrêté en litige, qui ne sont pas contestées par Mme B..., qu'elle n'est pas entrée sur le territoire français en possession d'un visa de long séjour.
7. Si ces mêmes dispositions n'impliquent pas que ce visa de long séjour fasse l'objet d'une demande expresse distincte de celle du titre de séjour sollicité auprès de l'autorité préfectorale, compétente pour procéder à cette double instruction, la compétence du préfet pour examiner la demande de visa de long séjour est elle-même subordonnée à certaines conditions, dont l'entrée régulière en France et l'existence d'une communauté de vie de plus de six mois avec le conjoint français.
8. Mme B... soutient être entrée régulièrement en France sous couvert du visa Schengen de court séjour délivré par les autorités espagnoles. Il résulte toutefois des dispositions précitées que la souscription de la déclaration prévue par l'article 22 de la convention d'application de l'accord de Schengen est une condition de la régularité de l'entrée en France de l'étranger soumis à l'obligation de visa et en provenance directe d'un Etat partie à cette convention qui l'a admis à entrer ou à séjourner sur son territoire et qu'une telle déclaration doit être réalisée auprès des services de la police nationale ou, en l'absence de tels services, des services des douanes ou des unités de la gendarmerie nationale. Mme B... qui était soumise à une telle déclaration d'entrée ne peut utilement faire valoir qu'elle a été auditionnée par un représentant du maire de Montélimar le 7 septembre 2021 dans le cadre du dépôt de son dossier de mariage, une telle audition ne pouvant être assimilée à une déclaration d'entrée auprès des services précédemment désignés. Il en résulte que la requérante n'est pas fondée à soutenir que le refus de titre de séjour méconnaît les dispositions précitées.
9. En troisième lieu, les moyens tirés de ce que le refus de séjour en litige méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entaché d'erreur manifeste d'appréciation doivent être écartés par les motifs retenus par les premiers juges qu'il y a lieu pour la cour d'adopter.
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
10. Les moyens tirés de ce que l'obligation de quitter le territoire français est insuffisamment motivée et est illégale en raison de l'illégalité du refus de titre de séjour qui la fonde doivent être écartés par adoption des motifs retenus par les premiers juges.
11. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte ainsi que celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... épouse C... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie sera adressée au préfet de la Drôme.
Délibéré après l'audience du 3 octobre 2023 à laquelle siégeaient :
Mme Monique Mehl-Schouder, présidente de chambre,
Mme Camille Vinet, présidente assesseure,
Mme Claire Burnichon, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 24 octobre 2023.
La rapporteure,
C. BurnichonLa présidente,
M. D...
La greffière,
F. Prouteau
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
N° 23LY00829 2
N°23LY00829 6