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24/10/2023 | FRANCE | N°22LY02230

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 1ère chambre, 24 octobre 2023, 22LY02230


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La SCI NJM a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 4 janvier 2021 par lequel le maire de la commune de Douvaine a délivré à la société l'Immobilier.net un permis de construire valant permis de démolir en vue de la réalisation de deux résidences comprenant vingt-six logements.

Par un jugement n° 2103844 du 19 mai 2022, le tribunal administratif de Grenoble a sursis à statuer sur cette demande, jusqu'à l'expiration d'un délai de trois mois pour permettre à la SCI Dou

vaine 74 Oratoire, à laquelle le permis de construire a été transféré, d'obtenir un ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La SCI NJM a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 4 janvier 2021 par lequel le maire de la commune de Douvaine a délivré à la société l'Immobilier.net un permis de construire valant permis de démolir en vue de la réalisation de deux résidences comprenant vingt-six logements.

Par un jugement n° 2103844 du 19 mai 2022, le tribunal administratif de Grenoble a sursis à statuer sur cette demande, jusqu'à l'expiration d'un délai de trois mois pour permettre à la SCI Douvaine 74 Oratoire, à laquelle le permis de construire a été transféré, d'obtenir un permis modificatif régularisant les vices tirés de la méconnaissance des articles UB II.1.b et UB.II.3.a du règlement du plan local d'urbanisme intercommunal.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 20 juillet 2022, la commune de Douvaine, représentée par Me Gras, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 19 mai 2022 ;

2°) de rejeter les conclusions présentées par la SCI NJM devant le tribunal administratif de Grenoble.

Elle soutient que :

- la société NJM n'avait pas intérêt pour agir contre la décision en litige ;

- l'article UB.II.1.b du règlement du plan local d'urbanisme intercommunal (PLUi) du Bas-Chablais n'est pas méconnu, tant en ce qui concerne les règles d'implantation par rapport aux limites séparatives, qu'en ce qui concerne l'implantation de la rampe d'accès au garage ;

- l'article UB.II.3 du règlement du PLUi n'est pas méconnu.

Par un mémoire enregistré le 20 septembre 2023, la SCI NJM, représentée par Me Levanti, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la commune de Douvaine au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Vinet, présidente-assesseure,

- les conclusions de Mme Conesa-Terrade, rapporteure publique,

- et les observations de Me Gras, représentant la commune de Douvaine et de Me Levanti, représentant la SCI NJM.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 4 janvier 2021, le maire de la commune de Douvaine a délivré à la société l'Immobilier.net un permis de construire valant permis de démolir en vue de la réalisation de deux résidences comprenant vingt-six logements sur un terrain situé ..., composé des parcelles cadastrées section ..., qui étaient classées en zone UB du règlement du plan local d'urbanisme intercommunal (PLUi) du Bas-Chablais dans sa version alors en vigueur. La SCI NJM a formé un recours gracieux à l'encontre de ce permis de construire du 4 janvier 2021, rejeté par une décision du 8 avril 2021, puis a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler ce permis. Par un arrêté du 23 septembre 2021, le maire de Douvaine a transféré le permis de construire du 4 janvier 2021 à la SCI Douvaine 74 Oratoire. Par un jugement du 19 mai 2022, le tribunal administratif de Grenoble a sursis à statuer sur la demande d'annulation du permis de construire du 4 janvier 2021, jusqu'à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de la notification de son jugement, pour permettre à la SCI Douvaine 74 Oratoire d'obtenir un permis modificatif régularisant trois vices tirés de la méconnaissance des articles UB.II.1.b et UB.II.3 a du règlement du PLUi du Bas-Chablais. La commune de Douvaine relève appel de ce jugement.

Sur la recevabilité de la demande de première instance :

2. Aux termes de l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme : " Une personne autre que l'Etat, les collectivités territoriales ou leurs groupements ou une association n'est recevable à former un recours pour excès de pouvoir contre une décision relative à l'occupation ou à l'utilisation du sol régie par le présent code que si la construction, l'aménagement ou le projet autorisé sont de nature à affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance du bien qu'elle détient ou occupe régulièrement ou pour lequel elle bénéficie d'une promesse de vente, de bail, ou d'un contrat préliminaire mentionné à l'article L. 261-15 du code de la construction et de l'habitation. ". Il résulte de ces dispositions qu'il appartient à tout requérant qui saisit le juge administratif d'un recours pour excès de pouvoir tendant à l'annulation d'un permis de construire, de démolir ou d'aménager, de préciser l'atteinte qu'il invoque pour justifier d'un intérêt lui donnant qualité pour agir, en faisant état de tous éléments suffisamment précis et étayés de nature à établir que cette atteinte est susceptible d'affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance de son bien. Il appartient au défendeur, s'il entend contester l'intérêt à agir du requérant, d'apporter tous éléments de nature à établir que les atteintes alléguées sont dépourvues de réalité. Le juge de l'excès de pouvoir apprécie la recevabilité de la requête au vu des éléments ainsi versés au dossier par les parties, en écartant le cas échéant les allégations qu'il jugerait insuffisamment étayées mais sans pour autant exiger de l'auteur du recours qu'il apporte la preuve du caractère certain des atteintes qu'il invoque au soutien de la recevabilité de celui-ci. Eu égard à sa situation particulière, le voisin immédiat justifie, en principe, d'un intérêt à agir lorsqu'il fait état devant le juge, qui statue au vu de l'ensemble des pièces du dossier, d'éléments relatifs à la nature, à l'importance ou à la localisation du projet de construction.

3. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que la SCI NJM est voisine immédiate du terrain d'assiette du projet, dont le terrain d'assiette jouxte les parcelles appartenant à celle-ci. En faisant état de la proximité du projet, de son importance et des conséquences sur les conditions d'utilisation de son bien, elle doit être regardée comme justifiant de son intérêt à agir. Par suite, la fin de non-recevoir tirée du défaut d'intérêt à agir de la SCI NJM doit être écartée.

Sur la légalité du permis de construire du 4 janvier 2021 :

4. En premier lieu, aux termes de l'article UB.II.1.b du règlement du PLUi du Bas-Chablais, alors en vigueur : " Pour l'application des règles ci-après, le calcul se fera au nu de la façade, sans tenir compte de ses éléments de débords éventuels, tels débords de toitures et tout ouvrage en saillie à condition que leur profondeur par rapport à la façade concernée ne dépasse pas 1,50 m (...) Les nouvelles constructions (...) doivent s'implanter - soit en retrait des limites séparatives, à une distance au moins égale à la moitié de la hauteur de la construction sans être inférieure à 3 mètres / (...) Hormis ceux rendus nécessaires par la nature du terrain avant opération, les murs de soutènement sont interdits en limite séparative. / (...) Les stationnements en sous-sol et autres espaces annexes souterrains peuvent s'implanter jusqu'à 2m50 de la limite séparative. (...) ". Aux termes de l'article 7 " Définitions (principes d'urbanisme et destination) du titre I du même règlement du PLUi : " La hauteur totale d'une construction (...) correspond à la différence de niveau entre son point le plus haut et son point le plus bas situé à sa verticale, en tout point de la construction. (...) Le point le plus haut à prendre en compte comme référence correspond au faîtage de la construction, ou au sommet de l'acrotère, dans le cas de toitures-terrasses ou de toitures en attique plates. (...) ". Un schéma intégré dans cette définition précise que le sommet de l'acrotère dans le cas d'une toiture en attique plate est celui de l'acrotère située au sommet de la toiture-terrasse de l'attique même et non le rebord du toit-terrasse qui s'inscrit dans le prolongement droit de la façade des étages inférieurs.

5. D'une part, il résulte de la combinaison des dispositions précitées du règlement du PLUi que le point le plus haut à prendre en compte pour calculer le retrait à respecter par rapport aux limites séparatives est le sommet de l'acrotère dans le cas de toitures en attique plate. Contrairement à ce que soutient la commune, sans plus de précision d'ailleurs en appel qu'en première instance, il ressort des dispositions précitées que le point haut à retenir comme référence pour le calcul du retrait de la construction par rapport aux limites séparatives n'est pas le " faîtage " de la construction qui est la plus proche de la limite séparative. Il ressort du plan de masse joint au dossier de demande de permis de construire que ce point haut, pour le bâtiment A, qui comporte une toiture en attique plate, se trouve à 11,90 mètres, soit un retrait minimal à respecter par rapport aux limites séparatives de 5,95 mètres et que, pour le bâtiment B, qui comporte également une toiture en attique plate, ce point haut se trouve à 11,58 mètres, soit un retrait à respecter de 5,79 mètres. Il ressort des pièces du dossier que ces marges de retrait minimales ne sont pas respectées, pour le bâtiment A, pour une partie de sa façade, au nord-est, laquelle est implantée à 4,42 mètres de la limite séparative, ainsi que pour le bâtiment B, dont les façades situées au nord et au sud présentent en plusieurs points une distance par rapport aux limites séparatives inférieure à 5,79 mètres. Par suite, l'implantation des bâtiments A et B méconnaît les dispositions précitées de l'article UB II.1.b du règlement du PLUi du Bas-Chablais alors en vigueur.

6. D'autre part, il ressort des pièces du dossier que le projet prévoit l'implantation d'un muret d'une hauteur de 1,20 mètre, le long de la rampe d'accès au parking souterrain, tous deux en limite séparative. Contrairement à ce que soutient la commune, dès lors que ce muret, dont il n'est pas soutenu et ne ressort pas des pièces du dossier qu'il constituerait un mur de soutènement rendu nécessaire par la nature du terrain avant l'opération, dépasse le niveau du sol naturel, il constitue une construction soumise aux dispositions précitées du règlement du PLUi alors en vigueur. Par ailleurs, la rampe d'accès au parc de stationnement souterrain, qui en est indissociable, doit respecter les mêmes règles que celles prévues pour les parkings souterrains, soit une implantation en retrait d'au moins 2,50 mètres par rapport aux limites séparatives. Ainsi, l'implantation de ce muret et de cette rampe d'accès au parking en limite séparative méconnaît les dispositions précitées de l'article UB II.1.b du règlement du PLUi du Bas-Chablais.

7. En second lieu, aux termes de l'article UB II.3.a. du règlement du PLUi alors applicable : " La nouvelle construction doit s'adapter à la topographie du terrain, tout en respectant les règles d'implantation et de gabarit. / Les déblais/remblais ou affouillements/exhaussements sont limités à 1,5 mètre de hauteur. / Cela ne concerne pas les parkings souterrains ainsi que les piscines, qui ne sont pas limités en déblais/affouillements. / Le terrain naturel ne doit pas être modifié sur une largeur d'au moins 2 mètres par rapport aux limites séparatives. ".

8. Il résulte de ces dispositions que si les parkings souterrains peuvent être créés au moyen de déblais excédant la hauteur de 1,5 mètre mentionnée au 2ème alinéa de l'article précité, le 4ème alinéa, qui interdit les opérations de déblais ou remblais à moins de deux mètres des limites séparatives, s'applique, contrairement à ce que soutient la commune, aux parkings souterrains. Ainsi qu'il a été dit, ci-dessus au point 6, il ressort des pièces du dossier que le projet prévoit la réalisation d'une rampe d'accès au parking souterrain en limite séparative, ce qui impliquera une opération de déblaiement à moins de deux mètres de ladite limite séparative. Dans ces conditions, le projet méconnaît les dispositions de l'article UB.II.3.a. du règlement du PLUi.

9. Il résulte de ce qui précède que la commune de Douvaine n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a sursis à statuer sur la demande de SCI NJM, jusqu'à l'expiration d'un délai de trois mois pour permettre à la SCI Douvaine 74 Oratoire d'obtenir un permis modificatif régularisant les vices tirés de la méconnaissance des articles UB II 1.b et UB II.3.a du règlement du PLUi, étant relevé que ces vices sont régularisables, ce qui n'est d'ailleurs pas contesté par la commune.

10. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par la SCI NJM au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la commune de Douvaine est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la SCI NJM présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Douvaine, à la SCI NJM, à la société l'immobilier.net et à la SCI Douvaine 74 Oratoire.

Délibéré après l'audience du 3 octobre 2023, à laquelle siégeaient :

Mme Monique Mehl-Schouder, présidente,

Mme Camille Vinet, présidente-assesseure,

Mme Claire Burnichon, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 24 octobre 2023.

La rapporteure,

C. Vinet

La présidente,

M. A...La greffière,

F. Prouteau

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui les concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 22LY02230


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 22LY02230
Date de la décision : 24/10/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-03 Urbanisme et aménagement du territoire. - Permis de construire.


Composition du Tribunal
Président : Mme MEHL-SCHOUDER
Rapporteur ?: Mme Camille VINET
Rapporteur public ?: Mme CONESA-TERRADE
Avocat(s) : AGIS AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 05/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2023-10-24;22ly02230 ?
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