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11/05/2023 | FRANCE | N°21LY03951

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre, 11 mai 2023, 21LY03951


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Par deux demandes, la société Seric Holding SARL a demandé au tribunal administratif de Grenoble, à titre principal, de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contributions sociales sur cet impôt auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2014 et 2015, des intérêts de retard et des pénalités correspondants et, à titre subsidiaire, de déclarer l'imposition en litige non conforme à l'article 49 du traité sur le fonctionnement de l'

Union européenne et de transmettre à la Cour de justice de l'Union européenne une ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Par deux demandes, la société Seric Holding SARL a demandé au tribunal administratif de Grenoble, à titre principal, de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contributions sociales sur cet impôt auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2014 et 2015, des intérêts de retard et des pénalités correspondants et, à titre subsidiaire, de déclarer l'imposition en litige non conforme à l'article 49 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne et de transmettre à la Cour de justice de l'Union européenne une question préjudicielle portant sur la contrariété de l'alinéa 3 du 2 de l'article 221 du code général des impôts avec les articles 49 et 63 à 66 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne et, à titre infiniment subsidiaire, de désigner un expert judiciaire afin de procéder à une valorisation des titres des sociétés et de surseoir à statuer jusqu'à la réception du rapport définitif de l'expert.

Par un jugement n° 1900207 et 2000747 du 15 octobre 2021, le tribunal administratif de Grenoble a constaté qu'il n'y avait plus lieu de statuer sur les conclusions de la requête de la société Seric Holding SARL enregistrée sous le n° 1900207 et a rejeté le surplus de sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 9 décembre 2021, la société Seric Holding SARL, représentée par Me Colin, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il a rejeté le surplus de sa demande ;

2°) de prononcer la décharge de ces impositions et des pénalités afférentes ;

3°) de surseoir à statuer et de saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle portant sur la compatibilité du troisième alinéa du 2 de l'article 221 du code général des impôts avec les articles 49 et 63 à 66 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 8 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'administration a méconnu l'article L. 57 du livre des procédures fiscales dès lors qu'elle ne lui a pas notifié l'avis de vérification du 9 décembre 2016 et la proposition de rectification du 17 juillet 2015 à l'adresse de son siège social ;

- l'alinéa 3 du 2 de l'article 221 du code général des impôts méconnaît la liberté d'établissement prévue à l'article 49 et la liberté de circulation des capitaux prévue à l'article 63 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ; ces dispositions portent une atteinte disproportionnée à la liberté d'établissement en ce qu'elles n'offrent le choix qu'entre le paiement immédiat ou le paiement différé de l'impôt sur les plus-values latentes sans possibilité de surseoir au paiement ;

- les majorations ne sont pas applicables.

Par un mémoire, enregistré le 12 juillet 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens invoqués ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Caraës, première conseillère,

- et les conclusions de Mme Lesieux, rapporteure publique ;

Considérant ce qui suit :

1. La SAS Seric, société-mère d'un groupe fiscalement intégré au sens de l'article 223 A du code général des impôts et qui détient des participations dans cinq sociétés établies en Savoie intervenant dans le domaine de la robinetterie industrielle, était domiciliée à Entrelacs (Savoie) jusqu'au 30 juillet 2014, date à laquelle elle a transféré son siège social au Luxembourg, a pris la forme d'une SARL de droit luxembourgeois et la dénomination de Seric Holding. Elle a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur les exercices clos en 2014 et 2015 à l'issue de laquelle l'administration a, notamment, réintégré dans son résultat imposable en France la somme de 1 216 487 euros au titre de l'exercice clos le 30 novembre 2014, après avoir constaté une plus-value latente sur titres de participations résultant du transfert partiel des éléments de son actif immobilisé au profit de la société luxembourgeoise. En conséquence de ce contrôle, la société Seric Holding SARL a été assujettie, selon la procédure contradictoire, à une cotisation d'impôt sur les sociétés au titre de l'exercice clos en 2014, à une cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés au titre de l'exercice clos en 2015, assorties de la majoration de 40 % prévue au a. de l'article 1729 du code général des impôts ainsi qu'à des cotisations de contribution sociale sur l'impôt sur les sociétés. La société Seric Holding SARL relève appel du jugement du tribunal administratif de Grenoble du 15 octobre 2021, en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces impositions et des pénalités correspondantes.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

2. Aux termes de l'article L. 47 du livre des procédures fiscales : " Un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle d'une personne physique au regard de l'impôt sur le revenu, une vérification de comptabilité ou un examen de comptabilité ne peut être engagé sans que le contribuable en ait été informé par l'envoi ou la remise d'un avis de vérification ou par l'envoi d'un avis d'examen de comptabilité. " et aux termes de l'article L. 57 du même livre : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation (...). / Lorsque l'administration rejette les observations du contribuable sa réponse doit également être motivée ".

3. La société Seric Holding SARL soutient que l'administration a méconnu l'article L. 57 du livre des procédures fiscales en s'abstenant de lui notifier l'avis de vérification du 9 décembre 2016 et la proposition de rectification du 17 juillet 2017 à l'adresse de son siège social au Luxembourg.

4. Il résulte de l'instruction que l'administration a notifié l'avis de vérification du 9 décembre 2016 et la proposition de rectification du 17 juillet 2017 à l'adresse du siège de l'établissement stable français de la société Seric Holding SARL, situé à Entrelacs (Savoie), dont il n'est pas contesté qu'elle correspond à celle mentionnée par la société lors du dépôt de ses déclarations de résultats des exercices clos en 2014 et 2015. Si la société Seric Holding SARL soutient qu'elle a fait connaître à l'administration fiscale l'adresse de son nouveau siège social au Luxembourg, elle ne l'établit pas. Par ailleurs, et en tout état de cause, l'avis de vérification a été dûment réceptionné et les opérations de contrôle se sont déroulées à l'adresse de l'établissement français, en présence de M. A..., représentant de la société en France et qui détient 99,88 % de son capital social. La proposition de rectification a également été réceptionnée par la société requérante, qui a fait valoir ses observations le 5 septembre 2017, auxquelles il a été répondu le 6 octobre 2017. Par suite, la société Seric Holding SARL n'est pas fondée à soutenir que la notification de l'avis de vérification et de la proposition de rectification a été effectuée de manière irrégulière et que la procédure d'imposition a méconnu l'article L. 57 du livre des procédures fiscales.

Sur le bien-fondé de l'imposition :

5. Lors de la vérification de comptabilité de la société Seric Holding SARL, l'administration a constaté qu'au 30 juillet 2014, la SAS Seric avait transféré son siège social au Luxembourg où elle a pris la forme d'une SARL de droit luxembourgeois et que le transfert du siège social s'était accompagné d'un transfert partiel de l'actif immobilisé, dès lors qu'au 30 novembre 2014, première date de clôture suivant la création de la société luxembourgeoise, l'actif au niveau des immobilisations financières " autres participations " avait diminué, passant de 1 073 304 euros au 30 novembre 2013 à 0 euro à cette date. L'administration a également relevé qu'aucun impôt sur les sociétés afférent aux plus-values latentes sur titres de participations transférés n'avait été acquitté dans les deux mois suivant le transfert des éléments de l'actif immobilisé. Elle a, en conséquence, procédé à l'évaluation des titres non côtés des sociétés détenues par la société Seric Holding SARL qui figuraient à l'actif de son bilan, à savoir les sociétés SA ADG, SARL MTD, SARL AMC Logistique, SA CCS, à l'exception des sociétés ASIA Pacific et SC Dario One pour lesquelles aucun bilan n'avait été souscrit, et a imposé les plus-values latentes résultant de la différence entre la valeur comptable historique des titres détenus dans chaque filiale et leur évaluation à la date du transfert des participations.

6. Aux termes de l'article 221 du code général des impôts dans sa rédaction alors applicable : " 2 - (...) / Lorsque le transfert du siège ou d'un établissement s'effectue dans un autre Etat membre de l'Union européenne ou dans un Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ayant conclu avec la France une convention d'assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l'évasion fiscales ainsi qu'une convention d'assistance mutuelle en matière de recouvrement ayant une portée similaire à celle prévue par la directive 2010/24/UE du Conseil du 16 mars 2010 précitée et qu'il s'accompagne du transfert d'éléments d'actifs, l'impôt sur les sociétés calculé à raison des plus-values latentes constatées sur les éléments de l'actif immobilisé transférés et des plus-values en report ou en sursis d'imposition est acquitté dans les deux mois suivant le transfert des actifs : a) Soit pour la totalité de son montant ; / b) Soit, sur demande expresse de la société, pour le cinquième de son montant. (...) ".

7. Aux termes de l'article 49 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne : " (...) les restrictions à la liberté d'établissement des ressortissants d'un Etat membre dans le territoire d'un autre Etat membre sont interdites. Cette interdiction s'étend également aux restrictions à la création d'agences, de succursales ou de filiales, par les ressortissants d'un Etat membre établis sur le territoire d'un Etat membre (...) ". Aux termes de l'article 63 du même traité : " 1. (...) toutes les restrictions aux mouvements de capitaux entre les États membres (...) sont interdites. (...) ".

8. Il résulte, d'une part, de la décision National Grid Indus BV (C-371/10) de la Cour de justice de l'Union européenne du 29 novembre 2011 que si la liberté d'établissement garantie par l'article 49 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne fait obstacle, eu égard au désavantage de trésorerie par rapport à une société similaire qui maintiendrait son siège et ses actifs sur place, à l'imposition immédiate des plus-values latentes en cas de transfert dans un autre Etat membre de l'Union européenne, elle ne s'oppose pas à la fixation définitive de cette imposition au moment du transfert de siège, mais seulement à son recouvrement immédiat. D'autre part, la Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit, au point 64 de son arrêt du 23 janvier 2014 DMC Beteiligungsgesellschaft mbH (C-164/12) qu'en laissant le choix au contribuable entre un recouvrement de l'impôt relatif aux plus-values latentes immédiat ou échelonné sur cinq annuités, une réglementation fiscale ne va pas au-delà de ce qui est nécessaire pour réaliser l'objectif de la préservation de la répartition du pouvoir d'imposition entre les Etats membres.

9. Il résulte de ce qui a été dit au point précédent que les dispositions précitées du 2 de l'article 221 du code général des impôts qui, d'une part, prévoient que le montant de l'imposition sur les plus-values latentes afférentes à des éléments du patrimoine d'une société est fixé définitivement - sans prise en considération des moins-values non plus que des plus-values susceptibles d'être réalisées ultérieurement - au moment où ces actifs sont transférés, et, d'autre part, laissent au contribuable le choix entre un paiement immédiat et le recouvrement échelonné de l'impôt relatif à ces plus-values latentes sur cinq annuités, ne sont pas contraires aux stipulations précitées du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne. Par suite, et sans qu'il soit besoin de saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle, le moyen tiré de l'incompatibilité des dispositions précitées du 2 de l'article 221 du code général des impôts avec les stipulations précitées du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne doit être écarté.

Sur les pénalités :

10. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : a. 40 % en cas de manquement délibéré (...) ".

11. Pour appliquer la majoration pour manquement délibéré de 40 % à la cotisation d'impôt sur les sociétés au titre de l'exercice clos en 2014 afférente à la plus-value latente, l'administration s'est fondée sur la circonstance que la société Seric Holding SARL n'avait tiré aucune conséquence fiscale du transfert de son siège social au Luxembourg quant à l'imposition des plus-values alors qu'elle ne pouvait ignorer ses obligations à cet égard, la législation ayant été clarifiée sur ce point dès 2012 et les statuts de la société luxembourgeoise Seric Holging SARL faisant explicitement état du respect des formalités requises par le droit français en matière de transfert de siège social, ainsi que sur l'importance des bases imposables éludées. Par ces éléments, l'administration établit le caractère intentionnel de l'omission de déclaration justifiant l'application de la majoration prévue par ces dispositions.

12. Il résulte de ce qui précède que la société Seric Holding SARL n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société Seric Holding SARL est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Seric Holding SARL et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré après l'audience du 20 avril 2023, à laquelle siégeaient :

Mme Courbon, présidente de la formation de jugement,

Mme Caraës, première conseillère,

M. Pin, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 11 mai 2023.

La rapporteure,

R. Caraës

La présidente,

A. CourbonLa greffière,

N. Lecouey

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 21LY03951


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21LY03951
Date de la décision : 11/05/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Fiscal

Analyses

19-04-01-04-03 Contributions et taxes. - Impôts sur les revenus et bénéfices. - Règles générales. - Impôt sur les bénéfices des sociétés et autres personnes morales. - Détermination du bénéfice imposable.


Composition du Tribunal
Président : Mme COURBON
Rapporteur ?: Mme Rozenn CARAËS
Rapporteur public ?: Mme LESIEUX
Avocat(s) : CABINET GL CONSEILS et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 14/05/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2023-05-11;21ly03951 ?
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