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19/10/2023 | FRANCE | N°21LY02476

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre, 19 octobre 2023, 21LY02476


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la décharge de l'obligation de payer résultant de la mise en demeure valant commandement décernée par le comptable public du service des impôts des particuliers Grenoble-Chartreuse-Grésivaudan du 23 mai 2019 pour le recouvrement de la somme de 389 225,30 euros correspondant à l'impôt sur le revenu dont le contribuable était redevable au titre de l'année 1998 augmenté de la majoration pour retard de paiement de 10 %, des intérêts morato

ires et de frais de poursuites.

Par un jugement en date du 30 juin 2021, le...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la décharge de l'obligation de payer résultant de la mise en demeure valant commandement décernée par le comptable public du service des impôts des particuliers Grenoble-Chartreuse-Grésivaudan du 23 mai 2019 pour le recouvrement de la somme de 389 225,30 euros correspondant à l'impôt sur le revenu dont le contribuable était redevable au titre de l'année 1998 augmenté de la majoration pour retard de paiement de 10 %, des intérêts moratoires et de frais de poursuites.

Par un jugement en date du 30 juin 2021, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 21 juillet 2021 et un mémoire complémentaire, enregistré le 17 décembre 2021, M. B..., représenté par Me Canis, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer la décharge de l'obligation de payer la somme réclamée ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat les dépens de l'instance ainsi que la somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'administration, qui avait procédé en 2001 à la saisie conservatoire d'une créance de plus de 400 000 euros qu'il détenait sur la société Virtual Market, notifiée le 18 mai 2001, a commis une faute en omettant de la convertir en saisie-attribution en temps utile, ce qui aurait permis de solder la dette d'impôt ;

- l'article R. 523-8 du code des procédures civiles d'exécution a été méconnu ;

- le montant de 389 135,30 euros réclamé par la notification adressée par les autorités luxembourgeoises du 14 juin 2019 diffère et est incohérent avec la dette d'impôt au principal ;

- la dette d'impôt visée par l'acte de poursuites ne tient compte ni de la somme de 6 205,54 euros, appréhendée en exécution d'un avis à tiers détenteur du 16 février 2012, ni de la somme de 45 441,80 euros, appréhendée en exécution d'un avis à tiers détenteur de 2017 ni de la somme de 61 euros, appréhendée en exécution de la saisie-attribution ;

- les intérêts moratoires ne sont pas dus en vertu de l'article L. 209 du livre des procédures fiscales dès lors que, par le jugement du 4 juillet 2007, le tribunal administratif de Grenoble a accueilli la demande de décharge de l'imposition ;

- le calcul des intérêts moratoires est erroné, dès lors qu'il est assis sur une base comprenant les intérêts de retard.

Par un mémoire, enregistré le 22 novembre 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- les contestations relatives au modalités des poursuites retenues par le comptable public échappent à la compétence du juge administratif ;

- les autres chefs de contestation ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 5 décembre 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 20 décembre 2022.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Laval, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Lesieux, rapporteure publique,

- et les observations de Me Canis, représentant M. B... ;

Considérant ce qui suit :

1. M. et Mme B... ont été assujettis, au titre des années 1997, 1998 et 1999, à des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu, à la suite d'un examen contradictoire de situation fiscale personnelle et d'une vérification de comptabilité de la SARL VMP, dont M. B... était associé. Par un arrêt du 31 décembre 2009, la cour administrative d'appel de Lyon, après avoir réformé le jugement du tribunal administratif de Grenoble du 4 juillet 2007 ayant partiellement fait droit à leur demande de décharge de l'imposition établie au titre de l'année 1998, a rétabli M. et Mme B... au rôle de l'impôt sur le revenu à hauteur de 273 848,89 euros, en qui concerne les droits et à hauteur de 36 969,50 euros, en ce qui concerne les intérêts de retard appliqués aux droits. Le 31 décembre 2009, l'administration a émis, à l'usage du service chargé du recouvrement, un nouveau rôle pour constater le rétablissement opéré par la cour, aux termes de l'arrêt, de la partie de l'imposition et des intérêts de retard déchargés par ce jugement. Le 14 juin 2019, l'administration des contributions indirectes du Grand-Duché du Luxembourg a notifié à M. B..., à l'adresse de son domicile au Luxembourg, une mise en demeure valant commandement de payer, décernée le 23 mai 2019 par le comptable public du service des impôts des particuliers Grenoble-Chartreuse-Grésivaudan, pour avoir paiement d'une somme de 389 225,30 euros se rapportant, à hauteur de 310 818 euros, à l'impôt sur le revenu et aux intérêts de retard dont l'intéressé était redevable au titre de l'année 1998, à hauteur de 31 082 euros, à la majoration de 10 % pour retard de paiement et, pour le solde, soit 47 325,30 euros, aux intérêts moratoires et à des frais de poursuites. M. B... relève appel du jugement du 30 juin 2021 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande de décharge de l'obligation de payer la somme qui lui a été notifiée par cet acte de poursuites.

Sur la compétence du juge administratif :

2. Aux termes de l'article L. 281 du livre des procédures fiscales : " Les contestations relatives au recouvrement des impôts, taxes, redevances, amendes, condamnations pécuniaires et sommes quelconques dont la perception incombe aux comptables publics doivent être adressées à l'administration dont dépend le comptable qui exerce les poursuites. / (...) / Les contestations relatives au recouvrement ne peuvent pas remettre en cause le bien-fondé de la créance. Elles peuvent porter : / 1° Sur la régularité en la forme de l'acte ; / 2° A l'exclusion des amendes et condamnations pécuniaires, sur l'obligation au paiement, sur le montant de la dette compte tenu des paiements effectués et sur l'exigibilité de la somme réclamée. / Les recours contre les décisions prises par l'administration sur ces contestations sont portés dans le cas prévu au 1° devant le juge de l'exécution. Dans les cas prévus au 2°, ils sont portés : / a) Pour les créances fiscales, devant le juge de l'impôt prévu à l'article L. 199 ; (...) ".

3. Il résulte de ces dispositions que le juge judiciaire de l'exécution est seul compétent pour apprécier la régularité en la forme des poursuites, la manière dont elles sont menées à bien par le comptable public et sur le choix par celui-ci des actes de poursuites mis en œuvre pour le recouvrement des impositions dues par un contribuable. En faisant valoir, à l'encontre de la mise en demeure valant commandement de payer du 14 juin 2019, d'une part, que l'administration a omis, à tort, de convertir, en temps utile, en saisie-attribution la saisie conservatoire de la créance qu'il détenait sur la société Virtual Market à laquelle elle avait procédé en 2001, ce qui aurait permis de solder la dette d'impôt, et, d'autre part, que les dispositions de l'article R 523-8 du code des procédures civiles d'exécution ont été méconnues, M. B... invoque des chefs de contestation relatifs aux modalités d'exécution des poursuites et à leur régularité en leur forme ne relevant pas de la compétence du juge administratif. Le ministre est, dès lors, fondé à soutenir qu'ils sont portés devant une juridiction incompétente pour en connaître.

Sur les frais de poursuites et le montant de la dette :

4. Ainsi qu'il a été dit au point 1, la mise en demeure valant commandement de payer notifiée à M. B... par les autorités fiscales luxembourgeoises à la demande du comptable public du service des impôts des particuliers Grenoble-Chartreuse-Grésivaudan porte sur une somme de 389 225,30 euros correspondant, à hauteur de 310 818 euros, à l'impôt sur le revenu et aux intérêts de retard dont l'intéressé était redevable au titre de l'année 1998, à hauteur de 31 082 euros, à la majoration de 10 % pour retard de paiement et, à hauteur de 47 325,30 euros, aux intérêts moratoires et à des frais de poursuites.

5. Il est constant que M. B... est débiteur envers l'Etat de la somme de 310 818 euros, relative à l'imposition et aux intérêts de retard rétablie conformément au dispositif de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Lyon du 31 décembre 2009. Il est constant, également, qu'il est redevable de la majoration de 10 % pour retard de paiement, d'un montant de 31 082 euros, appliquée sur le fondement du 1 de l'article 1762 du code général des impôts alors en vigueur, pour n'avoir pas payé cette imposition dans le délai imparti. Il résulte enfin de l'instruction que les frais de poursuites, d'un montant de 10 257 euros, visés par l'acte de poursuites en litige correspondent aux frais d'un commandement de payer du 18 avril 2010 dont il n'est pas contesté qu'il a été notifié à l'intéressé et sont dus en application de l'article 1912 du code général des impôts. Si M. B... relève que les autorités fiscales luxembourgeoises lui ont réclamé, à différentes reprises, des sommes pouvant aller jusqu'à 421 924 euros en octobre 2019, et invoque des incohérences et discordances entre le montant réclamé par l'acte de poursuite émis par l'administration fiscale français et les montants évoqués dans les actes notifiés par les autorités fiscales luxembourgeoises, il résulte de l'instruction que ces derniers montants comprennent des intérêts et des frais de poursuites appliqués, selon la législation applicable au Luxembourg, dans le cadre de la procédure de recouvrement diligentée par ces autorités requises par la France, en vertu de la directive 2010/24/UE du Conseil du 16 mars 2010 concernant l'assistance mutuelle en matière de recouvrement des créances relatives aux taxes, impôts, droits et autres mesures, qui ne sont pas compris dans la somme visée par la mise en demeure valant commandement en litige et ne sauraient d'ailleurs être discutés devant les juridictions françaises, incompétentes pour connaître de contestations portant sur des sommes réclamées par des autorités fiscales étrangères. Il résulte également de l'instruction que les sommes appréhendées par l'administration fiscale française en exécution de trois avis à tiers détenteurs délivrés le 23 juin, 18 septembre et 29 novembre 2017 à Mme B... ont été restituées et que le solde de la dette visée par ces actes de poursuites, soit 28 162,04 euros, a été imputé sur les intérêts moratoires mis à la charge de M. B... par la mise en demeure valant commandement. Enfin, si le requérant fait valoir que les autorités fiscales luxembourgeoises n'ont reversé à l'Etat français une somme de 15 026,59 euros que le 16 juin 2020 et des sommes de 10 251,23 euros et 374 198,71 euros que, respectivement, les 24 juin et 29 septembre 2021, ces reversements postérieurs à la mise en demeure valant commandement de payer du 23 mai 2019 sont, en tout état de cause, sans incidence sur le montant de la dette visée par cet acte de poursuites. Il suit de là que les chefs de contestation de M. B... tirés d'erreurs commises quant au montant de la somme visée par la mise en demeure valant commandement en litige ne sont pas fondés.

Sur les intérêts moratoires :

6. Aux termes de l'article L. 209 du livre des procédures fiscales dans sa rédaction applicable : " Lorsque le tribunal administratif rejette totalement ou partiellement la demande d'un contribuable tendant à obtenir l'annulation ou la réduction d'une imposition établie en matière d'impôts directs à la suite d'une rectification ou d'une taxation d'office, les cotisations ou fractions de cotisations maintenues à la charge du contribuable et pour lesquelles celui-ci avait présenté une réclamation assortie d'une demande de sursis de paiement donnent lieu au paiement d'intérêts moratoires au taux de l'intérêt de retard prévu à l'article 1727 du code général des impôts. Ces intérêts moratoires ne sont pas dus sur les cotisations ou fractions de cotisations d'impôts soumises à l'intérêt de retard mentionné à l'article 1727 du code général des impôts. / Ces dispositions sont également applicables en cas de désistement du contribuable auprès de la juridiction saisie. / Les intérêts courent du premier jour du treizième mois suivant celui de la date limite de paiement jusqu'au jour du paiement effectif des cotisations. Ils sont recouvrés dans les mêmes conditions et sous les mêmes garanties, sûretés et privilèges que les impositions auxquelles ils s'appliquent. ".

7. Il résulte de ces dispositions que les intérêts moratoires qu'elles instituent ne s'appliquent que sur les cotisations d'impôt maintenues à la charge du contribuable ayant obtenu le sursis de paiement du fait du rejet de sa demande par le tribunal administratif. En revanche, et nonobstant les effets qui s'attachent, en principe, aux décisions du juge d'appel, ils ne sont pas dus dans l'hypothèse où cette demande a été accueillie en première instance alors même que la décision du tribunal serait réformée en appel, entraînant ainsi un rétablissement des impositions contestées. Si le ministre fait valoir que les intérêts moratoires n'ont, en l'espèce, été appliqués qu'entre le 17 février 2011 et le 30 juin 2015, soit sur une période postérieure au rétablissement des impositions et intérêts de retard par l'arrêt de la cour administrative d'appel de Lyon, cette circonstance ne saurait autoriser l'application d'intérêts moratoires lorsque, comme en l'espèce, le contribuable a obtenu une décision favorable en première instance.

8. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur l'autre moyen invoqué à l'encontre des intérêts moratoires, que M. B... est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, a rejeté sa demande de décharge de l'obligation de payer la somme de 65 230,34 euros correspondant aux intérêts moratoires visés par la mise en demeure valant commandement de payer du 23 mai 2019.

Sur les frais liés aux litiges :

9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros, au titre des frais exposés par M. B... et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : A concurrence de 65 230,34 euros, M. B... est déchargé de l'obligation de payer qui lui a été notifiée par la mise en demeure valant commandement de payer du comptable public du service des impôts des particuliers Grenoble-Chartreuse-Grésivaudan du 23 mai 2019.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de M. B... est rejeté

Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Grenoble du 30 juin 2021 est réformé en tant qu'il est contraire au présent arrêt.

Article 4 : L'Etat versera à M. B... la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré après l'audience du 28 septembre 2023, à laquelle siégeaient :

M. Pruvost, président,

Mme Courbon, présidente-assesseure,

M. Laval, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 19 octobre 2023.

Le rapporteur,

J.-S. Laval

Le président,

D. Pruvost

La greffière,

N. Lecouey

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 21LY02476


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21LY02476
Date de la décision : 19/10/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Fiscal

Analyses

Contributions et taxes - Généralités - Recouvrement - Paiement de l'impôt - Solidarité entre époux.

Contributions et taxes - Généralités - Recouvrement - Paiement de l'impôt - Questions diverses.


Composition du Tribunal
Président : M. PRUVOST
Rapporteur ?: M. Jean-Simon LAVAL
Rapporteur public ?: Mme LESIEUX
Avocat(s) : CABINET SCP CANIS LE VAILLANT

Origine de la décision
Date de l'import : 29/10/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2023-10-19;21ly02476 ?
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