Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 17 juillet 2019 par lequel le maire de Lyon a refusé de lui délivrer un permis de construire modificatif et a implicitement retiré l'autorisation d'urbanisme tacite née le 4 juin 2019, ensemble la décision du 14 novembre 2019 rejetant son recours gracieux.
Par un jugement n° 2000465 du 15 septembre 2021, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 17 novembre 2021 et le 2 septembre 2022, M. A... B..., représenté par Me Lopez, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 15 septembre 2021 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 17 juillet 2019 et la décision de rejet du recours gracieux ;
3°) de mettre une somme de 3 500 euros à la charge de la ville de Lyon au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les entiers dépens.
Il soutient que :
- les modifications sollicitées ne peuvent être regardées comme induisant un bouleversement de l'économie générale du projet et comme constituant, par suite, une nouvelle demande de permis ;
- le dossier, tel que complété le 4 mars 2019, était complet ; les demandes de pièces complémentaires, qui n'étaient pas substantielles, n'ont pas prorogé le délai d'instruction, ayant été présentées, d'une part, après le délai d'un mois courant à compter du 4 mars 2019 et, d'autre part, uniquement par mail et non en lettre recommandée ; ces prorogations illégales n'ont, par suite, pas fait obstacle à l'intervention d'un permis tacite le 4 juin 2019, sans que l'absence de recours contentieux contre ces prorogations y fasse obstacle ;
- un permis tacite étant né le 4 juin 2019, l'arrêté du 17 juillet 2019 doit être regardé comme ayant implicitement mais nécessairement retiré ce permis tacite ; ce retrait, à défaut d'avoir été précédé d'une procédure contradictoire, méconnaît les dispositions de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration ;
- l'arrêté du 17 juillet 2019 est entaché d'erreur de droit dès lors que le PLU-H de la métropole de Lyon approuvé le 13 mai 2019 n'est opposable qu'à compter du 18 juin 2019, soit postérieurement au permis tacite né le 4 juin 2019, l'instruction de la demande de permis ayant d'ailleurs été faite au vu de l'ancien document d'urbanisme ;
- le projet objet de la demande d'autorisation d'urbanisme est conforme aux prescriptions du document d'urbanisme en vigueur au 4 juin 2019, la seule réserve opposée au projet précédemment déposé et refusé, telle que transcrite par un message téléphonique des services instructeurs, portant sur l'habitabilité et ayant été levée par le dépôt de cette nouvelle demande de permis modificatif.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 17 juin 2022 et le 7 octobre 2022, ce dernier n'ayant pas été communiqué, la ville de Lyon, représentée par Me Conti, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de M. B... une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés, la prorogation du délai d'instruction avant l'intervention du délai d'intervention du permis tacite faisant obstacle à l'intervention d'un tel permis tacite et la nouvelle règle d'urbanisme étant entrée en vigueur à la date du refus de permis litigieux ;
- les pièces déposées les 6 et 24 mai 2019 traduisent des modifications substantielles, correspondant seules à la réalité des travaux déjà réalisés, et portent notamment sur la réalisation de deux appartements de type 5 et d'un appartement de type 4 au lieu de trois appartements de type 4 et la création de nouvelles fenêtres ; qu'il s'agit ainsi d'une nouvelle demande d'autorisation, soumise à un nouveau délai d'instruction de trois mois.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. François Bodin-Hullin, premier conseiller ;
- les conclusions de M. Jean-Simon Laval, rapporteur public ;
- les observations de Me Lopez pour M. B... ainsi que celles de Me Benhadj pour la ville de Lyon.
Considérant ce qui suit :
1. M. B... a bénéficié, par arrêté du 30 juin 2017, du transfert du permis de construire délivré par arrêté du 19 novembre 2015 pour le changement de destination d'un entrepôt en un logement avec démolition, modification de façade et réfection de toiture. Les travaux réalisés n'étaient toutefois pas conformes à cette autorisation et un procès-verbal d'infraction a été dressé le 26 mars 2018 constatant la démolition d'une partie de la construction, qui ne devait être que réhabilitée, la reconstruction d'un bâtiment sans respecter le volume existant, la création de trois appartements au lieu d'un seul, impliquant par suite la réalisation d'aires de stationnement, le changement des menuiseries en PVC blanc et la suppression des ouvertures, et un autre procès-verbal d'infraction a à nouveau été dressé le 13 décembre 2018. M. B... a été mis en demeure, par courrier du 12 avril 2018, de cesser les travaux entrepris et de régulariser sa situation. Il a alors déposé, en dernier lieu, une demande de permis modificatif le 8 janvier 2019, qui a été refusée par arrêté du 17 juillet 2019 du maire de Lyon aux motifs que le projet méconnaît les articles 4.1.1.a, 4.2.1. b et 5.2.2.2.3 du règlement du PLU-H approuvé le 13 mai 2019. M. B... a formé un recours gracieux le 18 septembre 2019, rejeté par le maire de la ville de Lyon par courrier du 14 novembre 2019. M. B... relève appel du jugement du tribunal administratif de Lyon du 15 septembre 2021 qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 17 juillet 2019, ensemble le rejet de son recours gracieux.
Sur la qualification de l'arrêté du 17 juillet 2019 :
2. En vertu de l'article R. 423-23 du code de l'urbanisme : " Le délai d'instruction de droit commun est de : / a) Un mois pour les déclarations préalables ; / b) Deux mois pour les demandes de permis de démolir et pour les demandes de permis de construire portant sur une maison individuelle, au sens du titre III du livre II du code de la construction et de l'habitation, ou ses annexes ; / c) Trois mois pour les autres demandes de permis de construire et pour les demandes de permis d'aménager. ".
3. Par ailleurs, aux termes de l'article R. 423-19 du code de l'urbanisme : " Le délai d'instruction court à compter de la réception en mairie d'un dossier complet. ". Selon l'article L. 423-22 du même code : " Pour l'application de la présente section, le dossier est réputé complet si l'autorité compétente n'a pas, dans le délai d'un mois à compter du dépôt du dossier en mairie, notifié au demandeur ou au déclarant la liste des pièces manquantes dans les conditions prévues par les articles R. 423-38 et R. 423-41. ". En vertu de l'article R. 423-38 de ce code : " Lorsque le dossier ne comprend pas les pièces exigées en application du présent livre, l'autorité compétente, dans le délai d'un mois à compter de la réception ou du dépôt du dossier à la mairie, adresse au demandeur ou à l'auteur de la déclaration une lettre recommandée avec demande d'avis de réception ou, dans le cas prévu par l'article R. 423-48, un échange électronique, indiquant, de façon exhaustive, les pièces manquantes. ". L'article R. 423-39 du même code dispose : " L'envoi prévu à l'article R. 423-38 précise : (...) c) que le délai d'instruction commencera à courir à compter de la réception des pièces manquantes par la mairie. ". Aux termes de l'article R. 424-1 de ce code : " A défaut de notification d'une décision expresse dans le délai d'instruction déterminé comme il est dit à la section IV du chapitre III ci-dessus, le silence gardé par l'autorité compétente vaut, selon les cas : (...) b) Permis de construire, permis d'aménager ou permis de démolir tacite. / (...) ".
4. Il résulte de ces dispositions qu'à l'expiration du délai d'instruction tel qu'il résulte de l'application des dispositions du chapitre III du titre II du livre IV du code de l'urbanisme relatives à l'instruction des déclarations préalables, des demandes de permis de construire, d'aménager ou de démolir, naît une décision de non-opposition à déclaration préalable ou un permis tacite. En application de ces dispositions, le délai d'instruction n'est ni interrompu, ni modifié par une demande, illégale, tendant à compléter le dossier par une pièce qui n'est pas exigée en application du livre IV de la partie réglementaire du code de l'urbanisme. Dans ce cas, une décision de non-opposition à déclaration préalable ou un permis tacite naît à l'expiration du délai d'instruction, sans qu'une telle demande puisse y faire obstacle.
5. Le permis de construire en litige, qui porte sur le changement de destination d'un entrepôt en trois logements avec démolition, modification de façade et réfection de toiture, a été demandé le 8 janvier 2019. Des pièces complémentaires sollicitées ont été reçues en mairie le 4 mars 2019, en réponse à la demande des services instructeurs du 31 janvier 2019 portant sur la production d'un imprimé Cerfa complété et des précisions à apporter sur la notice descriptive. Le dossier était ainsi réputé complet, et le dépôt de récépissé de ces pièces a fait courir le délai d'instruction, fixé à trois mois par le c) de l'article R.423-23 du code de l'urbanisme. Un permis tacite est ainsi intervenu le 4 juin 2019.
6. Les services instructeurs ont informé M. B..., par mail du 30 avril 2019, que la direction de l'écologie urbaine avait émis un avis défavorable en relevant que " sans élément permettant de lever cet avis, le dossier recevra un arrêté défavorable ". Par un autre mail du 3 mai 2019 de la direction écologie-urbanisme de la ville de Lyon, qui avait souhaité effectuer une visite des lieux afin de mieux comprendre les travaux projetés au regard de ceux déjà réalisés, M. B... a été informé que " suite à cette visite et afin de lever notre avis défavorable, je vous remercie de déposer auprès du service urbanisme les éléments suivants : - le formulaire Cerfa rectifié soit 2 T5 et 1 T4, - le plan d'aménagement intérieur rectifié avec les velux correspondant à la réalité, - l'acte de vente transmis par mail ce matin qui précise l'activité antérieurement exercée sur ce site " sellier-garnisseur ". M. B... a déposé les documents sollicités les 6 et 24 mai 2019 et les services instructeurs ont alors, par courriers des 14 mai 2019 et 2 juillet 2019, informé l'intéressé que, suite au dépôt de ces pièces complémentaires, l'expiration du délai d'instruction de la demande de permis était reportée au 6 août 2019 puis au 24 août 2019. Toutefois, cette demande, en outre présentée de manière informelle, de pièces complémentaires, a été faite postérieurement au délai d'un mois à compter du dépôt du dossier complet et il n'est pas plus établi, au demeurant, qu'il s'agisse de pièces pouvant être légalement exigées en application du livre IV de la partie réglementaire du code de l'urbanisme, étant relevé à cet égard qu'il appartient à l'administration, saisie d'une demande de permis de régularisation, de statuer seulement au vu du dossier qui accompagne la demande, sans rechercher si la construction réalisée est conforme ou non aux règles applicables, sous réserve de la fraude, qui n'était pas invoquée en l'espèce. Le dépôt des pièces ainsi exigées, qui, contrairement à ce que soutient la commune, ne traduit ni un dépôt spontané ni des modifications telles qu'il s'agirait d'un permis nouveau, ne pouvait légalement fonder les nouvelles prorogations du délai d'instruction des 14 mai et 2 juillet 2019. Il en résulte que ni la demande de pièces, qui avait un caractère illégal, ni les prorogations, illégales, de délais d'instruction, n'ont fait obstacle à l'intervention du permis tacite. M. B... est donc fondé à soutenir que, à la date d'intervention de l'arrêté du 17 juillet 2019 en litige, il bénéficiait d'une autorisation tacite intervenue le 4 juin 2019, et que l'arrêté du 17 juillet 2019 doit être regardé comme rapportant ce permis de construire tacite.
Sur la légalité de l'arrêté du 17 juillet 2019 :
7. En premier lieu, aux termes de l'article L. 424-5 du code de l'urbanisme : " La décision de non-opposition à une déclaration préalable ou le permis de construire ou d'aménager ou de démolir, tacite ou explicite, ne peuvent être retirés que s'ils sont illégaux et dans le délai de trois mois suivant la date de ces décisions. Passé ce délai, la décision de non-opposition et le permis ne peuvent être retirés que sur demande expresse de leur bénéficiaire. (...) ".
8. Pour retirer l'autorisation accordée tacitement le 4 juin 2019, le maire de la ville de Lyon s'est fondé sur la méconnaissance des articles 4.1.1.a, 4.2.1. b et 5.2.2.2.3 du règlement du PLU-H de la métropole de Lyon approuvé le 13 mai 2019 et opposable à compter du 18 juin 2019. M. B... soutient toutefois à bon droit que ces dispositions ne pouvaient légalement être opposées au permis tacite né le 4 juin 2019, soit antérieurement à leur entrée en vigueur, et, par suite, fonder le retrait litigieux.
9. En deuxième lieu, l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration dispose que : " Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application de l'article L. 211-2, ainsi que les décisions qui, bien que non mentionnées à cet article, sont prises en considération de la personne, sont soumises au respect d'une procédure contradictoire préalable ". Selon l'article L. 121-2 dudit code : " Les décisions mentionnées à l'article L. 211-2 n'interviennent qu'après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales (...) ". En vertu de l'article L. 211-2 du même code : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : / (...) 4° Retirent ou abrogent une décision créatrice de droits ; (...) ".
10. M. B... soutient, sans être contredit, que la procédure contradictoire prévue par l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration n'a pas été respectée. Par suite le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure de retrait est fondé.
11. En troisième lieu, si M. B... soutient que son projet est conforme au PLU-H approuvé le 13 mai 2019, cette circonstance est sans incidence sur la légalité du permis tacite, s'agissant de dispositions qui n'étaient pas opposables.
12. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.
Sur les frais liés au litige :
13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la somme que la ville de Lyon demande au titre des frais qu'elle a exposés soit mise à la charge de M. B..., qui n'est pas partie perdante.
14. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de la ville de Lyon la somme demandée par M. B... sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
15. Les conclusions présentées par M. B... tendant à la condamnation de la ville de Lyon aux dépens ne peuvent qu'être rejetées, aucun frais de cette nature n'ayant été engagé.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Lyon du 15 septembre 2021 et l'arrêté du 17 juillet 2019, ensemble le rejet du recours gracieux, sont annulés.
Article 2 : Les conclusions présentées par M. B... sur le fondement des articles L. 761-1 et R. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Les conclusions présentées par la ville de Lyon au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et à la ville de Lyon.
Délibéré après l'audience du 25 avril 2023 à laquelle siégeaient :
Mme Monique Mehl-Schouder, présidente de chambre,
Mme Camille Vinet, présidente-assesseure,
M. François Bodin-Hullin, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 mai 2023.
Le rapporteur,
F. Bodin-Hullin
La présidente,
M. C...
La greffière,
F. Prouteau
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui les concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
2
N° 21LY03749