Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 25 juin 2022 par lequel le préfet du Rhône lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il serait éloigné.
Par un jugement n° 2204296 du 4 août 2022, la magistrate désignée du tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté.
Procédure devant la cour
Par une requête, enregistrée le 16 janvier 2023, M. B... A..., représenté par Me Zouine, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 4 août 2022 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet du Rhône du 25 juin 2022 ;
3°) d'enjoindre au préfet territorialement compétent de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour et de réexaminer sa situation dans le délai d'un mois à compter de la date de notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'État le versement d'une somme de 1 200 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement est entaché d'une omission de statuer car le moyen tiré de la violation des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales n'a pas été examiné ;
- la décision d'obligation de quitter le territoire français est entachée d'incompétence, la délégation de signature produite n'étant pas signée par son auteur ;
- elle est entachée d'un défaut d'examen de sa situation personnelle, à défaut de mentionner ses activités artistiques, qui sont avérées ;
- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation, eu égard à la durée et aux conditions de son séjour en France, justifiant d'une intégration particulière ; que la preuve de la notification de la mesure d'éloignement de 2021 n'est pas apportée ; qu'il est porté atteinte à son droit de propriété intellectuelle et que sa présence dans le collectif est essentielle ;
- la décision fixant le délai de départ volontaire est illégale du fait de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;
- la décision fixant le pays de destination est illégale du fait de l'illégalité de la décision d'obligation de quitter le territoire français ;
- elle méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
La requête a été communiquée au préfet du Rhône qui n'a pas produit de mémoire.
Par une ordonnance du 29 juin 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 17 juillet 2023.
Par décision du 7 décembre 2022, le bureau d'aide juridictionnelle a constaté la caducité de la demande d'aide juridictionnelle de M. A....
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Mauclair, première conseillère ;
- les observations de Me Zouine, représentant M. A....
Considérant ce qui suit :
1. M. B... A..., ressortissant guinéen né le 6 mars 1999 à Conakry, est entré en France le 10 juillet 2017 pour y demander l'asile. Sa demande a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) du 24 décembre 2020 et par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) le 21 mai 2021. Par un arrêté du 28 juin 2021, le préfet de la Drôme l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il serait éloigné. Par un arrêté du 25 juin 2022, le préfet du Rhône l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. A... relève appel du jugement du 4 août 2022 de la magistrate désignée du tribunal administratif de Grenoble rejetant sa demande d'annulation de ce dernier arrêté.
Sur la régularité du jugement :
2. M. A... a demandé en première instance l'annulation de la décision fixant le pays de destination en soulevant le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. La première juge n'a pas examiné ce moyen, qui n'était pas inopérant. Par suite, le jugement attaqué est irrégulier et doit être annulé en tant qu'il statue sur la décision fixant le pays de destination.
3. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Grenoble à l'encontre de la décision fixant le pays de destination et de statuer par l'effet dévolutif de l'appel sur les conclusions dirigées contre les autres décisions.
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :
4. En premier lieu, l'arrêté attaqué du 25 juin 2022 a été signé par Mme Françoise Noars, secrétaire générale pour les affaires régionales auprès du préfet de la région Auvergne-Rhône-Alpes, qui, dans le cadre des périodes de permanence, a reçu délégation à cet effet par un arrêté du préfet du Rhône du 21 avril 2022, publié au recueil des actes administratifs spécial de la préfecture le 22 avril 2022 et revêtu de sa signature. Dès lors, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de la décision en litige qui résulterait de l'absence de la signature de l'arrêté de délégation de signature doit être écarté.
5. En deuxième lieu, il ne ressort ni des mentions de la décision en litige ni des pièces du dossier que le préfet du Rhône n'aurait pas procédé à un examen particulier et approfondi de la situation de M. A... telle qu'elle avait été portée à sa connaissance. La seule circonstance que l'arrêté litigieux ne mentionne pas les activités culturelles et artistiques de M. A... ne saurait caractériser un défaut d'examen. Par suite, le moyen tiré d'un défaut d'examen de la situation personnelle de l'intéressé doit être écarté.
6. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...) 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
7. M. A... n'est entré sur le territoire français qu'en 2017, et, ainsi qu'il a été dit au point 1, a déjà fait l'objet d'une précédente mesure d'éloignement le 28 juin 2021 qu'il n'a pas exécutée, étant relevé que la circonstance que la signature de l'accusé de réception de cette décision serait illisible ne permet pas d'en déduire que la notification de cette décision serait irrégulière. Il est constant que sa famille réside en Guinée. S'il soutient avoir noué de fortes attaches privées sur le territoire français, en faisant état à cet égard de son implication au sein du collectif intitulé " Bureau des dépositions ", avec lequel il a réalisé de nombreuses performances artistiques depuis 2018, et s'il produit à cet égard plusieurs attestations, ainsi que notamment un contrat d'édition avec l'association Lorelei en sa qualité de co-auteur d'un ouvrage ou encore une présentation de leur projet au Pacifique CDCN de Grenoble en janvier et juin 2023, il n'apporte pas d'éléments suffisants sur les rémunérations qu'il aurait perçues à ce titre et cette implication, bien que traduisant un réel effort d'intégration, ne permet en outre pas à elle seule d'établir qu'il aurait établi le centre de ses intérêts en France. Dans ces conditions, M. A... n'est pas fondé à soutenir que la décision par laquelle le préfet du Rhône l'a obligé à quitter le territoire français porte à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise. Cette décision n'est pas davantage entachée d'une erreur manifeste d'appréciation, à supposer même qu'elle aurait pour effet de compromettre la pérennité du collectif artistique dont il fait partie. Enfin, M. A... ne peut utilement soutenir qu'elle porte atteinte à son droit de propriété intellectuelle. Les moyens tirés de la violation des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation doivent, dès lors, être écartés.
Sur la décision fixant le délai de départ volontaire :
8. Il résulte de ce qui précède que la décision portant obligation de quitter le territoire français n'est pas illégale. M. A... n'est, par suite, pas fondé à exciper de l'illégalité de cette décision.
Sur la décision fixant le pays de renvoi :
9. Il résulte de ce qui précède que la décision portant obligation de quitter le territoire français n'est pas illégale. M. A... n'est, par suite, pas fondé à exciper de l'illégalité de cette décision.
10. Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".
11. M. A... n'apporte aucune justification ni élément probant de nature à établir qu'il serait susceptible d'être soumis à des persécutions ou des traitements inhumains ou dégradants en cas de retour en Guinée du fait de son implication au sein de l'Union des forces démocratiques de Guinée (UFDG), étant au surplus relevé que, ainsi qu'il a été dit au point 1, ses allégations ont été écartées par l'OFPRA et la CNDA. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
12. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision fixant le pays de destination ni à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée du tribunal administratif de Grenoble a rejeté le surplus des conclusions de sa demande. Ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 2204296 du 4 août 2022 de la magistrate désignée du tribunal administratif de Grenoble est annulé en tant qu'il porte sur les conclusions tendant à l'annulation de la décision fixant le pays de destination.
Article 2 : Les conclusions de M. A... présentées à l'encontre de la décision fixant le pays de destination sont rejetées.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée à la préfète du Rhône.
Délibéré après l'audience du 5 septembre 2023 à laquelle siégeaient :
Mme Monique Mehl-Schouder, présidente de chambre,
Mme Camille Vinet, présidente-assesseure,
Mme Anne-Gaëlle Mauclair, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 26 septembre 2023.
La rapporteure,
A.-G. Mauclair
La présidente,
M. C...
La greffière,
F. Prouteau
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
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N° 23LY00191