Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
La SARL Le Parisien a demandé au tribunal administratif de Dijon de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2013 à 2015 et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er avril 2012 au 31 janvier 2016, ainsi que des pénalités correspondantes, et de condamner l'Etat au paiement des intérêts moratoires en application de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales.
Par un jugement n° 1900078 du 5 juillet 2021, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête, enregistrée le 24 août 2021, et un mémoire, non communiqué, enregistré le 1er mai 2022, la SARL Le Parisien, représentée par Me Fiorese, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de prononcer la décharge de ces impositions et des pénalités correspondantes ;
3°) de condamner l'Etat au paiement des intérêts moratoires en application de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- compte tenu de la nature des traitements envisagés par l'administration, elle n'était pas en situation de les réaliser de sorte qu'elle n'avait d'autre alternative que de confier au service le soin d'exécuter ces traitements ; ces traitements sollicités n'étaient pas compréhensibles ; la procédure d'imposition est ainsi intervenue en méconnaissance du II de l'article L. 47 A du livre des procédures fiscales ;
- l'article L. 47 A du livre des procédures fiscales, ni aucune autre disposition, n'autorisait l'administration à se faire remettre l'ensemble des fichiers informatiques internes à l'entreprise, au-delà des seuls fichiers relatifs aux écritures comptables, notamment les données issues de la caisse enregistreuse ;
- elle a été privée d'une garantie en ce que le débat oral et contradictoire a été affecté par le fait que la méthode de reconstitution était incompréhensible et que les éléments reconstitués par le service n'étaient pas vérifiables ;
- en ne répondant pas favorablement à sa demande tendant à lui fournir une liste faisant apparaître, pour chacun des fournisseurs dont les factures avaient été dépouillées, les numéros et les montants de ces factures, l'administration a méconnu l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales ;
- l'avis rendu par la commission des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires de la Côte-d'Or, laquelle s'est bornée à valider la reconstitution opérée par l'administration et a inversé la charge de la preuve, est irrégulier ; la preuve du bien-fondé des impositions incombe ainsi à l'administration ;
- sa comptabilité n'était pas irrégulière en ce que les anomalies comptables relevées par l'administration résultent d'approximations ou d'erreurs commises par le service ;
- l'administration n'a pas exposé les motifs pour lesquels elle a procédé, pour reconstituer ses chiffres d'affaires, au partage des produits, boissons et plats proposés à la clientèle ni la méthode utilisée pour procéder à cette opération de partage, de sorte qu'elle ne peut discuter utilement de la pertinence des traitements informatiques effectués ;
- la méthode de reconstitution utilisée par l'administration, trop complexe, approximative et mise en œuvre à partir d'un nombre de produits trop réduit, est entachée d'anomalies et d'incohérences révélant un manque de pertinence et l'absence de fondement des résultats reconstitués ;
- s'agissant des produits qui sont à la fois revendus en l'état et incorporés dans d'autres plats, la méthode retenue est entachée de lacunes méthodologiques qui ont eu pour effet d'amplifier les écarts observés ;
- l'administration a insuffisamment pris en compte les pertes, les offerts ainsi que la consommation du personnel ;
- les travaux de valorisation des écarts réalisés par l'administration sont dénués de sens ;
- l'extrapolation effectuée par l'administration, qui a consisté à appliquer un taux d'insuffisance constaté sur les recettes de la partie de la comptabilité vérifiée à celles de la partie non vérifiée, est dépourvue de valeur probante.
Par un mémoire en défense, enregistré le 31 décembre 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par la SARL Le Parisien ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Pin, premier conseiller,
- et les conclusions de Mme Lesieux, rapporteure publique ;
Considérant ce qui suit :
1. La SARL Le Parisien, qui exploite un restaurant à Beaune (Côte-d'Or), a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant, en matière de taxe sur la valeur ajoutée, sur la période du 1er avril 2012 au 31 janvier 2016 et, en matière d'impôt sur les sociétés, sur les exercices clos en 2013, 2014 et 2015. A l'issue du contrôle, la vérificatrice, après avoir écarté la comptabilité de la société qu'elle a estimé non probante et procédé à la reconstitution de ses chiffres d'affaires par application de la méthode dite de " comptabilité matière ", a réintégré dans les résultats des exercices vérifiés et taxé à la taxe sur la valeur ajoutée les omissions de recettes révélées par la reconstitution. En conséquence des rehaussements de ses bénéfices imposables et de ses recettes taxables à la taxe sur la valeur ajoutée, notifiés suivant la procédure contradictoire, la SARL Le Parisien a été assujettie à des compléments d'impôt sur les sociétés au titre des trois exercices ainsi qu'à des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période vérifiée, assortis de la majoration de 40 % pour manquement délibéré prévue au a) de l'article 1729 du code général des impôts. La SARL Le Parisien relève appel du jugement du 5 juillet 2021 par lequel le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces impositions et des majorations dont elles ont été assorties.
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 13 du livre des procédures fiscales : " IV. - Lorsque la comptabilité est tenue au moyen de systèmes informatisés, le contrôle porte sur l'ensemble des informations, données et traitements informatiques qui concourent directement ou indirectement à la formation des résultats comptables ou fiscaux et à l'élaboration des déclarations rendues obligatoires par le code général des impôts ainsi que sur la documentation relative aux analyses, à la programmation et à l'exécution des traitements ". Aux termes du I de l'article L. 47 A du même livre dans sa rédaction applicable au litige : " I. - Lorsque la comptabilité est tenue au moyen de systèmes informatisés, le contribuable satisfait à l'obligation de représentation des documents comptables mentionnés au premier alinéa de l'article 54 du code général des impôts en remettant au début des opérations de contrôle, sous forme dématérialisée répondant à des normes fixées par arrêté du ministre chargé du budget, une copie des fichiers des écritures comptables définies aux articles 420-1 et suivants du plan comptable général./ Le premier alinéa du présent article s'applique également aux fichiers des écritures comptables de tout contribuable soumis par le code général des impôts à l'obligation de tenir et de présenter des documents comptables autres que ceux mentionnés au premier alinéa du même article 54 et dont la comptabilité est tenue au moyen de systèmes informatisés./ L'administration peut effectuer des tris, classements ainsi que tous calculs aux fins de s'assurer de la concordance entre la copie des enregistrements comptables et les déclarations fiscales du contribuable. L'administration détruit, avant la mise en recouvrement, les copies des fichiers transmis. (...) ".
3. Doivent être regardés comme des systèmes informatisés de tenue de comptabilité, au sens des articles L. 13 et L. 47 A du livre des procédures fiscales, dont les données sont soumises au contrôle qu'ils prévoient, les progiciels de comptabilité sur lesquels sont reportées les recettes journalières ainsi que les caisses ou équipements de nature comparable dotés de logiciels informatiques participant, même indirectement, à la centralisation des recettes journalières dès lors qu'ils concourent effectivement à l'établissement de la comptabilité. Est à cet égard sans incidence la circonstance que les données de ces caisses ou équipements ne soient pas transmises de manière informatique au progiciel de comptabilité.
4. L'administration a relevé, au cours de la vérification de comptabilité, que la SARL Le Parisien disposait d'une caisse enregistreuse, dotée d'un logiciel de gestion de caisse, à partir de laquelle le gérant éditait quotidiennement un état récapitulatif, sous format papier. Ces états récapitulatifs, qui procèdent d'un traitement informatique des données issues de la caisse enregistreuse, étaient ensuite transmis à mensuellement à un cabinet comptable en vue d'être enregistrés dans un logiciel de comptabilité. Il résulte de ces constatations que les données issues de la caisse enregistreuse utilisée par la société constituent des informations concourant directement ou indirectement à l'élaboration des résultats comptables ou fiscaux et à l'élaboration des déclarations rendues obligatoires par le code général des impôts, au sens du deuxième alinéa de l'article L. 13 du livre des procédures fiscales, et entraient en conséquence dans le champ du contrôle des comptabilités tenues au moyen de systèmes informatisés, sans qu'y fasse obstacle la circonstance que la caisse enregistreuse n'était pas connectée à l'application de comptabilité. Il s'ensuit que les données issues de cette caisse enregistreuse entraient dans le champ de l'article L. 47 A du livre des procédures fiscales. Dès lors qu'elle a eu recours à ce logiciel de gestion de caisse et de tenue de la comptabilité pour l'établissement de ses documents comptables, lequel lui a permis de procéder à une centralisation de ses recettes de manière informatique, la société requérante doit être regardée comme ayant tenu sa comptabilité au moyen de systèmes informatisés, alors même qu'une partie de ses documents comptables était établie sur support papier. Contrairement à ce que soutient la SARL Le Parisien, la copie des fichiers qu'elle a remise à la vérificatrice contenait uniquement des données, relatives à la nature et au montant des ventes opérées, que l'administration pouvait consulter en application des articles L. 13 du livre des procédures fiscales et 54 du code général des impôts et qu'elle pouvait utiliser pour effectuer les traitements informatiques envisagés sur le fondement de l'article L. 47 A du livre des procédures fiscales. Enfin, il ne résulte pas de l'instruction que les traitements opérés par l'administration sur les données en cause auraient été irréguliers.
5. En deuxième lieu, aux termes du II de l'article L. 47 A du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable au litige : " II.- En présence d'une comptabilité tenue au moyen de systèmes informatisés et lorsqu'ils envisagent des traitements informatiques, les agents de l'administration fiscale indiquent par écrit au contribuable la nature des investigations souhaitées. Le contribuable formalise par écrit son choix parmi l'une des options suivantes : a) Les agents de l'administration peuvent effectuer la vérification sur le matériel utilisé par le contribuable ; b) Celui-ci peut effectuer lui-même tout ou partie des traitements informatiques nécessaires à la vérification. Dans ce cas, l'administration précise par écrit au contribuable, ou à un mandataire désigné à cet effet, les travaux à réaliser ainsi que le délai accordé pour les effectuer. Les résultats des traitements sont alors remis sous forme dématérialisée répondant à des normes fixées par arrêté du ministre chargé du budget ; c) Le contribuable peut également demander que le contrôle ne soit pas effectué sur le matériel de l'entreprise. Il met alors à la disposition de l'administration les copies des documents, données et traitements soumis à contrôle. Ces copies sont produites sur tous supports informatiques, répondant à des normes fixées par arrêté du ministre chargé du budget. L'administration restitue au contribuable avant la mise en recouvrement les copies des fichiers et n'en conserve pas de double. L'administration communique au contribuable, sous forme dématérialisée ou non au choix du contribuable, le résultat des traitements informatiques qui donnent lieu à des rehaussements au plus tard lors de l'envoi de la proposition de rectification mentionnée à l'article L. 57 ".
6. Il résulte de ces dispositions que le vérificateur qui envisage un traitement informatique sur une comptabilité tenue au moyen de systèmes informatisés est tenu d'indiquer au contribuable, au plus tard au moment où il décide de procéder au traitement, par écrit et de manière suffisamment précise, la nature des investigations qu'il souhaite effectuer, c'est-à-dire les données sur lesquelles il entend faire porter ses recherches ainsi que l'objet de ces investigations, afin de permettre au contribuable de choisir en toute connaissance de cause entre les trois options offertes par ces dispositions. Le vérificateur n'est, à cet égard et conformément aux dispositions du b) du II de l'article L. 47 A du livre des procédures fiscales, tenu de préciser au contribuable la description technique des travaux informatiques à réaliser en vue de la mise en œuvre de ces investigations que si celui-ci a ensuite fait le choix d'effectuer lui-même tout ou partie des traitements informatiques nécessaires à la vérification.
7. Il résulte de l'instruction que, par une lettre du 26 avril 2016, la vérificatrice, après avoir rappelé le mode opératoire de comptabilisation de la SARL Le Parisien, a informé cette dernière de son souhait de procéder à quatre types de traitements, portant, respectivement, pour le premier, sur la vérification de la cohérence et de l'exhaustivité des ventes et règlements enregistrés, pour le deuxième, sur la vérification des taux de taxe sur la valeur ajoutée appliqués aux articles vendus, pour le troisième, sur le contrôle des procédures de correction et d'annulation utilisées sur les systèmes de caisse, et enfin, pour le dernier, sur la totalisation, par article, du chiffre d'affaires et des quantités vendues. Cette lettre précisait ensuite les modalités de présentation des fichiers informatiques en renvoyant aux prévisions de l'article A. 47 A-2 du livre des procédures fiscales. Enfin, elle indiquait les trois options ouvertes à la société aux fins de satisfaire à la demande de traitement de l'administration, en renvoyant aux trois aliénas du II de l'article L. 47 A du livre des procédures fiscales et en précisant, pour chacune de ces options, les conditions de présentation des fichiers et les délais de remise.
8. Il résulte de ces éléments, d'une part, que, contrairement à ce que soutient la SARL Le Parisien, l'administration a indiqué, d'une façon suffisamment précise et intelligible, la nature des investigations qu'elle souhaitait effectuer sur la comptabilité tenue au moyen de systèmes informatisés, de telle sorte que la société a pu effectuer de façon éclairée son choix entre les trois options qui lui étaient offertes. Il ne résulte pas de l'instruction que, compte tenu des modalités particulières selon lesquelles elle a tenu sa comptabilité, et, notamment, de la circonstance que les données relatives aux stocks étaient répertoriés sur support papier, la société aurait été dans l'incapacité technique d'effectuer les traitements envisagés par la vérificatrice, et qu'elle a été en pratique privée de la possibilité d'opérer un choix pour l'option du b). Par suite, la SARL Le Parisien n'est pas fondée à soutenir que le II de l'article L. 47 A du livre des procédures fiscales a été méconnu.
9. En troisième lieu, la SARL Le Parisien reprend en appel le moyen, qu'elle avait invoqué en première instance, tiré de de la méconnaissance de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales. Il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus par les premiers juges.
10. En dernier lieu, dans le cas où la vérification de la comptabilité d'une entreprise a été effectuée, comme il est de règle, dans ses propres locaux, soit, si son dirigeant ou représentant l'a expressément demandé, dans les locaux du comptable auprès duquel sont déposés les documents comptables, c'est au contribuable qui allègue que les opérations de vérification ont été conduites sans qu'il ait eu la possibilité d'avoir un débat oral et contradictoire avec le vérificateur de justifier que ce dernier se serait refusé à un tel débat.
11. Il est constant que la vérification de comptabilité de la SARL Le Parisien s'est déroulée, à la demande de la société, dans les locaux de son comptable, et que le contrôle a donné lieu à quatre rencontres entre la vérificatrice et les représentants de la contribuable entre le 4 avril 2016, date de l'engagement de la vérification de comptabilité, et le 24 novembre 2016, date de la réunion de synthèse. En se bornant à faire état de la complexité des opérations de reconstitution de ses chiffres d'affaires et de ses résultats et à alléguer, sans au demeurant l'établir, qu'elle était dans l'incapacité de vérifier par elle-même les résultats obtenus par l'administration, la société n'établit pas que la vérificatrice se serait refusée à tout échange de vues sur le montant de ses chiffres d'affaires et de ses résultats et n'apporte pas la preuve, qui lui incombe, de ce qu'elle avait été privée de la possibilité d'un débat oral et contradictoire avec la vérificatrice.
Sur le bien-fondé des impositions :
En ce qui concerne le rejet de la comptabilité :
12. En vertu de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales, la charge de la preuve des graves irrégularités invoquées par l'administration incombe à cette dernière.
13. La vérificatrice a écarté la comptabilité de la société SARL Le Parisien comme étant non probante en raison notamment, d'une part, de l'omission de nombreuses opérations d'achats et de recettes et, d'autre part, d'un compte de caisse présentant d'importants soldes créditeurs, de façon répétée. Il résulte de l'instruction que le service a constaté, après avoir dépouillé les factures d'achats et analysé les stocks de la société, que les quantités d'achats revendus de certains produits, déterminées en ajoutant aux achats le stock initial et en soustrayant le stock final de chaque exercice, étaient supérieures aux quantités de produits achetés, et ce pour des montants significatifs. Le vérificateur a également constaté, pour d'autres produits, des écarts négatifs entre les quantités d'achats revendus et de produits vendus, révélant ainsi des achats non comptabilisés. Si la SARL Le Parisien fait valoir que sa comptabilité était formellement régulière, une telle circonstance, qui n'est, en tout état de cause, pas, à elle seule, de nature à en établir le caractère sincère et complet, ne fait pas obstacle à ce que cette comptabilité soit rejetée en raison de son caractère insuffisamment probant, dès lors que l'administration se fonde sur des éléments de fait permettant d'établir que cette comptabilité n'a pas enregistré tous les éléments de l'activité du contribuable. Il ne résulte pas de l'instruction que les constats opérés par la vérificatrice quant aux écarts positifs ou négatifs observés entre les achats revendus et les ventes seraient entachés d'approximations et d'erreurs dont la société requérante fait état, sans d'ailleurs en préciser la teneur. En outre, la SARL Le Parisien ne conteste pas l'existence d'un important solde créditeur de caisse qui a été relevée à plusieurs reprises par la vérificatrice. Ainsi, au regard de l'ensemble des éléments relevés par la vérificatrice, l'administration établit que la comptabilité de la SARL Le Parisien n'était pas probante, et elle était ainsi fondée à procéder à une reconstitution des chiffres d'affaires de l'entreprise.
En ce qui concerne la reconstitution :
14. En vertu de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales, la SARL Le Parisien n'ayant pas accepté les rectifications qui lui ont été notifiées et alors que le ministre ne se prévaut plus en appel d'un avis de la commission des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires que le tribunal administratif a jugé irrégulier, il incombe à l'administration d'apporter la preuve du bien-fondé des suppléments d'impôt.
15. Il résulte de l'instruction que la vérificatrice a procédé à l'établissement d'une comptabilité matière à partir, d'une part, des factures d'achats et des inventaires, permettant de déterminer le nombre d'achats revendus par catégories de produits et, d'autre part, des relevés de ventes issus de la caisse enregistreuse du restaurant à partir d'une majorité de produits représentant, selon les exercices, entre 68 % et 74 % du chiffre d'affaires. Elle a estimé que le rapprochement du nombre des achats revendus et des ventes déclarées faisait apparaître l'existence, d'une part, de ventes non comptabilisées pour certaines catégories d'articles lorsque le nombre d'achats revendus était supérieur aux ventes déclarées et, d'autre part, pour d'autres catégories, d'achats non comptabilisés lorsque le nombre de ventes déclarées était supérieur aux achats revendus. L'administration a alors déterminé les montants de recettes correspondant aux ventes non déclarées d'achats comptabilisés, d'une part, et d'achats non comptabilisés, d'autre part. Le service a justifié avoir retenu, parmi l'ensemble des produits vendus, un échantillon de produits pour lesquels il disposait d'éléments fiables pour procéder à une telle reconstitution. Les investigations auxquelles l'administration a procédé ont permis de recueillir, ainsi qu'il a été dit, des données sur plus des deux tiers des ventes effectuées au cours de la période vérifiée, ce qui constituait, dans les circonstances de l'espèce, un échantillon suffisamment représentatif permettant de reconstituer le chiffre d'affaires de l'ensemble des exercices concernés. Le service a ainsi pu procéder valablement à la valorisation des écarts entre les quantités facturées et les quantités déstockées. Si la société requérante fait valoir que la reconstitution opérée par la vérificatrice comporte des erreurs, elle admet elle-même que l'administration a rectifié les rehaussements initialement envisagés dans la proposition de rectification afin de prendre en considération les éléments qu'elle avait relevés. Contrairement à ce que soutient la société, ces anomalies ponctuelles qu'elle avait signalées ne sauraient, par elles-mêmes, révéler un défaut de pertinence de la méthode de reconstitution mise en œuvre. Il ne résulte pas de l'instruction que les opérations de reconstitution des chiffres d'affaires de la SARL Le Parisien auraient présenté une complexité telle qu'elle la priverait de la possibilité d'en discuter utilement. Si la société fait valoir que la méthode de reconstitution ne tient pas compte du fait que certaines marchandises peuvent être revendues en l'état ou être transformées pour être incorporées dans des plats comme la viande de poulet ou de bœuf entrant dans la composition de plats cuisinés, ont été exclues de la reconstitution, il résulte des mentions, non contestées, figurant dans la réponse aux observations du contribuable que la société avait précisé, lors du débat oral et contradictoire, que la confection des plats se limitait à la décongélation de plats cuisinés ne comportant pas la transformation de produits carnés achetés par la société. En outre, l'administration a retenu un taux de perte et d'offerts de 15 % pour les bières, de 10 % pour les ventes de vin au verre, de 5 % pour les vins vendus en bouteille, et de 2 % pour les produits autres que les boissons et a évalué la consommation du personnel à hauteur de 25 euros par repas, ces éléments n'apparaissant pas, au vu de l'instruction, insuffisants.
16. Il résulte de ce qui précède que l'administration, qui comme il a été rappelé ci-dessus, ne pouvait se fonder sur la seule comptabilité de la société qui n'était pas probante, apporte la preuve qui lui incombe que la méthode extracomptable utilisée par elle, qui repose sur les données propres à l'entreprise, n'est ni radicalement viciée dans son principe, ni entachée d'approximation qui la rendrait excessivement sommaire.
Sur les intérêts moratoires :
17. Les intérêts dus au contribuable en vertu de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales en cas de remboursements effectués en raison de dégrèvements d'impôt prononcés par la juridiction administrative sont, en application de l'article R. 208-1 du même livre, " payés d'office en même temps que les sommes remboursées au contribuable par le comptable chargé du recouvrement des impôts ". En l'absence de litige né et actuel avec le comptable sur ce point, les conclusions de la SARL Le Parisien tendant au versement d'intérêts moratoires ne peuvent qu'être rejetées.
18. Il résulte de ce qui précède que SARL Le Parisien n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la SARL Le Parisien est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Le Parisien et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Délibéré après l'audience du 4 mai 2023, à laquelle siégeaient :
M. Pruvost, président de chambre,
Mme Courbon, présidente-assesseure,
M. Pin, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 25 mai 2023.
Le rapporteur,
F.-X. Pin
Le président,
D. PruvostLa greffière,
N. Lecouey
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
2
N° 21LY02855