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29/06/2023 | FRANCE | N°21LY01469

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre, 29 juin 2023, 21LY01469


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Lyon la condamnation du Conseil national des activités privées de sécurité (CNAPS) à lui verser la somme de 250 000 euros, outre intérêts et capitalisation des intérêts à compter de sa demande indemnitaire préalable, en réparation des préjudices subis en raison de l'illégalité de la décision du 12 décembre 2014 de la commission interrégionale d'agrément et de contrôle Sud-Est du Conseil national des activités privées de sécurité (CNAPS) lu

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Lyon la condamnation du Conseil national des activités privées de sécurité (CNAPS) à lui verser la somme de 250 000 euros, outre intérêts et capitalisation des intérêts à compter de sa demande indemnitaire préalable, en réparation des préjudices subis en raison de l'illégalité de la décision du 12 décembre 2014 de la commission interrégionale d'agrément et de contrôle Sud-Est du Conseil national des activités privées de sécurité (CNAPS) lui refusant le renouvellement de sa carte professionnelle d'agent de sécurité et de l'absence de notification de la décision du 3 février 2015 procédant à la délivrance de cette autorisation.

Par un jugement n° 1908277 du 15 décembre 2020, le tribunal administratif de Lyon a condamné le CNAPS à lui verser la somme de 22 000 euros assortie des intérêts au taux légal à compter du 25 juin 2019, eux-mêmes capitalisés à compter du 25 juin 2020, ainsi qu'à chaque échéance annuelle ultérieure.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 10 mai 2021, M. A..., représenté par Me Alberto, demande à la cour :

1°) de réformer ce jugement ;

2°) de porter la condamnation du CNAPS à la somme de 81 611 euros, somme à parfaire avec intérêts et capitalisation des intérêts ;

3°) de mettre une somme de 2 000 euros à la charge du CNAPS au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, à charge pour son conseil de renoncer au bénéfice de l'aide juridictionnelle.

Il soutient qu'il est fondé à solliciter la somme de 66 611 euros au titre de son préjudice financier et la somme de 15 000 euros au titre du préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence.

Par un mémoire en défense enregistré le 20 octobre 2022, le Conseil national des activités privées de sécurité (CNAPS), représenté par Me Cano, conclut au rejet de la requête et, par la voie de l'appel incident, à l'annulation du jugement du 15 décembre 2020 du tribunal administratif de Lyon, au rejet de la demande de M. A... et à ce que la somme de 500 euros soit mise à la charge du requérant sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le lien de causalité entre la faute du CNAPS et les préjudices dont le requérant sollicite l'indemnisation n'est pas établi dès lors qu'il appartenait au requérant de se tenir informé des suites de sa demande avant son licenciement, notamment au moyen de la consultation du logiciel Dracar ;

- en tout état de cause, un tel lien n'est pas établi pour la période postérieure au 1er juin 2018, ce préjudice ne pouvant s'analyser qu'en termes de perte de chance ;

- les préjudices dont il est sollicité l'indemnisation ne sont pas établis et l'évaluation qu'en a fait le requérant est excessive.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 10 mars 2021.

Vu :

- le code de la sécurité intérieure ;

- la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Bentéjac, première conseillère,

- les conclusions de Mme Cottier, rapporteure publique,

- et les observations de Me Alberto, représentant M. A..., et celles de Me d'Ovidio, représentant le CNAPS.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... a sollicité, le 16 septembre 2014, le renouvellement de sa carte professionnelle d'agent de sécurité. Par délibération du 12 décembre 2014, la commission interrégionale d'agrément et de contrôle Sud-Est du Conseil national des activités privées de sécurité (CNAPS) a refusé le renouvellement sollicité. Par délibération du 3 février 2015, la commission lui a délivré l'autorisation sollicitée. M. A... a demandé l'indemnisation des préjudices subis résultant de l'illégalité de la décision du 12 décembre 2014 et de l'absence de notification de la décision du 3 février 2015. Par jugement du 15 décembre 2020, le tribunal administratif de Lyon a condamné le CNAPS à verser à M. A... la somme de 22 000 euros. M. A... relève appel de ce jugement en tant qu'il a limité l'indemnisation de son préjudice à la somme de 22 000 euros. Par la voie de l'appel incident, le CNAPS conclut au rejet de la demande de M. A....

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne la responsabilité :

2. D'une part, la commission interrégionale d'agrément et de contrôle Sud-Est du Conseil national des activités privées de sécurité (CNAPS) a, par délibération du 12 décembre 2014, refusé à M. A... la carte d'agent de sécurité qu'il sollicitait au motif qu'il avait été mis en cause, le 6 janvier 2010, pour des faits de viol. L'enquête diligentée pour ces faits a donné lieu à un classement sans suite le 23 février 2012, l'infraction n'étant pas suffisamment constituée ou caractérisée. Il n'est pas soutenu par le CNAPS que les faits de viol seraient matériellement établis. Dès lors, le requérant est fondé à engager la responsabilité du CNAPS en raison de l'illégalité de la délibération du 12 décembre 2014 et de la décision implicite de rejet de son recours gracieux qui s'est exclusivement fondée sur les faits en cause.

3. D'autre part, par délibération du 3 février 2015, la commission interrégionale d'agrément et de contrôle Sud-Est du CNAPS a finalement octroyé à M. A... la carte d'agent de sécurité qu'il sollicitait. Toutefois, le requérant indique n'en avoir eu connaissance que le 1er juin 2018 dans le cadre de l'instance qu'il avait introduite à l'encontre du rejet du recours gracieux qu'il avait formé contre la délibération du 12 décembre 2014. Il ne résulte pas de l'instruction que le requérant ait eu connaissance de cette nouvelle décision avant cette date ou qu'il ait pu prendre connaissance de cette décision par la consultation du logiciel Dracar, comme l'indique le CNAPS sans le démontrer. Par suite, le requérant est également fondé à engager la responsabilité du CNAPS à défaut de notification de la délibération du 3 février 2015 lui accordant la carte d'agent de sécurité.

En ce qui concerne les préjudices :

4. M. A... sollicite l'indemnisation de son préjudice financier, constitué de perte de revenus, de la perte de chance de percevoir des revenus plus importants que l'allocation de solidarité spécifique, de la perte de ses droits à chômage, ainsi que de son préjudice moral et des troubles dans ses conditions d'existence.

5. D'une part, il résulte de l'instruction que M. A... a été licencié par son employeur le 1er mars 2015. Il est donc fondé à solliciter l'indemnisation de la perte de ses revenus consécutive à son licenciement à compter de cette date. Le requérant ayant eu connaissance de l'octroi de la carte sollicitée le 1er juin 2018, il y a lieu de fixer la fin de période d'indemnisation à la date du 1er juin 2018. M. A... n'établissant pas avoir effectué des démarches afin de retrouver un emploi après cette date, il n'est pas fondé à solliciter une indemnisation au-delà de cette période. Compte-tenu du salaire moyen qu'il percevait avant d'être licencié et des revenus perçus au cours de la période en cause, tels qu'ils résultent des avis d'imposition produits par le requérant, la somme de 18 000 euros évaluée par les premiers juges à ce titre n'est pas insuffisante.

6. D'autre part, le préjudice résultant de la perte de chance pour M. A... de percevoir un revenu plus important que l'allocation de solidarité spécifique a déjà été pris en compte dans l'indemnisation de la perte des revenus. Le préjudice résultant de la perte de droits à l'indemnisation du chômage ne présente pas davantage un caractère certain, en l'absence de démonstration, par M. A..., des démarches effectuées pour retrouver un emploi.

7. Enfin, il y a lieu d'évaluer le préjudice moral et les troubles dans les conditions d'existence subis par M. A... à la somme de 6 000 euros.

8. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que le montant total d'indemnisation auquel peut prétendre M. A... s'élève à la somme de 24 000 euros. Cette somme sera assortie d'intérêts au taux légal à compter du 25 juin 2019, date de réception de sa demande par le CNAPS. Ces intérêts seront eux-mêmes capitalisés à compter du 25 juin 2020 et à chaque échéance annuelle à compter de cette dernière date.

9. Il découle de tout ce qui précède que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon n'a pas porté la condamnation qu'il a prononcée au montant précité de 24 000 euros, outre intérêts et capitalisation. Le CNAPS n'est pour sa part pas fondé à soutenir que le tribunal aurait fait une évaluation excessive des préjudices de M. A....

Sur les frais liés au litige :

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. A..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que le CNAPS demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge du CNAPS une somme de 1 500 euros à verser au conseil de M. A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, à charge pour ce conseil de renoncer au bénéfice de l'aide juridictionnelle.

DECIDE :

Article 1er : Le Conseil national des activités privées de sécurité est condamné à verser à M. A... la somme de 24 000 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 25 juin 2019, eux-mêmes capitalisés à compter du 25 juin 2020, ainsi qu'à chaque échéance annuelle ultérieure.

Article 2 : Le jugement n° 1908277 du 15 décembre 2020 du tribunal administratif de Lyon est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : Le Conseil national des activités privées de sécurité versera à Me Alberto la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve de sa renonciation à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.

Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au Conseil national des activités privées de sécurité.

Délibéré après l'audience du 8 juin 2023, à laquelle siégeaient :

M. Pourny, président de chambre,

M. Stillmunkes, président assesseur,

Mme Bentéjac, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 29 juin 2023.

La rapporteure,

C. Bentéjac

Le président,

F. Pourny

La greffière,

F. Abdillah

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 21LY01469


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 21LY01469
Date de la décision : 29/06/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

49-05 Police. - Polices spéciales.


Composition du Tribunal
Président : M. POURNY
Rapporteur ?: Mme Caroline BENTEJAC
Rapporteur public ?: Mme COTTIER
Avocat(s) : CENTAURE AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2023-06-29;21ly01469 ?
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