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04/05/2023 | FRANCE | N°21LY01454

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre, 04 mai 2023, 21LY01454


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler la décision du 15 septembre 2019 par laquelle une aide à la mobilité master lui a été refusée, ainsi que la décision du 25 mars 2020 par laquelle la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation a rejeté son recours administratif.

Par un jugement n° 1902874 du 24 novembre 2020, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistré

e le 7 mai 2021, et un mémoire complémentaire, enregistré le 31 janvier 2022, M. A... B..., rep...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler la décision du 15 septembre 2019 par laquelle une aide à la mobilité master lui a été refusée, ainsi que la décision du 25 mars 2020 par laquelle la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation a rejeté son recours administratif.

Par un jugement n° 1902874 du 24 novembre 2020, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 7 mai 2021, et un mémoire complémentaire, enregistré le 31 janvier 2022, M. A... B..., représenté par Me Creveaux, membre de l'AARPI Admys Avocats, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1902874 du 24 novembre 2020 du tribunal administratif de Dijon ;

2°) d'annuler la décision du 15 septembre 2019 par laquelle une aide à la mobilité master lui a été refusée, ainsi que la décision du 25 mars 2020 par laquelle la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation a rejeté son recours administratif ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat et du CROUS de Dijon une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

M. B... soutient que :

* son diplôme de licence professionnelle lui ouvre droit à l'aide à la mobilité ;

* la circonstance qu'il ait interrompu ses études entre licence et master 1 ne fait pas obstacle à ce qu'il puisse obtenir l'aide à la mobilité, dès lors qu'il a obtenu son diplôme de licence le 22 octobre 2018 et s'est inscrit en master au titre de l'année universitaire 2019-2020 ;

* il remplit l'ensemble des conditions requises pour l'obtention de l'aide à la mobilité ;

* subsidiairement, si le décret du 10 mai 2017 devait être regardé comme faisant obstacle à ce que l'aide à la mobilité soit octroyée pour un étudiant titulaire d'une licence professionnelle, cette restriction serait illégale pour méconnaissance du principe d'égalité.

Par un mémoire en défense enregistré le 14 décembre 2021, le centre régional des œuvres universitaires et scolaires (CROUS) de Bourgogne Franche-Comté, représenté par la SCP DSC avocats agissant par Me Suissa, conclut :

1°) au rejet de la requête ;

2°) à ce que la somme de 2 500 euros soit mise à la charge du requérant sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Le CROUS soutient que :

* le requérant ne remplit pas les conditions posées par les articles 1er et 3 du décret du 10 mai 2017 ;

* l'article 1er de ce décret ne méconnaît pas le principe d'égalité, compte tenu des différences existant entre licence et licence professionnelle.

Par courrier du 30 janvier 2023, les parties ont été informées, sur le fondement de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que la cour est susceptible de se fonder sur le moyen, relevé d'office, tiré de l'irrégularité du jugement pour ne pas avoir mis en cause le recteur de l'académie de Dijon, auteur de la décision.

Par un mémoire complémentaire enregistré le 1er février 2023, le CROUS de Bourgogne Franche-Comté, représenté par la SCP DSC avocats, indique que le recteur est effectivement l'auteur de la décision et que le CROUS doit être mis hors de cause.

Par un courrier du 14 février 2023, les parties ont été informées, sur le fondement de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que la cour est susceptible de se fonder sur le moyen, relevé d'office, d'une situation de compétence liée compte tenu des dispositions de l'article 3 du décret n° 2017-969 du 10 mai 2017.

Par un mémoire complémentaire enregistré le 20 février 2023, le CROUS de Bourgogne Franche-Comté indique, en réponse au moyen d'ordre public, que les dispositions de l'article 3 du décret n° 2017-969 impliquaient effectivement le rejet de la demande d'aide à la mobilité.

Par un mémoire en défense enregistré le 2 mars 2023, le recteur de l'académie de Dijon conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens invoqués ne sont pas fondés.

Un mémoire complémentaire présenté par la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche et enregistré le 30 mars 2023 n'a pas été communiqué.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 10 mars 2021.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

* le code de l'éducation ;

* le décret n° 2017-969 du 10 mai 2017 ;

* l'arrêté du 21 août 2017 fixant le montant de l'aide à la mobilité accordée aux étudiants qui changent de région académique pour s'inscrire en première année de master après l'obtention de leur diplôme national de licence ;

* l'arrêté du 22 janvier 2014 fixant le cadre national des formations conduisant à la délivrance des diplômes nationaux de licence, de licence professionnelle et de master ;

* l'arrêté du 17 novembre 1999 relatif à la licence professionnelle, ensemble l'arrêté du 6 décembre 2019 portant réforme de la licence professionnelle et notamment ses articles 19 et 20 ;

* la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

* le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

* le rapport de M. Stillmunkes, président-assesseur,

* et les conclusions de Mme Cottier, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. Par le jugement attaqué du 24 novembre 2020, le tribunal administratif de Dijon a rejeté la demande de M. B..., qui tendait à l'annulation de la décision du 15 septembre 2019 par laquelle une aide à la mobilité master lui a été refusée, ainsi que de la décision du 25 mars 2020 par laquelle la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation a rejeté son recours administratif.

Sur la régularité du jugement :

2. D'une part, aux termes de l'article L. 821-1 du code de l'éducation : " La collectivité nationale accorde aux étudiants, dans les conditions déterminées par voie réglementaire, des prestations qui sont dispensées notamment par le réseau des œuvres universitaires (...) ". Aux termes de l'article D. 821-1 du même code : " Les bourses d'enseignement supérieur sur critères sociaux et les aides au mérite sont attribuées aux étudiants selon des conditions d'études, d'âge, de diplôme, de nationalité, de ressources ou de mérite fixées par le ministre chargé de l'enseignement supérieur (...) ". Enfin, aux termes de l'article R. 821-2 du même code : " Les bourses et les aides mentionnées à l'article D. 821-1 sont attribuées aux étudiants par le recteur de région académique ".

3. D'autre part, aux termes de l'article 1er du décret n° 2017-969 du 10 mai 2017 : une aide à la mobilité " est accordée aux étudiants inscrits en première année du diplôme national de master dans une région académique différente de celle dans laquelle ils ont obtenu leur diplôme national de licence ". Aux termes de l'article 4 du même décret : " L'aide à la mobilité est accordée à l'étudiant bénéficiaire, au titre de son inscription en première année du diplôme national de master, d'une bourse d'enseignement supérieur sur critères sociaux ou d'une allocation annuelle accordée dans le cadre du dispositif des aides spécifiques versée par le ministre chargé de l'enseignement supérieur ou les établissements publics qui en relèvent ". Enfin, aux termes de l'article 6 du même décret : " L'instruction, l'attribution et le paiement de l'aide sont réalisés par le réseau des œuvres universitaires (...) ".

4. Il résulte de l'ensemble de ces dispositions que, après que le recteur ait décidé l'attribution d'une bourse d'enseignement supérieur à un étudiant, il appartient au centre régional des œuvres universitaires et scolaires (CROUS), chargé de la gestion financière de cette bourse, d'apprécier si les conditions posées par le décret précité du 10 mai 2017 sont remplies, pour verser le cas échéant en outre l'aide à la mobilité instituée par ce décret lorsqu'elle a été demandée.

5. Si le CROUS était ainsi normalement compétent pour statuer sur la demande de versement d'aide à la mobilité, il ressort toutefois de la décision, qui statue à la fois sur l'octroi d'une bourse sur critère sociaux, et sur l'octroi d'une aide à la mobilité master, qu'elle a été prise par la seule rectrice d'académie. En ne mettant pas en cause la rectrice, auteure de la décision contestée, ainsi prise au nom de l'Etat, le tribunal administratif de Dijon a entaché son jugement d'irrégularité, alors même qu'il a par ailleurs mis en cause le CROUS de Bourgogne Franche-Comté. Ce jugement doit, en conséquence, être annulé.

6. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur les conclusions de M. B....

Sur le fond :

7. Aux termes de l'article 3 du décret n° 2017-969 du 10 mai 2017 relatif à l'aide à la mobilité accordée aux étudiants inscrits en première année du diplôme national de master : " Pour pouvoir bénéficier de l'aide à la mobilité, l'étudiant doit être inscrit en première année du diplôme national de master l'année universitaire qui suit l'obtention de son diplôme national de licence ". L'aide à la mobilité prévue par ce décret a été instituée pour compenser les frais inhérents au changement d'académie qui peut être nécessaire pour poursuivre des études en master, compte tenu des limitations de capacités d'accueil prévues par l'article L. 612-6 du code de l'éducation, dans sa rédaction issue de la loi n° 2016-1828 du 23 décembre 2016. Cette aide n'a, ainsi, été instituée que pour les étudiants qui s'inscrivent en master dans la continuité immédiate de l'obtention d'un diplôme de licence, ce qui s'apprécie au regard des années universitaires en cause.

8. Il est en l'espèce constant que M. B... a obtenu un diplôme de licence professionnelle au titre de l'année universitaire 2017-2018, et qu'il ne s'est inscrit en master 1 qu'au titre de l'année universitaire 2019-2020, après une année d'interruption de ses études, durant laquelle il indique avoir exercé une activité professionnelle. Dès lors que son inscription en master 1 n'a pas été faite dans la suite immédiate de l'obtention de son diplôme de licence professionnelle, et en supposant même que ce diplôme puisse être regardé comme lui ouvrant droit à l'aide à la mobilité, le CROUS aurait été en tout état de cause tenu de lui refuser l'attribution de cette aide en application des dispositions précitées de l'article 3 du décret du 10 mai 2017, dont la mise en œuvre n'implique aucune appréciation. Eu égard à cette situation de compétence liée pour refuser l'octroi de l'aide, tous les moyens invoqués doivent être écartés comme inopérants.

9. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... est uniquement fondé à demander l'annulation du jugement attaqué, le surplus de ses conclusions à fin d'annulation devant être rejeté. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.

10. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées par le CROUS de Bourgogne Franche-Comté sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 1902874 du 24 novembre 2020 du tribunal administratif de Dijon est annulé.

Article 2 : Le surplus des conclusions de première instance et d'appel de M. B... est rejeté.

Article 3 : Les conclusions présentées par le CROUS de Bourgogne Franche-Comté sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., à la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche, au recteur de l'académie de Dijon et au centre régional des œuvres universitaires et scolaires (CROUS) de Bourgogne Franche-Comté.

Délibéré après l'audience du 6 avril 2023, à laquelle siégeaient :

M. Pourny, président de chambre,

M. Stillmunkes, président assesseur,

Mme Bentéjac, première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 mai 2023.

Le rapporteur,

H. StillmunkesLe président,

F. Pourny

La greffière,

F. Abdillah

La République mande et ordonne à la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 21LY01454


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 21LY01454
Date de la décision : 04/05/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

30-01-03-05 Enseignement et recherche. - Questions générales. - Questions générales concernant les élèves. - Bourses.


Composition du Tribunal
Président : M. POURNY
Rapporteur ?: M. Henri STILLMUNKES
Rapporteur public ?: Mme COTTIER
Avocat(s) : DSC AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 14/05/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2023-05-04;21ly01454 ?
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