La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

29/06/2023 | FRANCE | N°22LY03569

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre, 29 juin 2023, 22LY03569


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 24 octobre 2022 par lequel la préfète de la Drôme l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné d'office et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de trois ans, en l'informant qu'il faisait l'objet d'un signalement à fin de non admission dans le système d'information Schengen ainsi que la décision

implicite par laquelle cette autorité lui a refusé le renouvellement de son titre d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 24 octobre 2022 par lequel la préfète de la Drôme l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné d'office et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de trois ans, en l'informant qu'il faisait l'objet d'un signalement à fin de non admission dans le système d'information Schengen ainsi que la décision implicite par laquelle cette autorité lui a refusé le renouvellement de son titre de séjour.

Par jugement n° 2208019 du 3 novembre 2022, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a, dans un article 2, annulé en tant qu'elle désigne le pays dont M. B... a la nationalité, la décision du 24 octobre 2022 par laquelle la préfète de la Drôme a fixé le pays à destination duquel l'intéressé pourra être éloigné d'office et, dans un article 3, a rejeté le surplus des conclusions de la demande.

Procédure devant la cour

Par requête et un mémoire, enregistrés les 6 décembre 2022 et 3 mai 2023, la préfète de la Drôme demande à la cour d'annuler l'article 2 du jugement du 3 novembre 2022 et de rejeter les conclusions présentées par la voie de l'appel incident par M. B....

Elle soutient que :

- M. B..., qui représente une menace grave pour la sûreté de l'Etat, a été mis en mesure de faire valoir ses observations lors de la notification de la mesure d'éloignement et n'a pas fait état des risques encourus en cas de retour en Russie ;

- il ne se prévaut d'aucune crainte de persécutions en cas de retour dans son pays d'origine au regard de celles qui avait justifié l'octroi du statut de réfugié obtenu en 2004 ;

- les conclusions présentées à titre incident par M. B... sont irrecevables car tardives ;

- les moyens soulevés par la voie de l'appel incident ne sont pas fondés.

Par un mémoire, enregistré le 25 avril 2023, M. B..., représenté par Me Messaoud, conclut au rejet de la requête et demande, par la voie de l'appel incident :

1°) l'annulation de l'article 3 du jugement attaqué et celle des décisions portant obligation de quitter le territoire français sans délai et interdiction de retour sur le territoire français ;

2°) d'enjoindre à la préfète de la Drôme de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans l'attente du réexamen de sa demande ;

3°) d'enjoindre à la préfète de la Drôme d'effacer son signalement aux fins de non-admission dans le système d'informations Schengen ;

4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 500 euros, au profit de son conseil, en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.

Il fait valoir que :

- c'est à bon droit que le magistrat désigné a annulé la décision fixant le pays de renvoi ;

- le premier juge ne pouvait légalement opérer une substitution de base légale concernant la décision portant obligation de quitter le territoire français au profit du 5°) de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il n'entre pas dans ces prescriptions ;

- la mesure d'éloignement méconnaît le 3°) et le 5°) de l'article L. 611-3 du code précité ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et celles des articles 3-1 et 9 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ainsi que l'article 24 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- elle est entachée d'un détournement de pouvoir ;

- l'annulation de la décision fixant le pays de renvoi impliquait l'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

- la décision portant refus de délai de départ volontaire est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français et dès lors qu'il ne constitue pas une menace pour l'ordre public ;

- l'interdiction de retour est illégale en raison de l'illégalité des décisions susvisées ;

- elle est entachée d'erreur d'appréciation.

Par une lettre du 9 mai 2023, les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que la cour est susceptible de relever d'office un moyen d'ordre public tiré de l'incompétence du juge statuant seul pour prononcer une substitution de base légale de l'obligation de quitter le territoire fondée sur le 1° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile au profit du 5° du même article.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 18 janvier 2023.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridictionnelle ;

- le décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Le rapport de Mme Rémy-Néris, première conseillère, ayant été entendu au cours de l'audience publique ;

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant russe né le 28 septembre 1985, déclare être entré irrégulièrement sur le territoire français le 7 novembre 2004 pour y solliciter l'asile. Après s'être vu octroyer le statut de réfugié par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) du 7 avril 2005, l'intéressé a bénéficié, à ce titre, de deux cartes de résident dont la dernière était valable du 20 mars 2015 au 21 mars 2025. M. B... a été condamné par le tribunal correctionnel de Valence, le 12 février 2019, à une peine d'emprisonnement ainsi que le 3 février 2020 pour des faits notamment de violences à l'égard de son épouse. Dans ces conditions, la préfète de la Drôme a décidé, le 18 décembre 2020, d'engager une procédure de retrait de sa seconde carte de résident et de lui délivrer un titre de séjour temporaire mention " vie privée familiale " valable du 29 janvier 2021 au 28 janvier 2022. Par une décision du 18 novembre 2021, le directeur général de l'OFPRA a mis fin à son statut de réfugié en application du 1° de l'article L. 511-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. M. B... a alors sollicité les services de la préfecture de la Drôme afin de renouveler sa carte de séjour temporaire. Il a été condamné par le tribunal correctionnel de Valence, le 23 mai 2022, à une peine d'emprisonnement pour des faits de violence sur un sapeur-pompier sans incapacité et sur personne dépositaire de l'autorité publique suivie d'incapacité n'excédant pas huit jours et rébellion. M. B... a été écroué au centre pénitentiaire de Valence du 20 mai au 26 octobre 2022. Par un arrêté du 24 octobre 2022, la préfète de la Drôme l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné d'office et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de trois ans. La préfète de la Drôme relève appel de l'article 2 du jugement par lequel le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Lyon a annulé la décision du 24 octobre 2022 fixant le pays à destination duquel M. B... pourra être éloigné d'office en tant qu'elle désigne le pays dont il a la nationalité tandis que l'intéressé présente, par la voie de l'appel incident, des conclusions tendant à l'annulation de l'article 3 dudit jugement en tant qu'il rejette ses conclusions d'annulation dirigées contre les décisions portant obligation de quitter le territoire français sans délai et interdiction de retour sur le territoire français.

Sur l'appel principal :

2. Il résulte du paragraphe 4 de l'article 14 de la directive du 13 décembre 2011 dont l'article L. 711-6 devenu L. 511-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile a pour objet d'assurer la transposition, tel qu'interprété par l'arrêt C-391/16, C-77/17 et C-78/17 du 14 mai 2019 de la Cour de justice de l'Union européenne, que la " révocation " du statut de réfugié, que ses dispositions prévoient, ne saurait avoir pour effet de priver de la qualité de réfugié le ressortissant d'un pays tiers ou l'apatride concerné qui remplit les conditions pour se voir reconnaître cette qualité au sens du A de l'article 1er de la convention de Genève. Par suite, la perte du statut de réfugié résultant de l'application des dispositions précités du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne saurait avoir une incidence sur la qualité de réfugié, que l'intéressé est réputé avoir conservée dans l'hypothèse où l'OFPRA et, le cas échéant, le juge de l'asile, font application de l'article L. 711-6 devenu L. 511-7, dans les limites prévues par l'article 33, paragraphe 1, de la convention de Genève et le paragraphe 6 de l'article 14 de la directive du 13 décembre 2011.

3. Il résulte de l'article 33 de la convention de Genève et de l'article 21 de la directive du 13 décembre 2011 que les Etats membres peuvent déroger au principe de non-refoulement lorsqu'il existe des raisons sérieuses de considérer que le réfugié représente un danger pour la sécurité de l'Etat membre où il se trouve ou lorsque, ayant été condamné définitivement pour un crime particulièrement grave, il constitue une menace pour la société de cet Etat. Toutefois, ainsi que l'a jugé la Cour de justice de l'Union européenne par l'arrêt du 14 mai 2019 précité, un Etat membre ne saurait éloigner un réfugié lorsqu'il existe des motifs sérieux et avérés de croire qu'il encourt dans le pays de destination un risque réel de subir des traitements prohibés par les articles 4 et 19 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne. Ainsi, lorsque le refoulement d'un réfugié relevant de l'une des hypothèses prévues au 4 de l'article 14 ainsi qu'au 2 de l'article 21 de la directive du 13 décembre 2011 ferait courir à celui-ci le risque que soient violés ses droits fondamentaux consacrés à l'article 4 et à l'article 19 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'État membre concerné ne saurait déroger au principe de non-refoulement sur le fondement du 2 de l'article 33 de la convention de Genève.

4. Il appartient à l'étranger qui conteste son éloignement de démontrer qu'il y a des raisons sérieuses de penser que, si la mesure incriminée était mise à exécution, il serait exposé à un risque réel de se voir infliger des traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ou aux articles 4 et 19 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne. Toutefois, ainsi qu'il ressort de l'arrêt du 15 avril 2021 de la Cour européenne des droits de l'homme K.I. contre France (n° 5560/19), le fait que la personne ait la qualité de réfugié est un élément qui doit être particulièrement pris en compte par les autorités et qui représente le point de départ quant à l'analyse de la situation actuelle de la personne. Dès lors, la personne à qui le statut de réfugié a été refusé ou retiré ne peut être éloignée que si, au terme d'un examen approfondi et complet de sa situation, et de la vérification qu'elle possède encore ou non la qualité de réfugié, il est conclu, en cas d'éloignement, à l'absence de risque au regard des stipulations précitées.

5. Pour édicter la décision fixant le pays de renvoi de l'intéressé et désigner notamment celui dont il a la nationalité, la préfète de la Drôme a relevé que M. B... n'alléguait pas être exposé à des peines ou traitements contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour dans son pays d'origine sans prendre en compte la situation particulière de M. B... lequel avait conservé la qualité de réfugié quand bien même il s'est vu retiré le statut de réfugié par décision du directeur de l'OFPRA du 18 novembre 2021. Au surplus, contrairement à ce que fait valoir la préfète, il ne ressort pas des pièces du dossier que M. B... a été à un moment quelconque de la procédure informé du risque de renvoi en Russie et mis à même de présenter des observations sur les risques qu'il pouvait encourir en cas de retour et si ceux qui existaient à la date à laquelle le statut de réfugié lui a été accordé perduraient à la date de la décision en litige. Dans ces conditions, c'est à bon droit que le premier juge a annulé la décision fixant le pays à destination duquel M. B... pourra être éloigné d'office en tant qu'elle désigne le pays dont il a la nationalité au motif que la préfète de la Drôme n'a pas vérifié si M. B... possédait encore ou non la qualité de réfugié ni procédé à un examen complet et approfondi de la situation personnelle de l'intéressé au regard des risques encourus en cas d'éloignement à destination de la Russie.

Sur la recevabilité de l'appel incident :

6. Lorsque le préfet a fait appel de l'article du jugement par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif a annulé sa décision fixant le pays à destination duquel un étranger sera reconduit, cet étranger est recevable, par la voie de l'appel incident, à contester par la voie de l'appel incident, recevable sans condition de délai, l'article du même jugement rejetant ses conclusions dirigées contre les décisions portant obligation de quitter le territoire français sans délai et interdiction de retour sur le territoire français. Par suite, la préfète de la Drôme n'est pas fondée à soutenir que les conclusions à fin d'appel incident présentées par M. B... seraient irrecevables.

Sur la régularité de l'article 3 du jugement :

7. Aux termes de l'article L. 614-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsque la décision portant obligation de quitter le territoire français prise en application des 3°, 5° ou 6° de l'article L. 611-1 est assortie d'un délai de départ volontaire, le tribunal administratif est saisi dans le délai de trente jours suivant la notification de la décision. / L'étranger peut demander le bénéfice de l'aide juridictionnelle au plus tard lors de l'introduction de sa requête en annulation. / Le tribunal administratif statue dans un délai de trois mois à compter de sa saisine. " Aux termes de l'article L. 614-6 du même code : " Lorsque la décision portant obligation de quitter le territoire français n'est pas assortie d'un délai de départ volontaire, le président du tribunal administratif peut être saisi dans le délai de quarante-huit heures suivant la notification de la mesure. / Il est statué sur ce recours selon la procédure et dans les délais prévus, selon le fondement de la décision portant obligation de quitter le territoire français, aux articles L. 614-4 ou L. 614-5. "

8. Dans l'hypothèse où, saisi d'un recours pour excès de pouvoir exercé à l'encontre d'une décision portant obligation de quitter le territoire français fondée sur le 1°) de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le président du tribunal administratif ou le magistrat qu'il désigne à cette fin constate que cette décision aurait pu être prise, en vertu du même pouvoir d'appréciation, sur le fondement du 5°) du même article, il ne peut, dès lors que le législateur a expressément prévu la compétence de la formation collégiale du tribunal administratif pour statuer sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français fondées sur ces dispositions, procéder à une substitution de la base légale de la décision attaquée sans renvoyer l'examen du recours à cette formation de jugement.

9. Il résulte de ce qui précède que le premier juge ne pouvait opérer une substitution de base légale concernant la décision portant obligation de quitter le territoire français entre le 1°) et le 5°) de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sans renvoyer l'examen de la légalité de cette décision à la formation collégiale de jugement. Par suite, le jugement attaqué doit être annulé en tant qu'il a statué sur les conclusions de M. B... dirigées contre la décision portant obligation de quitter le territoire français et les décisions portant refus de délai de départ volontaire, fixant le pays de renvoi en tant qu'elle désigne tout autre pays que le pays d'origine de l'intéressé où il est légalement admissible et interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trois ans.

10. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur les conclusions présentées par M. B... devant le tribunal administratif de Lyon tendant à l'annulation des décisions précitées.

Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens :

11. Aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : / 1° L'étranger, ne pouvant justifier être entré régulièrement sur le territoire français, s'y est maintenu sans être titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; / (...) 5° Le comportement de l'étranger qui ne réside pas régulièrement en France depuis plus de trois mois constitue une menace pour l'ordre public ; (...) ". Aux termes de l'article L. 431-5 du même code : " La délivrance d'un document provisoire délivré à l'occasion d'une demande de titre de séjour, d'une attestation de demande d'asile ou d'une autorisation provisoire de séjour n'a pas pour effet de régulariser les conditions de l'entrée en France, sauf s'il s'agit d'un étranger qui s'est vu reconnaître la qualité de réfugié ou accorder le bénéfice de la protection subsidiaire en application du livre V. "

12. D'une part, il ressort de la décision en litige que la préfète de la Drôme s'est fondée, pour obliger M. B... à quitter le territoire français, sur les dispositions précitées du 1° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Toutefois, dès lors que M. B... s'est vu reconnaître la qualité de réfugié par décision de l'OFPRA du 7 avril 2005 et alors même que le directeur général de l'OFPRA a mis fin à son statut de réfugié par une décision du 18 novembre 2021, la perte de ce statut étant sans incidence sur la qualité de réfugié, que l'intéressé est réputé avoir conservée, une telle reconnaissance a eu pour effet de régulariser ses conditions d'entrée en France ainsi que le prévoient les dispositions précitées de l'article L. 431-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, M. B... doit être regardé comme justifiant être entré régulièrement sur le territoire français et la préfète de la Drôme ne pouvait légalement fonder la décision litigieuse sur les dispositions du 1°) de l'article L. 611-1 du code précité.

13. D'autre part, il ressort des pièces du dossier qu'à la date de la décision contestée soit le 24 octobre 2022, M. B... ne résidait plus régulièrement sur le territoire français en raison de l'expiration le 31 juillet 2022 de son récépissé de demande de renouvellement d'un titre de séjour. S'il ressort de la décision litigieuse que la préfète de la Drôme a visé comme fondement de la mesure d'éloignement les dispositions précitées du 1° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile tout en motivant la décision en litige sur la menace que constitue le comportement de M. B... pour l'ordre public, la décision litigieuse ne saurait davantage être légalement fondée sur les dispositions du 5°) de l'article L. 611-1, comme le demande la préfète au titre d'une substitution de base légale, dès lors que l'intéressé n'entrait pas dans les prescriptions de ces dispositions et ne résidait pas irrégulièrement sur le territoire français depuis plus de trois mois. Par suite, M. B... est fondé à soutenir que la décision portant obligation de quitter le territoire français en litige est dépourvue de base légale et qu'elle doit être annulée ainsi que, par voie de conséquence, les décisions subséquentes refusant de lui accorder un délai de départ volontaire et portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trois ans.

14. Il résulte de ce qui précède que la préfète de la Drôme n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par l'article 2 du jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a annulé sa décision du 24 octobre 2022 fixant le pays à destination duquel M. B... pourra être éloigné d'office en tant qu'elle désigne le pays dont il a la nationalité. M. B... est fondé à demander l'annulation des décisions portant obligation de quitter le territoire français, refusant de lui octroyer un délai de départ volontaire, fixant le pays de renvoi en tant qu'elle désigne tout autre pays que le pays d'origine de l'intéressé où il est légalement admissible et portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trois ans prises à son encontre.

Sur l'injonction :

15. D'une part, aux termes de l'article L. 614-16 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Si la décision portant obligation de quitter le territoire français est annulée, (...) l'étranger est muni d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que l'autorité administrative ait à nouveau statué sur son cas ". Le présent arrêt annulant l'obligation faite à l'intéressé de quitter le territoire et les décisions subséquentes implique nécessairement, en application de l'article L. 614-16 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que la préfète de la Drôme délivre sans délai à M. B... une autorisation provisoire de séjour.

16. D'autre part, l'annulation de l'interdiction de retour prise à l'encontre de M. B... implique nécessairement l'effacement du signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen résultant de cette décision. Il y a lieu, dès lors, d'enjoindre à la préfète de la Drôme de mettre en œuvre la procédure d'effacement de ce signalement aux fins de non admission dans le système d'information Schengen dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.

Sur les frais liés au litige :

17. Le requérant a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par suite, son avocate peut se prévaloir des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Messaoud, avocate du requérant, renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle, de mettre à la charge de ce dernier le versement à Me Messaoud de la somme de 1 000 euros.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la préfète de la Drôme est rejetée.

Article 2 : L'article 3 du jugement n° 2208019 du 3 novembre 2022 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon est annulé en tant qu'il a rejeté les conclusions de M. B... dirigées contre la décision portant obligation de quitter le territoire français et les décisions portant refus de délai de départ volontaire, fixant le pays de renvoi en tant qu'elle désigne tout autre pays que le pays d'origine de l'intéressé où il est légalement admissible et portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trois ans.

Article 3 : Les décisions portant obligation de quitter le territoire français, portant refus de délai de départ volontaire, fixant le pays de renvoi en tant qu'elle désigne tout autre pays que le pays d'origine de l'intéressé où il est légalement admissible et portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trois ans édictées à l'encontre de M. B... sont annulées.

Article 4 : Il est enjoint à la préfète de la Drôme de délivrer, sans délai, une autorisation provisoire de séjour à M. B....

Article 5 : Il est enjoint à la préfète de la Drôme de mettre en œuvre la procédure d'effacement du signalement de M. B... aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 6 : L'Etat versera une somme de 1 000 euros à Me Messaoud, conseil de M. B..., au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que celle-ci renonce à la part contributive de l'Etat.

Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à la préfète de la Drôme, au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à M. C... B....

Copie en sera adressée au procureur de la République près le tribunal judiciaire de Valence en application en application de l'article R. 751-11 du code de justice administrative.

Délibéré après l'audience du 8 juin 2023, à laquelle siégeaient :

M. Bourrachot, président de chambre,

Mme Dèche, présidente assesseure,

Mme Rémy-Néris, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 29 juin 2023.

La rapporteure,

V. Rémy-NérisLe président,

F. Bourrachot

La greffière,

A-C. Ponnelle

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 22LY03569

KC


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 22LY03569
Date de la décision : 29/06/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. BOURRACHOT
Rapporteur ?: Mme Vanessa REMY-NERIS
Rapporteur public ?: Mme LE FRAPPER
Avocat(s) : MESSAOUD

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2023-06-29;22ly03569 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award