Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme C... A... épouse B... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 21 janvier 2022 par lequel la préfète de l'Ain a refusé de l'admettre au séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être reconduite d'office et d'enjoindre à la préfète de l'Ain de réexaminer sa situation et, dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour.
Par un jugement n° 2202913 du 23 juin 2022, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 16 novembre 2022, Mme B..., représentée par Me Naili, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement et cet arrêté ;
2°) d'enjoindre à la préfète de l'Ain de réexaminer sa situation et, dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans le délai d'une semaine ;
3°) mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, à verser à son conseil sous réserve qu'il renonce à percevoir la part contributive de l'Etat.
Elle soutient que :
- le jugement est irrégulier : la minute n'est pas signée et le jugement est entaché d'erreur de fait et d'appréciation en ce qui concerne l'atteinte à sa vie privée et familiale et en ce qui concerne l'atteinte à l'intérêt supérieur de ses trois enfants ;
- l'arrêté attaqué a été pris par une personne ne bénéficiant pas d'une délégation de signature ;
Sur le refus de titre de séjour :
- il a été pris en méconnaissance du principe général des droits de la défense ;
- les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et celles de l'article 6, 5) de l'accord franco-algérien ont été méconnues ;
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français sans délai :
- elle est illégale en conséquence de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour ;
- elle méconnait les dispositions des articles L. 611-1 et L. 611-3, 5° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'elle est de nationalité française, par filiation ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
Sur la décision fixant le délai de départ volontaire et la décision fixant le pays de renvoi :
- elles doivent être annulées en conséquence de l'annulation des décisions précédentes.
Par un mémoire en défense enregistré le 23 janvier 2023, la préfète de l'Ain conclut au rejet de la requête.
Elle soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés.
Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 19 octobre 2022.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- l'accord du 27 décembre 1968 relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience au cours de laquelle elles n'étaient ni présentes, ni représentées.
Le rapport de Mme Bentéjac, première conseillère, a été entendu au cours de l'audience.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B..., ressortissante algérienne, née en 1995, est entrée en France le 10 octobre 2018, avec son époux et ses deux enfants mineurs. Sa demande d'asile a été rejetée le 25 novembre 2019 par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et le 14 février 2020 par la Cour nationale du droit d'asile. Après avoir sollicité la délivrance d'un certificat de résidence sur le fondement du 5) de l'article 6 de l'accord franco-algérien, elle a fait l'objet, par arrêté du 21 janvier 2022 de la préfète de l'Ain, de décisions lui refusant la délivrance d'un titre de séjour et lui faisant obligation de quitter le territoire français. Par un jugement du 23 juin 2022, dont Mme B... relève appel, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions.
Sur la régularité du jugement :
2. D'une part, aux termes de l'article R. 741-7 du code de justice administrative : " Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience ". Il ressort des pièces du dossier que la minute du jugement attaqué comporte les signatures de la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Lyon et de la greffière d'audience. Ainsi, le moyen tiré de ce que le jugement attaqué serait entaché d'une irrégularité au regard de ces dispositions ne peut qu'être écarté.
3. D'autre part, Mme B... soutient que les premiers juges ne pouvaient retenir, sans commettre d'erreur de droit et d'erreur d'appréciation, que l'arrêté ne portait pas atteinte à sa vie privée et familiale et à l'intérêt supérieur de ses enfants. Toutefois, un tel moyen se rattache au bien-fondé de la décision juridictionnelle et ne constitue pas un moyen d'irrégularité du jugement.
Sur le moyen commun aux différentes décisions :
4. Pour les motifs retenus par le tribunal et que la cour fait siens en l'absence de tout nouvel élément produit en appel, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte en l'absence de délégation de signature régulièrement publiée doit être écarté.
Sur la légalité du refus de titre de séjour :
5. En premier lieu, Mme B... soutient que la préfète ne pouvait, sans méconnaître les droits de la défense et plus particulièrement son droit à être entendue, prendre une décision lui refusant le séjour en France sans lui demander de présenter, préalablement, des observations écrites et, éventuellement orales. Toutefois, en déposant, le 7 avril 2021, une demande de titre de séjour sur le fondement du 5) de l'article 6 de l'accord franco-algérien, elle a nécessairement été amenée à porter à la connaissance de la préfète les éléments qu'il lui semblait pertinents à l'appui de sa demande de titre de séjour et il ne ressort pas des pièces du dossier qu'elle aurait été empêchée de s'exprimer avant que ne soit prise la décision qui a statué sur sa propre demande.
6. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 121-1 du même code : " Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application de l'article L. 211-2, ainsi que les décisions qui, bien que non mentionnées à cet article, sont prises en considération de la personne, sont soumises au respect d'une procédure contradictoire préalable ". Aux termes de l'article L. 122-1 du même code, relatif aux modalités de mise en œuvre de la procédure contradictoire : " Les décisions mentionnées à l'article L. 211-2 n'interviennent qu'après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales (...) ". La décision en litige intervenant suite à la demande de Mme B..., le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées est inopérant.
7. En troisième lieu, aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien : " (...) / Le certificat de résidence d'un an portant la mention "vie privée et familiale" est délivré de plein droit : / (...) / 5. Au ressortissant algérien qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus (...) ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
8. Il ressort des pièces du dossier que Mme B... est née en août 1995 et est de nationalité algérienne. Elle déclare être entrée en France le 10 octobre 2018 avec son époux et leurs deux enfants mineurs. Le couple a eu un troisième enfant, né sur le territoire français, en janvier 2020. M. et Mme B... ont tous les deux sollicité l'asile qui leur a été refusé tant par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides que par la Cour nationale du droit d'asile. Mme B... ne se prévaut d'aucune intégration particulière en France autre que la présence, sur le territoire, de Mme D... E... dont elle indique qu'elle est sa mère. Toutefois, aucune pièce ne permet d'attester l'existence d'un lien de parenté entre les deux femmes, ce que la préfète a d'ailleurs relevé dans l'arrêté attaqué. Son époux fait également l'objet d'une décision portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français. Aussi, compte tenu du caractère récent de son entrée sur le territoire français à la date de la décision attaquée, et eu égard, en particulier aux conditions de son séjour en France, la préfète de l'Ain n'a pas, en refusant le séjour à Mme B..., porté une atteinte excessive à son droit au respect de sa vie privée et familiale, au regard des buts que la décision poursuivait. Les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations précitées de l'article 6, 5° de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doivent, en conséquence, être écartés.
Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :
9. En premier lieu, aux termes de l'article L. 111-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sont considérées comme étrangers au sens du présent code les personnes qui n'ont pas la nationalité française, soit qu'elles aient une nationalité étrangère, soit qu'elles n'aient pas de nationalité ". Aux termes de l'article 18 du code civil : " Est français l'enfant dont l'un des parents au moins est français ". Aux termes de l'article 29 du code civil : " La juridiction civile de droit commun est seule compétente pour connaître des contestations sur la nationalité française ou étrangère des personnes physiques. Les questions de nationalité sont préjudicielles devant toute autre juridiction de l'ordre administratif ou judiciaire ". Il résulte, enfin, de l'article 30 du code civil que la charge de la preuve, en matière de nationalité française, incombe à celui dont la nationalité est en cause, sauf s'il est titulaire d'un certificat de nationalité française.
10. A l'appui de son recours tendant à l'annulation de la décision prise à son encontre par la préfète de l'Ain, Mme B... soutient être de nationalité française. Elle indique être la fille de Mme D... E... qui est née française. Mme B... ne dispose toutefois d'aucun certificat de nationalité française. Elle indique avoir entamé les démarches pour ce faire, la préfète faisant valoir que cette demande a été rejetée en premier ressort. En tout état de cause, le lien de filiation avec Mme D... E..., contesté par la préfète de l'Ain, ne ressort aucunement des pièces du dossier. Aussi, la requérante ne peut sérieusement soutenir qu'elle ne peut faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire car elle est de nationalité française.
11. En deuxième lieu, compte-tenu de ce qui a été dit précédemment, Mme B... n'est pas fondée à exciper de l'illégalité de la décision portant refus de séjour au soutien de ses conclusions à fin d'annulation dirigées contre la décision portant obligation de quitter le territoire français.
12. En troisième lieu, en l'absence de tout autre argument, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, doit être écarté pour les motifs qui ont été exposés précédemment.
13. Enfin, pour les mêmes motifs que précédemment et dès lors que le maintien sur le territoire national des trois enfants de la requérante n'est pas une condition nécessaire à la poursuite de leur scolarité, la préfète, en édictant la mesure d'éloignement contestée, n'a pas porté atteinte à l'intérêt supérieur de ces enfants. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention relative aux droits de l'enfant doit être écarté.
Sur la légalité des décisions fixant le délai de départ volontaire et fixant le pays de destination :
14. Il résulte de ce qui vient d'être dit que Mme B... n'est pas fondée à exciper de l'illégalité des décisions portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français au soutien de ses conclusions à fin d'annulation dirigées contre les décisions fixant un délai de départ volontaire et le pays de destination.
15. Il découle de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... A... épouse B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée à la préfète de l'Ain.
Délibéré après l'audience du 6 juillet 2023, à laquelle siégeaient :
M. Pourny, président de chambre,
M. Stillmunkes, président assesseur,
Mme Bentéjac, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 juillet 2023.
La rapporteure,
C. Bentéjac
Le président,
F. Pourny
La greffière,
E. Labrosse
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
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N° 22LY03320