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21/07/2023 | FRANCE | N°22LY00522

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre, 21 juillet 2023, 22LY00522


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... D... a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler la décision du 16 décembre 2020 par laquelle la directrice régionale de l'alimentation, de l'agriculture et de la forêt de Bourgogne-Franche-Comté a confirmé la décision du conseil de discipline du lycée agricole Etienne Munier de B... du 9 novembre 2020 portant exclusion immédiate et définitive de son fils alors mineur, M. A... E..., de cet établissement.

Par un jugement n° 2100999 du 7 octobre 2021, le tribunal administratif

de Dijon a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête en...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... D... a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler la décision du 16 décembre 2020 par laquelle la directrice régionale de l'alimentation, de l'agriculture et de la forêt de Bourgogne-Franche-Comté a confirmé la décision du conseil de discipline du lycée agricole Etienne Munier de B... du 9 novembre 2020 portant exclusion immédiate et définitive de son fils alors mineur, M. A... E..., de cet établissement.

Par un jugement n° 2100999 du 7 octobre 2021, le tribunal administratif de Dijon a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 15 février 2022, Mme C... D..., représentée par la SELARL LEGIS Avocats puis par Me Garniron, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2100999 du 7 octobre 2021 du tribunal administratif de Dijon ;

2°) d'annuler la décision du 16 décembre 2020 par laquelle la directrice régionale de l'alimentation, de l'agriculture et de la forêt de Bourgogne-Franche-Comté a confirmé la décision du conseil de discipline du lycée agricole Etienne Munier de B... du 9 novembre 2020 portant exclusion immédiate et définitive de son fils alors mineur, M. A... E..., de cet établissement ;

3°) d'enjoindre à la directrice régionale de l'alimentation, de l'agriculture et de la forêt de Bourgogne-Franche-Comté d'effacer la sanction du dossier scolaire de son fils dans un délai de quinze jours à compter de la mise à disposition du présent arrêt, et de procéder à sa réinscription dans le lycée précité, en classe de seconde professionnelle " SAPAT " (Services aux personnes et aux territoires) ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros, à verser à son conseil en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Mme D... soutient que :

- sa requête n'est pas tardive et elle justifie d'un intérêt à agir ;

- la procédure de sanction n'a pas respecté la procédure contradictoire prévue par l'article R. 811-39 du code rural et de la pêche maritime, faute de respect du délai de convocation devant le conseil de discipline prévu par l'article D. 511-31 du code de l'éducation ;

- la sanction méconnait l'obligation de réaffectation en cas d'exclusion prévue par l'article D. 511-43 du code de l'éducation, ainsi que l'obligation scolaire prévue par les articles L. 131-1, L. 122-2 et L. 112-1 du même code ;

- la sanction est excessive au regard des fautes commises.

Par un mémoire en défense enregistré le 27 mai 2022, le ministre de l'agriculture et de l'alimentation conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'il s'en rapporte au jugement attaqué et aux écritures en défense de première instance.

Par ordonnance du 26 octobre 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 28 novembre 2022 à 16h30.

Mme D... a produit des pièces par courriels du 2 juillet 2023 puis par courrier enregistré le 6 juillet 2023, après clôture de l'instruction, qui n'ont pas été communiquées.

Par décision du 17 décembre 2021, Mme D... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'éducation ;

- le code rural et de la pêche maritime ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience, à laquelle elles n'étaient ni présentes ni représentées.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Stillmunkes, président-assesseur,

- et les conclusions de Mme Cottier, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... E... est né le 1er décembre 2004. Il était inscrit en classe de seconde professionnelle Services aux personnes et aux territoires (SAPAT) dans le lycée agricole Etienne Munier de B.... Par décision du 9 novembre 2020, le conseil de discipline de cet établissement a prononcé à son encontre une sanction d'exclusion définitive et immédiate, en raison de faits d'introduction dans le lycée d'une arme blanche et de refus de la remettre aux responsables de l'établissement. Sur recours administratif préalable obligatoire, la directrice régionale de l'alimentation, de l'agriculture et de la forêt de Bourgogne-Franche-Comté a confirmé cette sanction par décision du 16 décembre 2020. Par le jugement attaqué du 7 octobre 2021, le tribunal administratif de Dijon a rejeté la demande présentée par Mme D..., alors représentante légale de son fils encore mineur, qui tendait à l'annulation de la décision du 16 décembre 2020 et à ce qu'il soit enjoint à l'administration de réinscrire son fils dans l'établissement.

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 810-1 du code rural et de la pêche maritime : " Les dispositions du code de l'éducation s'appliquent aux formations, établissements et personnels qui relèvent du ministère de l'agriculture, dans le respect du présent titre ".

3. D'une part, aux termes de l'article R. 811-38 du code rural et de la pêche maritime, alors applicable : " Le conseil de discipline de chaque lycée est présidé par le directeur du lycée ou son représentant. Il comprend en outre : / 1° Le conseiller principal d'éducation ou celui qui en fait fonction ; / 2° Trois représentants des personnels enseignants, d'éducation et de surveillance dans les établissements de plus de cent élèves ou deux représentants seulement dans les établissements de moins de cent élèves ; / 3° Un représentant du personnel non enseignant ; / 4° Deux représentants des parents d'élèves pour l'établissement ayant plus de quatre classes ou un représentant pour l'établissement ayant au plus quatre classes ; / 5° Un représentant des élèves. / Les membres du conseil de discipline mentionnés aux 2°, 3°, 4° et 5° du présent article sont respectivement élus par les représentants de ces catégories au conseil intérieur, au sein de chacune d'elles. / Le conseil de discipline s'adjoint, avec voix consultative et sans qu'ils puissent assister au délibéré : / a) Le professeur principal de la classe de l'élève en cause ; / b) Les deux délégués de la classe de l'élève en cause, prévus à l'article R. 811-44 ". Aux termes de l'article R. 811-39 du même code, alors applicable : " Le président du conseil de discipline convoque : / a) L'élève en cause (...) ". En l'absence de dispositions spéciales dans le code rural et de la pêche maritime, les modalités de cette convocation sont fixées par l'article D. 511-31 du code de l'éducation aux termes duquel: " Le chef d'établissement convoque par pli recommandé ou remise en main propre contre signature, au moins cinq jours avant la séance, dont il fixe la date : / 1° L'élève en cause (...) "

4. D'autre part, aux termes de l'article R. 811-42 du code rural et de la pêche maritime, alors applicable : " (...) / Il peut être fait appel des sanctions d'exclusion de plus de huit jours, dans un délai de huit jours, auprès du directeur régional de l'alimentation, de l'agriculture et de la forêt, qui décide, après avis d'une commission régionale réunie sous sa présidence. / Cette commission comprend, outre le directeur régional de l'alimentation, de l'agriculture et de la forêt : / 1° Le chef du service de la formation et du développement ou son représentant ; / 2° Le directeur d'un des centres de formation initiale cités à l'article R. 811-27, désigné par le directeur régional de l'alimentation, de l'agriculture et de la forêt ; / 3° Deux représentants désignés par le directeur régional de l'alimentation, de l'agriculture et de la forêt parmi les personnels enseignants et d'éducation, et deux représentants des parents d'élèves des établissements d'enseignement agricole publics, membres du comité régional de l'enseignement agricole, désignés par le comité. / Pour la désignation de ses représentants, le directeur régional de l'alimentation, de l'agriculture et de la forêt recueille les propositions des organisations syndicales et des associations des parents d'élèves représentés au comité régional de l'enseignement agricole. / (...) / Les modalités prévues pour le conseil de discipline en matière d'exercice des droits de la défense sont applicables à la commission (...) ".

5. Il résulte de l'ensemble de ces dispositions que la garantie consistant, pour l'élève, à être convoqué devant une commission réunissant des représentants des établissements, des enseignants et des parents d'élèves, devant laquelle il pourra exposer sa défense, avant que cette commission ne délibère de sa situation, est prévue, tant pour la décision disciplinaire initiale, que pour la décision disciplinaire prise sur recours administratif préalable obligatoire. Dès lors, un vice tenant aux modalités de convocation devant le conseil de discipline de l'établissement est susceptible d'être purgé durant la procédure de réexamen du dossier dans le cadre d'un recours administratif préalable obligatoire, qui permet que l'élève soit de nouveau convoqué et puisse exposer sa défense devant un organisme collégial offrant des garanties équivalentes de composition et d'exercice des droits de la défense. Le moyen tiré d'un vice entachant les modalités de convocation devant le conseil de discipline est, dès lors, inopérant. Mme D... ne contestant pas les modalités de convocation de son fils devant la commission régionale qui a réexaminé le dossier, aucun vice de procédure n'est, en conséquence, caractérisé.

6. En deuxième lieu, aux termes de l'article R. 810-1 du code rural et de la pêche maritime : " Pour l'application à l'enseignement agricole des dispositions du code de l'éducation dans les conditions prévues par l'article L. 810-1 du présent code, les mots et expressions : " recteur ", " inspecteur d'académie ", " directeur académique des services de l'éducation nationale agissant sur délégation du recteur d'académie " et " autorité académique " désignent le directeur régional de l'alimentation, de l'agriculture et de la forêt (...) ". Aux termes de l'article D. 511-43 du code de l'éducation : " Lorsqu'une sanction d'exclusion définitive est prononcée par le conseil de discipline à l'encontre d'un élève soumis à l'obligation scolaire, le recteur d'académie ou le directeur académique des services de l'éducation nationale agissant sur délégation du recteur d'académie, selon le cas, en est immédiatement informé et pourvoit aussitôt à son inscription dans un autre établissement ou centre public d'enseignement par correspondance. En outre, il peut, compte tenu des circonstances ayant conduit à l'exclusion définitive de l'élève et des besoins spécifiques de ce dernier, procéder à son inscription, à titre transitoire et dans la limite d'une année scolaire, dans une classe relais de cet établissement ou d'un établissement tiers (...) ". Ces dernières dispositions ont vocation à définir les suites qu'appelle une sanction d'exclusion, afin de respecter l'obligation scolaire. Elles ne sont en revanche pas applicables aux décisions de sanction elles-mêmes. Le moyen tiré de ce que la procédure d'inscription dans un autre établissement n'aurait pas été régulièrement mise en œuvre est, dès lors, sans incidence utile sur la légalité de la sanction en litige.

7. En troisième lieu, aux termes de l'article D. 811-42 du code rural et de la pêche maritime : " (...) / [Le conseil de discipline] peut prononcer selon la gravité des faits : / a) L'avertissement ; / b) Le blâme ; / c) L'exclusion temporaire de l'établissement, de l'internat ou de la demi-pension ; / d) L'exclusion définitive de l'internat ou de la demi-pension ; / e) L'exclusion définitive de l'établissement (...) ".

8. Il ressort des pièces du dossier qu'après l'assassinat terroriste de l'enseignant Samuel Paty par arme blanche le 16 octobre 2020, la sécurité des établissements scolaires a été spécialement renforcée dans le cadre d'un plan Vigipirate, qui a été porté au niveau " urgence attentat ". Dans ce contexte, il est constant que M. E... s'est présenté le 3 novembre 2020 dans son lycée avec une arme blanche, qu'il a exhibée en cours. Plusieurs élèves ont alors prévenu la conseillère principale d'éducation. En dépit des demandes réitérées de cette dernière, l'élève a refusé de lui remettre l'arme. Elle a alors été contrainte de faire appel aux services de police, qui ont emmené l'élève au commissariat. Il ressort par ailleurs des pièces du dossier et notamment du procès-verbal du conseil de discipline que M. E... cumule les retards et les exclusions de cours, et qu'il a par ailleurs également fait l'objet de sept exclusions de cours pour motifs de comportement, ainsi que de quatre rapports d'incident. La décision du 16 décembre 2020 souligne qu'il a fait l'objet de nombreuses punitions, notamment pour insultes envers ses camarades, refus d'obéir au professeur et geste menaçant envers une camarade, et qu'une sanction d'avertissement venait de lui être infligée le 7 octobre 2020. Si la requérante allègue que l'arme serait une copie en matériaux peu dangereux, gagnée sur une foire, le fait de brandir délibérément une arme présentant un aspect de dangerosité et pouvant constituer une menace, à un moment où un climat de tension important pesait sur les établissements, en refusant de se soumettre aux injonctions des autorités scolaires et en créant ainsi un incident grave et anormalement prolongé, constitue une faute d'une gravité certaine, qui s'inscrit en outre en l'espèce dans un comportement marqué par des difficultés disciplinaires et relationnelles récurrentes. La requérante indique au demeurant elle-même que le juge des enfants de B... a décidé un avertissement à l'encontre de M. E..., et ordonné la destruction du couteau, qui ne peut donc être regardé ainsi qu'elle le prétend, comme un objet anodin. Par ailleurs, si la requérante fait valoir que son fils aurait des difficultés scolaires et invoque son état de santé, la sanction est sans lien avec une situation de handicap et se fonde uniquement sur le comportement disciplinaire grave qui vient d'être exposé. La directrice régionale de l'alimentation, de l'agriculture et de la forêt de Bourgogne-Franche-Comté n'a, ainsi, entaché sa décision d'aucune erreur d'appréciation en confirmant la sanction d'exclusion définitive prononcée par le conseil de discipline.

9. Il résulte de tout ce qui précède que Mme D... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme D... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... D... et à le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire.

Délibéré après l'audience du 6 juillet 2023, à laquelle siégeaient :

M. Pourny, président de chambre,

M. Stillmunkes, président assesseur,

Mme Bentéjac, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 juillet 2023.

Le rapporteur,

H. Stillmunkes

Le président,

F. Pourny La greffière,

E. Labrosse

La République mande et ordonne au ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 22LY00522


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 22LY00522
Date de la décision : 21/07/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Enseignement et recherche - Questions propres aux différentes catégories d'enseignement - Enseignement agricole.

Procédure - Introduction de l'instance - Liaison de l'instance - Recours administratif préalable.


Composition du Tribunal
Président : M. POURNY
Rapporteur ?: M. Henri STILLMUNKES
Rapporteur public ?: Mme COTTIER
Avocat(s) : LEGIS AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2023-07-21;22ly00522 ?
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