La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

20/04/2023 | FRANCE | N°22LY01289

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre, 20 avril 2023, 22LY01289


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La société U 10 Corp a demandé au tribunal administratif de Lyon de prononcer la décharge en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution sociale sur l'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2013, 2014 et 2015 pour un montant total de 562 753 euros, ainsi que des rappels de retenue à la source opérés au titre des années 2013, 2014 et 2015 pour un montant total de 623 808 euros.

Par un jugeme

nt n° 2005494 du 1er mars 2021, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La société U 10 Corp a demandé au tribunal administratif de Lyon de prononcer la décharge en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution sociale sur l'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2013, 2014 et 2015 pour un montant total de 562 753 euros, ainsi que des rappels de retenue à la source opérés au titre des années 2013, 2014 et 2015 pour un montant total de 623 808 euros.

Par un jugement n° 2005494 du 1er mars 2021, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire enregistrés le 29 avril 2022 et le 25 novembre 2022, la société U 10 Corp, représentée par Me Drouillot, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 1er mars 2021 ;

2°) de prononcer la décharge des impositions et pénalités susmentionnées et, le cas échéant, de condamner l'Etat au versement d'intérêts moratoires en application de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice et de le condamner aux entiers dépens, en application de l'article R. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- en fournissant la convention de prestations de service conclue avec la société Aero Star Asia Limited ainsi que les factures émises par cette société dans le cadre de leur relation contractuelle, elle doit être réputée établir la correction de l'inscription de ces charges en comptabilité ainsi que la valeur de ses justifications conformément à l'article 39-1 du code général des impôts ;

- les charges afférentes aux factures de la société Aero Star Asia Limited ne sont constitutives ni d'une libéralité ni d'un revenu distribué, mais bien du paiement d'une prestation réalisée au profit de la société U 10 Corp. Les retenues à la source sont donc dépourvues de tout fondement à raison de l'illégalité des rectifications d'assiette s'agissant des rémunérations versées à la société Aero Star Asia Limited ;

- l'ensemble des informations figurant sur les justificatifs qu'elle a fournis sont de nature à prouver l'existence réelle de la société Aero Star Asia Limited et la réalité des prestations rendues par cette dernière à la société U 10 Corp, qui ne peut donc être considérée comme ayant tenté de " masquer le caractère fictif des opérations considérées " pour l'application des majorations de 80 % pour manœuvres frauduleuses.

Par un mémoire enregistré le 24 octobre 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- le caractère déductible des sommes facturées par la société Aero Star Asia Limited n'est pas établi ;

- dès lors que l'administration a, à bon droit refusé le caractère déductible des charges en cause, la société U 10 Corp ne conteste pas utilement la retenue à la source ;

- l'existence de manœuvres frauduleuses est établie.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Dèche, présidente assesseure ;

- les conclusions de Mme Le Fapper, rapporteure publique ;

- les observations de Me Drouillot, avocat de la requérante ;

Considérant ce qui suit :

1. La société U 10 Corp qui exerce une activité de holding et d'administration d'entreprises, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er mars 2013 au 31 décembre 2015, à l'issue de laquelle l'administration, par des propositions de rectification des 21 décembre 2016 et 20 juillet 2017, lui a notifié, selon la procédure contradictoire, au titre des exercices clos en 2013, 2014 et 2015, des rehaussements de ses résultats soumis à l'impôt sur les sociétés, des rappels de contribution sociale sur l'impôt sur les sociétés, des rappels de retenue à la source ainsi que des pénalités pour manœuvres frauduleuses. La société U 10 Corp relève appel du jugement du 1er mars 2021 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces impositions et des pénalités dont elles ont été assorties.

Sur l'impôt sur les sociétés :

2. Aux termes du 1 l'article 39 du code général des impôts rendu applicable à l'impôt sur les sociétés par l'article 209 du même code : " Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant (...) notamment : 1° Les frais généraux de toute nature (...) "

3. Si, en vertu des règles gouvernant l'attribution de la charge de la preuve devant le juge administratif, applicables sauf loi contraire, il incombe, en principe, à chaque partie d'établir les faits qu'elle invoque au soutien de ses prétentions, les éléments de preuve qu'une partie est seule en mesure de détenir ne sauraient être réclamés qu'à celle-ci. Il appartient, dès lors, au contribuable, pour l'application des dispositions du 1 de l'article 39 du code général des impôts, de justifier tant du montant des charges qu'il entend déduire du bénéfice net défini à l'article 38 du code général des impôts que de la correction de leur inscription en comptabilité, c'est-à-dire du principe même de leur déductibilité. Le contribuable apporte cette justification par la production de tous éléments suffisamment précis portant sur la nature de la charge en cause, ainsi que sur l'existence et la valeur de la contrepartie qu'il en a retirée. Dans l'hypothèse où le contribuable s'acquitte de cette obligation, il incombe ensuite au service, s'il s'y croit fondé, d'apporter la preuve de ce que la charge en cause n'est pas déductible par nature, qu'elle est dépourvue de contrepartie, qu'elle a une contrepartie dépourvue d'intérêt pour le contribuable ou que la rémunération de cette contrepartie est excessive. En vertu de ces principes, lorsqu'une entreprise a déduit en charges une dépense réellement supportée, conformément à une facture régulière relative à un achat de prestations ou de biens dont la déductibilité par nature n'est pas contestée par l'administration, celle-ci peut demander à l'entreprise qu'elle lui fournisse tous éléments d'information en sa possession susceptibles de justifier la réalité et la valeur des prestations ou biens ainsi acquis. La seule circonstance que l'entreprise n'aurait pas suffisamment répondu à ces demandes d'explication ne saurait suffire à fonder en droit la réintégration de la dépense litigieuse, l'administration devant alors fournir devant le juge tous éléments de nature à étayer sa contestation du caractère déductible de la dépense. Le juge de l'impôt doit apprécier la valeur des explications qui lui sont respectivement fournies par le contribuable et par l'administration.

4. La société U 10 Corp a comptabilisé en charges pour chacun des exercices vérifiés un montant de 336 000 euros, relatives, selon elle, au règlement de prestations de services rendues par la société Aero Star Asia Limited, domiciliée à Hong-Kong, dans le cadre d'une convention signée le 18 mars 2013 qu'elle produit. Pour remettre en cause le caractère déductible de ces charges, l'administration a estimé que les factures produites qui restaient imprécises en particulier sur les prestations concernées, ne permettaient d'établir ni l'existence de la société Aero Star Asia Limited, ni la réalité des prestations. Alors que le ministre fait valoir que la société U 10 Corp n'a présenté aucun document attestant de la réalisation de prestations en rapport avec la mission " d'assistance en matière de développement commercial à l'international " prévue par la convention du 18 mars 2013, tels des comptes-rendus de réunions, courriers, rapports, supports techniques, contrats, ou propositions de contrats, documents marketing, plans de financement, la requérante se borne à produire des extraits de cette convention, une lettre de M. C... présenté comme l'animateur de la société Aero Star Asia Limited, des échanges de courriers électroniques entre M. A..., dirigeant de la société, des membres de son équipe commerciale et M. C... qui serait le représentant de la société Aero Star Asia Limited, ainsi que des justificatifs de déplacements concernant M. A... ou M. C... qui ne mentionnent pas leur objet. Si la requérante fait valoir que la convention du 18 mars 2013 mentionne " le concours apporté par la société Aero Star Asia Limited et Monsieur B... C... à la société U10 ", cette seule circonstance ne suffit pas à établir que M. C... aurait délivré les prestations litigieuses en qualité de mandataire de la société Aero Star Asia Limited. Par ailleurs, la circonstance que la requérante justifiait d'un intérêt indéniable à la réalisation des prestations litigieuses ne permet pas, à elle seule, d'établir que ces prestations ont été effectivement réalisées. Enfin, la requérante ne peut utilement faire valoir que le coût d'un service " grand export " composé au minimum d'un directeur commercial international, de deux commerciaux junior/chargés d'études et d'une assistante, aurait été parfaitement comparable, ni qu'il n'existerait aucune relation d'affaire entre elle et M. C..., l'administration n'ayant pas fondé les rectifications sur le caractère excessif de ces honoraires ou sur l'existence d'une telle relation d'affaire. Dans ces conditions, et alors, au surplus, que la requérante n'établit pas avec certitude, par les documents qu'elle produit, l'existence et la domiciliation de la société Aero Star Asia Limited aux Iles-Vierges Britanniques, c'est à bon droit que l'administration a réintégré à son bénéfice imposable, les sommes correspondant aux charges en litige.

Sur la retenue à la source :

5. Aux termes de l'article 111 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable au litige : " Sont notamment considérés comme revenus distribués : / (...) / c. Les rémunérations et avantages occultes / (...) " et aux termes du 2 de l'article 119 bis de ce code : " Les produits visés aux articles 108 à 117 bis donnent lieu à l 'application d'une retenue à la source dont le taux est fixé par l'article 187 lorsqu'ils bénéficient à des personnes qui n 'ont pas leur domicile fiscal ou leur siège en France (...) ".

6. En l'absence d'éléments justifiant la réalité des prestations qui auraient été effectuées par la société Aero Star Asia Limited, l'administration est fondée à considérer que les versements de sommes qui ont été opérés à destination de Honk-Kong par la société requérante, et qui ont été à bon droit réintégrés à son bénéfice imposable, devaient être regardés comme des revenus distribués à des personnes qui n'ont pas leur domicile fiscal ou leur siège en France au sens des dispositions précitées. Par suite, la requérante n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que l'administration a appliqué cette retenue aux sommes versées à la société Aero Star Asia Limited.

Sur les pénalités pour manœuvres frauduleuses :

7. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt (...) entraînent l'application d'une majoration de : (...) c. 80 % en cas de manœuvres frauduleuses (...) ". Il appartient à l'administration d'établir l'existence, de la part du contribuable, de démarches ou procédés destinés à l'égarer dans ses contrôles caractérisant des manœuvres frauduleuses.

8. L'administration fait valoir que la société U 10 Corp a inscrit en charges des sommes versées au titre de prestations dont elle savait qu'elles n'avaient pas été réalisées, qu'elle a déduites de son résultat imposable sur la base de factures émanant d'une société dont l'existence est douteuse alors qu'elle a présenté une convention et des factures qui semblaient d'apparence régulière. L'administration établit ainsi que la requérante a délibérément eu recours à des procédés destinés à égarer le service dans ses contrôles afin de minorer son résultat fiscal. Dans ces conditions, l'administration était fondée à assortir les redressements afférents aux sommes facturées par la société Aero Star Asia Limited des pénalités pour manœuvres frauduleuses.

9. Il résulte de ce qui précède que la société U 10 Corp n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Sur les intérêts moratoires :

10. Il n'existe aucun litige né et actuel entre le comptable et la requérante concernant les intérêts mentionnés à l'article L. 208 du livre des procédures fiscales. Dès lors, ces conclusions ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les frais liés à l'instance :

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat qui n'a pas, dans la présente instance, la qualité de partie perdante, verse à la société U 10 Corp la somme qu'elle demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. En l'absence de dépens, la demande présentée sur le fondement de l'article R. 761-1 du même code ne peut qu'être également rejetée.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la société U 10 Corp est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société U 10 Corp et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré après l'audience du 23 mars 2023 à laquelle siégeaient :

Mme Dèche, présidente,

Mme Vinet, présidente-assesseure,

Mme Rémy-Néris, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 avril 2023.

La présidente-rapporteure,

P. DècheLa présidente-assesseure,

C. Vinet

La greffière,

A.-C. Ponnelle

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 22LY01289

KC


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 22LY01289
Date de la décision : 20/04/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Fiscal

Analyses

19-04-02-01-04 Contributions et taxes. - Impôts sur les revenus et bénéfices. - Revenus et bénéfices imposables - règles particulières. - Bénéfices industriels et commerciaux. - Détermination du bénéfice net.


Composition du Tribunal
Président : Mme DECHE
Rapporteur ?: Mme Pascale DECHE
Rapporteur public ?: Mme LE FRAPPER
Avocat(s) : LEXCASE SOCIETE D'AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 07/05/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2023-04-20;22ly01289 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award