Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et des contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre des années 2012 et 2013, de la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus à laquelle il a été assujetti au titre de l'année 2012 ainsi que des majorations correspondantes.
Par un jugement n° 1900964 du 29 mars 2022, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête, enregistrée le 24 mai 2022, M. B..., représenté par Me Alexandre, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de prononcer la décharge de ces impositions et des majorations correspondantes ;
3°) d'ordonner la suspension de l'exécution de la mise en recouvrement des impositions contestées et qu'il soit sursis à l'exécution du jugement attaqué ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la base légale de l'article 1649 A du code général des impôts, qui autorise la prescription allongée de dix ans, n'est pas applicable à la somme de 300 000 euros créditée en 2012 sur son compte bancaire belge laquelle, en provenance des Pays-Bas, n'a pas été transférée à l'étranger ou depuis l'étranger ;
- la procédure de taxation d'office est irrégulière, dès lors que l'administration ne l'a jamais mis en demeure de se justifier sur le montant de 300 000 euros figurant sur son compte bancaire belge ;
- c'est à tort que l'administration a estimé qu'il ne justifiait pas du caractère non imposable des sommes créditées sur ses différents comptes bancaires ; s'agissant du compte français CCP n° 6 396 73 R 20, les sommes de 19 750 euros et 7 610 euros créditées en 2012 proviennent d'aides temporaires remboursables accordées par une tante ; il en va de même des crédits de 13 900 euros et 13 858,30 euros créditées sur ce même compte en 2013 ; les virements effectués en 2013 pour 15 000 euros proviennent de sa compagne ; s'agissant du compte ouvert en Belgique n° 6430047872410 auprès de l'établissement Banca Monte Paschi, il retrace uniquement des opérations de financement au profit de la SARL Gran Carlina ; les crédits de 2013 de 11 510 euros 18 957,65 euros et 59 515,32 euros correspondent à des loyers versées par la SARL Gran Carlina à la SCI Gran Carlina dans le cadre de leurs relations bailleur-locataire et ont été portées sur ce compte co-emprunteur " A... B...-SARL Gran Carlina " pour réduire le poids de l'emprunt ;
- il est en droit d'obtenir la suspension de l'exécution du recouvrement des impositions en litige dès lors que la condition d'urgence est remplie et que les moyens qu'il invoque sont de nature à caractériser l'existence d'un doute sérieux sur le bien-fondé de l'imposition et la régularité de la procédure suivie.
Par un mémoire, enregistrés le 7 décembre 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- la demande de suspension est irrecevable faute d'être présentée dans un mémoire distinct ;
- les moyens invoqués ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 8 mars 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 6 avril 2023.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Courbon, présidente-assesseure,
- les conclusions de Mme Lesieux, rapporteure publique,
- et les observations de Me Alexandre, représentant M. B... ;
Considérant ce qui suit :
1. Parallèlement à la vérification de comptabilité de la SARL Gran Carlina, qui gère des hôtels au Mont-Dore (Puy-de-Dôme), dont il était le gérant, M. B..., domicilié au Luxembourg, a fait l'objet d'un examen contradictoire de sa situation fiscale personnelle portant sur les années 2011 à 2013. A l'issue de ces contrôles, l'administration a taxé d'office à l'impôt sur le revenu, sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 16 et L. 69 du livre des procédures fiscales qui autorisent le recours à cette procédure lorsque le contribuable s'est abstenu de répondre aux demandes de justifications adressées par l'administration, les sommes créditées par chèques, virements ou en espèces sur ses comptes bancaires français et belge dont l'origine est demeurée indéterminée. M. B... a été assujetti, en conséquence, à des suppléments d'impôt sur le revenu au titre des années 2012 et 2013, à des cotisations de contributions sociales au titre de ces deux années ainsi qu'à la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus au titre de l'année 2012. Il relève appel du jugement du 29 mars 2022 par lequel le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande de décharge de ces impositions et des majorations correspondantes.
Sur les conclusions à fin de décharge des impositions :
2. En premier lieu, il résulte des dispositions de l'article L. 16 du livre des procédures fiscales que l'administration peut, sur leur fondement, adresser au contribuable une demande de justifications, notamment dans le cas où elle a réuni des éléments permettant d'établir qu'il pourrait avoir disposé de revenus plus importants que ceux qu'il a déclarés. Aux termes de l'article L. 16 A du même livre : " Les demandes d'éclaircissements et de justifications fixent au contribuable un délai de réponse qui ne peut être inférieur à deux mois. / Lorsque le contribuable a répondu de façon insuffisante aux demandes d'éclaircissements ou de justifications, l'administration lui adresse une mise en demeure d'avoir à compléter sa réponse dans un délai de trente jours en précisant les compléments de réponse qu'elle souhaite. " Enfin, aux termes de l'article L. 69 de ce livre : " Sous réserve des dispositions particulières au mode de détermination des bénéfices industriels et commerciaux, des bénéfices agricoles et des bénéfices non commerciaux, sont taxés d'office à l'impôt sur le revenu les contribuables qui se sont abstenus de répondre aux demandes d'éclaircissements ou de justifications prévues à l'article L. 16. "
3. Ces dispositions autorisent l'administration à taxer d'office à l'impôt sur le revenu une disponibilité en tant que revenu d'origine indéterminée dans le cas seulement où en dépit, d'une part, des renseignements dont l'administration disposait à son sujet avant même toute demande de justifications, d'autre part, des éléments apportés par le contribuable à la suite d'une telle demande ou, le cas échéant, d'une mise en demeure de compléter sa réponse, demeurent incertains tant le caractère non imposable de cette disponibilité que la catégorie de revenus à laquelle elle serait susceptible de se rattacher.
4. Il résulte de l'instruction que l'administration a adressé à M. B..., le 18 mai 2016, en application de l'article L. 16 du livre des procédures fiscales, une demande de justifications portant sur la nature et de l'origine de certaines sommes créditées en 2012 et en 2013 sur son compte bancaire français CCP n° 26 396 73 R 20 et sur son compte bancaire n° 6430047872410 ouvert en Belgique auprès de l'établissement Banca Monte Paschi. Cette demande comportait, pour chaque année et chaque compte, le détail des sommes concernées selon qu'elles provenaient de versements en espèces, par chèques ou par virements, et mentionnait, pour certaines d'entre elles, notamment une somme de 300 000 euros créditée le 29 juin 2012, l'émetteur du virement. Si M. B... a répondu à cette demande en produisant quelques justificatifs, ces derniers ont été regardés comme insuffisants par l'administration qui lui a en conséquence adressé, le 28 juillet 2016, en application de l'article L. 16 A du même livre, une mise en demeure de compléter sa réponse précisant les crédits demeurant injustifiés, parmi lesquels figurait le virement de 300 000 euros enregistré en 2012. M. B... n'a pas retiré le pli postal contenant cette mise en demeure, à laquelle il n'a, par conséquent, pas répondu. Il s'ensuit que, contrairement à ce qu'il soutient, M. B... a bien été mis en demeure de justifier de la nature et de l'origine de la somme de 300 000 euros créditée en 2012 sur son compte bancaire ouvert en Belgique, comme d'ailleurs des autres sommes créditées tant sur ce compte que sur son compte ouvert en France et demeurées non justifiées. Par suite, il n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que ces sommes ont été taxées d'office à l'impôt sur le revenu en tant que revenus d'origine indéterminée.
5. En deuxième lieu, il résulte de ce qui a été dit au point 4 ci-dessus que les revenus d'origine indéterminée notifiés au contribuable résultent de la mise en œuvre de la procédure de taxation d'office pour défaut de réponse à une demande de justifications de l'article L. 16 du livre des procédures fiscales prévue à l'article L. 69 du même livre, et non de la taxation de sommes transférées à l'étranger ou en provenance de l'étranger par l'intermédiaire de comptes non déclarés. Si M. B... soutient que la somme de 300 000 euros créditée sur son compte bancaire ouvert en Belgique le 29 juin 2012 en provenance des Pays-Bas ne pouvait être imposée à l'impôt sur le revenu sur le fondement de l'article 1649 A, dernier alinéa, du code général des impôts en l'absence de transfert entre la France et l'étranger, la référence à l'article 1649 A dans la proposition de rectification du 3 octobre 2016, à la fin du paragraphe faisant état de la mise en œuvre de la procédure de taxation d'office, avait pour seul objet d'indiquer au contribuable que les sommes créditées sur son compte bancaire belge pourraient relever, le cas échéant, de ces dispositions si les transferts étaient établis. Il s'ensuit que M. B... n'est pas fondé à critiquer la base légale retenue pour imposer à l'impôt sur le revenu la somme de 300 000 euros créditée sur ce compte bancaire.
6. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 169 du livre des procédures fiscales : " Pour l'impôt sur le revenu et l'impôt sur les sociétés, le droit de reprise de l'administration des impôts s'exerce jusqu'à la fin de la troisième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due. / (...) Le droit de reprise de l'administration s'exerce jusqu'à la fin de la dixième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due, lorsque les obligations déclaratives prévues aux articles 123 bis, 209 B, 1649 A, 1649 AA et 1649 AB du même code n'ont pas été respectées. Toutefois, en cas de non-respect de l'obligation déclarative prévue à l'article 1649 A, cette extension de délai ne s'applique pas lorsque le contribuable apporte la preuve que le total des soldes créditeurs de ses comptes à l'étranger est inférieur à 50 000 euros au 31 décembre de l'année au titre de laquelle la déclaration devait être faite. Le droit de reprise de l'administration concerne les seuls revenus ou bénéfices afférents aux obligations déclaratives qui n'ont pas été respectées. (...)". Aux termes de l'article 1649 A du code général des impôts, dans sa rédaction applicable aux années d'imposition en litige : " (...) Les personnes physiques, les associations, les sociétés n'ayant pas la forme commerciale, domiciliées ou établies en France, sont tenues de déclarer, en même temps que leur déclaration de revenus ou de résultats, les références des comptes ouverts, utilisés ou clos à l'étranger. Les modalités d'application du présent alinéa sont fixées par décret. / Les sommes, titres ou valeurs transférés à l'étranger ou en provenance de l'étranger par l'intermédiaire de comptes non déclarés dans les conditions prévues au deuxième alinéa constituent, sauf preuve contraire, des revenus imposables ".
7. Il résulte de l'instruction, et n'est d'ailleurs pas contesté, que M. B... n'a pas déclaré à l'administration, en méconnaissance de l'article 1649 A, deuxième alinéa, du code général des impôts, le compte bancaire qu'il détenait en Belgique. Cette circonstance autorisait, en vertu de l'article L. 169 du livre des procédures fiscales, l'application du délai de reprise spécial de dix ans aux crédits enregistrés sur ce compte, délai qui n'était, de fait, pas expiré, s'agissant de l'année 2012, lors de la notification, à M. B..., de la proposition de rectification du 3 octobre 2016. Il s'ensuit que le moyen tiré de ce que l'imposition de la somme de 300 000 euros établie au titre de cette année était atteinte par la prescription doit être écarté.
8. En quatrième lieu, il appartient au contribuable régulièrement taxé d'office sur le fondement de l'article L. 69 du livre des procédures fiscales d'apporter devant le juge de l'impôt la preuve que ces sommes, soit ne constituent pas des revenus imposables, soit se rattachent à une catégorie précise de revenus.
9. Si M. B... fait valoir que les sommes de 19 750 euros et 7 610 euros, créditées en 2012 sur son compte CCP n° 26 396 73 R 20, et les sommes de 13 900 euros et 13 858,30 euros, créditées en 2013 sur ce même compte, proviennent d'aides temporaires remboursables accordées par un membre de sa famille, en l'occurrence sa tante, il n'apporte aucun justificatif de nature à l'établir. Il ne démontre pas davantage que les trois virements effectués en 2013 à hauteur de 15 000 euros proviendraient de sa compagne, et ce alors que l'administration a relevé que ces virements émanent de deux personnes différentes. Si M. B... soutient également que les sommes de 11 510 euros, 18 957,65 euros et 59 515,32 euros créditées en 2013 sur son compte belge n° 6430047872410 correspondent à des loyers versés par la SARL Gran Carlina à la SCI Gran Carlina dans le cadre de relations bailleur-locataire et qu'elles ont été portées sur ce compte co-emprunteur " A... B...-SARL Gran Carlina " pour réduire le poids d'un emprunt, il n'apporte aucun justificatif à l'appui de cette allégation. Par suite, il n'apporte pas la preuve, qui lui incombe, de la nature et de l'origine des sommes en cause et de leur caractère non imposable.
10. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant au bénéfice de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.
Sur les autres conclusions de la requête :
11. Le présent arrêt statuant au fond, les conclusions de M. B... aux fins de suspension de l'exécution du recouvrement des impositions en litige et de sursis à l'exécution du jugement attaqué, au demeurant non présentées par requêtes distinctes, sont, en tout état de cause, devenues sans objet.
DÉCIDE :
Article 1er : Les conclusions de M. B... relatives aux impositions et majorations susvisées et aux frais irrépétibles sont rejetées.
Article 2 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions tendant à la suspension de l'exécution du recouvrement des impositions en litige et à ce qu'il soit sursis à l'exécution du jugement attaqué.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Délibéré après l'audience du 28 septembre 2023, à laquelle siégeaient :
M. Pruvost, président de chambre,
Mme Courbon, présidente-assesseure,
M. Porée, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 octobre 2023.
La rapporteure,
A. Courbon
Le président,
D. PruvostLa greffière,
N. Lecouey
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
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N° 22LY01576