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29/06/2023 | FRANCE | N°22LY00293

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre, 29 juin 2023, 22LY00293


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SAS XPO Distribution France a demandé au tribunal administratif de Lyon de réformer la décision du 19 décembre 2019 par laquelle le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi d'Auvergne-Rhône-Alpes lui a infligé une amende de 1 230 000 euros et d'annuler la décision du ministre de l'économie, des finances et de la relance rejetant implicitement son recours hiérarchique.

Par un jugement n° 2005800 du 30 novembre 2021, le tribunal administ

ratif de Lyon a rejeté la demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SAS XPO Distribution France a demandé au tribunal administratif de Lyon de réformer la décision du 19 décembre 2019 par laquelle le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi d'Auvergne-Rhône-Alpes lui a infligé une amende de 1 230 000 euros et d'annuler la décision du ministre de l'économie, des finances et de la relance rejetant implicitement son recours hiérarchique.

Par un jugement n° 2005800 du 30 novembre 2021, le tribunal administratif de Lyon a rejeté la demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 28 janvier 2022, ensemble un mémoire complémentaire enregistré le 28 novembre 2022, la SAS XPO Distribution France, représentée par Me Douineau, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2005800 du 30 novembre 2021 du tribunal administratif de Lyon ;

2°) de réformer la décision du 19 décembre 2019 par laquelle le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi d'Auvergne-Rhône-Alpes lui a infligé une amende de 1 230 000 euros et la décision du ministre de l'économie, des finances et de la relance rejetant implicitement son recours hiérarchique, en tant que le montant de l'amende n'a pas été substantiellement minoré ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La SAS XPO Distribution France soutient que :

* c'est à tort que la sanction a été évaluée en fonction de l'avantage de trésorerie que les retards de paiement lui ont procuré, et non en fonction du préjudice de trésorerie causé aux entreprises victimes, qui n'a été que marginal ;

* c'est à tort que n'ont pas été pris en compte pour évaluer la sanction les retards de paiement dont elle a elle-même été victime ;

* c'est à tort que n'ont pas été prises en compte dans l'évaluation de la sanction les mesures correctrices qu'elle a définies pour l'avenir ;

* c'est à tort que n'ont pas été prises en compte pour évaluer la sanction les difficultés objectives liées à certaines factures ;

* la sanction infligée est disproportionnée eu égard au taux de manquements, à sa situation de trésorerie et au plafond légal de pénalité.

Par un mémoire en défense enregistré le 8 septembre 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête au motif que les moyens invoqués ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 26 octobre 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 28 novembre 2022 à 16h30. Par ordonnance du 28 novembre 2022, la clôture d'instruction a été reportée au 30 décembre 2022 à 16h30.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

* la Constitution et la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, notamment son article 8 ;

* le code de commerce ;

* le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

* le rapport de M. Stillmunkes, président-assesseur,

* les conclusions de Mme Cottier, rapporteure publique,

* les observations de Me Douineau, représentant la société XPO Distribution France,

* et les observations de M. A..., représentant le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article L. 441-6 du code de commerce applicable durant la période en litige, actuellement transféré aux articles L. 441-10, L. 441-11 et L. 441-16 : " I. - (...) / Sauf dispositions contraires figurant aux conditions de vente ou convenues entre les parties, le délai de règlement des sommes dues est fixé au trentième jour suivant la date de réception des marchandises ou d'exécution de la prestation demandée. / Le délai convenu entre les parties pour régler les sommes dues ne peut dépasser soixante jours à compter de la date d'émission de la facture. Par dérogation, un délai maximal de quarante-cinq jours fin de mois à compter de la date d'émission de la facture peut être convenu entre les parties, sous réserve que ce délai soit expressément stipulé par contrat et qu'il ne constitue pas un abus manifeste à l'égard du créancier. En cas de facture périodique, au sens du 3 du I de l'article 289 du code général des impôts, le délai convenu entre les parties ne peut dépasser quarante-cinq jours à compter de la date d'émission de la facture. / (...) / Nonobstant les dispositions précédentes, pour le transport routier de marchandises, pour la location de véhicules avec ou sans conducteur, pour la commission de transport ainsi que pour les activités de transitaire, d'agent maritime et de fret aérien, de courtier de fret et de commissionnaire en douane, les délais de paiement convenus ne peuvent en aucun cas dépasser trente jours à compter de la date d'émission de la facture. / (...) / VI. - Sont passibles d'une amende administrative dont le montant ne peut excéder 75 000 € pour une personne physique et deux millions d'euros pour une personne morale le fait de ne pas respecter les délais de paiement mentionnés aux huitième, neuvième, onzième et dernier alinéas du I du présent article (...) L'amende est prononcée dans les conditions prévues à l'article L. 465-2. Le montant de l'amende encourue est doublé en cas de réitération du manquement dans un délai de deux ans à compter de la date à laquelle la première décision de sanction est devenue définitive. (...) ". Enfin, aux termes de l'article L. 465-2 du même code, devenu l'article L. 470-2 : " (...) / V. ' La décision prononcée par l'autorité administrative peut être publiée aux frais de la personne sanctionnée. La décision est toujours publiée lorsqu'elle est prononcée en application du VI de l'article L. 441-6 ou du dernier alinéa de l'article L. 443-1 (...) ".

2. Sur le fondement de ces dispositions, par décision du 19 décembre 2019, le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi d'Auvergne-Rhône-Alpes a infligé à la société XPO Distribution France, qui exerce une activité de transport routier de fret interurbain, dont une partie en sous-traitance, une amende d'un montant de 1 230 000 euros. Ce montant se décompose en deux parties : 1 190 000 euros au titre des manquements aux dispositions spécifiques au délai de paiement en matière de transport et 40 000 euros au titre des manquements aux dispositions spécifiques aux délais de paiement convenus. La publication d'un communiqué sur le site internet de l'administration a également été prévue. Le recours hiérarchique formé par la société devant le ministre chargé de l'économie a été rejeté tacitement.

3. La société XPO Distribution France, qui ne conteste pas l'existence de manquements, a saisi le tribunal administratif de Lyon d'une demande tendant à la réduction de l'amende infligée. Par le jugement attaqué du 30 novembre 2021, le tribunal a rejeté cette demande.

4. En premier lieu, il résulte des dispositions précitées de l'article L. 441-6 du code de commerce que le législateur a entendu sanctionner le non-respect des délais de paiement qu'il a spécialement définis. L'appréciation du montant de la sanction dépend ainsi en particulier de l'importance et de la répétition des manquements, le législateur ayant d'ailleurs prévu un doublement du plafond de pénalité en cas de réitération du manquement dans un délai de deux ans à compter de la date à laquelle la première décision de sanction est devenue définitive. L'administration a, en l'espèce, établi l'existence de pratiques systématiques de retards de paiement, ayant conduit la société XPO Distribution France à constituer, au détriment de l'essentiel de ses partenaires économiques, des avantages significatifs de trésorerie. Pour fixer le montant de la sanction, l'administration a pris en compte, durant la période contrôlée du 1er janvier au 30 novembre 2017, le nombre de factures dont le paiement avec retard a été établi sans contestation possible, soit 25 576 pour les factures de transport et 1 373 pour les factures relevant du délai convenu. La décision relève un taux global constaté de retard de 69 %, seul un taux non contesté de 56,8 % ayant cependant été retenu pour les factures de transport et 5,2 % pour les factures avec délai convenu, ces deux derniers taux correspondant à la seule prise en compte des retards systématiques pratiqués pour une durée de plus cinq jours dans le cadre de relations d'affaires suivies. Le nombre de fournisseurs victimes s'élève à 1 170 pour les factures de transport et 66 pour les factures avec délai convenu, le retard moyen de paiement étant de 20,78 jours pour les factures de transport et de 24,13 jours pour les factures avec délai convenu. Enfin, la décision relève que l'avantage de trésorerie constitué dans ces conditions par la société XPO Distribution France s'élève à 2 525 677,79 euros pour les factures de transport et 155 659,33 euros pour les factures avec délai convenu. En prenant en compte pour évaluer le montant de la pénalité infligée l'ensemble de ces éléments, et notamment l'avantage de trésorerie constitué par la société au moyen de pratiques irrégulières systématiques, l'administration n'a pas commis d'erreur de droit.

5. En deuxième lieu, la société XPO Distribution France soutient que les manquements précités n'auraient pas causé de dommages graves à ses différents partenaires économiques. Elle ne l'établit toutefois pas alors que l'administration a pris en compte pour évaluer la sanction les seuls retards, autres que ponctuels ou limités, pratiqués dans le cadre de relations d'affaires suivies. L'administration a également relevé qu'outre le retard de paiement, la société XPO Distribution France n'a pas versé les intérêts de retard et indemnités forfaitaires dus, qu'elle évalue sans être contestée à un montant total de 1 000 000 d'euros. La société XPO Distribution France allègue également qu'elle-même a pu être victime de retards de paiement. Toutefois, l'administration a en particulier relevé que le taux de retard des factures adressées à ses clients est sensiblement plus bas que le taux de retard de règlement des factures de ses fournisseurs, les pratiques de retard de paiement de la société étant donc sans proportion avec les retards de paiement dont elle peut être victime. En outre, l'existence de certains retards limités de paiement par des clients ne peut justifier la mise en place par la société d'une pratique de retard systématique et important de paiement des factures de ses propres fournisseurs. Enfin, la société XPO Distribution France allègue qu'elle entend mettre en œuvre à l'avenir des mesures correctrices. Ses explications demeurent toutefois peu précises et ces mesures, à les supposer établies et efficaces, n'ont en tout état de cause pour objet que de conduire au respect normal de la loi. Au demeurant, ainsi que la société XPO Distribution France l'a elle-même exposé dans ses observations du 19 septembre 2019 et son recours hiérarchique du 28 janvier 2020, le taux de retard de paiement s'est encore élevé pour le 4e trimestre 2017 et le 1er trimestre 2018 à 35,5 %, à hauteur d'un montant correspondant à 27 % du montant total des factures. Compte tenu de la persistance des retards de paiement dans des proportions significatives, la société ne peut être regardée comme ayant mis fin aux manquements dans les suites du contrôle. Les seuls arguments de la société qui viennent d'être évoqués ne sont, ainsi, pas de nature à compenser en l'espèce la gravité particulière des manquements systématiques pratiqués.

6. En troisième lieu, la société XPO Distribution France soutient que des difficultés particulières liées à certaines factures auraient dû être prises en compte et ne permettraient pas de retenir un taux global de retard de 69 %. Toutefois, ainsi qu'il a été dit, la décision ne se fonde pas sur ce taux, mais sur les taux respectifs, non contestés, de 56,8 % pour les factures de transport et de 5,2 % pour les factures avec délai convenu. Le moyen manque ainsi en fait.

7. En quatrième lieu, eu égard à l'ampleur, à la durée et au caractère systématique des retards de paiement pratiqués par la société XPO Distribution France, l'administration a fixé à 1 230 000 euros le montant de la pénalité infligée. Ce montant, fondé sur des éléments dont la matérialité n'est pas sérieusement contestée, ne représente qu'une partie des avantages de trésorerie irrégulièrement constitués au moyen de pratiques illicites systématiques et ne méconnait pas le plafond financier fixé par la loi. La société XPO Distribution France a par ailleurs indiqué, dans ses observations du 19 septembre 2019 et son recours hiérarchique du 28 janvier 2020, avoir réalisé un chiffre d'affaires de 375 689 000 d'euros en 2017 et de 393 000 000 d'euros en 2018, pour des profits respectifs de 12 345 000 d'euros et de 10 000 000 d'euros. La sanction ne représente ainsi qu'un pourcentage infime de ce chiffre d'affaires et un pourcentage des profits annuels de l'ordre de 10 %, alors que cette pénalité vise à sanctionner une pratique systématique ayant affecté 1 236 autres entreprises pour au moins 26 949 prestations payées avec retard. Le montant de la pénalité n'est, au regard des motifs qui la fondent et compte tenu de l'ensemble de ces éléments, pas entaché d'erreur d'appréciation.

8. Il résulte de tout ce qui précède que la société XPO Distribution France n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la société XPO Distribution France est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS XPO Distribution France et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique. Copie en sera adressée à la préfète de la région Auvergne-Rhône-Alpes.

Délibéré après l'audience du 8 juin 2023, à laquelle siégeaient :

M. Pourny, président de chambre,

M. Stillmunkes, président assesseur,

Mme Bentéjac, première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 29 juin 2023.

Le rapporteur,

H. Stillmunkes

Le président,

F. Pourny

La greffière,

F. Abdillah

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 22LY00293


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 22LY00293
Date de la décision : 29/06/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Commerce - industrie - intervention économique de la puissance publique - Réglementation des activités économiques - Activités soumises à réglementation - Réglementation de la protection et de l'information des consommateurs.

Répression - Domaine de la répression administrative - Régime de la sanction administrative.


Composition du Tribunal
Président : M. POURNY
Rapporteur ?: M. Henri STILLMUNKES
Rapporteur public ?: Mme COTTIER
Avocat(s) : SCHMITT AVOCATS AARPI

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2023-06-29;22ly00293 ?
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