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16/05/2023 | FRANCE | N°21LY03070

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 1ère chambre, 16 mai 2023, 21LY03070


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. et Mme D... et B... A... ont demandé au tribunal administratif de Lyon de condamner la commune de Chaponnay (69970) à leur verser la somme de 91 024,76 euros tous postes de préjudices confondus, assortie des intérêts au taux légal à compter de la demande indemnitaire préalable.

Par un jugement n° 1909502 du 15 juillet 2021, le tribunal administratif de Lyon a condamné la commune de Chaponnay à verser à M. et Mme A... une somme de 79 637 euros portant intérêt au taux légal.

Procédure

devant la cour

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 15 septembre 2021 et le 2 se...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. et Mme D... et B... A... ont demandé au tribunal administratif de Lyon de condamner la commune de Chaponnay (69970) à leur verser la somme de 91 024,76 euros tous postes de préjudices confondus, assortie des intérêts au taux légal à compter de la demande indemnitaire préalable.

Par un jugement n° 1909502 du 15 juillet 2021, le tribunal administratif de Lyon a condamné la commune de Chaponnay à verser à M. et Mme A... une somme de 79 637 euros portant intérêt au taux légal.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 15 septembre 2021 et le 2 septembre 2022, la commune de Chaponnay, représentée par Me Bornard, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 15 juillet 2021 ;

2°) de rejeter la requête indemnitaire des consorts A... ;

3°) de mettre une somme de 3 000 euros à la charge des consorts A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- en l'absence de toute justification, la réalisation de la vente initiale avec l'acquéreur évincé n'est pas suffisamment probable, étant conditionnée par l'obtention de deux prêts d'un montant total de 802 000 euros par l'acquéreur, à obtenir trois mois après la signature de la promesse de vente, sous peine de caducité automatique ; il en résulte que l'ensemble des demandes indemnitaires doivent être rejetées.

Par un mémoire en défense, enregistré le 18 novembre 2021, M et Mme A..., représentés par Me Giraudon, concluent au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la commune de Chaponnay une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que le moyen soulevé par la commune de Chaponnay n'est pas fondé.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. François Bodin-Hullin, premier conseiller ;

- les conclusions de M. Jean-Simon Laval, rapporteur public ;

- les observations de Me Depenau pour la commune de Chaponnay ainsi que celles de Me Magnon pour M. et Mme A....

Une note en délibéré, enregistrée le 28 avril 2023, a été présentée pour M. et Mme A....

Considérant ce qui suit :

1. M. et Mme A... étaient propriétaires des parcelles cadastrées ... situées rue Centrale à Chaponnay supportant une maison d'habitation et leur dépendance. Ils ont signé le 12 mars 2014 avec M. et Mme C... une promesse unilatérale de vente devant notaire portant sur ce bien, pour un montant de 749 000 euros. Le maire de Chaponnay a toutefois exercé le droit de préemption urbain, par un arrêté du 9 mai 2014, en vue de la réalisation d'une résidence pour seniors et d'un parc public. Par un arrêt du 3 mai 2018 devenu définitif, la cour administrative d'appel de Lyon a annulé cet arrêté du 9 mai 2014, au motif que, eu égard au caractère indivisible de la décision de préemption, l'absence de justification par la commune de la réalité, à la date de cette décision, du projet de création d'un parc public, suffisait à justifier l'annulation de l'arrêté en litige. Ce bien a finalement été cédé le 20 juin 2019 à d'autres personnes, pour un montant de 700 000 euros, après renonciation de la commune à exercer son droit de préemption. M. et Mme A... ont adressé à la commune, le 6 septembre 2019, une demande préalable d'indemnisation d'un montant de 91 024,76 euros, qui a été rejetée le 10 octobre 2019. La commune de Chaponnay relève appel du jugement du tribunal administratif de Lyon du 15 juillet 2021 qui a fait droit à cette demande de condamnation à hauteur de 79 637 euros.

2. L'illégalité de la décision de préempter engage la responsabilité de la commune à l'égard des propriétaires de l'immeuble qui sont, par suite, fondés à demander réparation du préjudice direct et certain qui en est résulté pour eux dès lors que la commune n'apporte aucun élément de nature à démontrer qu'elle a exercé son droit de préemption dans le but de satisfaire à un intérêt général.

3. A l'issue d'une procédure de préemption qui n'a pas abouti, le propriétaire du bien en cause peut, si la décision de préemption est entachée d'illégalité, obtenir réparation du préjudice que lui a causé de façon directe et certaine cette illégalité. Lorsque le propriétaire a cédé le bien après renonciation de la collectivité, son préjudice résulte en premier lieu, dès lors que les termes de la promesse de vente initiale faisaient apparaître que la réalisation de cette vente était probable, de la différence entre le prix figurant dans cet acte et la valeur vénale du bien à la date de la décision de renonciation. Pour l'évaluation de ce préjudice, le prix de vente effectif peut être regardé comme exprimant cette valeur vénale si un délai raisonnable sépare la vente de la renonciation, eu égard aux diligences effectuées par le vendeur, et sous réserve que ce prix de vente ne s'écarte pas anormalement de cette valeur vénale. Le propriétaire placé dans la situation indiquée ci-dessus subit un autre préjudice qui résulte, lorsque la vente initiale était suffisamment probable, de l'impossibilité dans laquelle il s'est trouvé de disposer du prix figurant dans la promesse de vente entre la date de cession prévue par cet acte et la date de vente effective, dès lors que cette dernière a eu lieu dans un délai raisonnable après la renonciation de la collectivité. En revanche, lorsque la vente a eu lieu dans un délai ne correspondant pas aux diligences attendues d'un propriétaire désireux de vendre rapidement son bien, quelles qu'en soient les raisons, le terme à prendre en compte pour l'évaluation de ce préjudice doit être fixé à la date de la décision de renonciation.

4. En l'espèce, la commune de Chaponnay se borne, dans sa requête d'appel, à soutenir que la vente n'était pas suffisamment probable pour ouvrir droit à indemnisation, eu égard aux termes de la promesse unilatérale de vente du 12 mars 2014, qui avait été consentie sous la condition suspensive que les bénéficiaires obtiennent des offres définitives de deux prêts qu'ils s'engageaient à déposer dans le délai d'un mois à compter de la signature de cette promesse, l'un, dénommé " prêt relais ", d'un montant de 450 000 euros avec une durée de remboursement de deux ans et l'autre de 352 000 euros avec une durée de remboursement de 20 ans, cette condition étant réalisée en cas d'obtention des offres de prêt au plus tard le 30 juin 2014.

5. Il ne résulte toutefois pas de l'instruction, et plus particulièrement des termes de cette promesse de vente passée devant un notaire, que la réalisation de la vente n'était pas suffisamment probable, en l'absence de renonciation des parties dans les délais légaux et eu égard à la composition des prêts conditionnant la vente, étant relevé que, s'agissant du prêt relais, la commune n'apporte aucun élément susceptible de remettre en cause les allégations de M. et Mme A... soulignant que les acquéreurs évincés possédaient un bien dans cette commune.

6. Par suite la commune de Chaponnay n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a retenu le caractère suffisamment probable de la vente et l'a condamnée à indemniser les préjudices subis par les intéressés et dont elle ne conteste pas les montants retenus.

Sur les frais liés au litige :

7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la somme que la commune de Chaponnay demande au titre des frais qu'elle a exposés soit mise à la charge de M et Mme A..., qui ne sont pas parties perdantes. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la commune de Chaponnay la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la commune de Chaponnay est rejetée.

Article 2 : La commune de Chaponnay versera à M et Mme A... la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Chaponnay et à M et Mme A....

Délibéré après l'audience du 25 avril 2023 à laquelle siégeaient :

Mme Monique Mehl-Schouder, présidente de chambre,

Mme Camille Vinet, présidente-assesseure,

M. François Bodin-Hullin, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 mai 2023.

Le rapporteur,

F. Bodin-Hullin

La présidente,

M. E...

La greffière,

F. Prouteau

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui les concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 21LY03070


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21LY03070
Date de la décision : 16/05/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

68-02-01-02 Urbanisme et aménagement du territoire. - Procédures d'intervention foncière. - Préemption et réserves foncières. - Réserves foncières.


Composition du Tribunal
Président : Mme MEHL-SCHOUDER
Rapporteur ?: M. François BODIN-HULLIN
Rapporteur public ?: M. LAVAL
Avocat(s) : LEGA-CITE

Origine de la décision
Date de l'import : 28/05/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2023-05-16;21ly03070 ?
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