Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler la délibération du 29 juin 2018 du conseil municipal de Cordon approuvant le plan local d'urbanisme de la commune de Cordon, ainsi que la décision rejetant son recours gracieux.
Par un jugement n° 1808105 du 18 octobre 2021, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 16 décembre 2021 et le 11 mai 2023, ce dernier mémoire n'ayant pas été communiqué, M. A... B..., représenté par Me Fiat, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 18 octobre 2021 ;
2°) d'annuler la délibération du 29 juin 2018, ensemble le rejet de son recours gracieux ;
3°) de mettre une somme de 3 000 euros à la charge de la commune de Cordon au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la procédure d'adoption du plan local d'urbanisme est illégale en ce qu'elle devait être précédée d'une nouvelle enquête publique en raison du nombre et du caractère substantiel des modifications apportées au document graphique et au règlement écrit et de l'atteinte à l'économie générale du plan local d'urbanisme en résultant, et en ce que le classement en zone constructible de la parcelle cadastrée section A n° 3647 ne résulte pas de l'enquête publique ;
- le tracé de la servitude créant, sur le fondement de l'article L. 151-38 du code de l'urbanisme, un cheminement piétonnier sur les parcelles exploitées par le requérant, est entaché d'erreur manifeste d'appréciation, en ce qu'il scinde en deux l'exploitation agricole, dont la réalité est établie par les pièces produites ; que la séparation entre le siège de cette exploitation et un hangar agricole remet en cause ses modalités de fonctionnement et, par suite, sa pérennité ; qu'il n'est pas établi que ce tracé reprenne un chemin qui serait existant et ouvert au public, l'ancien sentier n'étant en outre pas classé comme chemin rural et ne bénéficiant d'aucune servitude, et les piétons passant au surplus en limite de propriété ; que ce tracé est plus pentu, moins commode, voire plus dangereux, que celui, alternatif, qui pourrait être réalisé vers la limite Est de la parcelle n° 422 ;
- le tracé d'une servitude créant des cheminements piétonniers méconnaît les dispositions de l'article L. 122-10 du code de l'urbanisme, dès lors que les terres concernées sont nécessaires au maintien et au développement des activités agricoles et doivent être préservées.
Par un mémoire en défense, enregistré le 18 avril 2023, la commune de Cordon, représentée par Me Duverneuil, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de M. B... une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 28 avril 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 11 mai 2023.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Mauclair, première conseillère ;
- les conclusions de Mme Conesa-Terrade, rapporteure publique ;
- les observations de Me Fiat, représentant M. B... et de Me Duverneuil, représentant la commune de Cordon.
Considérant ce qui suit :
1. Les 31 octobre 2014, 26 décembre 2014 et 25 septembre 2015, le conseil municipal de la commune de Cordon a prescrit la révision du plan d'occupation des sols (POS) valant élaboration du plan local d'urbanisme (PLU) et a arrêté le projet de PLU par une délibération du 3 mars 2017. L'enquête publique, prescrite par arrêté du maire de la commune du 17 juillet 2017, s'est déroulée du 16 août 2017 au 15 septembre 2017. Le commissaire-enquêteur a remis son rapport le 13 octobre 2017, complété le 23 novembre 2017. Par une délibération du 29 juin 2018, le conseil municipal de la commune de Cordon a approuvé la révision-élaboration dudit plan local d'urbanisme de la commune. Par un courrier du 3 septembre 2018, notifié le 4 septembre 2018, M. B... a formé un recours gracieux tendant au retrait de cette délibération en tant qu'elle prévoit le tracé d'un cheminement piétonnier à l'Ouest de la parcelle n° 422, qui a été implicitement rejeté. M. B... relève appel du jugement du tribunal administratif de Grenoble du 18 octobre 2021 qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la délibération du 29 juin 2018 et de la décision implicite de rejet de son recours gracieux.
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 123-10 du code de l'urbanisme, applicable au plan local d'urbanisme : " (...) / Après l'enquête publique réalisée conformément au chapitre III du titre II du livre Ier du code de l'environnement, le plan local d'urbanisme, éventuellement modifié pour tenir compte des avis qui ont été joints au dossier, des observations du public et du rapport du commissaire ou de la commission d'enquête, est approuvé par délibération du conseil municipal. / (...) ".
3. Il résulte de ces dispositions que le projet de plan ne peut subir de modifications, entre la date de sa soumission à l'enquête publique et celle de son approbation, qu'à la double condition que ces modifications ne remettent pas en cause l'économie générale du projet et qu'elles procèdent de l'enquête publique.
4. S'il ressort des pièces du dossier que les auteurs du PLU ont modifié, d'une part, au sein du secteur le " Hameau des Folatières " le zonage des parcelles n°s 2270, 2420, 1805, 1804, 2172, 1542 et 1854, de la zone A en zone UB, et d'autre part, s'agissant du secteur " des Darbaillets " et " des Miaz ", le zonage de neuf parcelles, à savoir les parcelles n°s 3715 et 538 de la zone A en zone UA et les parcelles n°s 2930, 3647, 3307, 3648, 3700 2895 et 3650 de la zone A en zone UB, ces modifications procèdent de l'enquête publique et notamment de la volonté des auteurs du PLU de renforcer le poids urbain du " Hameau des Folatières " et de tenir compte de l'artificialisation et de la cristallisation des droits à construire sur des parcelles situées dans le secteur " des Darbaillets " et " des Miaz ". Ces modifications, qui portent respectivement sur 0,4 hectares dans le secteur des Folatières et 0,39 hectares dans les autres, alors que le potentiel urbanisable résiduel est passé de 27 hectares en septembre 2015 à seulement 7,3 hectares dans le plan local d'urbanisme approuvé en litige, ne remettent pas non plus en cause l'économie générale du projet, étant au surplus relevé que le caractère artificiel de cette diminution alléguée par le requérant n'est pas non plus établi. Par ailleurs, le moyen tiré de ce que le règlement écrit aurait fait l'objet de modifications importantes n'est pas assorti de précisions suffisantes permettant d'en apprécier le bien-fondé. Enfin, s'agissant du classement de la parcelle n° 3647 en zone constructible, cette dernière, issue d'une division parcellaire, n'a qu'une superficie de 556 m² et était déjà classée en zone constructible, sans que les auteurs du document d'urbanisme n'aient entendu procéder à son déclassement, et cette modification résulte de l'enquête publique. Par suite, le moyen tiré de ce que la procédure de révision est illégale en ce qu'elle devait être précédée d'une nouvelle enquête publique doit être écarté.
5. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 122-10 du code de l'urbanisme, applicable à la date de la délibération litigieuse : " Les terres nécessaires au maintien et au développement des activités agricoles, pastorales et forestières, en particulier les terres qui se situent dans les fonds de vallée, sont préservées. La nécessité de préserver ces terres s'apprécie au regard de leur rôle et de leur place dans les systèmes d'exploitation locaux. Sont également pris en compte leur situation par rapport au siège de l'exploitation, leur relief, leur pente et leur exposition. ". Ces prescriptions ne sauraient être regardées comme interdisant de classer, dans un plan local d'urbanisme, des terres agricoles dans des zones réservées à des activités économiques autres que l'agriculture ou l'habitat. Elles impliquent toutefois de n'admettre l'urbanisation de ces terres que pour satisfaire des besoins justifiés et dans une mesure compatible avec le maintien et le développement des activités agricoles, pastorales et forestières.
6. Le tracé d'une servitude créant un cheminement piétonnier ne peut être regardé comme constituant une urbanisation des terres et ne méconnaît pas, par suite, les dispositions de l'article L. 122-10 du code de l'urbanisme. Le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions en ce que les terres concernées sont nécessaires au maintien et au développement des activités agricoles et doivent être préservées ne peut, dès lors, qu'être écarté.
7. En dernier lieu, toutefois, aux termes de l'article L. 123-1-5 du code de l'urbanisme dans sa version applicable au litige, dont les dispositions sont à présent reprises à l'article L. 151-38 du code de l'urbanisme : " (...) / IV. Le règlement peut, en matière d'équipement des zones : / 1° Préciser le tracé et les caractéristiques des voies de circulation à conserver, à modifier ou à créer, y compris les rues ou sentiers piétonniers et les itinéraires cyclables, les voies et espaces réservés au transport public et délimiter les zones qui sont ou peuvent être aménagées en vue de la pratique du ski et les secteurs réservés aux remontées mécaniques en indiquant, le cas échéant, les équipements et aménagements susceptibles d'y être prévus ; / (...) ".
8. M. B..., qui justifie suffisamment de sa qualité d'exploitant agricole, a établi le bâtiment principal de son exploitation et un hangar de stockage à Cordon, sur des parcelles classées en zone agricole et respectivement cadastrées section A n° 2488 et n° 423, et il n'est pas sérieusement contesté que les terrains utilisés pour la culture en herbe nécessaire à l'alimentation des animaux se situent sur les parcelles cadastrées section A n°s 2484, 2486, 2487, 417, 419, 421 et 422. Le chemin supportant l'emplacement réservé en litige, dont la dangerosité n'est au demeurant pas établie, est toutefois situé entre son bâtiment d'exploitation et le hangar, scindant ainsi en deux un îlot homogène de pâture et, rendant de ce fait, plus difficile l'exploitation d'une partie des terrains, notamment pour le pâturage des bovins et ovins, et pouvant ainsi être de nature à compromettre la pérennisation de cette exploitation agricole, le commissaire-enquêteur ayant au demeurant lui-même émis un avis favorable au déplacement de ce chemin en limite de parcelle pour ce même motif. Si la commune de Cordon soutient que ce chemin piétonnier existait de longue date à cet endroit et constituait une limite naturelle de parcelles qui n'ont été réunies qu'ultérieurement par le jeu des successions, ses allégations ne ressortent pas des éléments qu'elle produit, le tracé d'un chemin sur ces parcelles et allant jusqu'à un hameau ou le village n'étant notamment pas établi, étant au surplus relevé qu'il n'est ni soutenu ni établi qu'un tel chemin aurait été un ancien sentier ou chemin rural. Dans ces conditions, alors même que la création d'un chemin piétonnier ne peut être regardé comme étant incohérent avec le plan d'aménagement et de développement durables (PADD) qui comprend une orientation visant à prendre en compte le fonctionnement de la desserte et l'accessibilité sur certaines parties du territoire communal en favorisant les cheminements piétonniers inter-hameaux et dans le centre-village, la création d'un cheminement piétonnier scindant en deux l'exploitation agricole de M. B... est entachée d'erreur manifeste d'appréciation.
9. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la délibération en litige, en tant qu'elle porte sur la servitude grevant ses parcelles, et a rejeté son recours gracieux.
Sur les frais liés au litige :
10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la somme que la commune de Cordon demande au titre des frais qu'elle a exposés soit mise à la charge de M. B..., qui n'est pas partie perdante.
11. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la commune de Cordon une somme de 1 500 euros à verser à M. B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
Article 1er : La délibération du 29 juin 2018 du conseil municipal de Cordon approuvant le plan local d'urbanisme de la commune de Cordon est annulée en tant qu'elle porte sur le tracé du cheminement piéton sur les parcelles de M. B..., ainsi que la décision rejetant le recours gracieux.
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Grenoble du 18 octobre 2021 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : La commune de Cordon versera à M. B... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les conclusions de la commune de Cordon présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et à la commune de Cordon.
Délibéré après l'audience du 5 septembre 2023 à laquelle siégeaient :
Mme Monique Mehl-Schouder, présidente de chambre,
Mme Camille Vinet, présidente-assesseure,
Mme Anne-Gaëlle Mauclair, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 26 septembre 2023.
La rapporteure,
A.-G. Mauclair
La présidente,
M. C...
La greffière,
F. Prouteau
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui les concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
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N° 21LY04140