Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision implicite née du silence gardé par le préfet du Rhône sur sa demande de renouvellement de titre de séjour et de délivrance d'une carte de résident d'une durée de dix ans.
Par une ordonnance n° 2109335 du 20 décembre 2021, le président de la quatrième chambre du tribunal administratif de Lyon a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 10 janvier 2022, M. B..., représenté par Me Sabatier (SELARL BS2A Bescou et Sabatier associés), avocat, demande à la cour :
1°) d'annuler cette ordonnance du 20 décembre 2021 du président de la quatrième chambre du tribunal administratif de Lyon ;
2°) d'annuler la décision implicite née du silence gardé par le préfet du Rhône sur sa demande de renouvellement de titre de séjour et de délivrance d'une carte de résident d'une durée de dix ans ;
3°) d'enjoindre au préfet du Rhône de lui délivrer une carte de résident ou, subsidiairement, de procéder à un nouvel examen de sa situation, dans le délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- contrairement à ce qu'a estimé le premier juge, sa demande de première instance était recevable, eu égard au récépissé de demande de renouvellement produit et aux modalités de présentation d'une telle demande ;
- la décision litigieuse n'est pas motivée, en méconnaissance de l'article L. 232-4 du code de justice administrative ;
- la décision litigieuse méconnaît l'article 10 a) de l'accord franco-tunisien.
Par une ordonnance du 3 avril 2023, la clôture de l'instruction a été fixée, en dernier lieu, au 21 avril 2023.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- l'accord franco-tunisien en matière de séjour et de travail du 17 mars 1988 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Sophie Corvellec, première conseillère,
- et les observations de Me Guillaume, avocate, pour M. B... ;
Considérant ce qui suit :
1. M. B... relève appel de l'ordonnance du 20 décembre 2021 par lequel le président de la quatrième chambre du tribunal administratif de Lyon a rejeté, comme irrecevable, sa demande tendant à l'annulation la décision implicite née du silence gardé par le préfet du Rhône sur sa demande de renouvellement de titre de séjour et de délivrance d'une carte de résident d'une durée de dix ans.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article R. 421-1 du code de justice administrative : " La juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée ". L'article R. 421-2 du même code dispose que : " Sauf disposition législative ou réglementaire contraire, dans les cas où le silence gardé par l'autorité administrative sur une demande vaut décision de rejet, l'intéressé dispose, pour former un recours, d'un délai de deux mois à compter de la date à laquelle est née une décision implicite de rejet. (...) La date du dépôt de la demande à l'administration, constatée par tous moyens, doit être établie à l'appui de la requête (...) ". Son article R. 412-1 prévoit en outre que : " La requête doit, à peine d'irrecevabilité, être accompagnée, sauf impossibilité justifiée, de l'acte attaqué ou, dans le cas mentionné à l'article R. 421-2, de la pièce justifiant de la date de dépôt de la réclamation (...) ".
3. Pour rejeter la demande de M. B... comme irrecevable, le premier juge a estimé que celui-ci ne l'avait pas régularisée " au regard des exigences de l'article R. 412-1 du code de justice administrative ", en relevant qu'il n'avait produit ni copie de sa demande de renouvellement de titre de séjour, ni celle du premier récépissé qui lui a été délivré, ni ne justifiait avoir déposé de demande tendant à la délivrance d'une carte de résident d'une durée de dix ans. Toutefois, par le récépissé qu'il avait alors produit, M. B... établissait avoir saisi le préfet du Rhône d'une demande de délivrance d'un titre de séjour, depuis implicitement rejetée. Par ailleurs, compte tenu des mentions imprécises portées sur le récépissé délivré par l'administration et des modalités de sollicitation d'un renouvellement de titre de séjour, telles qu'exposées par l'intéressé et non démenties par l'administration, l'appelant doit être regardé comme ayant été dans l'impossibilité de démontrer la date exacte de sa demande. Par conséquent, M. B... est fondé à soutenir que, contrairement à ce qu'a retenu le premier juge, sa demande était recevable et, par suite, que l'ordonnance attaquée est irrégulière et doit être annulée.
4. Il y a lieu pour la cour de statuer, par la voie de l'évocation, sur les conclusions de la demande de M. B... dirigées contre la décision implicite née du silence gardé par le préfet du Rhône sur sa demande de titre de séjour.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
5. D'une part, en application de l'article R. 311-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction alors applicable : " Le silence gardé par l'administration sur les demandes de titres de séjour vaut décision implicite de rejet ". L'article D. 311-3-3 du même code précise que : " (...) Le délai au terme duquel la demande de titre de séjour fait naître la décision implicite prévue à l'article R. * 311-12 est de quatre-vingt-dix jours ".
6. D'autre part, aux termes de l'article L. 232-4 du code des relations entre le public et l'administration : " Une décision implicite intervenue dans les cas où la décision explicite aurait dû être motivée n'est pas illégale du seul fait qu'elle n'est pas assortie de cette motivation. Toutefois, à la demande de l'intéressé, formulée dans les délais du recours contentieux, les motifs de toute décision implicite de rejet devront lui être communiqués dans le mois suivant cette demande. Dans ce cas, le délai du recours contentieux contre ladite décision est prorogé jusqu'à l'expiration de deux mois suivant le jour où les motifs lui auront été communiqués ". Les décisions refusant la délivrance d'un titre de séjour sont au nombre de celles qui doivent être motivées en vertu des dispositions de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration.
7. Il ressort des pièces du dossier, en particulier du formulaire produit par le préfet du Rhône, que M. B... a déposé une demande de titre de séjour le 20 décembre 2017. Cette demande ayant été implicitement rejetée, il a sollicité la communication de ses motifs, par courrier notifié le 28 septembre 2021 au préfet du Rhône qui n'y a pas répondu. Dès lors, en l'absence de communication de ses motifs, M. B... est fondé à soutenir que la décision attaquée n'est pas motivée.
8. Il résulte de ce qui précède que M. B... est fondé à demander l'annulation de la décision implicite née du silence gardé par le préfet du Rhône sur sa demande de titre de séjour sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens dirigés contre cette décision.
Sur les conclusions aux fins d'injonction sous astreinte :
9. Eu égard au motif sur lequel elle se fonde, l'annulation prononcée par le présent arrêt implique uniquement que la préfète du Rhône procède à un nouvel examen de la demande de titre de séjour de M. B.... Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de lui enjoindre d'y procéder dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, sans qu'il y ait lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais liés au litige :
10. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : L'ordonnance n° 2109335 du 20 décembre 2021 du président de la quatrième chambre du tribunal administratif de Lyon est annulée.
Article 2 : La décision implicite née du silence gardé par le préfet du Rhône sur la demande de titre de séjour de M. B... est annulée.
Article 3 : Il est enjoint à la préfète du Rhône de procéder à un nouvel examen de la demande de M. B... dans un délai de deux mois à compter de la date de notification du présent arrêt.
Article 4 : L'Etat versera à M. B... la somme de 1 200 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée à la préfète du Rhône.
Délibéré après l'audience du 13 juin 2023, à laquelle siégeaient :
M. Gilles Fédi, président-assesseur, assurant la présidence de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,
Mme Bénédicte Lordonné, première conseillère,
Mme Sophie Corvellec, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 juin 2023
La rapporteure,
Sophie CorvellecLe président,
Gilles Fédi
La greffière,
Sandra Bertrand
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
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N° 22LY00113