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29/06/2023 | FRANCE | N°21LY04252

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre, 29 juin 2023, 21LY04252


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. et Mme B... ont demandé au tribunal administratif de Lyon la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2014 et 2015 ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement n°2000390 du 26 octobre 2021, le tribunal administratif de Lyon a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 27 décembre 2021 et 28 novembre 2022 (non com

muniqué), M. et Mme B..., représentés par la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocats, demand...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. et Mme B... ont demandé au tribunal administratif de Lyon la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2014 et 2015 ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement n°2000390 du 26 octobre 2021, le tribunal administratif de Lyon a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 27 décembre 2021 et 28 novembre 2022 (non communiqué), M. et Mme B..., représentés par la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocats, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement susvisé et de leur accorder la décharge sollicitée ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- le jugement attaqué est irrégulier dès lors qu'en méconnaissance de l'article R. 741-7 du code de justice administrative, il ne comporte aucune signature ;

- les sommes que M. B... a perçues de la société Pro-Méthée Plus ne peuvent être regardées comme des avantages occultes au sens du c) de l'article 111 du code général des impôts dès lors qu'elles ont rétribué des prestations effectivement rendues ;

- la majoration pour manquement délibéré n'est pas justifiée dès lors qu'ils ont déclaré les sommes perçues pour 2014 et 2015 dans leurs déclarations de revenus.

Par un mémoire en défense, enregistré le 17 octobre 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Une ordonnance du 24 octobre 2022 a fixé la clôture de l'instruction au 30 novembre 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Rémy-Néris, première conseillère,

- et les conclusions de Mme Le Frapper, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. A la suite de la vérification de comptabilité de la société Pro-Méthée Plus, M. B..., associé, et son épouse ont été assujettis à des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales au titre des années 2014 et 2015, assorties d'intérêts de retard et de majorations. Ils relèvent appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté leur demande tendant à la décharge de ces cotisations supplémentaires.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article R. 741-7 du code de justice administrative : " Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience. ". Il résulte de ces dispositions que seule la minute du jugement doit être signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience. L'absence de signatures sur l'expédition du jugement notifié aux parties n'entache pas ce jugement d'irrégularité.

3. Il ressort des pièces du dossier de première instance transmis à la cour que la minute du jugement attaqué a été signée par le président de la formation de jugement et le rapporteur mais qu'elle n'a pas été signée par le greffier d'audience, en méconnaissance des dispositions précitées. Par suite, les requérants sont fondés à soutenir que le jugement attaqué est entaché d'irrégularité et qu'il doit être annulé.

4. Il y a lieu, dès lors, d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. et Mme B... devant le tribunal administratif de Lyon.

Sur les conclusions en décharge :

5. D'une part, aux termes de l'article 111 du code général des impôts : " Sont notamment considérés comme revenus distribués : / (...) c. Les rémunérations et avantages occultes ; (...) ". En cas de sommes versées par une société en règlement de prestations de service qui ne lui ont pas été fournies, ou dont elle a délibérément majoré le prix par rapport à la valeur du service rendu, l'avantage ainsi octroyé, lorsqu'il n'a pas de contrepartie, doit être qualifié comme une libéralité représentant un avantage occulte constitutif d'une distribution de bénéfices au sens des dispositions précitées du c de l'article 111 du code général des impôts, alors même que l'opération est portée en comptabilité et y est assortie de toutes les justifications concernant son objet apparent et l'identité du co-contractant, dès lors que cette comptabilisation ne révèle pas, par elle-même, la libéralité en cause. La preuve d'une telle distribution occulte doit être regardée comme apportée par l'administration lorsqu'il est établi, d'une part, que les prestations n'ont pas été fournies, ou que le prix payé présente un écart significatif avec la valeur du service rendu, et d'autre part, qu'il existe une intention, pour la société, d'octroyer, et pour le co-contractant, de recevoir, une libéralité. Cette intention est présumée lorsque les parties sont en relation d'intérêts.

6. Il résulte de l'instruction qu'en vertu de contrats conclus les 1er janvier 2014 et 1er janvier 2015 par lesquels la société Pro-Méthée Plus lui a confié des missions de promotion de l'image et des produits de l'entreprise et d'appui au développement de projets commerciaux et à la recherche de nouvelles offres, M. B..., associé minoritaire de la société Pro-Méthée Plus, a facturé à cette société les sommes de 20 500 euros pour l'année 2014 et 14 000 euros pour l'année 2015 au titre de ces prestations. L'administration a remis en cause la réalité des prestations fournies par M. B... aux motifs que les seuls clients de la société Pro-Méthée Plus sont les sociétés de formation dirigées par Mme A..., également associée de cette société, et lui-même, à savoir les sociétés Essentiel Formation Entreprises et 2I-F, à l'exception d'une somme facturée par la société AFTLV pour l'année 2014. Elle a également relevé que les missions de " promotion de l'image et des produits de l'entreprise et d'appui au développement de projets commerciaux et à la recherche de nouvelles offres " exercées par M. B... n'étaient pas démontrées dès lors que seuls ont été produits pour en justifier les agendas de l'intéressé lesquels ne mentionnaient que le nom de la société Pro-Méthée Plus, sans autre précision. M. B... n'apporte à l'appui de sa contestation aucun élément de nature à démontrer la réalité des prestations qu'elle a facturées à la société Pro-Méthée Plus. Il se borne à se prévaloir des factures produites, réglées et comptabilisées, de l'absence de salarié au cours des années vérifiées et du chiffre d'affaires réalisé par la société, alors que la comptabilisation des sommes en cause par la société Pro-Méthée Plus ne permettait pas de révéler une quelconque libéralité. Par suite, la prise en charge de ces sommes ne s'étant accompagnée d'aucune contrepartie avérée pour la société Pro-Méthée Plus et M. B... étant en relation d'intérêts avec cette société étant associé minoritaire de la société Pro-Méthée Plus et dirigeant de l'une des deux sociétés clientes de celle-ci, la preuve de l'intention pour la société d'octroyer et pour M. B... de recevoir une libéralité est établie. Ainsi, c'est à bon droit que l'administration a inclus les sommes en litige dans les revenus imposables des années 2014 et 2015 de M. et Mme B... sur le fondement du c) de l'article 111 du code général des impôts.

7. D'autre part, lorsqu'une société a pris en charge des dépenses incombant normalement à un tiers sans que la comptabilisation de cette opération ne révèle, par elle-même l'octroi d'un avantage, il appartient à l'administration, si elle entend faire application des dispositions du c. de l'article 111 du code général des impôts pour imposer, dans les mains du tiers, cette somme, d'établir, d'une part, que la prise en charge de cette dépense ne comportait pas de contrepartie pour la société et d'autre part, qu'il existait une intention pour celle-ci, d'octroyer et pour le tiers de recevoir une libéralité.

8. Il résulte de l'instruction que la société Pro-Méthée Plus a pris en charge les frais d'un montant total de 6 871,61 euros d'un voyage au Maroc du 19 au 24 mars 2014 auquel ont participé ses trois associés dont M. B.... Pour considérer que les dépenses en cause n'avaient pas été engagées dans l'intérêt de la société, l'administration a relevé que ces dépenses n'étaient assorties d'aucune pièce justificative permettant d'identifier leur caractère professionnel, dès lors que la société Pro-Méthée Plus s'est bornée à produire des courriels échangés entre le 13 et le 18 mars 2014 avec M. C..., gérant de la société Référencement Maroc, en vue d'une réunion au Sofitel Lounge et Spa de Marrakech le 19 mars. Elle a également relevé que les notes de frais afférentes à ce voyage ont mentionné le nom des conjoints des associés et qu'aucun document n'a été produit pour justifier de l'existence de réunions ou travaux au cours du séjour ce qui atteste du caractère personnel de cette dépense. M. B... n'a produit aucun élément nouveau devant le tribunal et la cour de nature à faire regarder ces dépenses comme engagées dans l'intérêt de la société. Par suite, l'administration doit être regardée comme apportant la preuve qui lui incombe, que les frais en litige, qui présentent le caractère de dépenses personnelles, n'ont pas été engagées dans l'intérêt de l'entreprise. La prise en charge de ces frais, en litige à hauteur de 2 290,66 euros pour M. B..., ne s'est ainsi accompagnée d'aucune contrepartie avérée pour la société Pro-Méthée Plus et M. B... étant associé minoritaire de la société Pro-Méthée Plus et dirigeant de l'une des sociétés clientes de celle-ci, et donc en relation d'intérêts avec la société Pro-Méthée Plus, la preuve de l'intention pour ladite société d'octroyer et pour M. B... de recevoir une libéralité est présumée établie. Ainsi, c'est à bon droit que l'administration a inclus la somme en litige dans les revenus imposables de l'année 2014 de M. et Mme B... sur le fondement du c. de l'article 111 du code général des impôts.

9. Enfin, aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : a. 40 % en cas de manquement délibéré (...) ". Ces dispositions ont pour seul objet de sanctionner la méconnaissance par le contribuable de ses obligations déclaratives. Pour établir ce manquement délibéré, l'administration doit apporter la preuve, d'une part, de l'insuffisance, de l'inexactitude ou du caractère incomplet des déclarations et, d'autre part, de l'intention de l'intéressé d'éluder l'impôt.

10. En se bornant à relever que M. B... ne pouvait ignorer le caractère fictif des prestations facturées mentionnées au point 6, en sa qualité de prestataire et d'associé de la société Pro-Méthée Plus, l'administration n'apporte pas la preuve de l'intention des contribuables d'éluder l'impôt dès lors que M. et Mme B... ont déclaré, dans la catégorie des bénéfices non commerciaux, les sommes versées à M. B... par la société Pro-Méthée Plus. Par suite, c'est à tort que l'administration a assorti les impositions mises à la charge de M. et Mme B... afférentes à ces prestations de la majoration pour manquement délibéré prévue par le a. de l'article 1729 du code général des impôts.

11. Il résulte de ce qui précède, que M. et Mme B... sont uniquement fondés à demander la décharge de la majoration de 40 % appliquée aux cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales mises à leur charge au titre des années 2014 et 2015.

Sur les frais liés au litige :

12. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative au bénéfice de M. et Mme B....

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Lyon du 26 octobre 2021 est annulé.

Article 2 : M. et Mme B... sont déchargés de la majoration de 40 % appliquée aux cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales mises à leur charge au titre des années 2014 et 2015.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme B... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré après l'audience du 8 juin 2023 à laquelle siégeaient :

M. Bourrachot, président de chambre,

Mme Dèche, présidente assesseure,

Mme Rémy-Néris, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 29 juin 2023.

La rapporteure,

V. Rémy-Néris

Le président,

F. Bourrachot

La greffière,

A-C. Ponnelle

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N°21LY04252

kc


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 21LY04252
Date de la décision : 29/06/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

19-04-02-03-01-01 Contributions et taxes. - Impôts sur les revenus et bénéfices. - Revenus et bénéfices imposables - règles particulières. - Revenus des capitaux mobiliers et assimilables. - Revenus distribués. - Notion de revenus distribués.


Composition du Tribunal
Président : M. BOURRACHOT
Rapporteur ?: Mme Vanessa REMY-NERIS
Rapporteur public ?: Mme LE FRAPPER
Avocat(s) : SCP FABIANI, LUC-THALER, PINATEL

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2023-06-29;21ly04252 ?
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