La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

01/06/2023 | FRANCE | N°21LY03003

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre, 01 juin 2023, 21LY03003


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... A... B... a demandé au tribunal administratif de Dijon de condamner la communauté de communes Ouche et Montagne à lui verser la somme de 75 298,25 euros en réparation du préjudice que lui a causé un accident survenu le 17 août 2017.

La caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de la Côte d'Or a présenté des conclusions tendant à ce que la communauté de communes Ouche et Montagne soit condamnée à lui verser la somme de 24 447,10 euros, outre l'indemnité forfaitaire de gestion.

P

ar un jugement n° 2001119 du 13 juillet 2021, le tribunal administratif de Dijon a condam...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... A... B... a demandé au tribunal administratif de Dijon de condamner la communauté de communes Ouche et Montagne à lui verser la somme de 75 298,25 euros en réparation du préjudice que lui a causé un accident survenu le 17 août 2017.

La caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de la Côte d'Or a présenté des conclusions tendant à ce que la communauté de communes Ouche et Montagne soit condamnée à lui verser la somme de 24 447,10 euros, outre l'indemnité forfaitaire de gestion.

Par un jugement n° 2001119 du 13 juillet 2021, le tribunal administratif de Dijon a condamné la communauté de communes Ouche et Montagne à verser, d'une part, à M. A... B... la somme de 10 096 euros, d'autre part, à la CPAM de la Côte d'Or une somme de 12 223,55 euros au titre de ses débours, outre l'indemnité forfaitaire de gestion à hauteur de 1 098 euros.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 9 septembre 2021, M. D... A... B..., représenté par la SCP Mendel-Vogue et associés (MVA), demande à la cour :

1°) de réformer le jugement n° 2001119 du 13 juillet 2021 du tribunal administratif de Dijon, en tant qu'il a limité à 10 096 euros la somme que la communauté de communes Ouche et Montagne a été condamnée à lui verser en réparation du préjudice que lui a causé un accident survenu le 17 août 2017 ;

2°) de condamner la communauté de communes Ouche et Montagne à lui verser la somme de 65 498,25 euros ;

3°) de mettre les dépens à la charge de la communauté de communes Ouche et Montagne ;

4°) de mettre à la charge de la communauté de communes Ouche et Montagne une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

M. A... B... soutient que :

- la communauté de communes a engagé sa responsabilité en raison du défaut d'entretien normal de l'ouvrage public ;

- il n'a pas commis de faute d'imprudence ;

- les dommages qu'il a subis résultent directement du défaut d'entretien ;

- il a subi des préjudices tenant à l'obligation temporaire d'assistance par une tierce personne, à l'incidence professionnelle, à un déficit fonctionnel temporaire puis permanent, aux souffrances endurées, à un préjudice d'agrément et à un préjudice sexuel.

Par un mémoire en défense enregistré le 12 novembre 2021, la communauté de communes Ouche et Montagne, représentée par la SELAS Adida et Associés, conclut :

1°) au rejet de la requête ;

2°) à titre incident, à l'annulation du jugement n° 2001119 du 13 juillet 2021 du tribunal administratif de Dijon et au rejet des conclusions de M. A... B... et de la CPAM de la Côte d'Or ;

3°) à ce que la somme de 2 000 euros soit mise à la charge de M. A... B... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La communauté de communes Ouche et Montagne soutient que :

- l'ouvrage était normalement entretenu ;

- le lien de causalité entre les dommages et l'ouvrage n'est pas établi ;

- M. A... B... ne peut en tout état de cause être regardé comme ayant fait un usage normal de l'ouvrage ;

- subsidiairement, les préjudices de perte de revenus, d'incidence professionnelle et d'assistance par une tierce personne, le préjudice esthétique temporaire et le préjudice sexuel ne sont pas établis ; les montants demandés au titre du déficit fonctionnel temporaire et permanent, des souffrances et du préjudice d'agrément sont excessifs.

Par un mémoire enregistré le 3 juin 2022, la CPAM de la Côte d'Or, représentée par la SELARL BdL Avocats, conclut :

1°) à la réformation du jugement n° 2001119 du 13 juillet 2021 du tribunal administratif de Dijon, en tant qu'il a limité à 12 223,55 euros la somme que la communauté de communes Ouche et Montagne a été condamnée à lui verser au titre de ses débours ;

2°) à la condamnation de la communauté de communes Ouche et Montagne à lui verser la somme de 24 447,10 euros, outre l'indemnité forfaitaire de gestion ;

3°) à ce que la somme de 1 500 euros soit mise à la charge de la communauté de communes Ouche et Montagne en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La CPAM de la Côte d'Or soutient que :

- les dommages subis par M. A... B... sont imputables à un défaut d'entretien normal de l'ouvrage public ;

- aucune faute exonératoire de la victime ne peut être caractérisée ;

- elle a exposé des débours, liés à des dépenses de santé actuelles, des indemnités journalières et des frais futurs.

Par ordonnance du 25 mai 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 24 juin 2022 à 16h30.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code civil ;

- le code de l'environnement, ensemble l'arrêté du 26 mars 2012 relatif aux prescriptions générales applicables aux installations classées relevant du régime de l'enregistrement au titre de la rubrique n° 2710-2 (installations de collecte de déchets non dangereux apportés par leur producteur initial) de la nomenclature des installations classées pour la protection de l'environnement ;

- le code de la sécurité sociale, ensemble l'arrêté du 15 décembre 2022 relatif aux montants minimal et maximal de l'indemnité forfaitaire de gestion prévue aux articles L. 376-1 et L. 454-1 du code de la sécurité sociale pour l'année 2023 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Stillmunkes, président-assesseur,

- les conclusions de Mme Cottier, rapporteure publique,

- et les observations de Me Abramowitch, représentant M. A... B....

Une note en délibéré, présentée pour M. A... B..., a été enregistrée le 12 mai 2023.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... B... a été victime le 17 août 2017 d'un accident dans une déchetterie relevant de la communauté de communes Ouche et Montagne. Par le jugement attaqué du 13 juillet 2021, le tribunal administratif de Dijon a condamné la communauté de communes à verser à M. A... B... la somme de 10 096 euros, et à la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de la Côte d'Or la somme de 12 223,55 euros au titre de ses débours, outre l'indemnité forfaitaire de gestion.

Sur le principe et l'étendue de la responsabilité :

2. Les collectivités publiques sont en principe responsables à l'égard des usagers des dommages causés par les ouvrages publics, sauf à établir l'entretien normal de l'ouvrage, une faute de la victime ou un cas de force majeure.

3. Il résulte de l'instruction et notamment des propres déclarations de M. A... B... ainsi que de la personne qui l'accompagnait, des photographies produites par M. A... B... lui-même, ainsi que des indications des services techniques, que M. A... B... a entendu déverser des gravats dans une benne. Il y a toutefois procédé à un endroit qui n'était pas le point de dépôt, l'utilisation de la benne y étant manifestement empêchée par une plaque spécialement relevée sur ce seul côté. Le lieu normal de dépôt était situé à proximité immédiate, sur un autre côté de la benne. M. A... B... a toutefois déversé les gravats à la hauteur de la plaque de fermeture, sur laquelle il a pris appui. La fixation de la plaque étant insuffisante, elle a basculé et entrainé la chute de M. A... B.... Le défaut de fixation de la plaque de fermeture constitue un défaut d'entretien de l'ouvrage. La circonstance, invoquée par la communauté de communes, qu'un panneau évoquant des risques de chute a été apposé dans la déchetterie, est sans incidence utile dès lors que ce panneau d'avertissement n'était pas en lui-même de nature à informer les usagers du risque susceptible de résulter de la mauvaise fixation d'une plaque de fermeture. En revanche, l'accident a été rendu possible en raison de l'utilisation manifestement inadaptée de l'ouvrage par M. A... B..., alors qu'il lui était aisé de déposer les gravats à l'endroit prévu, situé à proximité immédiate. L'accident doit, dès lors, être regardé comme imputable pour les deux tiers à une faute d'imprudence et de négligence de la victime.

Sur les préjudices :

4. Le juge des référés du tribunal a diligenté une expertise médicale, confiée à un chirurgien orthopédiste, assisté d'un sapiteur psychiatre psychothérapeute. Le rapport, achevé le 19 juin 2019, relève des gênes pour la marche, et retient une consolidation au 1er mars 2019.

En ce qui concerne les différents chefs de préjudice :

5. En premier lieu, l'expert note qu'il n'y a pas eu d'hospitalisation et retient un déficit fonctionnel temporaire de 50 % pour les deux premiers mois, soit du 17 août 2017 au 17 octobre 2017, puis de 25 % pour le reste, jusqu'à la consolidation, survenue le 1er mars 2019. En évaluant le préjudice correspondant à la somme de 2 050 euros, le tribunal n'en a pas fait une évaluation inexacte.

6. En deuxième lieu, l'expert, sans caractériser un besoin d'assistance par une tierce personne, s'est borné à noter que M. A... B... a été aidé, durant six semaines, par sa compagne et une amie, pour s'habiller et faire sa toilette, pour les courses et pour l'accompagnement en consultation. En estimant que cette situation devait être regardée comme correspondant à un besoin d'assistance d'environ une heure par jour durant cette période brève, et en évaluant le préjudice correspondant à hauteur d'une somme de 642 euros, le tribunal n'en a pas fait une appréciation inexacte.

7. En troisième lieu, l'expert a relevé un préjudice esthétique temporaire très léger, évalué à 1/7, du fait des gênes à la marche avec port d'une canne. Le tribunal n'en a pas fait une évaluation excessive en retenant une somme de 1 000 euros.

8. En quatrième lieu, l'expert a évalué les souffrances à 2/7, soit un préjudice léger. En évaluant ce chef de préjudice à hauteur d'un montant de 2 000 euros, le tribunal n'en a pas fait une appréciation inexacte.

9. En cinquième lieu, l'expert a évalué le déficit fonctionnel permanent, en cumulant séquelles physiques liées à la différence de mobilité de la cheville et séquelles psychologiques liées au retentissement psychiatrique, à un taux global de 8 %. M. A... B... est né le 17 juillet 1979, et il est donc âgé de presque quarante ans à la date de la consolidation. En évaluant le préjudice résultant de ce taux d'incapacité à hauteur du montant de 10 000 euros, le tribunal n'en a pas fait une appréciation inexacte.

10. En sixième lieu, il ne résulte pas de l'instruction que, compte tenu du caractère très limité des séquelles et en l'absence d'éléments probants sur des activités qui auraient été fortement compromises par ces seules séquelles, M. A... B... justifierait subir un préjudice d'agrément significatif. Il fait seulement état de quelques activités sportives et de jardinage devenues plus difficiles. L'expert avait simplement noté qu'il n'a pas encore tenté de reprendre ses activités antérieures. Le tribunal n'a dès lors pas fait une évaluation inexacte de ce préjudice, en retenant un montant de 2 000 euros.

11. En septième lieu, si M. A... B... invoque un préjudice sexuel, l'expert ne l'a pas identifié et il ne résulte pas de l'instruction que les seules séquelles subies auraient généré un tel préjudice.

12. En huitième lieu, l'expert a relevé que le requérant a pu reprendre son activité professionnelle, qui est compatible avec son état, sans nécessité de changement. En estimant que la pénibilité accrue liée aux séquelles devait être évaluée à hauteur d'un montant de 2 500 euros, le tribunal n'en a pas fait une évaluation inexacte. Si M. A... B... soutient qu'il fait actuellement l'objet d'un licenciement pour inaptitude médicale, à la suite d'un avis d'inaptitude du 14 avril 2020, il ne résulte pas de l'instruction que cette procédure serait la conséquence nécessaire de l'accident, dont les séquelles ne font pas par elles-mêmes obstacle à la continuation de l'activité.

13. En neuvième lieu, la CPAM de la Côte d'Or établit, compte tenu de l'état des débours produit, explicité par une attestation d'imputabilité du médecin conseil, avoir pris en charge des pertes de revenus, à hauteur du montant total de 20 688,62 euros.

14. En dixième lieu, la CPAM de la Côte d'Or établit, compte tenu de l'état des débours produit, explicité par une attestation d'imputabilité du médecin conseil, avoir pris en charge des dépenses de santé, liées à des frais médicaux, des frais pharmaceutiques, des frais d'appareillage et des frais de transport, à hauteur d'un montant total de 3 758,48 euros, compte tenu des franchises mentionnées. Si elle évoque des " dépenses de santé future ", il résulte de l'attestation d'imputabilité qu'il s'agit en réalité de dépenses échues, sans aucune dépense prévue à titre viager.

En ce qui concerne les droits respectifs de la victime directe et de la caisse :

15. Compte tenu de la faute exonératoire commise par la victime, telle qu'elle a été exposée au point 3 du présent arrêt, la communauté de communes Ouche et Montagne devra indemniser M. A... B... à hauteur du montant de 6 730,67 euros. Compte tenu de la même faute, la communauté de communes devra verser à la CPAM de la Côte d'Or la somme de 8 149,03 euros. C'est à juste titre que le tribunal l'a également condamnée à verser à la caisse l'indemnité forfaitaire de gestion prévue par l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale, dont le montant n'a pas à être actualisé en appel dès lors que les montants alloués à la caisse ne sont pas majorés.

16. Il résulte de ce qui précède que la communauté de communes Ouche et Montagne est uniquement fondée à soutenir que c'est à tort que les sommes qu'elle a été condamnée à verser par le jugement du 13 juillet 2021 du tribunal administratif de Dijon n'ont pas été limitées aux montants respectifs de 6 730,67 euros pour M. A... B... et 8 149,03 euros au titre des débours, outre l'indemnité forfaitaire de gestion, pour la CPAM de la Côte d'Or.

Sur les dépens :

17. Il y a lieu de maintenir le partage de la charge des dépens à parts égales entre M. A... B... et la communauté de communes Ouche et Montagne.

Sur les frais de l'instance :

18. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées par les parties sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : La somme que la communauté de communes Ouche et Montagne a été condamnée à verser à M. A... B... par l'article 1er du jugement n° 2001119 du 13 juillet 2021 du tribunal administratif de Dijon, est ramenée au montant de 6 730,67 euros.

Article 2 : La somme que la communauté de communes Ouche et Montagne a été condamnée à verser à la caisse primaire d'assurance maladie de la Côte d'Or au titre de ses débours par l'article 2 du jugement n° 2001119 du 13 juillet 2021 du tribunal administratif de Dijon, est ramenée au montant de 8 149,03 euros, outre l'indemnité forfaitaire de gestion.

Article 3 : Le jugement n° 2001119 du 13 juillet 2021 du tribunal administratif de Dijon est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : La charge des dépens demeure attribuée à parts égales à M. A... B... et à la communauté de communes Ouche et Montagne.

Article 5 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... A... B..., à la communauté de communes Ouche et Montagne et à la caisse primaire d'assurance maladie de la Côte d'Or.

Copie en sera adressée au Dr E... C..., expert.

Délibéré après l'audience du 11 mai 2023, à laquelle siégeaient :

M. Pourny, président de chambre,

M. Stillmunkes, président assesseur,

Mme Bentéjac, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 1er juin 2023.

Le rapporteur,

H. Stillmunkes

Le président,

F. Pourny

La greffière,

F. Abdillah

La République mande et ordonne au préfet de la Côte d'Or, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 21LY03003


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 21LY03003
Date de la décision : 01/06/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

67-02-04-01-02 Travaux publics. - Règles communes à l'ensemble des dommages de travaux publics. - Causes d'exonération. - Faute de la victime. - Existence d'une faute.


Composition du Tribunal
Président : M. POURNY
Rapporteur ?: M. Henri STILLMUNKES
Rapporteur public ?: Mme COTTIER
Avocat(s) : MVA MENDEL - VOGUE ET ASSOCIÉS

Origine de la décision
Date de l'import : 11/06/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2023-06-01;21ly03003 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award