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15/06/2023 | FRANCE | N°22LY01999

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre, 15 juin 2023, 22LY01999


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 19 avril 2022 par lequel le préfet de la Savoie lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2202825 du 16 juin 2022, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble a annulé cet arrêté.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 30 juin 2022, le préfet de la S

avoie, demande à la cour d'annuler ce jugement et de rejeter la demande présentée par M. C... deva...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 19 avril 2022 par lequel le préfet de la Savoie lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2202825 du 16 juin 2022, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble a annulé cet arrêté.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 30 juin 2022, le préfet de la Savoie, demande à la cour d'annuler ce jugement et de rejeter la demande présentée par M. C... devant le tribunal administratif.

Il soutient que :

- les éléments que le requérant aurait pu faire valoir n'auraient pas été susceptibles d'exercer une influence sur le sens de la décision attaquée ;

- la décision ne porte pas une atteinte disproportionnée à la vie privée et familiale du requérant et ne méconnaît pas l'intérêt supérieur de ses enfants.

La requête a été communiquée à M. C... qui n'a pas produit de mémoire.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- l'accord du 27 décembre 1968 relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Bentéjac, première conseillère, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., ressortissant algérien né en 1984 est entré en France le 25 février 2020 sous couvert d'un visa de court séjour. En raison du contexte sanitaire dû à l'épidémie de Covid 19, il s'est vu délivrer, à titre dérogatoire, une autorisation provisoire de séjour le 26 janvier 2021, renouvelée jusqu'au 9 mars 2022. Par un arrêté du 19 avril 2022, le préfet de la Savoie lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné d'office. Par un jugement du 16 juin 2022, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble a annulé cet arrêté. Le préfet de la Savoie relève appel de ce jugement.

Sur le moyen d'annulation retenu par le tribunal administratif de Grenoble :

2. Aux termes du paragraphe 1 de l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " Toute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions et organes de l'Union ". Aux termes du paragraphe 2 de ce même article : " Ce droit comporte notamment : / - le droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre ; (...) ". Aux termes du paragraphe 1 de l'article 51 de la Charte :" Les dispositions de la présente Charte s'adressent aux institutions, organes et organismes de l'Union dans le respect du principe de subsidiarité, ainsi qu'aux Etats membres uniquement lorsqu'ils mettent en œuvre le droit de l'Union. (...) ".

3. Ainsi que la Cour de justice de l'Union européenne l'a jugé dans ses arrêts C-166/13 et C-249/13 des 5 novembre et 11 décembre 2014, le droit d'être entendu préalablement à l'adoption d'une décision de retour implique que l'autorité administrative mette le ressortissant étranger en situation irrégulière à même de présenter, de manière utile et effective, son point de vue sur l'irrégularité du séjour et les motifs qui seraient susceptibles de justifier que l'autorité s'abstienne de prendre à son égard une décision de retour. Il n'implique toutefois pas que l'administration ait l'obligation de mettre l'intéressé à même de présenter ses observations de façon spécifique sur la décision l'obligeant à quitter le territoire français ou sur la décision le plaçant en rétention dans l'attente de l'exécution de la mesure d'éloignement, dès lors qu'il a pu être entendu sur l'irrégularité du séjour ou la perspective de l'éloignement.

4. Le droit d'être entendu implique ainsi que l'autorité préfectorale, avant de prendre à l'encontre d'un étranger une décision portant obligation de quitter le territoire français non prise concomitamment au refus de délivrance d'un titre de séjour, mette l'intéressé à même de présenter ses observations écrites et lui permette, sur sa demande, de faire valoir des observations orales, de telle sorte qu'il puisse faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue sur la mesure envisagée avant qu'elle n'intervienne.

5. Une violation des droits de la défense, en particulier du droit d'être entendu, n'entraîne toutefois l'annulation de la décision prise au terme de la procédure administrative en cause que si, en l'absence de cette irrégularité, cette procédure pouvait aboutir à un résultat différent.

6. Il ressort des pièces du dossier que si M. C... n'a pas été entendu préalablement à l'arrêté en litige et n'a pas pu faire valoir ses observations quant à sa situation en France avec les membres de sa famille et, en particulier sa situation professionnelle, ces seules circonstances, au demeurant mentionnées par l'arrêté attaqué, ne sont pas susceptibles, eu égard à l'examen particulier mené par l'autorité préfectorale en l'espèce, d'aboutir à un résultat différent et ainsi, d'affecter le sens de la décision en litige. Dans ces conditions, le préfet de la Savoie est fondé à soutenir que c'est à tort que le magistrat désigné du tribunal administratif de Grenoble a retenu la méconnaissance, par l'arrêté, du droit d'être entendu, pour annuler l'arrêté du 19 avril 2022.

7. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. C....

Sur les autres moyens soulevés contre l'arrêté en litige :

8. En premier lieu, par un arrêté du 21 décembre 2020, publié le même jour au recueil des actes administratifs de la préfecture, le préfet de la Savoie a donné délégation à Mme Juliette Part, secrétaire générale de la préfecture, à l'effet de signer notamment tous arrêtés et décisions à l'exception de certaines matières dont ne relève pas la police du séjour et de l'éloignement des étrangers. Par suite, l'arrêté attaqué, signé par Mme A..., n'est pas entaché d'incompétence.

9. En deuxième lieu, l'arrêté attaqué comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement des décisions qu'il contient. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de ces décisions doit être écarté.

10. En troisième lieu, compte tenu de ce qui a été dit au point 6 du présent arrêt, la méconnaissance, par l'arrêté attaqué, du droit d'être entendu n'a pas été, dans les circonstances de l'espèce et eu égard aux éléments que le requérant fait valoir, de nature à entacher d'illégalité l'arrêté attaqué.

11. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : (...) 2° L'étranger, entré sur le territoire français sous couvert d'un visa désormais expiré ou, n'étant pas soumis à l'obligation du visa, entré en France plus de trois mois auparavant, s'est maintenu sur le territoire français sans être titulaire d'un titre de séjour ou, le cas échéant, sans demander le renouvellement du titre de séjour temporaire ou pluriannuel qui lui a été délivré ;(...) ".

12. Pour obliger M. C... à quitter le territoire français, le préfet de la Savoie s'est fondé sur les dispositions du 2° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en retenant que l'intéressé, entré régulièrement sur le territoire français sous couvert d'un passeport revêtu d'un visa de court séjour valable jusqu'au 25 janvier 2021, s'est vu délivrer, à titre dérogatoire, en raison du contexte sanitaire dû à l'épidémie de Covid 19, une autorisation provisoire de séjour, renouvelée jusqu'au 9 mars 2022. Ainsi, à la date de la décision attaquée, M. C..., dont le visa et les autorisations provisoires de séjour délivrés étaient expirés entrait dans le champ des dispositions du 2° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

13. En cinquième lieu, il ressort des pièces du dossier que M. C..., né le 9 mai 1984 à Oran, est entré en France le 25 février 2020 avec son épouse et leurs deux enfants sous couvert d'un passeport revêtu d'un visa de court séjour valable jusqu'au 25 janvier 2021. L'intéressé n'ayant pu rejoindre l'Algérie avant la fermeture des frontières consécutivement à la pandémie du Covid 19, il a bénéficié, sur demande de son cousin qui souhaitait le recruter dans son entreprise, d'autorisations provisoires de séjour sur le fondement du II de l'article 15 de la loi du 17 juin 2020 dont la dernière valable jusqu'au 9 mars 2022. Son épouse s'est également maintenue en France après l'expiration de son visa. Le requérant n'établit pas avoir créé des liens particuliers en France et n'établit pas être démuni d'attaches personnelles et familiales en Algérie où il a vécu la majeure partie de son existence et où la cellule familiale, dont tous les membres ont la même nationalité, peut se reconstituer. Par suite, en obligeant M. C... à quitter le territoire, le préfet de la Savoie n'a pas entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation.

14. Enfin, en l'absence de toute argumentation supplémentaire, pour les mêmes motifs que ceux qui ont été énoncés aux points précédents, la décision fixant le pays de destination n'est pas illégale.

15. Il découle de tout ce qui précède que le préfet de la Savoie est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble a annulé l'arrêté du 19 avril 2002 faisant obligation à M. C... de quitter le territoire et fixant le pays de destination.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 2202825 du 16 juin 2022 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. C... devant le tribunal administratif de Grenoble est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée au préfet de la Savoie.

Délibéré après l'audience du 25 mai 2023, à laquelle siégeaient :

M. Pourny, président de chambre,

M. Stillmunkes, président assesseur,

Mme Bentéjac, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 juin 2023.

La rapporteure,

C. Bentéjac

Le président,

F. Pourny

La greffière,

F. Abdillah

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 22LY01999


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 22LY01999
Date de la décision : 15/06/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. - Séjour des étrangers. - Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. POURNY
Rapporteur ?: Mme Caroline BENTEJAC
Rapporteur public ?: Mme COTTIER

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2023-06-15;22ly01999 ?
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