La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

16/05/2023 | FRANCE | N°21LY03616

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 1ère chambre, 16 mai 2023, 21LY03616


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La société civile immobilière (SCI) Badinvest a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 28 janvier 2020 par lequel la vice-présidente de la métropole de Lyon a préempté la parcelle cadastrée section ... située au 31, rue du Beaujolais à Saint-Priest (69 800).

Par un jugement n° 2002415 du 15 septembre 2021, le tribunal administratif de Lyon a fait droit à sa demande d'annulation de cet arrêté.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire, enr

egistrés le 10 novembre 2021 et le 20 juin 2022, la métropole de Lyon, représentée par Me Jacques, d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La société civile immobilière (SCI) Badinvest a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 28 janvier 2020 par lequel la vice-présidente de la métropole de Lyon a préempté la parcelle cadastrée section ... située au 31, rue du Beaujolais à Saint-Priest (69 800).

Par un jugement n° 2002415 du 15 septembre 2021, le tribunal administratif de Lyon a fait droit à sa demande d'annulation de cet arrêté.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 10 novembre 2021 et le 20 juin 2022, la métropole de Lyon, représentée par Me Jacques, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 15 septembre 2021 ;

2°) de rejeter la demande d'annulation de l'arrêté du 28 janvier 2020 ;

3°) de mettre une somme de 3 000 euros à la charge de la SCI Badinvest au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'arrêté ne méconnaît pas les articles L. 210-1 et L. 300-1 du code de l'urbanisme dès lors que la préemption repose sur un projet réel d'intervention d'aménagement afin de mettre en œuvre le maintien et l'extension des activités économiques, qu'il détaille ; que le programme de développement économique, les documents du PLU, à savoir le rapport de présentation, le règlement, le PADD et l'OAP, ou encore les acquisitions foncières réalisées démontrent l'existence de ce projet ;

- en cas d'évocation, l'arrêté, qui a au demeurant été publié et transmis au contrôle de légalité, n'est pas entaché d'incompétence ; l'article L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration n'est pas méconnu, la minute de la décision ayant été signée ; la réalité du projet d'aménagement et l'intérêt général poursuivi, consistant à développer l'économie et plus particulièrement l'industrie productive et qui n'est pas incompatible avec la programmation de l'OAP, sont établis ; la circonstance que l'acquéreur évincé entendait réaliser un projet conforme aux objectifs de l'OAP n° 11 est inopérante.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 14 avril 2022 et le 20 juillet 2022, ce dernier n'ayant pas été communiqué, la SCI Badinvest, représentée par Me Favre, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la métropole de Lyon une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les moyens soulevés par la métropole de Lyon ne sont pas fondés ;

- le moyen, invoqué en première instance, tiré de l'absence d'intérêt général suffisant du projet, est également fondé.

Par ordonnance du 21 juillet 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 22 août 2022.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. François Bodin-Hullin, premier conseiller ;

- les conclusions de M. Jean-Simon Laval, rapporteur public ;

- les observations de Me Depenau pour la métropole de Lyon ainsi que celles de Me Discours pour la SCI Badinvest.

Considérant ce qui suit :

1. Par une décision du 28 janvier 2020, la vice-présidente de la métropole de Lyon a exercé, au nom de cette dernière, son droit de préemption urbain sur un terrain nu, cadastré section ... et situé rue du Beaujolais à Saint-Priest (69 800), dans le secteur de la Grande Motte de l'orientation d'aménagement et de programmation (OAP) n° 11 " Pan Perdu et Grande Motte ". La métropole de Lyon relève appel du jugement du tribunal administratif de Lyon du 15 septembre 2021 qui a fait droit à la demande d'annulation de cet arrêté.

2. Aux termes de l'article L. 210-1 du code de l'urbanisme : " Les droits de préemption institués par le présent titre sont exercés en vue de la réalisation, dans l'intérêt général, des actions ou opérations répondant aux objets définis à l'article L. 300-1, à l'exception de ceux visant à sauvegarder ou à mettre en valeur les espaces naturels, ou pour constituer des réserves foncières en vue de permettre la réalisation desdites actions ou opérations d'aménagement. / (...) / Toute décision de préemption doit mentionner l'objet pour lequel ce droit est exercé. (...) / Lorsque la commune a délibéré pour définir le cadre des actions qu'elle entend mettre en œuvre pour mener à bien un programme local de l'habitat (...), la décision de préemption peut (...) se référer aux dispositions de cette délibération. Il en est de même lorsque la commune a délibéré pour délimiter des périmètres déterminés dans lesquels elle décide d'intervenir pour les aménager et améliorer leur qualité urbaine ". L'article L. 300-1 du même code dispose : " Les actions ou opérations d'aménagement ont pour objets (...) d'organiser le maintien, l'extension ou l'accueil des activités économiques (...) ".

3. Il résulte de ces dispositions que les collectivités titulaires du droit de préemption urbain peuvent légalement exercer ce droit, d'une part, si elles justifient, à la date à laquelle elles l'exercent, de la réalité d'un projet d'action ou d'opération d'aménagement répondant aux objets mentionnés à l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme, alors même que les caractéristiques précises de ce projet n'auraient pas été définies à cette date et, d'autre part, si elles font apparaître la nature de ce projet dans la décision de préemption. La mise en œuvre du droit de préemption urbain doit, eu égard notamment aux caractéristiques du bien faisant l'objet de l'opération ou au coût prévisible de cette dernière, répondre à un intérêt général suffisant.

4. Lorsqu'une collectivité publique décide d'exercer le droit de préemption urbain pour constituer une réserve foncière à l'intérieur d'un périmètre qu'elle a délimité en vue d'y mener une opération d'aménagement et d'amélioration de la qualité urbaine, la décision peut faire référence aux dispositions de la délibération délimitant ce périmètre, si ce renvoi permet de déterminer la nature de l'action ou de l'opération d'aménagement que la collectivité publique entend mener au moyen de cette préemption. A cette fin, la collectivité peut soit indiquer l'action ou l'opération d'aménagement prévue par la délibération délimitant ce périmètre à laquelle la décision de préemption participe, soit renvoyer à cette délibération elle-même si celle-ci permet d'identifier la nature de l'opération ou de l'action d'aménagement poursuivie.

5. Il ressort de l'arrêté en litige que la vice-présidente de la métropole de Lyon a entendu exercer le droit de préemption urbain sur la parcelle cadastrée section ... pour constituer une réserve foncière dans la zone industrielle Lyon Sud-Est afin d'y assurer le maintien, l'extension ou l'accueil des activités économiques. Après avoir rappelé que la parcelle en cause se situe dans le périmètre de l'orientation d'aménagement et de programmation (OAP) n° 11 du plan local d'urbanisme et de l'habitat (PLU-H) de la métropole dont l'objet est de " déterminer le renouvellement, l'optimisation et la densification économique des fonciers présents pour contribuer à terme à la modernisation et à la régénération de la ZI (zone industrielle) Lyon sud-est ", l'acte en litige précise que l'objectif de cette OAP est notamment " d'encadrer l'évolution et le redéveloppement économique à terme des secteurs de la Grande Motte et de Pan Perdu, en fixant les conditions d'urbanisation particulières et en précisant les premiers invariants d'aménagement " et " d'exploiter au mieux la bi-modalité (desserte par la route et par le fer) de ces secteurs ". L'arrêté rappelle aussi les principes d'aménagement visant d'une part à " organiser une desserte viaire cohérente des secteurs de La Grande Motte et de Pan Perdu en s'appuyant sur le réseau de voirie existant et en respectant la structure foncière existante " et, d'autre part, à " privilégier l'implantation d'activités de type productive (connectées au réseau ferroviaire) ". L'arrêté en litige indique enfin que la maîtrise de cette parcelle permettrait à la métropole de " former une réserve foncière constituant une opportunité de remembrement maîtrisé dans un secteur où des mutations économiques sont attendues et souhaitées ".

6. Toutefois, l'OAP n° 11 Pan Perdu et Grand Motte Est, qui porte sur une des principales zones d'activités productives de l'agglomération lyonnaise, ne fait que différents constats, comme une desserte par de grandes infrastructures et une pleine occupation, sauf dans sa partie centrale qui comporte de vastes emprises principalement investies par du stationnement de véhicules ou du stockage de conteneurs et présentées par suite comme sous-utilisées et artificialisées. Elle se fixe ensuite comme objectif, de manière générale, d'encadrer l'évolution et le redéveloppement économique à terme de ces deux secteurs, en faisant état de conditions d'urbanisation particulière avec un seuil minimal d'urbanisation, sans précisions, et en donnant les premiers variants d'aménagement, consistant à privilégier l'implantation d'activités productives et l'organisation d'une desserte viaire cohérente s'appuyant sur le réseau existant. De telles considérations générales, qui sont reprises par la décision contestée, ne peuvent, y compris celles visant à faire évoluer cette partie centrale, être regardées comme traduisant l'existence d'une action ou d'une opération d'aménagement suffisamment précise sur la parcelle sur laquelle le droit de préemption est exercé, alors même que la métropole est déjà propriétaire d'une parcelle voisine.

7. Si la métropole se prévaut par ailleurs du programme de développement économique 2016-2021 de la métropole, qui projette de promouvoir une " Métropole fabricante " à travers la consolidation du socle industriel et à travers une politique favorisant la naissance de l'innovation à l'interface des secteurs d'excellence, pour relever qu'il fonde sa recherche d'optimisation du foncier à vocation économique et, par suite, son action foncière, ce document d'ordre général ne permet pas davantage d'établir la réalité d'une action ou d'une opération d'aménagement sur la parcelle en litige. Il en est de même s'agissant de son programme de requalification de zones industrielles majeures validé en 2015, visant à resserrer l'industrie sur ces sites bénéficiant d'une localisation et d'une desserte préférentielles, eu égard aux objectifs généraux qu'il contient.

8. La métropole soutient enfin dans ses écritures avoir entendu traduire ses objectifs de développement économique dans son PLU-H, qui induit sa stratégie foncière, plus particulièrement sur des fonciers sous-utilisés. Il ressort toutefois du rapport de présentation et du projet d'aménagement et de développement durables (PADD) que la métropole se borne à y préciser, de manière générale, vouloir moderniser et renouveler le tissu économique en recherchant une meilleure optimisation des fonciers actuels offrant des potentialités de mutation ou de densification économique importants, notamment sur les secteurs de Pan Perdu et de la Grande Motte, et liés notamment à la présence d'espaces sous-utilisés de ces secteurs. Le règlement de la zone AUs.co précise quant à lui que la zone regroupe des espaces bâtis ou non, destinés à recevoir des recompositions ou des extensions urbaines, dans le respect de conditions d'aménagement et d'équipement fixées par le règlement et les OAP définies pour chaque zone. Cette politique générale de développement économique et l'axe consistant à consolider son socle industriel en garantissant une offre immobilière et foncière adaptée aux attentes des entreprises par l'optimisation du foncier, notamment dans les secteurs de la Grande Motte, ne peut toutefois être considérée comme traduisant la réalité d'un projet d'aménagement qu'elle entendrait engager ou poursuivre sur la parcelle en litige.

9. Si, ainsi qu'il a été dit, le droit de préemption peut être exercé pour constituer des réserves foncières en vue de permettre la réalisation d'actions ou d'opérations d'aménagement qui répondent aux objectifs énoncés par l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme et si ces objectifs peuvent renvoyer à ceux définis dans le cadre d'autres périmètres délimités pour mener des opérations d'aménagement, les éléments d'ordre général exposés précédemment, s'ils traduisent une volonté d'intervention foncière de la Métropole, ne permettent pas de caractériser l'existence, à la date de l'acte contesté, d'un projet d'aménagement spécifique incluant la parcelle préemptée à ce titre. La société requérante est dès lors fondée à soutenir que la métropole ne justifie pas de la réalité d'un projet au sens des dispositions précitées de l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme.

10. Il résulte de tout ce qui précède que la métropole de Lyon n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal a fait droit à la demande d'annulation de l'arrêté du 28 janvier 2020.

Sur les frais liés au litige :

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la somme que la métropole de Lyon demande au titre des frais qu'elle a exposés soit mise à la charge de la SCI Badinvest, qui n'est pas partie perdante. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la métropole de Lyon la somme de 1 500 euros au profit de la SCI Badinvest au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la métropole de Lyon est rejetée.

Article 2 : La métropole de Lyon versera à la SCI Badinvest la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la métropole de Lyon et à la SCI Badinvest.

Délibéré après l'audience du 25 avril 2023 à laquelle siégeaient :

Mme Monique Mehl-Schouder, présidente de chambre,

Mme Camille Vinet, présidente-assesseure,

M. François Bodin-Hullin, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 mai 2023.

Le rapporteur,

F. Bodin-Hullin

La présidente,

M. A...

La greffière,

F. Prouteau

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui les concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 21LY03616


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21LY03616
Date de la décision : 16/05/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-03 Urbanisme et aménagement du territoire. - Permis de construire.


Composition du Tribunal
Président : Mme MEHL-SCHOUDER
Rapporteur ?: M. François BODIN-HULLIN
Rapporteur public ?: M. LAVAL
Avocat(s) : LEGA-CITE

Origine de la décision
Date de l'import : 28/05/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2023-05-16;21ly03616 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award