Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
Mme E..., épouse C... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision du 8 juillet 2020 par laquelle le préfet du Rhône lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour.
Par un jugement n°s 2008422, 2008435 du 7 décembre 2021, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 11 juillet 2022 et un mémoire enregistré le 28 septembre 2023, ce dernier n'ayant pas été communiqué, Mme B..., épouse C..., représentée par Me Hassid, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 7 décembre 2021, en tant qu'il rejette la demande la concernant ;
2°) d'annuler la décision du 8 juillet 2020 du préfet du Rhône ;
3°) d'enjoindre au préfet du Rhône, à titre principal, de lui délivrer une carte de séjour temporaire, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt ou, subsidiairement, d'examiner à nouveau sa situation dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt et, dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour sous huit jours avec autorisation de travailler dans le même délai, le tout sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 800 euros au titre des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Mme B... soutient que :
- la décision en litige a été prise selon une procédure irrégulière compte tenu de l'irrégularité de l'avis de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ;
- elle méconnaît le 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
La requête a été communiquée au préfet du Rhône, qui n'a pas présenté d'observations.
Par un courrier enregistré le 1er juin 2023, Mme C... a indiqué à la cour accepter la levée du secret médical auprès du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration.
Le 8 juin 2023 l'Office français de l'immigration et de l'intégration a produit le dossier médical de Mme C....
Le 11 septembre 2023, l'Office français de l'immigration et de l'intégration a produit des observations.
Mme C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 25 mai 2022.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313 23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
La présidente de la formation de jugement ayant dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Vinet, présidente-assesseure,
- et les observations de Me Cavalli, substituant Me Hassid, représentant Mme C... ;
Considérant ce qui suit :
1. Mme A... B... épouse C..., née le 30 septembre 1947 à Artik (Arménie), de nationalité russe, et son époux, aujourd'hui décédé, sont entrés en France le 18 août 2013 en vue de solliciter le bénéfice de la protection internationale. Leur demande d'asile a été rejetée par une décision définitive de la Cour nationale du droit d'asile du 27 juin 2015. Par deux décisions du 12 octobre 2015, le préfet du Rhône leur a refusé les titres de séjour sollicités à raison de leur état de santé et les a obligés à quitter le territoire français. M. et Mme C... ont déposé le 4 avril 2019 une nouvelle demande de titre de séjour, sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Ils ont demandé au tribunal administratif de Lyon, par deux requêtes qu'il a jointes, d'annuler les décisions du 8 juillet 2020 par lesquelles le préfet du Rhône leur a refusé les titres de séjours sollicités. Mme C... relève appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté la demande la concernant.
2. En premier lieu, d'une part, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors applicable : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat ". L'article R. 313-22 du même code, alors applicable, disposait que : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé ".
3. D'autre part, aux termes de l'article 5 de l'arrêté du 27 décembre 2016 pris pour l'application de ces dispositions : " Le collège de médecins à compétence nationale de l'office comprend trois médecins instructeurs des demandes des étrangers malades, à l'exclusion de celui qui a établi le rapport. (...) ". Enfin, aux termes de l'article 6 du même arrêté : " (...) un collège de médecins (...) émet un avis (...) précisant : a) si l'état de santé du demandeur nécessite ou non une prise en charge médicale ; / b) si le défaut de prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; / c) si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays dont le ressortissant étranger est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; / d) la durée prévisible du traitement. / Dans le cas où le ressortissant étranger pourrait bénéficier effectivement d'un traitement approprié, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays dont il est originaire, le collège indique, au vu des éléments du dossier du demandeur, si l'état de santé de ce dernier lui permet de voyager sans risque vers ce pays. / (...) / Le collège peut délibérer au moyen d'une conférence téléphonique ou audiovisuelle. / L'avis émis à l'issue de la délibération est signé par chacun des trois médecins membres du collège ".
4. Les dispositions citées au point 3, issues de la loi du 7 mars 2016 relative au droit des étrangers en France et de ses textes d'application, ont modifié l'état du droit antérieur pour instituer une procédure particulière aux termes de laquelle le préfet statue sur la demande de titre de séjour présentée par l'étranger malade au vu de l'avis rendu par trois médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, qui se prononcent en répondant par l'affirmative ou par la négative aux questions figurant à l'article 6 précité de l'arrêté du 27 décembre 2016, au vu d'un rapport médical relatif à l'état de santé du demandeur établi par un autre médecin de l'Office, lequel peut le convoquer pour l'examiner et faire procéder aux examens estimés nécessaires. Cet avis commun, rendu par trois médecins et non plus un seul, au vu du rapport établi par un quatrième médecin, le cas échéant après examen du demandeur, constitue une garantie pour celui-ci. Les médecins signataires de l'avis ne sont pas tenus, pour répondre aux questions posées, de procéder à des échanges entre eux, l'avis résultant de la réponse apportée par chacun à des questions auxquelles la réponse ne peut être qu'affirmative ou négative. Par suite, la circonstance que, dans certains cas, ces réponses n'aient pas fait l'objet de tels échanges, oraux ou écrits, est sans incidence sur la légalité de la décision prise par le préfet au vu de cet avis.
5. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré du défaut de caractère collégial de cet avis doit être écarté dès lors que l'avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) du 2 septembre 2019 et son bordereau de transmission, produits au dossier, permettent de vérifier que cet avis a été émis par les trois médecins de l'OFII et après prise en compte du rapport médical, selon la procédure décrite ci-avant. Par ailleurs, si la signature seule de chacun des médecins auteurs de l'avis ne permet pas de les identifier, il ressort de l'avis en cause que chaque médecin est identifié par l'indication dactylographiée de leurs noms et prénoms au-dessus de leurs signatures, quand bien même la qualité de la copie rendrait ces signatures difficilement lisibles. Contrairement à ce que soutient la requérante, la version de l'avis produite par l'OFII dans le cadre de la production du dossier médical de la requérante à la demande de la cour, ne révèle pas de discordance par rapport à la copie de cet avis produite par le préfet en première instance, en particulier dans les mentions qu'il contient s'agissant de l'identité de la requérante, de sa convocation ou non pour examen, des conséquences d'un défaut de soins pour son état de santé, de la disponibilité de ces soins dans le pays dont elle a la nationalité et de sa capacité à voyager. Enfin, si la décision du préfet a été rendu dix mois après l'avis rendu par le collège des médecins de l'OFII, la requérante ne soutient pas que son état de santé et les soins qu'il requiert auraient évolué dans cet intervalle de temps, ne permettant pas un examen utile de sa situation par le préfet. Par suite, le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure en raison de l'irrégularité de l'avis émis par l'OFII doit être écarté.
6. En deuxième lieu, Mme C... soutient également que le préfet a commis une erreur d'appréciation dans l'application des dispositions alors en vigueur du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, aujourd'hui reprises à l'article L. 425-9 du même code.
7. La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins du service médical de l'OFII qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous les éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, si eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays dont il est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires. En cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile.
8. En l'espèce, le collège des médecins de l'OFII a estimé, par son avis du 2 septembre 2019, dont le préfet s'est approprié les conclusions, que si l'état de santé de la requérante nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour elle des conséquences d'une exceptionnelle gravité, elle peut bénéficier dans son pays d'origine du traitement approprié et peut voyager sans risque vers son pays d'origine. Mme C... produit de nombreuses pièces attestant de la gravité de son état de santé et de la nécessité de soins, ce qui n'est pas contesté, mais seulement une attestation de non-commercialisation de deux médicaments dont il ne ressort pas des pièces du dossier, en particulier des ordonnances les plus récentes à la date de la décision en litige, qu'ils lui étaient encore prescrits à cette date, et sans qu'il ne ressorte en outre des pièces du dossier qu'ils ne seraient au demeurant pas commercialisés sous un autre nom et alors que les laboratoires pharmaceutiques sollicités précisent qu'une telle possibilité existe. Pour le reste, elle produit des documents de laboratoires qui ne se prononcent pas sur l'absence de disponibilité de son traitement. L'OFII reprend en outre dans ses observations, de manière exhaustive et sans que cela ne soit sérieusement contesté, les modalités selon lesquelles l'intéressée a un accès effectif en Russie au traitement adapté à son état de santé. Ainsi, Mme C... ne remet en cause la disponibilité effective des traitements en cause en Russie, et c'est ainsi sans erreur d'appréciation au regard des dispositions précitées que le préfet du Rhône a pu refuser les titres de séjour sollicités sur ce fondement.
9. En dernier lieu, il ressort des pièces du dossier que si Mme C... résidait depuis près de sept années en France à la date des décisions attaquées, elle est entrée sur le territoire national à l'âge de et soixante-six ans et ainsi nécessairement conservé des attaches fortes dans son pays d'origine malgré le décès, d'ailleurs postérieur à la décision en litige, de son époux. Si elle fait également valoir la présence en France de son fils, âgé de cinquante ans et également suivi pour des raisons de santé, il a lui-même fait l'objet d'un refus de titre de séjour et d'une mesure d'éloignement en 2020 et n'a pas vocation à demeurer en France. Dans ces conditions, et alors que, comme il a été dit, Mme C... est à même de suivre un traitement médical adapté à son état de santé en Fédération de Russie, la décision en litige ne peut être regardée comme portant une atteinte disproportionnée à son droit à une vie privée et familiale normale. Le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit ainsi être écarté ainsi que, pour les mêmes motifs, celui tiré de l'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de la décision sur sa situation personnelle.
10. Il résulte de ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et celles présentées au titre des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent également être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E..., épouse C..., et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée à la préfète du Rhône et à l'Office français de l'immigration et de l'intégration.
Délibéré après l'audience du 3 octobre 2023, à laquelle siégeaient :
Mme Monique Mehl-Schouder, présidente,
Mme Camille Vinet, présidente-assesseure,
Mme Claire Burnichon, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 24 octobre 2023.
La rapporteure,
C. Vinet
La présidente,
M. D...La greffière,
F. Prouteau
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
2
N° 22LY02095