Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
Mme B... E... A... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les décisions du 25 juillet 2022 par lesquelles la préfète de l'Ain a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a désigné un pays de renvoi et lui a interdit de retourner sur le territoire français pour une durée de six mois.
Par un jugement n° 2208859 du 3 février 2023, la magistrate désignée du tribunal administratif de Lyon a annulé la décision du 25 juillet 2022 par laquelle la préfète de l'Ain a prononcé à l'encontre de Mme A... une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de six mois et a rejeté le surplus de sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête, enregistrée le 5 mai 2023, Mme B... E... A..., représentée par Me Robin, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 3 février 2023 ;
2°) d'annuler l'arrêté de la préfète de l'Ain du 25 juillet 2022 ;
3°) d'enjoindre à la préfète de l'Ain de lui délivrer une carte de séjour portant la mention " vie privée et familiale " et, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans le délai de quinze jours à compter de la date de notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'État le versement d'une somme de 1 200 euros au titre des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, à verser à son conseil, sous réserve qu'il renonce à percevoir la part contributive de l'État à l'aide juridictionnelle.
Elle soutient que :
- le refus de séjour a été pris à l'issue d'une procédure irrégulière, la préfète n'établissant pas avoir saisi pour avis le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et le caractère collégial de l'avis n'étant pas justifié ;
- il est insuffisamment motivé et est entaché d'un défaut d'examen de sa situation personnelle ;
- il a été pris en méconnaissance de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- il méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale en ce qu'elle est prise sur le fondement d'un refus de séjour illégal ;
- elle méconnaît le 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision fixant le délai de départ volontaire doit être annulée par voie de conséquence de l'annulation de l'obligation de quitter le territoire français ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle ;
- la décision fixant le pays de renvoi doit être annulée par voie de conséquence de l'annulation de l'obligation de quitter le territoire français.
Par un mémoire en défense enregistré le 3 juillet 2023, la préfète de l'Ain conclut au rejet de la requête. Elle soutient que les moyens présentés par Mme A... ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 5 juillet 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 10 août 2023.
Par une décision du 5 avril 2023, Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme C... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B... E... A..., ressortissante angolaise née le 31 juillet 1983 à Mayanga (Angola), est entrée en France en septembre 2019 accompagnée de son fils alors mineur pour y demander l'asile. Sa demande a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) le 25 janvier 2021, confirmée par une décision de la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) le 13 septembre 2021. Par un arrêté du 25 juillet 2022, la préfète de l'Ain a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a désigné le pays de renvoi et lui a interdit de retourner sur le territoire français pour une durée de six mois. La magistate désignée du tribunal administratif de Lyon, dans un jugement du 3 février 2023, a annulé cette interdiction de retour et a rejeté le surplus des conclusions présentées par la requérante. Mme A... doit être regardée comme relevant appel de ce jugement du 3 février 2023 en tant qu'il n'a pas annulé les décisions du 25 juillet 2022 portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination.
Sur la légalité de la décision portant refus de séjour :
2. En premier lieu, la décision litigieuse, qui cite notamment les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sur lesquelles elle se fonde, mentionne les faits saillants du parcours de la requérante et, notamment, la date et les conditions de son entrée en France, sa situation personnelle et familiale, sa demande d'asile, et est ainsi suffisamment motivée, alors même qu'elle ne détaillerait pas son état de santé ou ne reprendrait pas le parcours scolaire de son fils et qui a également fait l'objet d'une mesure d'éloignement. Il ne résulte pas de cette motivation que la préfète de l'Ain, qui n'est au demeurant, pas tenue de mentionner l'ensemble des éléments se rapportant à la situation personnelle de l'étranger, aurait entaché sa décision d'un défaut d'examen de sa situation. Les moyens tirés d'une insuffisance de motivation et d'un défaut d'examen ne peuvent dès lors qu'être écartés.
3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. (...) ". Selon l'article R. 425-11 de ce code : " Pour l'application de l'article L. 425-9, le préfet délivre la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. ". Aux termes de l'article R. 425-12 du même code : " Le rapport médical mentionné à l'article R. 425-11 est établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (...) ". Selon l'article R. 425-13 du même code : " Le collège à compétence nationale mentionné à l'article R. 425-12 est composé de trois médecins (...). Le médecin ayant établi le rapport médical ne siège pas au sein du collège. (...) ".
4. D'une part, l'avis émis le 23 mai 2022 par le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII), comporte, outre les mentions requises par l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 susvisé, avec leur signature, le nom des trois médecins ayant siégé au sein de ce collège parmi lesquels ne figurait pas le médecin instructeur dont le nom est d'ailleurs mentionné par l'avis. Par ailleurs, les médecins signataires de l'avis ne sont pas tenus de procéder à des échanges entre eux, l'avis résultant de la réponse apportée par chacun à des questions auxquelles la réponse ne peut être qu'affirmative ou négative et la circonstance que, dans certains cas, ces réponses n'aient pas fait l'objet de tels échanges, oraux ou écrits, est sans incidence sur la légalité de la décision prise par le préfet au vu de cet avis. Dès lors, le moyen tiré du vice de procédure doit être écarté en toutes ses branches.
5. D'autre part, il ressort des pièces médicales présentes au dossier que Mme A... souffre d'une lésion cérébrale ischémique, d'hypertension artérielle et d'une endométriose, affections pour lesquelles elle bénéfice d'un suivi médical spécialisé et d'un traitement prescrit à vie. Dans son avis émis le 23 mai 2022, le collège des médecins de l'OFII a estimé que l'état de santé de Mme A... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, mais qu'elle peut, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé en Angola, y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. Les documents généraux relatant la précarité du système de santé en Angola ou l'existence de difficultés d'accès aux soins et aux médicaments, ainsi que la liste de médicaments disponibles éditée en 2012 et non remise à jour, ne permettent pas d'établir l'absence de possibilité de bénéficier d'un suivi en cardiologie et neurologie, dont la nécessité n'est pas contestée en l'espèce, ou encore d'un traitement approprié à son état de santé, le préfet établissant à cet égard que les médicaments à base de Spironalactone et d'Enalapril (Biogaran) pour le traitement de l'hypertension artérielle et le Kardegic pour le traitement de la lésion ischémique cérébrale et ses conséquences sont disponibles en Angola. Il relève par ailleurs que les substances correspondant au Kardégic sont également disponibles dans son pays d'origine. Si Mme A... produit également en appel une ordonnance du 25 janvier 2022 d'un médecin généraliste comprenant une liste de médicaments prescrits à la requérante, un certificat médical daté du 5 mai 2023 reprenant les pathologies dont elle souffre et les médicaments nécessaires pour les traiter, ainsi que des courriels des laboratoires Grünenthal et Organon indiquant qu'ils ne commercialisent pas, en Angola, le Tramadol, qui est un anti-douleur, il ne ressort pas de ces documents qu'elle ne pourrait bénéficier d'un traitement effectif pour les pathologies dont elle est atteinte, étant relevé à cet égard qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que les autres médicaments ainsi prescrits, qui sont des antalgiques, des anti-inflammatoires et un diurétique, ne seraient pas disponibles en Angola sous leur forme générique ou par des médicaments équivalents produits localement et que le Tramadol n'apparaît pas dans la dernière ordonnance. Enfin, si Mme A... relève souffrir de pathologies psychiatriques, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'elle justifierait d'une prescription à ce titre ni d'un suivi médical et la documentation d'ordre général produite ne permet pas d'en déduire qu'une prise en charge adaptée ne pourrait être effective en Angola. Dans ces conditions, l'intéressée n'établit pas qu'elle ne pourrait avoir un accès effectif aux soins nécessités par son état de santé en Angola, où existe en outre un système de protection sociale, et il s'ensuit qu'elle n'est pas fondée à soutenir que le refus de séjour méconnaît l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
6. En troisième lieu, Mme A... n'est entrée sur le territoire français qu'en septembre 2019, avec son fils, qui a aussi fait l'objet d'une mesure d'éloignement le 25 juillet 2022. Elle ne soutient ni n'établit qu'elle aurait d'autres attaches familiales sur le territoire français, ni ne justifie d'une intégration particulière. Si Mme A... justifie du parcours scolaire de son fils en CAP " conducteur d'installations de production ", cette seule circonstance est également insuffisante pour démontrer qu'elle aurait fixé en France le centre de ses intérêts personnels et familiaux. Mme A... reprend les diverses pathologies dont elle souffre mais n'établit pas, ainsi qu'il a été dit précédemment, qu'elle ne pourrait bénéficier d'un traitement effectif approprié dans son pays d'origine. Dans ces conditions, Mme A... n'est pas fondée à soutenir que la décision par laquelle la préfète de l'Ain lui a refusé le séjour porte à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise. Elle n'est pas davantage entachée d'une erreur manifeste d'appréciation. Les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation doivent, dès lors, être écartés.
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :
7. En premier lieu, en l'absence d'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour, la requérante n'est pas fondée à exciper de son illégalité à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours.
8. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 611-3 du même code : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : (...) 9° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. ".
9. Pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 5, le moyen tiré de la méconnaissance du 9° de l'article L. 611-3 précité doit être écarté.
10. Pour les mêmes raisons que celles indiquées au point 6, les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation directement invoqués contre la décision attaquée doivent être écartés.
Sur la décision fixant le délai de départ volontaire :
11. En premier lieu, en l'absence d'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français, la requérante n'est pas fondée à exciper de son illégalité à l'encontre de la décision fixant le délai de départ volontaire.
12. En second lieu, Mme A... réitère en appel, sans l'assortir d'éléments nouveaux, son moyen selon lequel la décision fixant le délai de départ volontaire est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation. Il y a lieu de l'écarter par adoption des motifs retenus par la première juge.
Sur la décision fixant le pays de renvoi :
13. En l'absence d'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français et de la décision fixant le délai de départ volontaire, la requérante n'est pas fondée à exciper de leur illégalité à l'encontre de la décision fixant le pays de renvoi.
14. Il résulte de ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions en litige. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et celles tendant à la mise à la charge de l'État d'une somme au titre des frais liés au litige.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... E... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée à la préfète de l'Ain.
Délibéré après l'audience du 5 septembre 2023 à laquelle siégeaient :
Mme Monique Mehl-Schouder, présidente de chambre,
Mme Camille Vinet, présidente-assesseure,
Mme Anne-Gaëlle Mauclair, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 26 septembre 2023.
La rapporteure,
A-G C...
La présidente,
M. D...
La greffière,
F. Prouteau
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
2
N° 23LY01544