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04/05/2023 | FRANCE | N°22LY03681

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre, 04 mai 2023, 22LY03681


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. I... C... a demandé au tribunal administratif de Grenoble l'annulation des décisions du 28 juillet 2022 par lesquelles le préfet de l'Isère lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français, lui a refusé le bénéfice d'un délai de départ volontaire, a fixé le pays de renvoi et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an.

Par un jugement n° 2205097 du 14 novembre 2022, le tribunal administratif de

Grenoble a annulé la décision portant refus du bénéfice d'un délai de départ volonta...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. I... C... a demandé au tribunal administratif de Grenoble l'annulation des décisions du 28 juillet 2022 par lesquelles le préfet de l'Isère lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français, lui a refusé le bénéfice d'un délai de départ volontaire, a fixé le pays de renvoi et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an.

Par un jugement n° 2205097 du 14 novembre 2022, le tribunal administratif de Grenoble a annulé la décision portant refus du bénéfice d'un délai de départ volontaire, a enjoint au préfet de l'Isère de réexaminer la situation de M. C..., en ce qui concerne ce délai, et a rejeté le surplus des conclusions de la demande.

Procédure devant la cour :

I°) Sous le n° 22LY03681, par une requête enregistrée le 16 décembre 2022, M. I... C..., représenté par Me Marcelli, demande à la cour :

1°) d'annuler l'article 3 du jugement n° 2205097 du 14 novembre 2022 du tribunal administratif de Grenoble, article qui rejette le surplus des conclusions de sa demande ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir les décisions du 28 juillet 2022 par lesquelles le préfet de l'Isère lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français, a fixé le pays de renvoi et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an ;

3°) de surseoir à l'exécution du jugement précité ;

4°) d'enjoindre au préfet de l'Isère de lui délivrer le titre de séjour sollicité dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

M. C... soutient que :

* les conséquences du jugement sur sa situation sont graves, justifiant qu'il soit sursis à son exécution ;

* le jugement n'est pas motivé ; les décisions sont entachées d'incompétence, dès lors qu'elles ne relevaient pas de l'arrondissement de la sous-préfète signataire ;

* il n'est pas établi que l'agent qui a signé le courrier de notification de l'arrêté préfectoral aurait disposé d'une délégation de signature régulière ;

* les décisions méconnaissent l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

* les décisions portant obligation de quitter le territoire français, fixation du pays de renvoi et interdiction de retour sur le territoire français ne sont pas motivées ; elles sont entachées d'erreur manifeste d'appréciation.

Par courrier en date du 28 décembre 2022, M. C... a été mis en demeure de régulariser sa requête dans un délai d'un mois, en présentant ses conclusions à fin de sursis à exécution par requête distincte accompagnée d'une copie de son recours en appel, conformément à l'article R. 811-17-1 du code de justice administrative.

Le préfet de l'Isère, régulièrement mis en cause, n'a pas produit.

Un mémoire complémentaire, produit pour M. C... et enregistré le 28 mars 2023, n'a pas été communiqué.

II°) Sous le n° 23LY00358, par une requête enregistrée le 27 janvier 2023, M. I... C..., représenté par Me Marcelli, demande à la cour de surseoir à l'exécution de l'article 3 du jugement n° 2205097 du 14 novembre 2022 du tribunal administratif de Grenoble en tant qu'il rejette le surplus des conclusions de sa demande.

M. C... soutient que :

* les conséquences du jugement sur sa situation sont graves, justifiant qu'il soit sursis à son exécution ;

* le jugement n'est pas motivé ;

* les décisions sont entachées d'incompétence, dès lors qu'elles ne relevaient pas de l'arrondissement de la sous-préfète signataire ;

* il n'est pas établi que l'agent qui a signé le courrier de notification de l'arrêté préfectoral aurait disposé d'une délégation de signature régulière ;

* les décisions méconnaissent l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

* les décisions portant obligation de quitter le territoire français, fixation du pays de renvoi et interdiction de retour sur le territoire français ne sont pas motivées ; elles sont entachées d'erreur manifeste d'appréciation.

Le préfet de l'Isère, régulièrement mis en cause, n'a pas produit.

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :

* la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, modifiée, conclue à Rome le 4 novembre 1950 ;

* l'accord entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République algérienne démocratique et populaire, relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles, complété par un protocole, deux échanges de lettres et une annexe, modifié, signé à Alger le 27 décembre 1968 ;

* le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

* le code des relations entre le public et l'administration ;

* le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

* le rapport de M. Stillmunkes, président assesseur ;

* et les observations de Me Marcelli, représentant M. C....

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., né en 1973 et de nationalité algérienne, a demandé au tribunal administratif de Grenoble l'annulation des décisions du 28 juillet 2022 par lesquelles le préfet de l'Isère lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français, lui a refusé le bénéfice d'un délai de départ volontaire, a fixé le pays de renvoi et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an. Par un jugement du 14 novembre 2022, le tribunal a annulé la décision portant refus du bénéfice d'un délai de départ volontaire, a enjoint au préfet de l'Isère de réexaminer la situation de M. C... en ce qui concerne ce délai, et a rejeté le surplus des conclusions de la demande. M. C... interjette appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté le surplus de ses conclusions à fin d'annulation.

Sur la régularité du jugement :

2. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ".

3. Contrairement à ce qu'allègue le requérant, le tribunal a suffisamment exposé les motifs de fait et de droit de sa décision. Le jugement n'est ainsi entaché d'aucune irrégularité tenant à sa forme.

Sur la légalité du refus de titre de séjour :

4. En premier lieu, la décision a été signée par Mme B..., sous-préfète de La-Tour-du-Pin. L'article 8 de l'arrêté n° 38-2022-02-02-00005 du 2 février 2022 portant délégation de signature du préfet de l'Isère à Mme B... prévoit, ainsi que l'a exactement indiqué le tribunal, que : " En cas d'absences ou d'empêchements simultanés de Mme Eléonore Lacroix, secrétaire générale, de Mme Nathalie Cencic, secrétaire générale adjointe, de M. G... H..., Directeur de cabinet, et de M. A... E..., sous-préfet de Vienne, la délégation qui leur est donnée sera exercée par Mme F... B..., sous-préfète de La Tour du Pin ". Par ailleurs, Mme D... bénéficie elle-même d'une délégation prévue par l'arrêté n° 38-2022-02-02-00002 du même jour, publié concomitamment, dont l'article 2 l'habilite à " signer tous actes, arrêtés, décisions, documents et correspondances administratives diverses relevant des attributions de l'Etat dans le département ". Ainsi, Mme B... pouvait compétemment, sur le fondement combiné de ces deux délégations, signer la décision en litige, par délégation du préfet de l'Isère, alors même que le dossier de M. C... n'aurait pas relevé de l'arrondissement de La-Tour-du-Pin. Par ailleurs, ainsi que l'a également jugé à bon droit le tribunal, les modalités de notification de l'arrêté préfectoral en litige sont sans incidence sur la légalité des décisions qu'il contient. Le moyen, au demeurant manquant en fait, tiré de ce que la signataire du courrier de notification de l'arrêté en litige n'aurait pas disposé de délégation de signature est donc, en tout de cause, inopérant.

5. En second lieu, il ressort des pièces du dossier que M. C... est né en Algérie en février 1973 et qu'il est de nationalité algérienne. Il serait entré en France en février 2013, à l'âge de quarante ans. Sa demande d'asile a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) le 31 juillet 2013, puis par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) le 17 octobre 2014. Il a fait l'objet d'une première mesure d'éloignement le 5 janvier 2015. Le tribunal a relevé que les pièces produites ne permettaient pas d'établir sa présence habituelle en France en 2015 et 2016 et le requérant ne produit en appel aucun élément probant de nature à infirmer ce constat, les éléments qu'il produit n'étant de nature à attester que de présences ponctuelles très espacées, sans que la continuité n'en soit établie. Pour les années ultérieures, la continuité de sa présence n'est également que faiblement établie et le requérant produit plusieurs pièces rédigées en Algérie. Il est par ailleurs constant qu'il a été marié en Algérie et que ses trois enfants mineurs, nés en 2005, 2007 et 2010, y demeurent. S'il invoque la présence en France de certains membres de sa famille, dont sa mère, il ressort ainsi des pièces du dossier qu'il conserve des attaches privées et familiales fortes en Algérie, où il a vécu l'essentiel de son existence. S'il fait également valoir que sa mère, âgée, a une santé fragile et que son état nécessite une assistance, il ressort des pièces du dossier et notamment des indications mêmes du requérant qu'un autre fils et deux filles de sa mère résident à Échirolles, à proximité. M. C... lui-même ne produit, ainsi que l'ont relevé le préfet et le tribunal, aucun élément de nature à établir l'effectivité de l'assistance alléguée, ni en tout état de cause l'impossibilité pour sa mère d'obtenir l'aide que son état requiert. M. C... ne justifie pas d'éléments d'insertion ancrés dans la durée sur le territoire français. Enfin, le préfet relève qu'il est défavorablement connu des services de police et a fait l'objet de plusieurs dépôts de plaintes, en particulier pour injure et violence, par une ancienne compagne. Eu égard à la durée et aux conditions du séjour de M. C..., ainsi qu'à son comportement, le préfet de l'Isère n'a dès lors pas porté une atteinte excessive à son droit au respect de sa vie privée et familiale au regard des buts que la décision en litige poursuit. Le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit, en conséquence, être écarté.

Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :

6. En premier lieu, le moyen tiré de l'incompétence doit être écarté pour les motifs qui ont été exposés au point 4 du présent arrêt.

7. En deuxième lieu, en l'absence de tout autre argument, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté pour les motifs qui ont été exposés au point 5 du présent arrêt. Pour les mêmes motifs, le requérant n'est pas fondé à soutenir que la décision serait entachée d'erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.

8. En troisième lieu, le préfet de l'Isère a exposé les motifs de droit et de fait de sa décision portant obligation de quitter le territoire français, qui est ainsi régulièrement motivée.

Sur la légalité de la fixation du pays de renvoi :

9. En premier lieu, le moyen tiré de l'incompétence doit être écarté pour les motifs qui ont été exposés au point 4 du présent arrêt.

10. En deuxième lieu, en l'absence de tout autre argument, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté pour les motifs qui ont été exposés au point 5 du présent arrêt.

11. En troisième lieu, le préfet de l'Isère a exposé les motifs de droit et de fait de sa décision fixant le pays de destination, qui est ainsi régulièrement motivée.

12. En quatrième lieu, si le requérant, dont la demande d'asile a été rejetée, soutient qu'il ne pourrait revenir en Algérie, il ne fait état que d'un différend commercial pour le paiement d'une dette, qui relève du droit commun. Ainsi qu'il a été dit, il conserve des attaches privées et familiales importantes en Algérie. Le préfet n'a dès lors commis aucune erreur d'appréciation dans l'application de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en retenant l'Algérie comme pays de destination.

Sur la légalité de l'interdiction de retour sur le territoire français :

13. En premier lieu, le moyen tiré de l'incompétence doit être écarté pour les motifs qui ont été exposés au point 4 du présent arrêt.

14. En deuxième lieu, en l'absence de tout autre argument, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté pour les motifs qui ont été exposés au point 5 du présent arrêt.

15. En troisième lieu, le préfet de l'Isère a exposé les motifs de droit et de fait de sa décision portant interdiction de retour sur le territoire français, qui est ainsi régulièrement motivée.

16. En quatrième lieu, eu égard aux attaches privées et familiales limitées de M. C... en France, à l'absence de preuve d'une résidence habituelle ancienne en France, à l'absence d'éléments sur une insertion, à la mesure d'éloignement dont il a déjà fait l'objet et à son comportement précité de violence à l'égard d'une ancienne compagne, le préfet de l'Isère n'a pas commis d'erreur d'appréciation sur le principe et le quantum de la mesure, en lui faisant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an.

17. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté le surplus des conclusions de sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.

Sur les conclusions à fin de sursis à exécution du jugement :

18. Le présent arrêt statuant au fond sur la requête d'appel de M. C..., ses conclusions à fin de sursis à exécution du jugement ont perdu leur objet et il n'y a pas lieu d'y statuer.

D E C I D E :

Article 1er : La requête n° 22LY03681 de M. C... est rejetée.

Article 2 : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête n° 23LY00358 de M. C....

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. I... C... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée au préfet de l'Isère.

Délibéré après l'audience du 6 avril 2023, à laquelle siégeaient :

M. Pourny, président de chambre,

M. Stillmunkes, président assesseur,

Mme Bentéjac, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 mai 2023.

Le rapporteur,

H. StillmunkesLe président,

F. Pourny

La greffière,

F. Abdillah

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

Nos 22LY03681 - 23LY00358


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 22LY03681
Date de la décision : 04/05/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. POURNY
Rapporteur ?: M. Henri STILLMUNKES
Rapporteur public ?: Mme COTTIER
Avocat(s) : MARCELLI

Origine de la décision
Date de l'import : 14/05/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2023-05-04;22ly03681 ?
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