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24/10/2023 | FRANCE | N°21LY01567

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 1ère chambre, 24 octobre 2023, 21LY01567


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler les arrêtés du 21 novembre 2017 par lesquels le maire de la commune de Laffrey a délivré des certificats d'urbanisme opérationnels négatifs à la SARL AlphaGéo concernant les parcelles cadastrées section A nos ... lui appartenant, ensemble la décision rejetant son recours gracieux.

Par un jugement n°1803060 du 18 mars 2021, le tribunal administratif a rejeté sa requête.

Procédure devant la cour

Par une requête

enregistrée le 11 mai 2021, Mme A... B... représentée par la SELARL CDMF-Avocats Affaires Publi...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler les arrêtés du 21 novembre 2017 par lesquels le maire de la commune de Laffrey a délivré des certificats d'urbanisme opérationnels négatifs à la SARL AlphaGéo concernant les parcelles cadastrées section A nos ... lui appartenant, ensemble la décision rejetant son recours gracieux.

Par un jugement n°1803060 du 18 mars 2021, le tribunal administratif a rejeté sa requête.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 11 mai 2021, Mme A... B... représentée par la SELARL CDMF-Avocats Affaires Publiques, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 18 mars 2021 ;

2°) d'annuler les arrêtés du 21 novembre 2017 par lesquels le maire de la commune de Laffrey a délivré des certificats d'urbanisme opérationnels négatifs à la SARL AlphaGéo concernant les parcelles cadastrées section A nos ... lui appartenant, ensemble la décision rejetant son recours gracieux ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Isère ou, à défaut, au maire de Laffrey d'avoir à statuer de nouveau sur les trois demandes de certificat d'urbanisme dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 200 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de la commune de Laffrey le versement de la somme de 4 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les dispositions de l'article L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration ont été méconnues ;

- les arrêtés attaqués sont entachés d'incompétence en ce que le maire de Laffrey n'était compétent pour statuer sur les demandes au nom de l'Etat qu'à la seule condition d'avis concordants avec le chef du service de l'Etat dans le département ;

- le motif des refus tiré de la méconnaissance de l'article L. 122-5 du code de l'urbanisme n'est pas fondé ;

- le terrain est suffisamment desservi par l'ensemble des réseaux.

La requête a été communiquée à la commune de Laffrey qui n'a pas présenté d'observations.

Par une ordonnance du 16 juin 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 4 juillet 2022.

Par courrier du 27 mars 2023, la cour a demandé à la commune de Laffrey, la production de pièces pour compléter l'instruction (demande de permis d'aménager du 17 juin 20214 et avis du 21 novembre 2017 du gestionnaire du réseau public d'eau potable visé dans les arrêtés en litige), en application de l'article R. 613-1-1 du code de justice administrative.

Par une lettre du 14 septembre 2023, la cour a informé les parties, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt à intervenir était susceptible d'être fondé sur le moyen d'ordre public tiré de l'incompétence entachant les arrêtés en litige dès lors que les certificats d'urbanisme en litige ont été pris au nom de l'Etat alors qu'ils devaient être pris au nom de la commune.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Burnichon, première conseillère,

- les conclusions de Mme Conesa-Terrade, rapporteure publique,

- les observations de Me Garaud substituant Me Poncin pour Mme B....

Considérant ce qui suit :

1. Mme B... est propriétaire au lieu-dit " les Arragniers " de trois parcelles d'une superficie totale de 3 344 m², cadastrées section A nos ... et situées sur le territoire de la commune de Laffrey, dans un lotissement autorisé par un certificat de permis d'aménager tacite né le 26 juin 2017. Elle a déposé, par l'intermédiaire de la société de géomètres-experts AlphaGéo, des demandes de certificats d'urbanisme opérationnel portant sur la construction sur chacun des lots d'une maison à usage d'habitation individuelle. Elle relève appel du jugement du 18 mars 2021 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation des arrêtés du 21 novembre 2017 du maire de Laffrey opposant à la SARL AlphaGéo des certificats d'urbanisme opérationnel négatifs ainsi que la décision du 29 mars 2018 de rejet de son recours gracieux.

2. En premier lieu, aux termes du dernier alinéa de l'article L. 410-1 du code de l'urbanisme : " Le certificat d'urbanisme est délivré dans les formes, conditions et délais déterminés par décret en Conseil d'Etat par l'autorité compétente mentionnée au a et au b de l'article L. 422-1 du présent code. ". Aux termes de l'article L. 422-1 du même code : " L'autorité compétente pour délivrer le permis de construire, d'aménager ou de démolir et pour se prononcer sur un projet faisant l'objet d'une déclaration préalable est : / a) Le maire, au nom de la commune, dans les communes qui se sont dotées d'un plan local d'urbanisme ou d'un document d'urbanisme en tenant lieu, ainsi que dans les communes qui se sont dotées d'une carte communale après la date de publication de la loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 pour l'accès au logement et un urbanisme rénové. Dans les communes qui se sont dotées d'une carte communale avant cette date, le maire est compétent, au nom de la commune, après délibération du conseil municipal. En l'absence de décision du conseil municipal, le maire est compétent, au nom de la commune, à compter du 1er janvier 2017. Lorsque le transfert de compétence à la commune est intervenu, il est définitif ; /b) Le préfet ou le maire au nom de l'Etat dans les autres communes. / (...) ".

3. D'autre part, aux termes de l'article L. 422-6 du code précité, dans sa rédaction alors en vigueur : " En cas d'annulation par voie juridictionnelle ou d'abrogation d'une carte communale, d'un plan local d'urbanisme ou d'un document d'urbanisme en tenant lieu, ou de constatation de leur illégalité par la juridiction administrative ou l'autorité compétente et lorsque cette décision n'a pas pour effet de remettre en vigueur un document d'urbanisme antérieur, le maire ou le président de l'établissement public de coopération intercommunale recueille l'avis conforme du préfet sur les demandes de permis ou les déclarations préalables postérieures à cette annulation, à cette abrogation ou à cette constatation. / Le premier alinéa s'applique également lorsque le plan d'occupation des sols est rendu caduc en application de l'article L. 123-19. ". Aux termes de l'article L. 174-1 du même code : " Les plans d'occupation des sols qui n'ont pas été mis en forme de plan local d'urbanisme, en application du titre V du présent livre, au plus tard le 31 décembre 2015 sont caducs à compter de cette date, sous réserve des dispositions des articles L. 174-2 à L. 174-5. / La caducité du plan d'occupation des sols ne remet pas en vigueur le document d'urbanisme antérieur. / A compter du 1er janvier 2016, le règlement national d'urbanisme mentionné (...) s'applique sur le territoire communal dont le plan d'occupation des sols est caduc. ". Aux termes de l'article L. 174-3 du code précité: " Lorsqu'une procédure de révision du plan d'occupation des sols a été engagée avant le 31 décembre 2015, cette procédure peut être menée à terme en application des articles L. 123-1 et suivants, dans leur rédaction issue de la loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 pour l'accès au logement et un urbanisme rénové, sous réserve d'être achevée au plus tard le 26 mars 2017 ou, dans les communes d'outre-mer, le 26 septembre 2018. Les dispositions du plan d'occupation des sols restent en vigueur jusqu'à l'approbation du plan local d'urbanisme et au plus tard jusqu'à cette dernière date. "

4. L'annulation définitive, par un arrêt n°15LY00020 de la cour administrative d'appel de Lyon du 27 août 2015, de la délibération du 2 novembre 2009 approuvant le plan local d'urbanisme de la commune de Laffrey, a eu pour effet de remettre en vigueur le plan d'occupation des sols, sans d'ailleurs imposer, la commune étant pourvue d'un document d'urbanisme, de recueillir l'avis conforme du préfet sur le fondement des dispositions de l'article L. 422-6 du code de l'urbanisme. Si, en l'absence d'adoption d'un plan local d'urbanisme, le plan d'occupation des sols était devenu caduc à la date des arrêtés en litige, le transfert de compétence au maire de la commune pour se prononcer sur les demandes d'autorisations et d'occupation des sols au nom de la commune était définitif, étant au demeurant relevé, s'agissant d'un certificat d'urbanisme, que l'avis conforme du préfet n'était pas requis au titre de l'article L. 422-5 du même code. Dans ces conditions, les arrêtés en litige, qui mentionnent avoir été pris pour le maire agissant au nom de l'Etat, sont entachés d'incompétence.

5. En deuxième lieu, aux termes de l'article L.212-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Toute décision prise par une administration comporte la signature de son auteur ainsi que la mention, en caractères lisibles, du prénom, du nom et de la qualité de celui-ci. /(...) ".

6. Si les arrêtés litigieux mentionnent la qualité de leurs auteurs, identifiés comme étant " pour le maire, l'adjoint délégué à l'urbanisme ", ils ne comportent pas l'indication du nom et du prénom de ce dernier. Ni la signature manuscrite, qui est illisible, ni aucune autre mention de ces arrêtés ne permettent d'identifier la personne qui en est l'auteur. Il ne ressort par ailleurs pas des pièces du dossier que la société AlphaGéo, ou Mme B..., auraient été précédemment destinataires de décisions ou de courriers leur permettant de connaître l'identité de cet adjoint, étant au surplus relevé qu'il n'était en fonction comme 2ème adjoint à l'urbanisme et aux travaux que depuis le 28 décembre 2015 et n'a été désigné comme premier adjoint que depuis le 27 février 2017. Il suit de là que Mme B... est fondée à soutenir que les arrêtés en litige méconnaissent les dispositions précitées.

7. En dernier lieu, aux termes de l'article L. 111-11 du code de l'urbanisme : " Lorsque, compte tenu de la destination de la construction ou de l'aménagement projeté, des travaux portant sur les réseaux publics de distribution d'eau, d'assainissement ou de distribution d'électricité sont nécessaires pour assurer la desserte du projet, le permis de construire ou d'aménager ne peut être accordé si l'autorité compétente n'est pas en mesure d'indiquer dans quel délai et par quelle collectivité publique ou par quel concessionnaire de service public ces travaux doivent être exécutés./ Lorsqu'un projet fait l'objet d'une déclaration préalable, l'autorité compétente doit s'opposer à sa réalisation lorsque les conditions mentionnées au premier alinéa ne sont pas réunies./(...) ".

8. Les certificats d'urbanisme négatifs en litige sont, notamment, fondés sur l'absence de desserte actuelle en électricité et en eau potable au droit du terrain, tout projet de construction imposant la réalisation d'équipements publics supplémentaires pour lesquels il est impossible d'indiquer actuellement dans quel délai et par quelle collectivité publique ou concessionnaire de service public lesdits travaux pourraient être réalisés. Ils précisent reprendre sur ce point les avis du 10 novembre 2017 du gestionnaire du réseau collectif de distribution d'électricité et du 21 novembre 2017 du gestionnaire du réseau public d'eau potable précisant, respectivement, que la distance séparant le réseau existant de la parcelle excède 100 mètres linéaires et qu'une extension du réseau public s'avère nécessaire pour desservir le projet.

9. Toutefois, d'une part, la commune de Laffrey, qui n'a pas répondu à la mesure d'instruction diligentée par la cour, n'a pas communiqué les avis précités du 21 novembre 2017 du gestionnaire du réseau public d'eau potable, dont la teneur est contestée par Mme B.... Dans ces conditions, les pièces du dossier ne permettent pas d'établir qu'une extension du réseau public d'eau potable serait nécessaire pour desservir les constructions en litige.

10. D'autre part, s'agissant de la desserte en électricité, si des avis du 10 novembre 2017 du gestionnaire du réseau collectif sont produits en première instance, ils indiquent soit, s'agissant du certificat d'urbanisme opérationnel CU0382031720022 relatif à la parcelle 559-lot n° 1, que " le raccordement au réseau public de distribution d'électricité sera réalisé avec un simple branchement conforme à la norme NFC14-100 et éventuellement une extension de réseau ne donnant pas lieu à une contribution financière ", soit, s'agissant des deux autres avis relatifs à la parcelle 559-lot n° 3 puis aux parcelles 559-560-561 lot n° 2, qu'un simple raccordement n'est pas possible et qu'une extension est nécessaire dès lors que l'opération prévoit d'alimenter une installation dont la puissance ne relève pas d'un branchement pour un particulier. Dans ces conditions ces avis, et alors qu'il est constant que l'opération sollicitée ne porte que sur la réalisation, sur chacune des parcelles nos 559-560-561, d'une maison d'habitation et ne nécessitent, par suite, qu'un branchement pour des particuliers, ne peuvent être regardés comme établissant la nécessité d'une extension du réseau public d'électricité.

11. Pour l'application de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme, aucun autre moyen n'apparaît susceptible, en l'état de l'instruction, de fonder l'annulation des arrêtés en litige.

12. Il résulte de ce qui précède que Mme B... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande et à demander, outre l'annulation de ce jugement, celle des arrêtés du 21 novembre 2017 par lesquels le maire de la commune de Laffrey a délivré des certificats d'urbanisme opérationnels négatifs à la SARL AlphaGéo, ensemble la décision rejetant son recours gracieux.

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

13. Compte tenu des motifs du présent arrêt, l'annulation prononcée implique seulement que la commune de Laffrey statue de nouveau sur les trois demandes de certificat d'urbanisme, dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir. Il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais liés au litige :

14. En application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, il y a lieu de mettre à la charge de la commune de Laffrey, partie perdante, le versement d'une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par Mme B....

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1803060 du 18 mars 2021 du tribunal administratif de Grenoble et les arrêtés du 21 novembre 2017 par lesquels le maire de la commune de Laffrey a délivré des certificats d'urbanisme opérationnels négatifs à la SARL AlphaGéo, ensemble la décision rejetant le recours gracieux de Mme B..., sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint à la commune de Laffrey de réexaminer les demandes de certificats d'urbanisme opérationnels de la SARL AlphaGéo dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir.

Article 3 : La commune de Laffrey versera à Mme B... la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme B... est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et à la commune de Laffrey.

Copie sera adressée au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires et à la SARL AlphaGéo.

Délibéré après l'audience du 3 octobre 2023 à laquelle siégeaient :

Mme Monique Mehl-Schouder, présidente de chambre,

Mme Camille Vinet, présidente assesseure,

Mme Claire Burnichon, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 24 octobre 2023.

La rapporteure,

C. BurnichonLa présidente,

M. C...

La greffière,

F. Prouteau

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui les concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

N° 21LY01567 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21LY01567
Date de la décision : 24/10/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme MEHL-SCHOUDER
Rapporteur ?: Mme Claire BURNICHON
Rapporteur public ?: Mme CONESA-TERRADE
Avocat(s) : CDMF-AVOCATS AFFAIRES PUBLIQUES

Origine de la décision
Date de l'import : 05/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2023-10-24;21ly01567 ?
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